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01/12/2022 | FRANCE | N°17/07089

France | France, Cour d'appel de Rennes, 8ème ch prud'homale, 01 décembre 2022, 17/07089


8ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°507



N° RG 17/07089 -

N° Portalis DBVL-V-B7B-OJRD













SAS TRANSPORTS TGMJ



C/



M. [U] [T]

















Infirmation partielle















Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU

1er DECEMBRE 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé







DÉBATS :



A l'audienc...

8ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°507

N° RG 17/07089 -

N° Portalis DBVL-V-B7B-OJRD

SAS TRANSPORTS TGMJ

C/

M. [U] [T]

Infirmation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 1er DECEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 15 Septembre 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 1er Décembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

La SAS TRANSPORTS TGMJ ayant eu son siège social : [Adresse 3] aujourd'hui en liquidation judiciaire

Prise en la personne de son mandataire liquidateur :

La SELARL [O] [B] représentée par Maître [O] [B], intervenant ès-qualités à la procédure

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Cédric BEUTIER, Avocat au Barreau de NANTES

INTIMÉ :

Monsieur [U] [T]

né le 11 Janvier 1987 à [Localité 6] (44)

demeurant [Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Isabelle LE FLOCH-CHAPLAIS, Avocat au Barreau de NANTES

(bénéficiaire d'une aide juridictionnelle totale numéro 2017/013451 du 07/02/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)

.../...

AUTRE INTERVENANTE FORCÉE, de la cause, appelante à titre incident :

L'Association UNEDIC - DÉLÉGATION AGS-CGEA de [Localité 9] prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège :

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me Louise LAISNE substituant à l'audience Me Marie-Noëlle COLLEU de la SELARL AVOLITIS, Avocats au Barreau de RENNES

=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=

M. [U] [T] a été embauché initialement par la SARL TRANSPORTS AJC, à compter du 16 juillet 2015, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée en qualité de Chauffeur livreur, groupe 3 bis, coefficient 118 M. A compter du 1er décembre 2015, le contrat de travail M. [T] a été transféré vers la SAS TRANSPORTS TGMJ avec reprise de son ancienneté.

Des avertissements ont été notifiés au salarié dont deux le 12 janvier 2016 pour des motifs de «'destruction de marchandises clients'» le 23 décembre 2015 et de « casse matériel'» entre le 8 et le 10 janvier 2016 et un troisième le 11 février 2016 pour des «'menaces et injures envers ses employeurs'» pour des faits du 30 janvier 2016.

Le salarié ne les a pas contestés.

M. [T] a fait l'objet d'un arrêt de travail pour accident du travail pendant quatre jours au cours du mois de février 2016.

Le 7' mars 2016, M. [T] a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un licenciement fixé au 15 mars, avec mise à pied conservatoire.

Le 8 mars 2016, un nouvel avertissement a été notifié à M. [T]. «'pour casse matériel'» le 10 février 2016.

Un nouveau courrier de convocation du 14 mars 2016 a été adressé à M. [T] pour un entretien préalable à licenciement fixé au 22 mars 2016 avec mise à pied conservatoire.

Par courrier en date du 25 mars 2016, la SAS TRANSPORTS TGMJ a notifié à M. [T] son licenciement pour faute grave.

Le 19 avril 2016, M. [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Nantes aux fins de :

' Dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

' Condamner la SAS TRANSPORTS TGMJ à lui payer les sommes suivantes :

- 139,37 € brut au titre des heures supplémentaires pour décembre 2015,

- 13,93 € brut au titre des congés payés afférents,

- 28,32 € net à titre d'indemnité de casse-croûte pour décembre 2015 et février 2016,

- 7,82 € net à titre d'indemnité de repas unique nuit du 1er décembre 2015,

- 28,58 € brut au titre de la prime de nuit pour décembre 2015, février et mars 2016,

- 2,85 € brut au titre des congés payés afférents,

- 386,61 € brut à titre de rappel de salaire pour février 2016,

- 38,66 € brut au titre des congés payés afférents,

- 1.288,28 € brut à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied,

- 128,82 € brut au titre des congés payés afférents,

- 1.831,32 € brut à titre d'indemnité de préavis,

- 183,13 € brut au titre des congés payés sur préavis,

- 7.000 € net à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' Remise des attestations Pôle Emploi, des bulletins de salaire et certificat de travail rectifiés, sous astreinte de 60 € par jour de retard,

' Dire que la moyenne mensuelle du salaire à prendre comme référence et base de calcul s'élève à 1.831,32 € brut et le préciser dans le jugement à intervenir,

' Intérêts de droit à compter de la date d'échéance pour les sommes ayant le caractère de salaire et à compter de la date du jugement pour les autres sommes,

' Capitalisation des intérêts (article 1154 du code civil),

' Exécution provisoire du jugement à intervenir pour les sommes pour lesquelles celle-ci n'est pas de droit,

' Condamner la partie défenderesse aux entiers dépens.

La cour est saisie d'un appel régulièrement formé par la SARL TGMJ le 10 octobre 2017 du jugement du 12 septembre 2017 par lequel le conseil de prud'hommes de Nantes a :

' Dit que le licenciement de M. [T] est sans cause réelle ni sérieuse,

' Condamné la SAS TRANSPORT TGMJ à payer à M. [T] les sommes suivantes :

- 3.400 € net à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

- 1.675,33 € brut à titre d'indemnité sur préavis,

- 167,54 € brut au titre des congés payés afférents,

- 1.288,28 € brut à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied,

- 128,82 € brut au titre des congés payés afférents,

- 139,37 € brut à titre d'heures supplémentaires pour le mois de décembre 2015,

- 13,93 € brut au titre des congés payés afférents,

- 386,61 € brut à titre de rappel de salaire pour le mois de février 2016,

- 38,66 € brut au titre des congés payés afférents,

' Lesdites sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil pour les sommes à caractère salarial et du jugement à intervenir pour les sommes à caractère indemnitaire, les intérêts produiront eux-mêmes des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil,

' Ordonné la remise des documents de fin de contrat (attestation Pôle Emploi, certificat de travail, bulletin de salaire rectificatif) conformes au jugement sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter du 45ème jour jusqu'au 60ème jour à compter de la notification du jugement, le conseil se réservant le pouvoir de liquider cette astreinte,

' Condamné la SAS TRANSPORT TGMJ, à payer à M. [T] la somme de 1.000 € net au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' Ordonné l'exécution provisoire du jugement, hors les cas où elle est de droit, à hauteur de 50 % des sommes allouées,

' Fixé à 1.675,33 € brut la moyenne mensuelle des salaires,

' Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

' Condamné la SAS TRANSPORT TGMJ aux dépens de l'instance,

' Dit qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la présente décision et qu'en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application des dispositions de l'article 10 du décret du 08 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996, devront être supportées par la société défenderesse.

Par jugement du 5 juin 2019, le tribunal de commerce de Nantes a placé la SARL TRANSPORTS TGMJ en redressement judiciaire.

Par jugement du 6 octobre 2021, le tribunal de commerce de Nantes a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL TRANSPORTS TGMJ. La SELARL [O] [B] représentée par Me [B] a été désignée en qualité de mandataire liquidateur.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 30 juin 2020, suivant lesquelles la SARL TRANSPORTS TGMJ et Maître [O] [B] en qualité de mandataire judiciaire de la société, demandent à la cour de :

' Infirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté M. [T] de ses demandes au titre des primes de nuit, des indemnités de casse-croûte ainsi que de l'indemnité de repas unique de nuit,

Statuant à nouveau,

' Prendre acte du désistement de M. [T] s'agissant des demandes de rappel de primes de nuit, des indemnités de casse-croûte ainsi que de l'indemnité de repas unique de nuit,

' Dire que le licenciement de M. [T] est fondé sur une faute grave,

' Débouter M. [T] de l'ensemble de ses demandes,

' Condamner M. [T] à verser à la SARL TRANSPORTS TGMJ la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 10 mars 2022, suivant lesquelles M. [T] demande à la cour de :

' Dire la SARL TRANSPORTS TGMJ mal fondée en son recours et la débouter purement et simplement de toutes ses demandes, fins et prétentions,

' Confirmer le jugement entrepris :

- en ce qu'il a dit que le licenciement de M. [T] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- au titre des condamnations prononcées (dont celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile), avec intérêts de droit et capitalisation,

' Fixer la créance de M. [T] à l'encontre de la procédure collective à toutes ces sommes,

' Condamner la SARL TRANSPORTS TGMJ à lui verser une indemnité de 2.500 € pour les frais irrépétibles engagés devant la cour d'appel, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle, outre tous les dépens des procédures de première instance et d'appel,

' Fixer la créance de M. [T] à l'encontre de la procédure collective au titre des frais irrépétibles et des dépens à ces sommes,

' Fixer la créance de M. [T] à l'encontre de la procédure collective à toutes ces sommes,

' Déclarer la décision opposable à l'AGS et au CGEA de [Localité 8].

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 2 février 2022, suivant lesquelles le CGEA de [Localité 8] demande à la cour de :

' Déclarer recevable et bien fondé l'appel incident interjeté par le CGEA de [Localité 8],

' Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement pour faute grave de M. [T],

- Condamné la SARL TRANSPORTS TGMJ à verser à M. [T] diverses sommes (dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, rappel de salaires au titre de la mise à pied conservatoire et congés payés afférents, rappel d'heures supplémentaires pour le mois de décembre 2015 et congés payés afférents, rappel de salaire pour le mois de février 2016 et congés payés afférents),

- Fixé à 1.675,33 € brut la moyenne mensuelle des salaires,

' Dire le licenciement pour faute grave de M. [T] justifié et reposant sur une cause réelle et sérieuse,

' Débouter M. [T] de l'ensemble de ses demandes,

' Fixer à la somme de 1.621,45 € brut le salaire de référence de M. [T],

Subsidiairement,

' Débouter M. [T] de toute demande excessive et injustifiée,

En toute hypothèse,

' Débouter M. [T] de toutes ses demandes qui seraient dirigées à l'encontre de l'AGS,

' Décerner acte à l'AGS de ce qu'elle ne consentira d'avance au mandataire judiciaire que dans la mesure où la demande entrera bien dans le cadre des dispositions des articles L.3253-6 et suivants du code du travail,

' Dire que l'indemnité éventuellement allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile n'a pas la nature de créance salariale,

' Dire que l'AGS ne pourra être amenée à faire des avances, toutes créances du salarié confondues, que dans la limite des plafonds applicables prévus aux articles

L.3253-17 et suivants du code du travail,

' Dépens comme de droit.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 8 septembre 2022.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées via le RPVA.

MOTIVATION DE LA DECISION

Sur le paiement des heures supplémentaires

Pour infirmation au titre des heures supplémentaires retenues par les premiers juges, le mandataire de la société appelante fait valoir que les heures supplémentaires ont été allouées sur la seule base d'un planning rempli manuellement par M. [T]'; que le décompte par le salarié, sur la base de ces relevés d'heures, de ses heures supplémentaires est effectué par mois alors que les heures supplémentaires se décomptent par semaine civile'; que le calcul des heures supplémentaires est donc nécessairement faux'; que les relevés d'heures de M. [T] comportent de nombreuses erreurs et incohérences, notamment le 1er décembre 2015 pour lesquelles les heures déclarées par M. [T] sont contredites par les témoignages des deux salariés qui se trouvaient avec lui.

L'AGS CGEA se joint à l'argumentation de l'employeur.

Il résulte des dispositions des articles L. 3171-2, alinéa 1er, L. 3171-3, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et L. 3171-4 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, M. [T] a versé aux débats :

- Ses feuilles de «'planning mensuel'» (pièces n°12-1 et 12-7) indiquant des horaires précis pour chaque journée de travail entre le 25 juillet 2015 et le mois e mars 2016 ' soit sur la totalité de l'exécution de son contrat de travail,

- Un décompte (pages 16 et 17 de ses écritures) des heures de travail effectuées du 30 novembre au 6 décembre 2015 puis du 14 au 20 décembre 2015, soit par périodes hebdomadaires, avec les rappels de rémunération en résultant.

Les deux attestations de MM [Z] et [C] produites par l'appelante (pièces n°21 et 22) sur la circonstance qu'ils auraient en compagnie de M. [T] fait un «'petit détour'» pour «'faire les magasins et manger sur [Localité 7]'» ce qui aurait retardé leur retour à [Localité 5] à 19 heures au lieu de 14 heures, en dehors de tout autre élément, n'est pas de nature à exclure ces heures du temps de travail qu'aurait effectivement réalisé M. [T] en connaissance et sous la subordination de son employeur.

L'employeur ne communique aucun élément de nature à justifier les heures effectivement réalisées et se limite à la contestation du décompte fourni par le salarié.

Au vu de ces éléments d'appréciation et après analyse des tableaux complets versés aux débats, les éléments produits par le salarié justifient de faire droit à sa demande de rappel d'heures supplémentaires, à hauteur de 139,37 € brut sur l'ensemble de la période et 13,93€ brut au titre des congés payés afférents. Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.

Sur le paiement des salaires entre le 15 et le 20 février 2016

Le mandataire judiciaire soutient pour infirmation que contrairement à ce que le salarié affirme dans son courrier du 16 février 2016, il a été convenu avec M. [T] qu'il se trouve en congés payés durant cette période notamment en vue de lui permettre de pleinement récupérer suite à sa période d'arrêt de travail.

L'AGS CGEA s'associe à l'argumentation de l'employeur.

Il n'est en l'espèce aucunement justifié par l'employeur que ces jours de congés n'auraient pas été imposés au salarié ainsi que l'a dénoncé M. [T] dès son courrier du 16 février 2016 que la société produit elle-même (sa pièce n°10) et dans lequel il confirme être à la disposition de son employeur depuis la fin de son arrêt de travail le 15 février 2016.

Dans ces conditions, le jugement d oit être confirmé en ce qu'il a alloué à ce titre à M. [T] la somme de 386,61 € outre 38,66 € au titre des congés payés afférents.

Sur les motifs du licenciement

Le mandataire de la société employeur soutient que les griefs visés dans la lettre de licenciement sont constitutifs d'une faute grave et qu'il doit être tenu compte du comportement antérieur du salarié et des avertissements qui lui avaient déjà été délivrés.

L'AGS CGEA soutient à titre principal le bien fondé du licenciement pour faute grave au regard des faits commis par le salarié et établis par l'employeur qui rendaient impossible son maintien dans la société'; à titre subsidiaire que la réalité des faits constitue une cause réelle et sérieuse du licenciement; à titre très subsidiaire qu'il convient de limiter le quantum des demandes pécuniaires.

Pour confirmation de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, M. [T] soutient que l'employeur ne pouvait prononcer un licenciement disciplinaire pour les faits pour lesquels il avait déjà sanctionné le salarié par des avertissements et que les faits concernés par le seul grief échappant à cette circonstance ne sont pas caractérisés par les pièces versées par l'employeur. Il demande la confirmation de l'ensemble des dispositions du jugement sur le montant des sommes qui lui ont été allouées et la fixation au passif de la liquidation de la société de la créance correspondante.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de l'appelant dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, doit être suffisamment motivée et viser des faits et griefs matériellement vérifiables, sous peine de rendre le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

Il est établi que le même fait ne peut pas être sanctionné deux fois'et que si l'employeur a connaissance de plusieurs faits pouvant être reprochés à un salarié mais qu'il choisit de ne sanctionner qu'un seul fait, alors l'épuisement du pouvoir disciplinaire interdit à l'employeur d'envisager toute sanction ultérieure sur ces mêmes faits.

En l'espèce, la lettre de licenciement du 25 mars 2016 (pièce n°11 du salarié, n°17 de l'employeur), qui fixe les limites du litige est ainsi rédigée :

«'Nous faisons suite à l'entretien préalable qui s'est déroulé le mardi 22 mars à I4 h 15 dans nos bureaux et an cours duquel nous vous avons exposé les faits qui vous sont reprochés.

- Le 30 janvier 2016, vous vous êtes présenté, au siège de l'entreprise pour laquelle vous travaillez, [Adresse 3] pour discuter avec vos employeurs, Messieurs [H] [R] [W] et [Y], respectivement président et directeur général des Transports TGMJ au sujet d'un virement qui n'avait pas été fait. Vous étiez déjà très énervé. Monsieur [H] [R] [W] vous a montré l'ordre de virement qui avait été fait quelques jours plus tôt, mais vous ne vouliez pas en tenir compte et avez commencé à hausser le ton et à insulter vos supérieurs.

Vous avez fait preuve d'intimidation physique sur la personne de Mr [H] [Y] en l'empoignant énergiquement.

Ce comportement est inadmissible et témoigne d'un manque de respect que vous avez envers votre hiérarchie.

- Le 23/l2/2015, vous êtes revenu de votre tournée CERP, avec une caisse contenant des sachets de médicaments d'un montant total de I00,28 €que vous nous avez dit avoir oublié de livrer. Vous avez alors décider (sic) de vider cette caisse dans une poubelle et de ne le signaler à personne, ce qui est un comportement inadmissible.

- Notre client OCP nous a adressé un mail le 08 mars 2016 pour nous informer de votre manque de sérieux. Plusieurs réclamations de leurs clients ont été faites concernant votre attitude totalement incorrecte, votre manque relationnel dû à leur profession et votre manque de professionnalisme. Ils ont été contraints de nous supprimer cette tournée quotidienne le 26/01/2016. Vous ne vous êtes pas présenté le 05/03/2016 pour effectuer une tournée et vous étiez injoignable. Ce client a dû faire appel à un autre sous traitant qui, prévenu vers 13h, est arrivé avec un retard conséquent, décalant ainsi leurs clients. II a exigé que nous ne nous fassions (sic) plus appel à vous, faute de quoi il nous retirerait cette tournée le samedi.

Tous ces éléments prouvent que vous n'avez pas un comportement avec vos supérieurs, en clientèle et chez nos donneurs d'ordre, digne de votre qualification de chauffeur livreur et que cela porte préjudice à notre entreprise ainsi qu'à nos donneurs d'ordre et clients.

Mais vous avez aussi un comportement irresponsable au niveau du respect du matériel qui vous est confié. Vous avez eu un sinistre avec des dommages, sur notre véhicule et sur celui de la partie adverse. Après examen du constat, il apparaît que vous avez effectué un refus de priorité.

Les comportements que vous avez que ce soit vis-à-vis, (sic) des clients, de l'entreprise, des donneurs d'ordre, ou du respect de votre matériel, sont des agissements constitutifs d'une faute grave.

Aussi, au vu de ce qui précède, nous considérons que le maintien de votre contrat de travail au sein de nos effectifs s'avère impossible.

Nous vous notifions donc, par la présente, votre licenciement pour faute grave. Votre licenciement prend effet immédiatement et votre solde de tout compte, sans indemnité de licenciement ni de préavis, sera arrêté à la date d'envoi de (sic) présent courrier.(...) »

Il ressort en l'espèce de l'ensemble des pièces versées aux débats que':

- les faits du 23 décembre 2015 concernant les «'sachets de médicaments d'un montant total de 100,68 €'» que M. [T] aurait «'décidé de vider dans une poubelle'» ont déjà été sanctionnés par un avertissement notifié au salarié le 12 janvier 2016 et rédigé dans les mêmes termes (pièce n°6 employeur),

- les faits de «'menaces et injures'» envers ses supérieurs du 30 janvier 2016 ont été sanctionnés par un avertissement du 11 février 2016 (pièce n°9 de l'employeur),

- le «'sinistre avec des dommages'» survenu le 10 février 2016 avait été sanctionné par un avertissement du 8 mars 2016 (pièce n°13 de l'employeur),

- l'absence de M. [T] le 05 mars 2016 pour effectuer une tournée était déjà connue de l'employeur avant la délivrance de cet avertissement du 8 mars et de la mise en demeure du même jour (pièce n°14 de l'employeur) puisque le courriel que la société indique avoir reçu ce même jour (sa pièce 15) confirme que le client mécontent a été informé le 5 mars 2016 soit le jour-même de l'absence de M. [T] par l'employeur.

Tous ces griefs ne pouvaient donc être retenus comme motifs du licenciement.

Le seul grief parmi ceux évoqués dans la lettre de licenciement pour lequel l'employeur n'avait pas déjà épuisé son pouvoir disciplinaire est celui concernant le «'client OCP'» et son courriel du 08 mars 2016'», grief qui n'est étayé que par ce courriel (pièce n°15 précitée), sans aucun autre élément probant et qui ne vise que des éléments non datés, imprécis et par conséquent non vérifiables, de sorte que c'est à juste titre que le jugement attaqué a retenu que ce grief non plus n'était pas établi par l'employeur.

Le licenciement se trouve donc dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement doit être confirmé sur ce point.

Sur les conséquences financières

Par suite de l'absence de faute grave, M. [T] a droit au rappel de salaire portant sur la période de mise à pied conservatoire, ainsi qu'aux indemnités compensatrices de préavis et congés payés afférents et à l'indemnité de licenciement, pour les montants retenus par les premiers juges sur la base d'un salaire de référence s'élevant à 1.675,33 € brut par mois dont le montant n'est pas valablement critiqué par l'AGS CGEA qui omet dans son calcul d'intégrer le montant des heures supplémentaires accordées au salarié, le jugement entrepris étant confirmé à ces titres.

Par ailleurs, M. [T] était âgé de 29 ans et avait moins de deux années d'ancienneté au moment de la rupture du contrat de travail de sorte que c'est à tort que la société employeur soutient sa contestation du montant des dommages alloués en se référant à l'article L1235-3 du code du travail. L'indemnisation de M. [T] a été justement évaluée par application de l'article L.1235-5 du code du travail et compte tenu de la perte d'une ancienneté de 8 mois dans les circonstances précédemment rappelées à la somme de 3.400 € au regard de la situation personnelle, familiale et financière consécutive à la perte de son emploi pour M. [T] (conf. Notamment ses pièces n°6-8 et 13).

Sur la remise des documents sociaux

La demande de remise de documents sociaux rectifiés conformes à la présente décision est fondée en son principe. Il conviendra d'y faire droit.

Sur les frais irrépétibles

L'équité justifie qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

INFIRME partiellement le jugement entrepris,

Statuant de nouveau,

FIXE les créances de M. [T] au passif de la société TGMJ aux sommes suivantes':

-139,37 € brut au titre des heures supplémentaires du mois de décembre 2015,

- 13,93€ brut au titre des congés payés afférents,

- 386,60 € brut au titre du rappel de salaire du mois de février 2016,

- 38,66 € brut au titre des congés payés afférents,

- 1.288,28 € brut au titre du rappel de salaire pendant la mise à pied du 7 au 25 mars 2016,

- 128,82 € brut au titre des congés payés afférents,

- 1.675,33 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- 167,54 € brut au titre des congés payés sur préavis

- 3.400 € net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

merci de restructurer le dispositif comme dans la correction d'hier soir.

CONDAMNE la SELARL [O] [B] représentée par Me [O] [B] es qualités à remettre les documents de fin de contrat rectifiés,

CONFIRME le jugement pour le surplus,

Et y ajoutant,

CONDAMNE la SELARL [O] [B] réprésentée par Me [O] [B] es qualités de mandataire liquidateur de la société TRANSPORTS TGMJ à payer à M. [T] la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la SELARL [O] [B] représentée par Me [O] [B] es qualités de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉCLARE le présent arrêt opposable à l'AGS - CGEA de [Localité 8] dans les limites prévues aux articles L.3253-6 et suivants du code du travail et dans les limites du plafond des articles L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail ;

CONDAMNE la SELARL [O] [B] représentée par Me [O] [B] es qualités aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 8ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 17/07089
Date de la décision : 01/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-01;17.07089 ?
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