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30/11/2022 | FRANCE | N°20/02433

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 30 novembre 2022, 20/02433


9ème Ch Sécurité Sociale





ARRÊT N°



N° RG 20/02433 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QUMO













Société [4]



C/



CPAM DU FINISTERE

































Copie exécutoire délivrée

le :



à :











Copie certifiée conforme délivrée

le:



à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM D

U PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 30 NOVEMBRE 2022



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Philippe LE BOUDEC, lors des débats e...

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 20/02433 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QUMO

Société [4]

C/

CPAM DU FINISTERE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 30 NOVEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe LE BOUDEC, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 05 Octobre 2022

devant Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, magistrat rapporteur, tenant seule l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 30 Novembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats ;

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 23 Mars 2020

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal Judiciaire de QUIMPER - Pôle Social

Références : 19/00352

****

APPELANTE :

La Société [4]

[Adresse 5]

[Localité 3]

représentée par Me Cédric PUTANIER de la SELARL CEDRIC PUTANIER AVOCATS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU FINISTERE

Service contentieux

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Madame [S] [X] en vertu d'un pouvoir spécial

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 22 février 2019, la société [4] (la société) a transmis à la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère (la caisse), une déclaration d'accident du travail, accompagnée de réserves, concernant Mme [Y] [O], salariée en tant que chef d'équipe, mentionnant les circonstances suivantes :

Date : 21 février 2019 ; Heure : 8 heures ;

Lieu de travail habituel ;

Activité de la victime lors de l'accident : en descendant les escaliers, la victime aurait glissé et serait tombée sur la dernière marche des escaliers;

Nature de l'accident : choc traumatique (douleur) au dos ;

Objet dont le contact a blessé la victime : escalier ;

Eventuelles réserves motivées : courrier à suivre ;

Siège des lésions : au niveau au dos ;

Nature des lésions : douleur ;

Horaire de travail de la victime le jour de l'accident : de 8h00 à 16h00 ;

Accident connu le 21 février 2019 à 8 heures par les préposés de l'employeur.

Le certificat médical initial établi le 21 février 2019 fait état d'un 'traumatisme lombaire et bassin après chute' avec prescription d'un arrêt de travail jusqu'au 3 mars 2019.

Le 14 mai 2019, la caisse a pris en charge l'accident au titre de la législation professionnelle.

Contestant cette décision ainsi que l'imputabilité des arrêts de travail et des soins à l'accident, la société a saisi la commission de recours amiable.

Se prévalant d'un rejet implicite de sa réclamation, la société a porté le litige devant le pôle social du tribunal de grande instance de Quimper le 26 septembre 2019.

Par jugement du 23 mars 2020, ce tribunal, devenu le pôle social du tribunal judiciaire de Quimper, a :

- déclaré recevable mais mal fondé le recours de la société ;

- débouté la société de ses demandes ;

- dit opposable à la société la décision du 14 mars 2019 de la caisse de prendre en charge l'accident de Mme [O] au titre de la législation relative aux risques professionnels ainsi que l'ensemble des conséquences médicales de cet accident ;

- condamné la société aux dépens.

Par déclaration adressée le 20 mai 2020, la société a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 9 avril 2020.

Par ses écritures parvenues par le RPVA le 3 mai 2021 auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, la société demande à la cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement entepris ;

Statuant à nouveau :

A titre principal :

- déclarer que la matérialité d'un accident survenu aux temps et lieu de travail n'est pas établie ;

- déclarer que la caisse n'a pas respecté le principe du contradictoire ;

En conséquence,

- prononcer, dans les rapports entre la société et caisse, l'inopposabilité de la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, des faits déclarés par Mme [O] ;

A titre subsidiaire :

- déclarer que les arrêts de travail prescrits à Mme [O] à compter du 4 mars 2019 ne sont pas imputables aux faits déclarés ;

En conséquence,

- prononcer, dans les rapports entre la société et la caisse, l'inopposabilité des arrêts de travail et soins prescrits à Mme [O] à compter du 4 mars 2019 ;

A titre infiniment subsidiaire :

- déclarer que la caisse ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un lien entre les faits déclarés et les arrêts de travail prescrits ;

- déclarer que l'employeur ne dispose d'aucun élément permettant de s'assurer de la continuité des soins et symptômes ainsi que du lien direct et exclusif entre les faits déclarés et les prescriptions prises en charge par la caisse ;

- déclarer que l'employeur rapporte la preuve - ou tout du moins un commencement de preuve - de l'existence d'une cause totalement étrangère au travail à l'origine des arrêts de travail prescrits ;

En conséquence,

- ordonner une expertise médicale judiciaire sur pièces, et commettre à cet effet tel expert qu'il plaira à la cour de désigner avec pour mission de :

* prendre connaissance des documents détenus par la caisse concernant le dossier AT de Madame [O] ;

* dire si tous les soins et arrêts de travail sont en lien direct et exclusif, imputables à la pathologie initiale ou s'ils trouvent leur origine dans une cause totalement étrangère au travail de la salariée, ou encore dans un état pathologique antérieur évoluant pour son propre compte.

Par ses écritures parvenues au greffe le 13 juillet 2021 auxquelles s'est référé et qu'a développées son représentant à l'audience, la caisse demande à la cour, au visa des articles R. 411-11 et suivants du code de la sécurité sociale et 146 du code de procédure civile, de :

- confirmer le jugement entrepris ;

- constater que l'instruction de la demande de reconnaissance d'accident du travail de Mme [O] a été menée de manière contradictoire à l'égard de la société et que la caisse a pleinement satisfait à son devoir d'information préalable, conformément aux dispositions de l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale et à la jurisprudence ;

- constater que, dans ses rapports avec la société, la caisse établit la matérialité de cet accident du travail et que la présomption d'imputabilité s'applique ;

- constater que la société n'apporte pas la preuve de l'existence d'une cause totalement étrangère qui serait à l'origine de la lésion présentée par Mme [O] ;

- confirmer, en conséquence, l'opposabilité à l'égard de la société de la décision de prise en charge de cet accident du travail ;

- dire que, dans ses rapports avec la société, la caisse établit la relation et la justification des arrêts et soins prescrits à Mme [O] à la suite de son accident du travail, pendant toute la période d'incapacité jusqu'à la date de la consolidation, que la présomption d'imputabilité s'applique et qu'elle n'est aucunement détruite par 1'employeur ;

- confirmer, en conséquence, l'opposabilité à l'égard de la société des conséquences médicales de cet accident du travail ;

- rejeter la demande d'expertise médicale judiciaire en l'absence d'éléments médicaux permettant de la justifier ;

- confirmer 1'opposabilité à l'égard de la société des conséquences médicales de cet accident du travail ;

- déclarer la société mal fondée dans ses prétentions pour la débouter de son appel.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1 - Sur la régularité de la procédure d'instruction :

La société fait valoir que l'avis du service médical n'a été sollicité par la caisse que le jour de la clôture de l'instruction, et qu'il n'a été rendu que le 30 avril 2019, soit postérieurement à cette clôture ; qu'il apparaît paradoxal de signifier par la clôture que le dossier constitué est complet et permet de prendre une décision, tout en sollicitant cet avis ; que la caisse n'a pas respecté le principe du contradictoire.

La caisse réplique que l'avis du médecin conseil ne fait pas partie des éléments sur la base desquels elle a pris sa décision, puisqu'il a été rendu après la clôture ; que cet avis n'avait pas à être demandé car la matérialité des faits était établie par les éléments recueillis au cours de l'instruction ; que cet avis n'est pas un élément susceptible de faire grief à l'employeur dès lors qu'il n'a pas été pris en compte pour établir le caractère professionnel de l'accident.

Sur ce :

L'article R.441-14 alinéa 3 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n°2009-938 du 29 juillet 2009 applicable à l'espèce, dispose :

'Dans les cas prévus au dernier alinéa de l'article R.441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l'article R.441-13'.

Selon l'article R. 441-13 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur du 10 juin 2016 au 1er juin 2019, énonce :

'Le dossier constitué par la caisse primaire doit comprendre :

1°) la déclaration d'accident ;

2°) les divers certificats médicaux détenus par la caisse ;

3°) les constats faits par la caisse primaire ;

4°) les informations parvenues à la caisse de chacune des parties ;

5°) les éléments communiqués par la caisse régionale.

Il peut, à leur demande, être communiqué à l'assuré, ses ayants droit et à l'employeur, ou à leurs mandataires.

Ce dossier ne peut être communiqué à un tiers que sur demande de l'autorité judiciaire'.

La Cour de cassation juge de façon constante que la caisse a satisfait à son obligation d'information dès lors qu'elle a informé l'employeur de la clôture de l'instruction et l'a invité, préalablement à sa prise de décision sur le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie, à consulter le dossier pendant un délai imparti, le mettant ainsi en mesure de prendre connaissance des éléments susceptibles de lui faire grief et de contester la décision (2è Civ.,23 octobre 2008, pourvoi n° 07-18150 ; 2è Civ., 24 janvier 2019, pourvoi n°18-10.757).

Dans le domaine de la reconnaissance des maladies professionnelles, la Cour de cassation a affirmé la nécessité que figure au dossier l'avis du médecin conseil sur le caractère professionnel de la maladie, qui fait partie des éléments faisant grief à l'employeur (21 décembre 2017, pourvoi n° 16-23.593).

Si en matière d'accident du travail, la caisse n'a pas l'obligation de recueillir l'avis de son médecin conseil (2è Civ., 16 décembre 2010, pourvoi n°09-16.994), dans l'hypothèse où le service médical a effectivement été sollicité par celle-ci, l'avis, parvenu à la caisse avant qu'elle ait pris sa décision, doit être communiqué à l'employeur (2è Civ., 15 février 2018, pourvoi n°17-10.211).

En l'espèce, il est constant que par lettre du 24 avril 2019 la caisse a informé la société de la clôture de la procédure d'instruction et de la possibilité de venir consulter les pièces du dossier, préalablement à la prise de décision devant intervenir le 14 mai 2019.

Il ressort de la pièce n°7 de la société que le 24 avril 2019, soit le jour de la clôture de l'instruction, la caisse a sollicité l'avis du service médical sur l'imputabilité des lésions à l'accident déclaré ; la réponse du médecin conseil est intervenue le 30 avril 2019, avant la décision de la caisse sur le caractère professionnel de l'accident.

Il n'est pas allégué que l'employeur a été informé de cet avis pendant le temps imparti à celui-ci pour présenter des observations.

Il n'est pas davantage allégué que cet avis figurait au nombre des pièces tenues à la disposition de l'employeur.

Il apparaît que cet avis du médecin conseil, intervenu avant la décision de la caisse sur le caractère professionnel de l'accident, fait nécessairement grief à l'employeur.

Faute pour cette dernière de l'avoir communiqué à la société dans le délai qui lui était imparti pour présenter ses observations et faute de l'avoir mis à sa disposition avec les autres éléments du dossier, la caisse n'a pas respecté le principe du contradictoire.

Il importe peu à ce titre que la société n'ait pas exercé son droit de consultation.

En conséquence, la procédure d'instruction est irrégulière et la décision de prise en charge par la caisse, au titre de la législation professionnelle, de l'accident subi par Mme [O] sera déclarée inopposable à la société, le jugement étant infirmé en toutes ses dispositions.

2 - Sur les dépens :

Les dépens de la présente procédure seront laissés à la charge de la caisse qui succombe à l'instance.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement dans toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau :

DECLARE inopposable à la société [4] la décision de prise en charge, par la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère, au titre de la législation professionnelle, de l'accident subi par Mme [O] le 21 février 2019 ;

CONDAMNE la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 20/02433
Date de la décision : 30/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-30;20.02433 ?
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