7ème Ch Prud'homale
ARRÊT N°524/2022
N° RG 19/03649 - N° Portalis DBVL-V-B7D-P2GX
M. [P] [O]
C/
SARL GARAGE [M]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 01 DECEMBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,
Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,
Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 17 Octobre 2022
En présence de Madame Florence RICHEFOU, médiateur judiciaire
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 01 Décembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
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APPELANT :
Monsieur [P] [O]
né le 23 Novembre 1985 à [Localité 6]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par Me Marie MLEKUZ de la SELARL SELARL LARZUL BUFFET LE ROUX PEIGNE MLEKUZ, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
SARL GARAGE [M]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Dominique MORIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC
EXPOSÉ DU LITIGE
La SARL Garage [M] exploite deux Garages, l'un à [Localité 2] et l'autre à [Localité 5].
M. [P] [O] a été embauché par la SARL Garage [M] selon un contrat de travail à durée indéterminée en date du 06 janvier 2009. Il exerçait les fonctions de carrossier peintre automobile et a été formé aux fonctions de réceptionnaire à la carrosserie.
Par courrier en date du 16 mai 2017, M. [O] s'est vu notifier un avertissement, l'employeur lui reprochant notamment de ne pas faire signer les ordres de réparation aux clients, de mal affecter certaines pièces, de ne pas facturer certains dossiers, d'avoir introduit au sein du Garage des personnes étrangères à l'entreprise, de ne pas ranger son poste de travail et de stocker des pièces en provenance de fournisseurs inconnus du Garage.
À compter du 1 er avril 2017, le salarié était en arrêt maladie.
Par courrier en date du 16 juin 2017, la société Garage [M] convoquait M. [O] à un entretien préalable fixé au 26 juin 2017.
Par courrier recommandé en date du 30 juin 2017, M. [O] s'est vu notifier son licenciement pour faute grave aux motifs d'avoir regardé sous la jupe d'une collègue au moyen d'un miroir sur ses chaussures, tenu des propos offensants ou humiliants envers ses collègues, notamment.
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Contestant la rupture de son contrat de travail, M. [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Rennes par requête en date du 19 septembre 2017 afin de voir :
- Condamner la SARL Garage [M] au paiement des sommes et indemnités suivantes :
- 4 560,36 euros brut a titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 456,04 euros brut a titre de congés payés sur préavis,
- 3 906,29 euros net a titre d'indemnité de licenciement,
- 15 960 euros net a titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- Condamner la société aux entiers dépens.
La SARL Garage [M] a demandé au conseil de prud'hommes de :
- Dire et juger que le licenciement pour faute grave est justifié
- Condamner M. [O] au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement de départage en date du 07 mai 2019, le conseil de prud'hommes de Rennes a :
- Débouté Monsieur [O] de l'ensemble de ses demandes.
- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamné Monsieur [O] aux entiers dépens.
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M. [O] a régulièrement interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 04 juin 2019.
En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 22 septembre 2022, M. [O] demande à la cour de :
- Infirmer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Rennes le 7 mai 2019.
- Dire et juger que le licenciement notifié par courrier du 30 juin 2017 est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse,
- En conséquence, condamner la Société Garage [M] à lui payer les sommes suivantes :
- 4 560,36 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 456,04 euros brut à titre de congés payés sur préavis,
- 3 906,29 euros net à titre d'indemnité de licenciement
- 15 960 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- Dire que les sommes allouées porteront intérêt de droit à compter de la saisine pour les sommes à caractère salarial et à compter de l'arrêt à intervenir pour les sommes à caractère indemnitaire,
- Ordonner la capitalisation des intérêts à compter de la première année à laquelle les intérêts au taux légal sont dus
- Rejeter l'ensemble des moyens, fins et conclusions de la Société Garage [M]
- Condamner la société Garage [M] à payer à Monsieur [M] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la même aux entiers dépens.
En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA 12 septembre 2022, la SARL Garage [M] demande à la cour de :
- Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a jugé que le licenciement pour faute grave de M. [O] est justifié.
- Débouter ce dernier de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions.
- Le condamner au paiement d'une indemnité de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens éventuels.
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La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état le 27 septembre 2022 avec fixation de la présente affaire à l'audience du 17 octobre 2022.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions susvisées qu'elles ont déposées et soutenues à l'audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, énonce les griefs suivants:
-1) avoir regardé sous la jupe d'une de ses collègues au moyen de rétroviseurs dont il avait muni ses chaussures, 'comportement dégradant et humiliant de voyeurisme portant atteinte à la dignité' de la collègue de travail qui 'pourrait recevoir la qualification de harcèlement sexuel',
2)avoir affublé ostensiblement ses collègues de sobriquets offensants ou humiliants, ce de façon systématique et dans des proportions plus graves que celle celles appréhendées lors de l'avertissement, sobriquets tels que 'corps creux', 'le nain' , 'bon à rien', 'payé trop cher',
3)avoir adopté une posture de défi en refusant de retourner la note de service avisant de la mise en place d'un système de video surveillance alors que ce dernier n'est pourtant pas susceptible d'être utilisé pour contrôler son activité,
4)avoir persisté à réitérer, malgré demandes réiétérées et ses fonctions de réceptionnaire, de fournir les informations élémentaires nécessaires au traitement de la facturation des travaux accomplis sans l'accord de l'employeur sur le véhicule d'un collègue, M.[B], en utilisant le matériel et les produits de l'entreprise, sans être en mesure de préciser exactement le temps passé et les produits utilisés,
5)avoir introduit au sein du garage, à l'insu de l'employeur et sans autorisation, des pièces ne proveant pas des fournisseurs de l'entreprise,
6)avoir persisté, malgré les observations déjà faites, à refuser d'affecter les temps de travail au dos des ordres de réparation, ce qui est problématique en cas de litige sur le contrôle du temps facturé et pour l'analyse comptable de l'activité,
7)avoir continué à ne pas vouloir pointer régulièrement pour informer de sa présence ou non dans l'enteprise avec toutes les conséquences qui en découlent,
8)ne pas assurer la gestion des stocks de peinture ce qui constitue une négligence fautive.
M. [O] critique les premiers juges en ce qu'ils ont commis selon lui une erreur de droit et de fait dans l'appréciation des faits de l'espèce qui leur étaient soumis, d'autant que paradoxalement ils ont admis que certains de ceux-ci ont été autorisés par une tolérance de l'employeur.
Il leur reproche de :
-n'avoir pas apprécié avec prudence les affirmations de Mme [W] alors qu'elle se contredit ou est contredite par des pièces du dossier, ni les autres attestations produites par l'employeur, rédigées en termes dépourvus de mesure,
-avoir opéré une lecture partiale des attestations versées aux débats, retenant celles de salariés placés dans un lien de dépendance économique avec l'employeur,
-n'avoir pas retenu les nombreuses attestations que lui-même produit, émanant d'une part d'anciens salariés connaissant parfaitement le mode de fonctionnement du garage et de ses dirigeants, d'autre part de salariés toujours en poste lorsqu'ils ont attesté,
-n'avoir pas tenu compte de la différence de position entre lui, qui ne dispose contrairement à l'employeur d'aucun lien d'intérêt ni moyen de pression vis-à-vis des salariés qui ont eu le courage de témoigner en sa faveur, et son employeur qui occupe une place non négligeable dans les instances de la profession et au sein du réseau Peugeot,
-n'avoir pas tenu compte que les faits se sont déroulés au sein du garage où la parole entre collègues, envers les représentants de l'employeur ou l'employeur lui-même est particulièrement familière et vive sans que cela n'ait généré la moindre objection de l'employeur durant de très nombreuses années,
-avoir retenu une consommation d'alccol relatée dans des attestations versées par l'employeur alors qu'il ne s'agit pas d'un fait visé dans la lettre de licenciement,
-avoir retenu, pour dire le licenciement fondé sur une faute grave, un fait imprécis, un contexte et une attitude supposés être établis par des pièces dont la sincérité et l'objectivité sont plus que douteuses.
Il soutient que les premier, troisième et septième griefs visés dans la lettre sont prescrits, qu'ils sont en tout état de cause infondés, tout comme l'ensemble des autres griefs, qu'il conteste, que les troisième, quatrième, cinquième, sixième et septième griefs ont déjà été sanctionnés par l'avertissement.
Il fait valoir, sur le fond des faits reprochés, que le miroir fixé aux chaussures n'était qu'une blague, qu'il est matériellement impossible qu'il ait procédé comme le dit Mme [W] en fixant des miroirs sur les deux chaussures, qu'il n'a pas été licencié pour harcèlement sexuel ou pour voyeurisme, qui ne sont visés qu'au conditionnel, que Mme [W] n'était pas la dernière à faire des plaisanteries graveleuses et ne lui en a pas tenu rigueur ; que le grief sur les sobriquets est vague, qu'il est étonnant que l'employeur n'en ait pas eu connaissance avant 2017 et que les faits doivent être appréciés à la lumière du contexte, en l'occurrence le vocabulaire peu raffiné utilisé au sein du garage ; que son refus de retourner le document relatif à la video surveillance n'est pas fautif.
La société intimée expose qu'au cours de l'année 2017 notamment, elle a dû déplorer le comportement conspirateur, néfaste et pernicieux d'un petit groupe de salariés perturbant le bon fonctionnement de l'entreprise ; qu'en effet, elle avait embauché M. [C], qui a occupé à partir du 1er septembre 2015 le poste de chef d'atelier mais qui, en cette qualité, n'a hélas pas joué son rôle de coordinateur entre la direction et le personnel de production placé sous son autorité mais, tout au contraire, a instigué un esprit de cabale et contestation devenant systématique, avec principalement l'écoute et le soutien de M. [O] et un autre salarié M. [X] ; que, par sa personnalité et ses fonctions, ce chef d'atelier a déstabilisé bon nombre de personnes durant son court passage dans l'entreprise ; que M. [C] a démissionné le 3 février 2017; que M. [O], ainsi que son collègue M. [X] licencié en même temps que lui, confortés dans une posture de défiance et de revendication par leur supérieur hiérarchique direct, avaient peu à peu pris le parti de refuser progressivement de se conformer aux règles du travail instituées par l'employeur, de ne pas respecter certains de leurs collègues et la direction, voire même de provoquer cette dernière, bien que le salarié ait bénéficié d'une compréhension certaine de la part de M. [M] qui lui avait notamment consenti des aménagements d'hotaires à partir de 2015 pour lui permettre de faire valoir la garde de son fils qui risquait de quitter la France avec sa mère ; que la collusion entre ce petit groupe de personnes, dont M. [O] produit les attestations, a duré au-delà de leur période d'emploi au garage [M].
Elle expose que, si sur le plan strictement technique ses qualités professionnelles n'étaient pas critiquables, la difficulté le concernant était d'ordre comportemental, ce qui est d'autant regrettable, la qualité technique de son travail ne l'autorisait pas à mal agir et à ne pas respecter ses obligations sur d'autres plans ; que c'est dans ce contexte que M. [O] n'a pa eu sa prime qualité en mars 2017 et qu'elle a dû lui adresser un avertissement en mai 2017, sans pour autant avoir encore connaissance des faits graves qui ont été découverts par la suite.
Ele estime que c'est à bon droit que le premier juge n'a pas retenu la prescription du premier grief et a admis que la faute était établie et constitutive de harcèlement sexuel, justifiant à elle seule, dans un contexte de comportement grivois entretenu par le salarié, le licenciement pour faute grave de celui-ci, nonobstant sa défense consistant principalement à tenter de démontrer que Mme [W] aurait en réalité apprécié ses plaisanteries douteuses ainsi que celles de son collègue M. [X] et aurait même recherché leur compagnie après les faits, lui prêtant des actes et propos qu'elle nie ; que le caractère humiliant et avilissant pour elle d'une telle agression ne saurait pourtant être contesté, et ce quelle que soit la prétendue ouverture d'esprit qui lui est prêtée, qu'elle réfute et qui, à la supposer réelle, ne saurait justifier d'être ainsi traitée et moquée dans un environnement masculin.
Elle considère que c'est à juste titre que le jugement a également retenu le grief de propos dégradants à l'égard d'autres membres du personnel, qui n'est pas prescrit; que les moyens du salarié pour contester le grief de refus de signer le récépissé relatif à la video surveillance sont inopérants.
Elle ajoute que si la cour devait estimer que certains griefs de nature professionnelle auraient déjà été sanctionnés le 16 mai 2017, il n'en demeure pas moins que l'employeur peut invoquer, à l'appui de la faute grave, le comportement passé du salarié et les précédentes sanctions ; que, si M. [O] s'étonne du crédit limité que le conseil de prud'hommes a accordé aux témoignages qu'il produisait en première instance, la raison est à chercher notamment dans la collusion, dans leurs écrits, des anciens salariés du garage [M] qui sont tous les préposés ou employeurs les uns des autres et ont conservé des liens étroits, ou dans la production d'écrits de deux jeunes apprentis dont ils ont exploité la crédulité et qui ont accepté de signer des attestations dactylographiées que ceux-ci ne peuvent, au vu de la manière dont elles sont rédigées et qui ne leur correspond pas, en aucun cas avoir rédigées eux-mêmes ; que l'ensemble de ces attestations visent, pour les discréditer, à salir M. et Mme [M], Mme [W] et les salariés qui ont produit des attestations au soutien des faits visés dans la lettre de licenciement mais ont sucité l'indignation des salariés en poste ;
que M. [O] et son collègue licencié comme lui ont même tenté d'instrumentaliser contre l'employeur le suicide d'un salarié survenu le 26 mai 2017. Elle précise que les faits reprochés au salarié se sont produits en l'absence de M. [M], que c'est alors que l'absence de M.[X] et M. [O] se prolongeait que M. [M] a pris connaissance des faits dans toute leur ampleur, au fur et à mesure que les langues des collègues se déliaient sur leurs récriminations à l'égard de ces derniers, et qu'il a même encore appris des comportements répréhensibles à la lecture des attestations obtenues dans le cadre de la présente instance, dont il n'a donc pu faire état à l'appui du licenciement, notament les consommations d'alcool dans l'atelier.
***
Contrairement à ce que soutient M. [O], le premier juge n'a aucunement retenu les consommations d'alcool sur le lieu de travail évoquées dans certaines attestations versées aux débats, mais qui ne sont pas visées dans la lettre de licenciement et par conséquent pas dans le débat.
La reconnaissance par M. [O] de l'épisode des miroirs sur les chaussures confirme la matérialité du fait dénoncé par Mme [W].
La société [M] établit, sans être spécifiquement contestée sur ce point par M. [O], que M. [C] a embauché l'appelant, ainsi que les deux ex apprentis du garage [M] M. [D] et [I], dans l'entreprise (un garage) qu'il avait créée, et que M. [O], qui a ouvert un garage au Rheu, a embauché de son côté M. [K] ; que Mmes [L], [S], [Y], dont il produit également les attestations, sont les compagnes ou ex compagnes respectivement de lui-même, de M. [X] et de M. [C].
Les critiques qu'il formule à l'encontre des attestations de l'employeur au motif des liens personnel, de subordination ou d'intérêts entretenus avec l'employeur par leurs auteurs peuvent donc s'appliquer également à celles que lui produit.
Toutefois, si Mme [W] a fait état de pressions de M. [K] et de M. [V] pour qu'elle revienne sur ses déclarations, les allégations de M. [D] selon lesquelles il aurait subi des pressions au garage [M] de la part de l'employeur pour revenir sur les siennes sont démenties par les explications et pièces 122, 125, 126, 129 et 138 versées aux débats par l'intimé ; l'argument, surprenant, selon lequel M. [M] pourrait user de sa position, du reste non précisée, au sein 'des instances de la profession et dans le réseau Peugeot' pour exercer des pressions sur ses salariés, ne repose sur aucun fondement, M. [O] n'indiquant pas en quoi de tels éléments pourraient avoir un quelconque rapport avec le débat instauré sur les faits qui lui sont reprochés.
Le premier juge a retenu avec raison, au soutien de la crédibilité de Mme [W], le caractère mesuré, sans exagération, et contextualisé des propos contenus dans son attestation et, si M. [O] souligne que des attestations versées par la partie adverse sont, de son point de vue, dépourvues de mesure, il s'agit d'attestations suscitées en retour par celles que lui-même produit, notamment en cause d'appel, qui conduisent ces attestants à décrire, notamment, M. [O] et son collègue M. [X] comme des 'collègues toxiques' et à dénoncer leurs productions aux débats comme étant 'calomnieuses'.
Comme l'a relevé le conseil de prud'hommes, si Mme [W] a été imprécise en ce qui concerne la date des faits lors de l'enquête diligentée par la CPAM, elle a pu reconstituer cette date et affirmer qu'ils s'étaient déroulés précisément le 17 janvier 2017. Il n'est pas nécessaire que la date soit précisée dans la lettre de licenciement, il suffit qu'elle puisse être vérifiée.
Ce qui est invoqué par M.[O] comme étant contradictoire dans les déclarations de Mme [W] relative à sa présence dans les vestiaires s'explique par le fait qu'elles consituent des réponses à des allégations adverses successives, étant précisé que les 'vestiaires'dont il est question se situent dans la salle de pause, et ce qui est relevé d'inexact sur la cause de son licenciement énoncée lors de la plainte déposée au commissariat pour diffamation est explicable par l'ignorance du contenu exact de la lettre de licenciement notifiée dont elle n'a pas vocation à avoir une connaissance directe, mais est sans incidence, ni sur la saisine du service d'enquête, ni sur la discussion des griefs énoncés dans la lettre.
Par contre, certaines allégations dont se prévaut M. [O] sont contredites par des éléments objectifs, ainsi celles de M. [C] contredites matériellement par des constatations d'huissier, notamment sur ce que pouvait voir, ou non, de la scène des miroirs sur les chaussures, depuis son bureau vitré, Mme [T], secrétaire. Le montage efficace d'un retroviseur sur des chaussures de sécurité au moyen de ruban adhésif à usage professionnel ne présente aucune impossibilité technique.
Mme [W] a précisé ne s'être confiée à Mme [T] que plusieurs mois après les faits et à l'employeur, en la personne de M. [M], seulement en juin 2017, une semaine avant son départ en vacances, sur les conseils de son conjoint. Mme [T] a indiqué avoir reçu les confidences de sa collègue en mai 2017. Le sentiment d'humiliation ressenti par Mme [W], qui transparait dans son attestation, notamment lorsqu'elle explique qu'elle s'est accroupie pour échapper à cette intrusion dans son intimité, est en cohérence avec une dénonciation tardive du fait par celle qui en a été victime, et de discrétion de celle qui a reçu sa confidence, même si elle est la soeur du dirigeant mais, employée en qualité de secrétaire, n'a aucune fonction hiérarchique. L'employeur rapporte la preuve qu'il n'a eu connaissance du fait qu'en juin 2017, l'appelant n'établit pas le contraire. Le fait n'est donc pas prescrit.
Il est également établi par de nombreuses attestations concordantes (pièces 8, 9, 10, 14 et 15 de l'intimé notamment) que M. [O] utilisait de manière habituelle des surnoms désobligeants et même humiliants à l'égard de certains de ses collègues, de sorte que ce grief, dont l'employeur n'avait pas connaissance dans toute son ampleur lorsqu'il a notifié l'avertissement, est également établi et non prescrit.
M. [O] ne conteste pas dans le cadre de l'instance l'avertissement du 16 mai 2017, ni le caractère justifié de l'absence de prime qualité en mars 2017 pour les motifs énoncés par l'employeur.
L'attitude de toute puissance et d'insoumission, de propos dégradants à l'égard d'autres membres du personnel et de défiance à l'égard de tout contrôle, décrite par les premiers juges, s'appuient donc sur des faits précis.
Dans ce contexte relationnel, il est exclu que l'épisode du miroir sur les chaussures ait été une simple blague de potache et les surnoms donnés aux collègues de l'humour sans malveillance. Comme l'a relevé le premier juge, le fait rapporté par Mme [W] a été vécu comme un acte de harcèlement à caractère sexuelqui l'a heurté et excède largement, dans le contexte de propos graveleux qu'il utilisait complaisamment, les limites de l'humour ou de la blague potache, surtout que la victime de cette 'plaisanterie' s'est trouvée confrontée à un agissement concerté de la part de deux collègues masculins.
Le comportement dégradé décrit, tel qu'il a pu être dénoncé à la faveur de l'absence prolongée de M. [O] et de son collègue, imposait une réaction de l'employeur, sous peine pour celui-ci d'engager son obligation de sécurité.
Les faits ci dessus retenus comme établis ne permettaient pas le maintien de M. [O] dans l'entreprise, y compris pendant la durée du préavis.
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement qui lui a été notifié repose sur une faute grave et en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes.
Il est inéquitable de laisser à la charge de l'intimée ses frais irrépétibles d'appel, qui seront mis à la charge de M. [O] à hauteur de 1000 euros.
M. [O], qui succombe, doit être débouté de sa propre demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile pour l'instance d'appel, et condamné aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS:
La cour,
Confirme le jugement entrepris,
Condamne M. [P] [O] à payer à la Sarl Garage [M] la somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,
Déboute M. [P] [O] de sa demande au titre des frais irrépétibles d'appel,
Condamne M.[P] [O] aux dépens d'appel.
Le Greffier Le Président