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01/12/2022 | FRANCE | N°19/06824

France | France, Cour d'appel de Rennes, 7ème ch prud'homale, 01 décembre 2022, 19/06824


7ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°514/2022



N° RG 19/06824 - N° Portalis DBVL-V-B7D-QFTW













OGA DE CORNOUAILLE ET D'ARMOR



C/



Mme [L] [F]























Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 01 DECEMBRE 2022





COMPOSITION D

E LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,



GREFFIER :



Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé



DÉBATS :



A l'audience...

7ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°514/2022

N° RG 19/06824 - N° Portalis DBVL-V-B7D-QFTW

OGA DE CORNOUAILLE ET D'ARMOR

C/

Mme [L] [F]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 01 DECEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 18 Octobre 2022 devant Monsieur Hervé BALLEREAU, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

En présence de Monsieur [Y] [D], médiateur judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 01 Décembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

OGA DE CORNOUAILLE ET D'ARMOR

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Olivier GUILLAS de la SELARL AD LEGIS, Plaidant, avocat au barreau de RENNES substitué par Me Mathilde COMMON, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

Madame [L] [F]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Anne CALVAR, Plaidant, avocat au barreau de QUIMPER

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [L] [F] a été embauchée par l'Association Organisme de Gestion Agrée (OGA) de Cornouaille selon un contrat à durée déterminée en date du 26 décembre 1983. À compter du 27 juin 1984, la relation de travail s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée.

Mme [F] exerçait les fonctions de secrétaire sténodactylo.

Le 04 décembre 2003, les parties ont régularisé un avenant au contrat de travail avec effet rétroactif au 1er décembre 2001, prévoyant un aménagement et une réduction du temps de travail. La salariée percevait une rémunération mensuelle brute de 1 696,70 euros pour un horaire mensuel de 120,56 heures.

Par acte en date des 25 et 26 septembre 2017, l'OGA de Cornouaille et l'OGA des Côtes d'Armor ont conclu un accord de fusion-absorption au terme duquel le premier centre était absorbé par le second, formant ainsi l'Organisme de Gestion Agréé de Cornouaille et d'Armor.

L'accord prévoyait le transfert automatique des contrats de travail ainsi que la dissolution de plein droit de l'OGA de Cornouaille du fait de la fusion.

Le 08 décembre 2017, le président de l'OGA de Cornouaille et d'Armor convoquait Mme [F] à un entretien préalable au licenciement fixé au 18 décembre suivant.

Par courrier recommandé en date du 28 décembre 2017, Mme [F] s'est vue notifier son licenciement pour motif économique. Elle a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle le 03 janvier 2018 et est sortie des effectifs le 08 janvier suivant.

Par courrier recommandé en date du 10 janvier 2018, Mme [F] a vainement contesté son licenciement.

***

Mme [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Quimper par requête en date du 08 octobre 2018 afin de voir :

- Dire et juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse

- Dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

42 560,00 euros

- Dommages-intérêts pour irrégularité de procédure relative aux critères d'ordre des licenciements : 6 000,00 euros

- Ordonner à l'employeur le remboursement des indemnités de chômage en application de l'article L. 1235-4 du code du travail

- Article 700 du code de procédure civile : 5 000,00 euros

- Intérêts au taux légal

- Exécution provisoire

- Entiers dépens.

L'OGA de Cornouaille et d'Armor demandait au conseil de prud'hommes de débouter la salariée de ses demandes et de la condamner à payer la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 13 septembre 2019, le conseil de prud'hommes de Quimper a :

- Dit et jugé que le licenciement de Madame [L] [F] est sans cause réelle et sérieuse.

- Fixé le salaire brut de référence à 2 128,00 euros.

- Condamné l'OGA de Cornouaille et d'Armor à payer à Madame [L] [F] les sommes suivantes:

- 42 560,00 euros au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 2 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Ordonné à l'OGA de Cornouaille et d'Armor le remboursement aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à Madame [L] [F] du jour de son licenciement au jour du prononcé du présent jugement dans la limite de six mois d'indemnités versées.

- Ordonné l'exécution provisoire en application de l'article 515 du code de procédure civile.

- Débouté Madame [L] [F] du surplus de ses demandes.

- Mis les dépens à la charge de la partie défenderesse, y compris ceux dus au titre d'une éventuelle exécution par voie légale en application des articles 10 et 11 des décrets du 12 décembre 1996 et du 08 mars 2001 relatifs à la tarification des actes des Huissiers de justice.

***

L'OGA de Cornouaille et d'Armor a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 15 octobre 2019.

A titre liminaire,

- Dire et juger irrecevables les demandes nouvelles de Madame [L] [F] au titre des dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement,

En conséquence,

- Confirmer le jugement rendu sur ce point par le conseil de prud'hommes de Quimper en date du 13 septembre 2019.

A titre principal,

- Dire et juger que le licenciement de Madame [L] [F] est fondé sur un motif économique ;

En conséquence,

- Réformer purement et simplement le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Quimper en date du 13 septembre 2019.

A titre subsidiaire,

Et si par impossible la cour d'appel considérait que le licenciement pour motif économique n'est pas justifié et confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Quimper à ce titre,

- Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Quimper en ce qu'il a condamné L'OGA de Cornouaille et d'Armor à verser à Madame [L] [F] la somme de 42 560 euros à titre de dommages-intérêts

- Ramener à de plus justes proportions les demandes indemnitaires de Madame [L] [F] ;

- Ramener à de plus justes proportions la condamnation de l'OGA de Cornouaille et d'Armor au titre du remboursement des indemnités de chômage.

En tout état de cause,

- Condamner Madame [L] [F] à verser à l'OGA de Cornouaille et d'Armor la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la même aux entiers dépens.

L'OGA de Cornouaille et d'Armor fait valoir en substance que:

- La demande de dommages-intérêts formée au titre de prétendues irrégularités de procédure est nouvelle en cause d'appel et donc irrecevable ; il n'y a pas de lien suffisant avec les prétentions originaires ;

- Les tâches confiées à Mme [F] ont été supprimées au regard des évolutions techniques ; l'activité de standard téléphonique a considérablement diminué ; le mode de fonctionnement mis en place progressivement ne nécessitait plus de secrétariat ; la salariée ne pouvait plus assurer la traçabilité des déclarations de résultats et de TVA ainsi que leur transcription informatique, compte tenu de la complexification du contrôle des obligations fiscales des adhérents ; l'OGA s'est doté en plus du logiciel CEGID, d'un module complémentaire appelé CAWEB permettant l'automatisation des procédures par les analystes ; bien que formée à ce titre, Mme [F] a vu les tâches de saisie manuelle très fortement diminuer puisque la saisie était automatisée ; cette mutation technologique s'explique par l'évolution législative et réglementaire ; Mme [F] n'avait pas les diplômes requis pour réaliser une analyse comptable et fiscale ;

- La salariée a toujours bénéficié d'une formation continue ; l'employeur a satisfait à son obligation d'adaptation du salarié ; l'OGA n'avait pas à lui fournir une formation lui permettant de bénéficier d'une qualification nouvelle pour accéder à un poste de catégorie supérieure ;

- Aucun poste similaire ou de catégorie inférieure n'était disponible ; l'employeur a respecté son obligation de reclassement.

En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 08 septembre 2022, Mme [F] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclarée irrecevable sa demande relative à l'irrégularité du licenciement et, statuant à nouveau de ce chef, de condamner l'OGA de Cornouaille et d'Armor à lui payer la somme de 3.000 euros au titre du préjudice subi en raison de chacune des deux irrégularités de procédure de licenciement relatives aux critères d'ordre des licenciements, soit 6.000 euros au total.

Elle demande pour le surplus la confirmation du jugement entrepris.

Elle demande la condamnation de l'OGA de Cornouaille et d'Armor à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile exposés en appel ainsi qu'aux entiers dépens de l'appel.

Mme [F] fait valoir en substance que:

- Il n'est pas justifié d'une suppression d'emploi, puisque la totalité des tâches subsiste, les dites tâches ayant été réparties sur d'autres salariés ;

- Il n'est pas justifié de mutations technologiques et aucun lien n'est établi entre les faits de mutation technologique allégués et la suppression d'emploi ;

- Il appartenait à l'employeur d'assurer l'adaptation de la salariée à l'emploi ; la lettre de licenciement n'évoque d'ailleurs pas les mesures d'adaptation qui auraient été mises en oeuvre pour permettre à la salariée de se familiariser avec le traitement comptable informatisé ;

- Le licenciement masque une réorganisation de l'entreprise et contourne l'application de l'article L1224-1 du code du travail ; la procédure de licenciement a été engagée 8 jours après le transfert du contrat de travail à l'OGA de Cornouaille et d'Armor ;

- L'employeur a manqué à son obligation de reclassement ; aucune proposition n'a été formulée ; l'employeur n'établit pas en quoi il ne pouvait proposer un reclassement, y compris avec une réduction du temps de travail et un aménagement des tâches ;

- La salariée pouvait présenter une demande nouvelle au cours de l'instance devant le conseil de prud'hommes; les demandes présentées ont le même objet et sont toutes deux relatives au licenciement ;

- L'employeur n'a pas répondu dans le délai de 10 jours à la demande de communication des critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements ; aucune information n'a été donnée à la salariée lui permettant de vérifier l'application des critères ; il n'est pas justifié de ce que l'autorité administrative ait été informée du licenciement économique collectif puisqu'une autre salariée, Mme [E], était concernée.

***

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état le 27 septembre 2022 avec fixation de la présente affaire à l'audience du 18 octobre 2022.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1- Sur la contestation portant sur l'existence d'une cause réelle et sérieuse du licenciement:

En vertu de l'article L1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au présent litige, issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment:

1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :

a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;

b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;

c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;

d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;

2° A des mutations technologiques ;

3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité;

4° A la cessation d'activité de l'entreprise.

La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise.

Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail à l'exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L 1237-11 et suivants, résultant de l'une des causes énoncées au présent article.

Si la réalité de l'indicateur économique relatif à la baisse du chiffre d'affaires ou des commandes au cours de la période de référence précédant le licenciement n'est pas établie, il appartient au juge, au vu de l'ensemble des éléments versés au dossier, de rechercher si les difficultés économiques sont caractérisées par l'évolution significative d'au moins un des autres indicateurs économiques énumérés par ce texte, tel que des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, ou tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Par ailleurs, l'article L1233-4 du même Code, dans sa rédaction issue de la loi n°2015-990 du 6 août 2015, dispose que le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie.

Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.

Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

La tentative de reclassement est donc un préalable nécessaire à tout licenciement économique.

C'est à l'employeur d'établir la preuve de l'impossibilité d'affecter le salarié dans un autre emploi.

Si l'obligation de reclassement n'est qu'une obligation de moyens, encore faut-il que l'employeur démontre avoir mis en 'uvre tous les moyens à sa disposition pour trouver une solution afin d'éviter le licenciement.

A cet égard, la recherche de reclassement doit être sérieuse et loyale.

Lorsque l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de reclassement, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, la lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 28 décembre 2017 notifiant à Mme [F] le motif économique de licenciement indique, s'agissant de la question du reclassement:

'Aucune solution de reclassement n'a malheureusement pu être envisagée au sein de l'association, en l'absence de poste de reclassement disponible susceptible de vous être proposé, compatible avec votre qualification actuelle, ceci eu égard à la taille et la structure de l'association'.

En réponse à la contestation exprimée par la salariée à réception de ce dernier courrier et à sa demande d'information sur les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, l'employeur indiquait notamment le 29 janvier 2018: 'S'agissant du reclassement, j'ai bien entendu procédé à une recherche approfondie de poste de reclassement tant sur le site de [Localité 5] que sur celui de [Localité 6]. Je vous précise à ce sujet que cette recherche de reclassement

présente des contraintes importantes, eu égard à la petite taille de l'association: 11 salariés indépendamment des deux directeurs et quatre personnes pour la partie secrétariat administratif'.

Force est de constater que les pièces produites par l'employeur ne justifient en rien des modalités d'une quelconque recherche de reclassement et qu'il n'est pas justifié des raisons pour lesquelles, dès lors que le motif du licenciement tient à l'affirmation selon laquelle 'les métiers liés à la saisie traditionnelle n'ont donc plus d'avenir', il n'a pas été proposé à Mme [F] une formation d'adaptation à son emploi de secrétaire qui n'est pas assimilable à une formation initiale diplômante, mais qui aurait pu en revanche permettre à la salariée d'acquérir les compétences inhérentes à l'évolution de son emploi et nécessaires à la saisie informatique des données par l'intermédiaire des logiciels comptables utilisés par l'entreprise.

A cet égard, il n'est pas contesté que l'ensemble du personnel, dont Mme [F], a suivi une formation dédiée au logiciel CEGID, permettant notamment la saisie de liasses fiscales et déclarations de TVA et il doit être relevé que le compte rendu d'entretien annuel de la salariée en date du 18 juin 2015 s'il indiquait la nécessité de gagner en autonomie sur l'utilisation du dit logiciel, concluait: 'Une bonne implication au cours de l'année, le changement informatique étant stabilisé et les méthodes de travail en place'.

La justification d'une recherche effective d'adaptation à l'emploi de la salariée fait donc d'autant plus défaut en l'espèce qu'elle était déjà familiarisée aux nouvelles méthodes de saisie des données par voie informatique.

En outre, il ne résulte d'aucun des éléments du dossier qu'ait été proposée à la salariée une transformation de son emploi comportant le cas échéant une réduction du temps de travail, alors que même en excluant le maintien des 'tâches administratives traditionnelles' de secrétariat et en admettant, comme le soutient l'employeur, que la réduction des tâches confiées se soit avérée incontournable par l'effet 'de l'automatisation grandissante et du traitement des données', d'autres tâches inhérentes au poste confié à Mme [F] demeuraient à part entière, telles que la tenue du standard téléphonique, l'accueil, le suivi des dossiers et le travail de relance pour les dossiers incomplets ou encore l'organisation des formations, parfaitement indépendantes de la saisie de données comptables.

Il n'est pas justifié qu'un emploi de catégorie équivalente voire inférieure, fût-ce à temps partiel, n'ait pas été disponible et n'ait pu être proposé à Mme [F].

Au résultat de l'ensemble de ces éléments, faute de respect par l'employeur de son obligation de reclassement, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

En application des dispositions de l'article L1235-3 du code du travail, s'agissant d'une salariée qui comptait plus de 30 ans d'ancienneté à la date de la rupture du contrat de travail (34 ans), du salaire de référence (2.128 euros), de l'âge de la salariée au moment du licenciement (57 ans), des difficultés justifiées de réinsertion sur le marché du travail, l'intéressée n'ayant retrouvé un emploi d'assistante comptable que depuis le mois de janvier 2020, le conseil de prud'hommes a fait une juste appréciation des éléments de la cause en condamnant l'OGA à payer à Mme [F] la somme de 42.560 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

2- Sur la demande pour irrégularité de la procédure de licenciement pour motif économique:

2-1: Sur la fin de non-recevoir:

La demande tendant à la demande de dommages-intérêts pour irrégularité de procédure est recevable, contrairement à ce qu'a jugé le conseil de prud'hommes, dès lors que cette demande se rattache à la prétention originaire par un lien suffisant en ce qu'elle tend à la réparation d'un dommage né à l'occasion du licenciement dont la salariée a fait l'objet.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a déclaré la demande irrecevable.

2-2: Sur le fond:

Il est constant que l'employeur a répondu tardivement à la demande de la salariée concernant l'énonciation des critères d'ordre des licenciements, puisque sa demande formalisée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 11 janvier 2018, présentée à son destinataire le 12 janvier 2018 n'a reçu réponse que le 29 janvier 2018, soit au-delà du délai de 10 jours prescrit par l'article R1233-1 du code du travail.

Mme [F] ne justifie toutefois pas du préjudice que lui aurait causé cette réponse adressée avec quelques jours de retard, alors qu'elle a reçu une information précise relative à l'ordre des licenciements, indiquant le nombre de points fixé pour l'application de chacun des critères prévus à l'article L 1233-5 du code du travail, de sorte que contrairement à ce qu'elle soutient, la salariée était en mesure de vérifier l'application des critères par rapport à sa propre situation.

Mme [F] sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour irrégularités de procédure.

3- Sur les dépens et frais irrépétibles:

Conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, l'OGA, partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel.

Elle sera donc nécessairement déboutée de sa demande en paiement d'une indemnité pour frais irrépétibles.

L'équité commande en revanche de condamner l'OGA à payer à Mme [F] la somme de 3.000 euros à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement entrepris, uniquement en ce qu'il a déclarée irrecevable la demande de dommages-intérêts formée par Mme [L] [F] pour irrégularité de la procédure de licenciement pour motif économique ;

Statuant à nouveau de ce chef,

Rejette la fin de non-recevoir ;

Déclare recevable la demande de Mme [F] en paiement de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement ;

Déboute Mme [F] de sa demande de dommages-intérêts pour irrégularité de procédure ;

Confirme pour le surplus le jugement entrepris ;

Y ajoutant,

Condamne l'association Organisme de Gestion Agréé de Cornouaille et d'Armor à payer à Mme [F] la somme de 3.000 euros à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute l'association Organisme de Gestion Agréé de Cornouaille et d'Armor de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne l'association Organisme de Gestion Agréé de Cornouaille et d'Armor aux dépens d'appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 7ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 19/06824
Date de la décision : 01/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-01;19.06824 ?
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