3ème Chambre Commerciale
ARRÊT N°588
N° RG 21/00266 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RH7P
M. [H] [E]
C/
S.A. BNP PARIBAS
S.E.L.A.S. [I] [R]
Société ACG SARL
Société SUBCLEUNAY SARL
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me DEMIDOFF
Me KERVIO
Me LAROQUE-BREZULIER
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 06 DECEMBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,
Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Julie ROUET, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 13 Octobre 2022 devant Madame Olivia JEORGER-LE GAC, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 06 Décembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [H] [E]
né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 11]
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représenté par Me Eric DEMIDOFF de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me Christophe BIDAN, Plaidant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉES :
S.A. BNP PARIBAS, immatriculée au RCS de PARIS sous le n°662 042 449, venant aux droits de la société BANQUE DE BRETAGNE, par suite d'une opération de fusion absorption en date du 31 mars 2011
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représentée par Me Vanessa KERVIO de la SELARL SELARL LEHUEDE (A.A) GUENNO-LE PARC CHEVALIER KERVIO, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VANNES
S.E.L.A.S. [I] [R] prise en la personne de Maitre [I] [R], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL ACG, de Monsieur [H] [E] et de la SARL SUBCLEUNAY, désignée à cette fonction par jugements des 22 juin 2016 et 23 janvier 2019
[Adresse 10]
[Localité 6]
Représentée par Me Frédéric LAROQUE-BREZULIER de la SCP BERNARD BREZULIER(A.A)-FRÉDÉRIC LAROQUE-BREZULIER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VANNES
ACG SARL immatriculée au RCS de VANNES sous le N° 424 819 068 prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 9]
[Localité 5]
Représentée par Me Eric DEMIDOFF de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Christophe BIDAN, Plaidant, avocat au barreau de RENNES
SUBCLEUNAY SARL immatriculée au RCS de RENNES sous le N° 801 663 238 prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 12]
[Localité 3]
Représentée par Me Eric DEMIDOFF de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Christophe BIDAN, Plaidant, avocat au barreau de RENNES
M. [H] [E] a été placé en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de Commerce de VANNES du 23 janvier 2019.
Ce même jugement a désigné Me [I] [R] en qualité de liquidateur de M. [H] [E], de la société ACG et de la société SUBCLEUNAY.
La BNP PARIBAS venant aux droits de la BANQUE DE BRETAGNE a déclaré une créance au passif de M. [E] [H] au titre du solde des sommes impayées au titre de trois prêts initialement consentis par la BANQUE DE BRETAGNE, de montants nominaux respectifs de 76 000 €, 320 000 € et de 150 000 €.
La BNP PARIBAS a déclaré également une créance concernant un prêt d'un montant nominal de 185 000 € consenti à la SCI ANTLEGUY dont M. [E] [H] s'est porté caution, ainsi que son épouse Mme [W] [E] née [K].
Les déclarations de créances étaient les suivantes:
- 5 557.94 € outre intérêts pour mémoire, à titre hypothécaire, et privilège de prêteur de deniers, pour un prêt n° 99025 d'un montant initial de 76 000 €, souscrit par acte authentique du 03 octobre 2003,
- 113.116,25 € outre intérêts pour mémoire, à titre hypothécaire, pour un prêt n°HABPC0500680 d'un montant initial de 150 000 €, souscrit par acte authentique du 30 juin 2005,
- 277. 082.15 € outre intérêts pour mémoire, à titre hypothécaire, pour un prêt n°HABPC99024 770 d'un montant initial de 320 000 € souscrit par acte authentique du 15 juillet 2004,
- 159. 443.25 € outre intérêts pour mémoire, à titre chirographaire, pour un engagement de caution envers la SCI ANTLEGUY au titre d'un prêt d'un montant initial de 185 000 €.
Ces déclarations de créances ont été contestées par M. [E] dans le cadre de la procédure de vérification du passif.
Par lettre en date du 21 août 2019, le liquidateur a fait connaître à la BNP PARIBAS l'existence de cette contestation pour la totalité des créances.
Par lettre du 3 septembre 2019, BNP PARIBAS a répondu à cette lettre de contestation et a indiqué maintenir ses déclarations de créances.
Par ordonnance réputée contradictoire du 06 janvier 2021, le juge commissaire du tribunal de commerce de Vannes a admis les créances de BNP PARIBAS pour des montants conformes à sa demande.
Par déclaration du 13 janvier 2021, M. [E] a fait appel de cette ordonnance.
Par conclusions du 22 mars 2021, puis du 26 septembre 2022, M. [E] a demandé que la Cour:
- infirme l'ordonnance déférée dans toutes ses dispositions ;
- fixe les créances de la société BNP PARIBAS en capital, plus intérêts, comme suit :
o Au titre du prêt [E] de 76 000 €: 0
o Au titre du prêt [E] de 320 000 €: 131 690,40 €
subsidiairement : 142 746.93 €
o Au titre du prêt [E] de 150 000 €: 82 725.00 €
o Au titre du prêt ANTLEGUY de 185 000 € : 17 245.78 €
- rejette les frais décomptés pour 100 € au titre du prêt de 76 000 €, pour 80 € au titre du prêt de 320 000 €, pour 121 € au titre du prêt de 150 000 €, de 104 € au titre du prêt de 185 000 €
- réduise le montant de la clause pénale représentée par l'indemnité SCRIVENER à la somme de 1 € par prêt ;
- condamne la BNP PARIBAS aux dépens de la présente instance.
Par conclusions du 15 juin 2021, la société BNP PARIBAS a demandé que la Cour:
- déboute M. [E], la SARL ACG et la SARL SUBCLEUNAY de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
- confirme l'ordonnance déférée,
- fixe les dépens comme de droit.
Par conclusions du 17 mai 2021, la SELAS [I] [R], représentée par Me [R] ès-qualités de liquidateur de M. [E], de la SARL ACG et de la SARL SUBCLEUNAY a conclu à la confirmation de l'ordonnance déférée.
La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée le 29 septembre 2022.
La société BNP PARIBAS a remis au greffe le 04 octobre 2022:
- des conclusions au fond,
- des conclusions d'incident demandant:
- que soient déclarées irrecevables les conclusions et pièces communiquées le 26 septembre 2022 par M. [E], la SARL ACG et la SARL SUBCLEUNAY,
- subsidiairement, que soit révoquée l'ordonnance de clôture et que ses conclusions au fond du 04 octobre 2022 soient déclarées recevables.
MOTIFS DE LA DECISION:
Sur la procédure d'appel:
En vertu des dispositions de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit en toutes circonstances faire observer le principe du contradictoire.
L'avis du greffe du 10 août 2022 indiquait aux parties que l'ordonnance de clôture serait prononcée le 29 septembre 2022 à 9 heures 30.
Alors que les dernières conclusions figurant au dossier dataient du 15 juin 2021, M. [E] a notifié à son adversaire et remis au greffe des conclusions le 26 septembre 2022 à 11 heures 55.
Ces conclusions contenaient de six à sept pages de développements nouveaux par rapport à ses conclusions antérieures, au surplus non signalés par un trait en marge pour permettre au conseil de la société BNP PARIBAS de les repérer rapidement.
Compte tenu de l'importance des développements, ces conclusions appelaient une réponse, qui à l'évidence ne pouvait être fournie dans le délai de deux jours et demi précédant la clôture, l'avocat de BNP PARIBAS devant prendre connaissance des moyens nouveaux, les évoquer avec son client et rédiger sa réponse.
Il s'en déduit que les conclusions du 26 septembre 2022 sont tardives en ce qu'elles n'ont pas été notifiées à son adversaire dans un délai utile.
Violant le principe du contradictoire, elles sont écartées des débats et la Cour statuera au visa des conclusions du 22 mars 2021 de M. [E], du 15 juin 2021 de la société BNP PARIBAS, et du 17 mai 2021 de la SELAS [R] ès-qualités.
Sur le litige:
Les prêts souscrits par M. [E]:
Les trois prêts souscrits par M. [E] ont fait l'objet d'une déchéance du terme en 2008, puis d'un protocole d'accord transactionnel du 27 octobre 2008.
M. [E] plaide que les paiements effectués postérieurement auraient dû s'imputer sur le capital conformément aux tableaux d'amortissement de chaque prêt, le montant des paiements lui étant demandé étant celui des échéances du prêt.
Il fait aussi valoir que le taux d'intérêt appliqué n'est pas conforme au taux contractuel s'agissant du prêt de 320.000 euros, et que sont demandés des frais et indemnités indus.
La première page du protocole contient une reconnaissance de dettes des époux [E] sur les décomptes présentés par chacun des trois prêts, avec un taux d'intérêt fixe remplaçant le taux d'intérêt variable prévu pour l'un d'entre eux.
Figurent également sur le décompte, pour chaque prêt: les frais bancaires consécutifs aux prélèvements impayés et pour les prêts de 150.000 euros et 320.000 euros les indemnités dites 'SCRIVENER' aujourd'hui contestées.
Les dettes y étaient mentionnées pour:
- 166.393,22 euros pour le prêt de 150.000 euros,
- 308.226,46 euros pour le prêt de 320.000 euros,
- 53.435,95 euros pour le prêt de 53.435,95 euros.
Il est précisé que les époux [E] se reconnaissent redevables de ces sommes, incluant donc frais et indemnités et mentionnant un taux d'intérêt fixe pour le prêt de 320.000 euros.
Par conséquent, ces montants ne peuvent être contestés.
S'agissant de l'imputation des paiements, l'examen du protocole d'accord permet de constater qu'il y est indiqué que 'liminairement, il convient de rappeler que la déchéance du terme prononcée pour les trois prêts ci-dessus référencés reste acquise à la Banque de Bretagne et que la présente convention n'a pas pour but de la remettre en cause'.
Cette simple phrase démontrait que les trois dettes étaient intégralement exigibles et que les époux [E] ne pouvaient se prévaloir des modalités contractuelles de remboursement du tableau d'amortissement.
D'autre part, la première obligation des époux [E], aux termes du protocole, rappelée en gras, était la mise en vente de la maison acquise avec le prêt de 150.000 euros, pour lequel la banque bénéficiait d'un privilège de prêteur de deniers, et l'apurement de ce prêt avec le produit de la vente et le remboursement partiel du prêt de 320.000 euros avec le solde.
Il était ensuite prévu le règlement des échéances en retard puis, pour les trois prêts, des versements dont les montants équivalaient aux anciennes mensualités contractuelles.
En contrepartie, la BANQUE DE BRETAGNE acceptait de surseoir à toutes actions judiciaires contre les époux [E].
Contrairement à ce qu'indique M. [E], une telle contrepartie était réelle, d'autant que les trois prêts ayant été souscrits par acte authentique, la BANQUE de BRETAGNE disposait de trois titres exécutoires permettant la mise en oeuvre immédiate de mesures d'exécution.
Le protocole n'a pas été respecté, et notamment dans sa première condition, qui était la vente de la maison et qui aurait dû permettre l'apurement total d'une des créances et l'apurement partiel de l'autre, réglant ainsi pour partie la question de l'imputation des paiements.
Les paiements ont été imputés conformément aux dispositions des articles 1253 et suivants anciens du code civil, ce que la déchéance du terme et le protocole permettaient à la banque. Ils ont de surcroît été irréguliers.
La banque justifie de tous les paiements et de leur imputation.
Les contestations de M. [E] sont infondées et l'ordonnance du juge commissaire est confirmée pour les trois créances.
Le cautionnement donné par M. [E]:
Le cautionnement a été donné par acte authentique du 29 décembre 2006, pour un montant maximal de 240.500 euros.
La déchéance du terme du prêt cautionné a été prononcée le 27 avril 2008 et M. [E] en a été avisé.
Les lettres d'information annuelles postérieures ont été adressées par courrier recommandé et sont versées aux débats.
Il n'est pas justifié d'un accord transactionnel pour le règlement de la dette du débiteur principal, la pièce numéro 18, émanant de la banque, étant une simple invitation à engager des pourparlers;
Au demeurant, les décomptes versés aux débats démontrent que les paiements ont été irréguliers, expliquant ainsi l'accumulation des intérêts de retard.
L'imputation des paiements conformément aux règles du code civil était justifiée par la date de déchéance du terme et aucun paiement n'a été imputé sur une cotisation d'assurance.
Enfin, la perception de 104 euros de frais était justifiée par les dispositions de l'acte authentique de prêt à l'article 'frais et droits divers à la charge de l'emprunteur', s'agissant d'un prêt de nature professionnelle.
L'ordonnance est confirmée de ce chef.
Sur les frais et dépens:
Les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de procédure.
PAR CES MOTIFS:
La Cour,
Ecarte des débats les conclusions du 26 septembre 2022 de M. [E].
Statuant au visa des conclusions du 22 mars 2021 de M. [E], du 15 juin 2021 de la société BNP PARIBAS, du 17 mai 2021 de la SELAS [R] ès-qualités de liquidateur judiciaire de M. [E], de la SARL ACG et de la SARL SUBCLEUNAY,
Confirme l'ordonnance déférée.
Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure de liquidation judiciaire de M. [E].
LE GREFFIER LE PRESIDENT