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06/12/2022 | FRANCE | N°20/03456

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 06 décembre 2022, 20/03456


1ère Chambre





ARRÊT N°397/2022



N° RG 20/03456 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QZRW













M. [H] [S]

Mme [L] [S]

M. [N] [D]

Mme [Z] [D]

M. [M] [B]

Mme [W] [B]



C/



[Localité 3] ENVIRONNEMENT ASSOCIATION

SAUVEGARDE DU TREGOR ASSOCIATION

FAPEL 22 ASSOCIATION

























Copie exécutoire délivrée



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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 06 DÉCEMBRE 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,

Assesseu...

1ère Chambre

ARRÊT N°397/2022

N° RG 20/03456 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QZRW

M. [H] [S]

Mme [L] [S]

M. [N] [D]

Mme [Z] [D]

M. [M] [B]

Mme [W] [B]

C/

[Localité 3] ENVIRONNEMENT ASSOCIATION

SAUVEGARDE DU TREGOR ASSOCIATION

FAPEL 22 ASSOCIATION

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 06 DÉCEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère entendue en son rapport,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 20 septembre 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 06 décembre 2022 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré annoncé au 15 novembre 2022 à l'issue des débats

****

APPELANTS :

Monsieur [H] [S]

né le 27 Janvier 1971 à [Localité 16] (35)

[Adresse 8]

[Localité 10]

Représenté par Me Jérôme BOUQUET-ELKAIM, avocat au barreau de RENNES

Madame [L] [S]

née le 10 Avril 1971 à [Localité 14] (75)

[Adresse 8]

[Localité 10]

Représentée par Me Jérôme BOUQUET-ELKAIM, avocat au barreau de RENNES

Monsieur [N] [D]

né le 06 Mai 1975 à [Localité 12] (93)

[Adresse 1]

[Localité 16]

Représenté par Me Jérôme BOUQUET-ELKAIM, avocat au barreau de RENNES

Madame [Z] [D]

née le 29 Novembre 1974 à [Localité 18] (56)

[Adresse 1]

[Localité 16]

Représentée par Me Jérôme BOUQUET-ELKAIM, avocat au barreau de RENNES

Monsieur [M] [B]

né le 15 Juillet 1975 à [Localité 11] (92)

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représenté par Me Jérôme BOUQUET-ELKAIM, avocat au barreau de RENNES

Madame [W] [B]

née le 30 Octobre 1977 à [Localité 18] (56)

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représentée par Me Jérôme BOUQUET-ELKAIM, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉES :

[Localité 3] ENVIRONNEMENT ASSOCIATION, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 15]

[Localité 3]

Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Marine FIANNACCA, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

SAUVEGARDE DU TRÉGOR ASSOCIATION, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 17]

[Localité 3]

Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Marine FIANNACCA, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

FAPEL 22 ASSOCIATION, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 9]

[Localité 4]

Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Marine FIANNACCA, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [H] [S], Mme [W] [S] épouse [B] et Mme [Z] [S] épouse [D] sont propriétaires par donation d'une parcelle cadastrée n° [Cadastre 2] anciennement C n° [Cadastre 7], sise sur la commune de [Localité 3] et présentant une superficie de 815 m².

Les époux [S], les époux [B] et les époux [D] ont déposé, en date du 7 février 2011, une demande de permis de construire afin d'édifier sur cette parcelle une maison d'habitation à usage de résidence secondaire.

Par un arrêté du 2 août 2011, le maire de [Localité 3] a délivré le permis de construire sollicité.

Suivant requête enregistrée le 14 janvier 2012, l'association [Localité 3] Environnement a poursuivi l'annulation du permis de construire accordé devant le tribunal administratif de Rennes.

Considérant que le projet de construction se situait dans la bande littorale de 100 mètres à compter de la limite haute du rivage comprenant des constructions implantées de façon éparse qui ne peuvent être qualifiées ni de village, ni d'agglomération, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé le permis de construire par un arrêt du 15 janvier 2016, confirmant le jugement rendu le 14 mars 2014 par le tribunal administratif de Rennes.

Cet arrêt est devenu définitif le 16 mars 2016, n'ayant pas fait l'objet d'un pourvoi en cassation.

En dépit de la procédure administrative initiée, les travaux ont été poursuivis et la maison est achevée depuis octobre 2012.

Par actes en date des 10, 11 et 12 janvier 2018 l'association [Localité 3] Environnement, l'association Sauvegarde du Trégor, et la Fédération des associations de protection de l'environnement rural et du littoral dite F.A.P.E.L. 22 ont attrait M. [H] [S], M. [M] [B] et Mme [W] [S] [B], M. [N] [D] et Mme [Z] [S] [D] devant le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc afin, notamment, que soit ordonnée la démolition de la construction en cause.

Par acte en date du 13 août 2018, ces mêmes associations ont appelé en intervention à l'instance Mme [L] [Y] épouse de M. [H] [S].

Par un jugement en date du 27 février 2020, le tribunal judiciaire de Saint-Brieuc a :

-Déclaré M. [H] [S], M. [M] [B], Mme [W] [S] [B], M. [N] [D] et Mme [Z] [S] [D] mal fondés en leurs fins de non-recevoir et les en a déboutés ;

-Déclaré l'association [Localité 3] Environnement, l'association Sauvegarde du Trégor, et la Fédération des associations de protection de l'environnement rural et du littoral dite F.A.P.E.L. 22. recevables en leur action ;

-Dit n'y avoir lieu de statuer sur la demande de communication de l'acte de propriété du terrain litigieux sis [Adresse 13] ;

-Ordonné la démolition ou le démontage de la maison d'habitation sise [Adresse 13] par M. [H] [S], Mme [L] [Y] épouse [S], M. [M] [B], Mme [W] [S] [B], M. [N] [D] et Mme [Z] [S] [D], ainsi que la remise en état du site tel qu'il était avant les travaux de construction ;

-Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte ni à assortir de l'exécution provisoire le présent jugement ;

-Condamné in solidum M. [H] [S], Mme [L] [Y] épouse [S], M. [M] [B], Mme [W] [S] [B], M. [N] [D] et Mme [Z] [S] [D] aux dépens lesquels pourront être recouvrés par maître Sandra Pellen, avocat à Rennes, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

-Condamné in solidum M. [H] [S], Mme [L] [Y] épouse [S], M. [M] [B], Mme [W] [S] [B], M. [N] [D] et Mme [Z] [S] [D] à payer à l'association [Localité 3] Environnement, à l'association Sauvegarde du Trégor, et à la Fédération des associations de protection de l'environnement rural et du littoral dite F.A.P.E.L. 22., à chacune, la somme de 1.500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Débouté les parties de toutes leurs autres demandes.

Suivant déclaration du 30 juillet 2020, M. [H] [S], Mme [L] [Y] épouse [S], M. [N] [D], Mme [Z] [S] épouse [D], M. [M] [B] et Mme [W] [S] épouse [B] ont relevé appel du jugement « ayant ordonné la démolition de la construction des appelants ».

Aux termes de leurs dernières conclusions, transmises le 7 juillet 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens et prétentions, les consorts [O]-[B] demandent à la cour, au visa des articles L.480-13 et L.480-14 du code de l'urbanisme, de :

-recevoir leur appel ;

-infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Saint-Brieuc du 27 février 2020 ;

A titre principal :

-déclarer irrecevable l'action des associations [Localité 3] Environnement, F.A.P.E.L 22 et Sauvegarde du Trégor pour défaut d'intérêt à agir en l'absence d'atteinte à l'environnement causée par la construction et le préjudice moral résultant éventuellement par ailleurs de l'illégalité du permis de construire relevant de la responsabilité administrative de la commune ;

-dire l'action entreprise prescrite à l'endroit de Mme [L] [S] ;

À titre subsidiaire :

-réformer le jugement en date du 27 février 2020 en ce qu'il a fait droit à la demande de démolition et ce en l'absence de préjudice dûment justifié par les associations ;

A titre infiniment subsidiaire :

-débouter les associations [Localité 3] Environnement, F.A.P.E.L 22 et Sauvegarde du Trégor de l'intégralité de leurs demandes fins et conclusions ;

-condamner solidairement les associations [Localité 3] Environnement, F.A.P.E.L 22, et Sauvegarde du Trégor à payer à M. [S], M. et Mme [D], M. et Mme [B] une somme de 3 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Aux termes de leurs dernières conclusions, transmises le 16 août 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens et prétentions, l'association [Localité 3] Environnement, l'association de Sauvegarde du Trégor, l'association F.A.P.E.L 22 demandent à la cour, au visa des articles L.480-13 du code de l'urbanisme, 1240 du code civil et 21 et 32 du code de procédure civile, de :

-Dire et juger les associations [Localité 3] Environnement, Sauvegarde du Trégor et F.A.P.E.L 22 recevables et bien fondées en leurs demandes, fins et conclusions,

A titre principal,

-Constater l'absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel de M. [H] [S], Mme [L] [Y] épouse [S], M. [M] [B], Mme [W] [S] épouse [B], [N] [D] et Mme [Z] [S] épouse [D] effectuée par leur conseil par déclaration au greffe le 30 juillet 2020,

-Débouter M. [H] [S], Mme [L] [Y] épouse [S], M. [M] [B], Mme [W] [S] épouse [B], [N] [D] et Mme [Z] [S] épouse [D] de l'ensemble de leurs demandes,

A titre subsidiaire,

-Débouter M. [H] [S], Mme [L] [Y] épouse [S], M. [M] [B], Mme [W] [S] épouse [B], [N] [D] et Mme [Z] [S] épouse [D] de l'ensemble de leurs demandes,

-Confirmer le jugement du tribunal judiciaire du 27 février 2020 en toutes ses dispositions,

En tout état de cause,

-Condamner solidairement M. [H] [S], Mme [L] [Y] épouse [S] M. [M] [B], Mme [W] [B], M. [N] [D] et Mme [Z] [D] à verser aux associations [Localité 3] Environnement, Sauvegarde du Trégor et F.A.P.E.L 22 la somme de 2.500 euros chacune au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Marine Fiannacca , avocat au barreau de Paris, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA COUR

1°/ Sur l'effet dévolutif de l'appel

L'article 562 du Code de procédure civile dispose que : « L'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. »

Il ressort de l'article 901 du même code que : « La déclaration d'appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par l'article 57, et à peine de nullité : 1° La constitution de l'avocat de l'appelant ; 2° L'indication de la décision attaquée ; 3° L'indication de la cour devant laquelle l'appel est porté ; 4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. Elle est signée par l'avocat constitué. Elle est accompagnée d'une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d'inscription au rôle. »

Il est admis que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs du jugement critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas ( Cass civ 2ème, 30 janvier 2020, n°18-22.528 et civ 2ème 19 mai 2022, n°21-10.685).

En l'espèce, la déclaration d'appel sous forme de fichier PDF adressée au greffe se borne à indiquer qu'il « est fait appel dudit jugement dans toutes ses dispositions », sans détailler les chefs du jugement critiqués.

La déclaration d'appel a par ailleurs été adressée par fichier au format XML, lequel indique comme objet/portée de l'appel : «demande de réformation du jugement ayant ordonné la démolition de la construction des appelants».

En application de l'article 3 de l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique tel que modifié par l'article 1er de l'arrêté du 25 février 2022 : « le message de données relatif à l'envoi d'un acte de procédure remis par la voie électronique est constitué d'un fichier au format XML destiné à faire l'objet d'un traitement automatisé par une application informatique du destinataire.

Lorsque ce fichier est une déclaration d'appel, il comprend obligatoirement les mentions des alinéas 1 à 4 de l'article 901 du code de procédure civile. En cas de contradiction, ces mentions prévalent sur celles mentionnées dans le document fichier au format PDF visé à l'article 4 ».

Il en résulte que les mentions du fichier XML doivent primer sur celles du fichier adressé au greffe au format PDF.

L'avis de déclaration d'appel adressé par le greffe a d'ailleurs reproduit la mention du fichier XML, de sorte que les associations intimées ont été informées que l'appel portait sur la disposition du jugement ayant ordonné la démolition de la construction.

L'effet dévolutif de l'appel a donc indéniablement joué s'agissant de ce chef du jugement.

C'est en revanche à tort que les appelants tentent d'exciper de l'indivisibilité du litige pour déférer à la cour les autres chefs du jugement, non mentionnés dans la déclaration d'appel.

En l'occurrence, il ne saurait être soutenu que le litige est indivisible sous prétexte que le tribunal a retenu l'indivisibilité de l'obligation pour statuer sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription.

En tout état de cause, la cour de cassation a jugé que : « si l'appelant n'est pas tenu de mentionner dans la déclaration d'appel un ou plusieurs des chefs de dispositif du jugement qu'il critique lorsqu'il entend se prévaloir de l'indivisibilité de l'objet du litige, il n'en doit pas moins se référer, dans la déclaration, à cette indivisibilité » ( Cass civ 2ème 9 juin 2022, 21-11.401).

Tel n'est pas le cas en l'espèce, de sorte que l'effet dévolutif ne pouvait opérer pour le tout.

Il s'ensuit qu'aux termes de la déclaration d'appel, la cour n'est saisie d'aucune demande de réformation du jugement en ce qu'il a :

- Déclaré M. [H] [S], M. [M] [B], Mme [W] [S] [B], M. [N] [D] et Mme [Z] [S] [D] mal fondés en leurs fins de non-recevoir et les en a déboutés ;

- Déclaré l'association [Localité 3] Environnement, l'association Sauvegarde du Trégor, et la Fédération des associations de protection de l'environnement rural et du littoral dite F.A.P.E.L. 22 recevables en leur action ;

- Condamné in solidum M. [H] [S], Mme [L] [Y] épouse [S], M. [M] [B], Mme [W] [S] [B], M. [N] [D] et Mme [Z] [S] [D] aux dépens et à payer à l'association [Localité 3] Environnement, à l'association Sauvegarde du Trégor, et à la Fédération des associations de protection de l'environnement rural et du littoral dite F.A.P.E.L. 22, la somme de 1.500 € chacune par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conséquent, il ne sera pas statué sur les fins de non-recevoir tirées du défaut d'intérêt à agir et de la prescription, soulevées à nouveau par les consorts [O]-[B].

Par ailleurs, les appelants soutiennent à tort que le tribunal aurait omis de statuer sur la fin de non- recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir en l'absence de justification d'un préjudice portant atteinte à leur statut.

La cour observe que le tribunal a bien examiné cette demande et y a répondu en rejetant la fin de non-recevoir après avoir retenu que « la seule violation de l'inconstructibilité des lieux, en ce qu'elle porte atteinte à la vocation et à la mission dont celles-ci sont investies, leur cause un préjudice personnel direct. »

Il s'avère d'ailleurs à la lecture des conclusions des appelants, que c'est moins une omission de statuer qu'un défaut de motivation qui est reproché au jugement puisqu'en page 6 de leurs écritures, les consorts [O]-[B] indiquent que les premiers juges « n'ont pas étayé leur décision s'agissant de la question de l'intérêt à agir ».

En tout état de cause, la cour n'est saisie, aux termes du dispositif des conclusions, d'aucune demande en omission de statuer,

2°/ Sur la demande en démolition de la maison

Il est admis que l'action en responsabilité civile tendant à la démolition d'une construction édifiée conformément à un permis de construire annulé, pour violation des règles d'urbanisme, ne peut être engagée que sur le fondement de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme, à l'exclusion des règles de la responsabilité délictuelle de droit commun ( Cass civ 1ère 21 mars 2019, n°18-13.288).

En application du 1° de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige, une personne ayant subi un préjudice causé par une construction édifiée conformément à un permis de construire ne peut obtenir du juge judiciaire qu'il ordonne au propriétaire de la démolir, que si trois conditions sont réunies.

Premièrement, le propriétaire doit avoir méconnu une règle d'urbanisme ou une servitude d'utilité publique.

Deuxièmement, le permis de construire doit avoir été annulé pour excès de pouvoir par une décision du juge administratif, devenue définitive depuis moins de deux ans.

Troisièmement, la construction contestée doit être située dans l'une des quinze catégories de zones énumérées définies par cet article comme nécessitant une protection particulière.

Au nombre de ces zones se trouve : « d) La bande littorale de cent mètres mentionnée aux articles L. 121-16, L. 121-17 et L. 121-19 ».

Par ailleurs, aux termes d'une jurisprudence constante, l'action en démolition engagée par un tiers pour violation des règles d'urbanisme suppose de démontrer l'existence d'un préjudice personnel et d'un lien de causalité directe avec la violation de la règle d'urbanisme incriminée. (Cass civ 3ème, 11 juillet 2019, n°18-18.803)

L'existence d'un préjudice personnel directement causé par la violation d'une règle d'urbanisme relève de l'appréciation souveraine de la cour.

En l'espèce, il n'est pas contesté que la maison litigieuse a été édifiée conformément au permis de construire, ultérieurement annulé.

L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 15 janvier 2016 a confirmé le jugement du tribunal administratif de Rennes du 14 mars 2014 en ce qu'il avait considéré que le permis de construire accordé le 2 août 2011 contrevenait aux dispositions de l'article L.146-4 du code de l'urbanisme, devenu l'article L;121-16 du même code. Cette décision est devenue définitive.

Il résulte des dispositions de l'article L.146-4 I du code de l'urbanisme que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions mais, qu'en revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages.

Par ailleurs, il résulte des dispositions du III de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme qu'en dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage.

En l'occurrence, les juridictions administratives ont jugé que le projet de construction était situé dans une zone d'urbanisation diffuse où les constructions sont éparses et éloignées de toute agglomération ou village. La parcelle étant par ailleurs implantée dans la bande littorale des 100 mètres, toute construction était interdite.

Les conditions énoncées à l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme sont donc réunies en l'espèce, en ce que :

- le permis de construire accordé le 2 août 2011 a bien été annulé pour excès de pouvoir, par la juridiction administrative, en l'occurrence, la délivrance d'un permis de construire en violation de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme,

- la construction litigieuse a été édifiée dans l'une des zones déterminées par la loi, à savoir la bande littorale des 100 mètres,

- le délai de deux ans pour introduire la demande en démolition devant le juge judiciaire après que la décision administrative soit devenue définitive a bien été respecté, dans la mesure où il n'est pas contesté que l'arrêt de la cour d'appel de Nantes en date du 15 janvier 2016 est devenu définitif à compter du 16 mars 2016 et que l'action a été introduite à l'encontre de M. [H] [S], des époux [B] et des époux [D] par assignations des 10, 11 et 12 janvier 2018, soit avant l'expiration du délai de prescription. Par ailleurs, comme l'a jugé le tribunal, en application de l'article 2245 du code civil, le délai de prescription a été interrompu à l'égard de Mme [L] [Y] épouse [S], assignée en août 2018, de sorte qu'aucune prescription n'est encourue.

Par ailleurs, c'est à tort que les consorts [O]-[B] reprochent au jugement d'avoir ordonné la démolition de leur maison en application de l'article L.480-13 précité, sans avoir caractérisé le préjudice effectif que la construction devenue illégale aurait personnellement et directement causé aux associations, indépendamment de la seule violation de la loi littoral par le permis de construire.

Tout aussi vainement, les appelants soutiennent que cette maison, construite sur pilotis avec des matériaux naturels serait dépourvue de tout impact paysager ou écologique et qu'en l'absence d'atteinte environnementale objective portée au site, les associations de défense ne peuvent se prévaloir d'aucun préjudice.

En effet, la cour de cassation admet qu'une association peut agir en justice au nom d'intérêts collectifs, dès lors que ceux-ci entrent dans son objet social. S'agissant du préjudice causé à une association de défense de l'environnement par la violation d'une règle d'urbanisme, il a été jugé que la violation de l'inconstructibilité des lieux qui portait atteinte à la vocation et à l'activité, au plan départemental, de l'association, conforme à son objet social et à son agrément, causait à celle-ci un préjudice personnel direct en relation avec la violation de la règle d'urbanisme. (Cass civ 3ème, 26 septembre 2007, n°04-20.636 ; civ 3ème 7 novembre 2019, n°18-17.748)

Il en résulte que la violation de la règle d'urbanisme cause un préjudice personnel et direct à l'association quand l'atteinte est étroitement liée à sa vocation et à son activité au plan départemental.

En l'espèce, les statuts de l'association [Localité 3] Environnement en date du 13 août 2009 stipulent en leur article 1er que: « L'association [Localité 3] Environnement a pour objet la protection du patrimoine naturel et culturel de la commune de [Localité 3], des communes voisines et en particulier les communes de la communauté dont [Localité 3] fait partie.

Elle assure également sur ce même territoire la protection de l'environnement et plus particulièrement la lutte contre toute nuisance, pollution ou autre atteinte à la qualité de vie de ses habitants notamment en matière d'urbanisme et d'aménagement du territoire ... »

Les statuts de l'association Sauvegarde du Trégor en date du 12 décembre 2012 stipulent en leur article 2 : « Cette association a pour objet la défense des patrimoines naturel, paysager et culturel,la protection des ressources naturelles et la préservation de leur qualité, la préservation du cadre de vie des habitants du Trégor. A ce titre, elle agit dans le domaine de l'environnement, pour un aménagement harmonieux et équilibré du territoire et de l'urbanisme. Elle veille à la protection de la biodiversité et à la préservation des espaces naturels, notamment les zones humides, qu'ils soient terrestres, littoraux ou marins. Elle incite et participe à la lutte contre toutes formes de pollutions et nuisances de l'eau, de l'air, des sols et sous-sols, pollutions et nuisances y compris visuelles et sonores. Elle défend une approche économe des espaces naturels, agricoles ou forestiers visant à maintenir une harmonie paysagère et architecturale, dans tous les outils et processus de développement, d'aménagement ou d'urbanisme. Elle veille au respect des conventions internationales, à l'application des règlements communautaires et nationaux et à la qualité environnementale des procédures contractuelles de la compétence de l'Etat ou des collectivités territoriales et locales. Elle fédère des associations et incite à la création d'associations 'uvrant dans ce but. Elle assure la protection et la défense de ses membres. »

Les statuts de la fédération des associations de protection de l'environnement rural et du littoral dite F.A.P.E.L. 22 en date du 17 janvier 2010 stipulent en leur article 2 sous le titre: « Objet et Buts » :« La F.A.P.E.L 22 a pour objet la défense et la protection de l'environnement tant territoriale que maritime, la qualité de vie, les sites et paysages, la qualité de l'air, les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres biologiques ainsi que le développement harmonieux entre les zones urbaines et rurales au travers d'une urbanisation respectueuse des lois et règlements en vigueur. Pour ce faire, elle applique les principes suivants : ' Principe de précaution. ' Principe d'action préventive et de correction des atteintes à l'environnement ' Principe du pollueur/payeur. ' Principe de participation avec l'accès aux informations ' Principe de sauvegarde générale des espaces naturels, sensibles, ainsi que des sentiers, des chemins littoraux ou non. La F.A.P.E.L. 22 poursuit dans l'intérêt général l'application de l'article L.110-1 du code de l'environnement. Afin de veiller à l'application de ces objectifs, un représentant du bureau de la F.A.P.E.L. 22 pourra ester en justice après avis du bureau. La F.A.P.E.L. 22 considère que la protection du patrimoine bâti des Côtes d'Armor est de vitale importance elle se fixe donc pour objectif la défense de ce patrimoine au même titre que celui naturel, littoral ou maritime. »

Au vu des statuts, la construction litigieuse porte indéniablement atteinte à la vocation et à l'activité des associations intimées, lesquelles sont particulièrement engagées à l'échelle locale dans la défense d'une urbanisation respectueuse des lois et règlements, d'un aménagement du territoire préservant les espaces naturels et plus largement dans la protection de l'environnement littoral et maritime.

En l'occurence, il n'est pas contesté que la partie maritime de la Lieue de Grève est un espace remarquable, la baie abritant notamment le site classé du Grand-Rocher.

Il importe peu que la maison litigieuse présente des qualité esthétiques ou environnementales (en étant notamment construite avec des matériaux naturels, sur pilotis, selon des principes bioclimatiques) dès lors qu'elle a été réalisée en méconnaissance des règles d'urbanisme précitées, dans un secteur remarquable et protégé au sein duquel l'urbanisation est limitée, compte tenu de l'impact que porte nécessairement chaque nouvelle construction à l'environnement en terme de pollution visuelle, sonore et d'atteinte à la biodiversité, par la réduction des espaces naturels.

A cet égard, il ne peut être considéré, au prétexte que la zone est déjà bâtie, que la construction de l'une des dernières parcelles vierges du bord de mer n'aurait aucun impact paysager ni écologique sur le site.

En définitive, compte-tenu de la vocation des associations intimées et de leur activité liée à la protection de l'environnement qui s'exercent respectivement à l'échelle de la commune de [Localité 3], du Trégor et du département, la cour estime que la construction litigieuse sur la bande littorale des 100 mètres en violation de l'inconstructibilité des lieux, cause un préjudice personnel et direct aux associations intimées, au regard de leur objet social et des intérêts qu'elles défendent.

Les associations intimées étaient par conséquent bien fondées à solliciter la démolition de cette résidence secondaire, dont la construction a été poursuivie par les consorts [O]-[B] en dépit du recours contentieux engagé par l'association [Localité 3] Environnement, la démolition étant le seul moyen de réparer le préjudice subi.

Il doit enfin être souligné que le caractère disproportionné de la mesure de démolition, au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, bien que non allégué, ne pourrait en tout état de cause pas être retenu en l'espèce, en ce que la construction litigieuse ne présente aucun intérêt architectural ni historique et que cette propriété ne constitue pas le domicile des appelants mais leur résidence de vacances.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a ordonné la démolition ou le démontage de la maison d'habitation sise [Adresse 13] par M. [H] [S], Mme [L] [Y] épouse [S], M. [M] [B], Mme [W] [S] épouse [B], M. [N] [D] et Mme [Z] [S] épouse [D], ainsi que la remise en état du site tel qu'il existait avant les travaux de construction.

La cour décide d'assortir sa décision d'une astreinte provisoire de 2 000 euros par mois de retard, qui commencera à courir à l'issue d'un délai de 12 mois à compter de la signification du présent arrêt, pendant un délai de 8 mois à l'issue duquel il pourra être à nouveau statué par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Saint-Brieuc.

3°/ Sur les frais irrépétibles et les dépens

M. [H] [S], Mme [L] [Y] épouse [S], M. [M] [B], Mme [W] [S] épouse [B], M. [N] [D] et Mme [Z] [S] épouse [D] qui succombent en appel seront condamnés in solidum aux dépens d'appel.

Ils seront par conséquent déboutés de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'est pas inéquitable de les condamner in solidum à payer aux associations [Localité 3] Environnement, Sauvegarde du Trégor et F.A.P.E.L 22 la somme de 2.000 euros, à chacune, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant dans les limites de l'appel,

Confirme le jugement rendu le 27 février 2020 par le tribunal judiciaire de Saint-Brieuc en ce qu'il a ordonné la démolition ou le démontage de la maison d'habitation sise [Adresse 13] par M. [H] [S], Mme [L] [Y] épouse [S], M. [M] [B], Mme [W] [S] épouse [B], M. [N] [D] et Mme [Z] [S] épouse [D], ainsi que la remise en état du site tel qu'il existait avant les travaux de construction.

Y ajoutant :

Dit que passé un délai de 12 mois à compter de la signification de l'arrêt, faute pour M. [H] [S], Mme [L] [Y] épouse [S], M. [M] [B], Mme [W] [S] épouse [B], M. [N] [D] et Mme [Z] [S] épouse [D] d'avoir procédé à la démolition ou au démontage de la maison, une astreinte provisoire de 2000 euros par mois de retard commencera à courir, pendant un délai de 8 mois à l'issue duquel, il pourra être à nouveau statué par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Saint-Brieuc ;

Déboute M. [H] [S], Mme [L] [Y] épouse [S], M. [M] [B], Mme [W] [S] épouse [B], M. [N] [D] et Mme [Z] [S] épouse [D] de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum M. [H] [S], Mme [L] [Y] épouse [S], M. [M] [B], Mme [W] [S] épouse [B], M. [N] [D] et Mme [Z] [S] épouse [D] à payer aux associations [Localité 3] Environnement, Sauvegarde du Trégor et F.A.P.E.L 22 la somme de 2.000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum M. [H] [S], Mme [L] [Y] épouse [S], M. [M] [B], Mme [W] [S] épouse [B], M. [N] [D] et Mme [Z] [S] épouse [D] aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20/03456
Date de la décision : 06/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-06;20.03456 ?
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