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30/11/2022 | FRANCE | N°19/07303

France | France, Cour d'appel de Rennes, 5ème chambre, 30 novembre 2022, 19/07303


5ème Chambre





ARRÊT N° 349



N° RG 19/07303 - N° Portalis DBVL-V-B7D-QHKC













Melle [J] [Y] [X]



C/



M. [C] [F]



















Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours















Copie exécutoire délivrée



le :



à : Me Coroller Bequet

Me Adam


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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 30 NOVEMBRE 2022







COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie HA...

5ème Chambre

ARRÊT N° 349

N° RG 19/07303 - N° Portalis DBVL-V-B7D-QHKC

Melle [J] [Y] [X]

C/

M. [C] [F]

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Coroller Bequet

Me Adam

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 30 NOVEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 05 Octobre 2022

ARRÊT :

contradictoire, prononcé publiquement le 30 Novembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

Mademoiselle [J] [Y] [X]

née le 17 Février 2001, de nationalité française

étudiante

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Alain COROLLER-BEQUET de la SELARL ALEMA AVOCATS, plaidant/postulant, avocat au barreau de QUIMPER

INTIMÉ :

Monsieur [C] [F]

né le 10 Octobre 1967 à [Localité 5], de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Marine ADAM de la SELARL CHEVALLIER ET ASSOCIES, plaidant/postulant, avocat au barreau de BREST

Le 15 novembre 2014, M. [A] [M] a loué auprès de M. [C] [F], le manoir de Kergolven situé à [Localité 4], afin d'y fêter son anniversaire. M. et Mme [Y] [X] et leur fille mineure [J] [Y] [X] ont été invités à cet événement. Lors de la soirée du 15 novembre 2014, Mme [J] [Y] [X] a été victime d'un traumatisme crânien et facial.

Par exploit d'huissier en date du 18 mai 2018, les époux [Y] [X], en qualité de représentants légaux de leur fille [J], ont fait assigner M. [C] [F] devant le tribunal de grande instance de Quimper, aux fins d'engager sa responsabilité et obtenir la réparation des préjudices subis.

Par jugement en date du 25 juin 2019, le tribunal de grande instance de Quimper a :

- débouté Mme [D] [Y] [X] et M. [H] [Y] [X] de l'ensemble de leurs demandes,

- condamné solidairement les demandeurs aux entiers dépens de la présente instance, conformément à l'article 696 du code de procédure civile,

- condamné solidairement les demandeurs à payer à M. [C] [F] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 5 novembre 2019, Mme [J] [Y] [X] a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 14 septembre 2022, elle demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il :

* les a déboutés de leur action en responsabilité contractuelle et subsidiairement quasi-délictuelle à l'égard de M. [C] [F],

* a rejeté les demandes de réparation du préjudice subi par leur fille,

* les a condamnés, en qualité de représentants légaux de leur fille Mme [J] [Y] [X], aux dépens de l'instance et à la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* les a déboutés de leurs demandes présentées aux mêmes titres contre M. [C] [F],

Statuant à nouveau

- à titre principal, juger que M. [C] [F] est responsable de l'accident et a engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de Mme [J] [Y] [X],

- à titre subsidiaire, juger que M. [C] [F] a engagé sa responsabilité en tant que gardien de l'escalier,

En tout état de cause, sur l'un ou l'autre de ces fondements.

- condamner M. [C] [F] à payer à titre de dommages et intérêts la somme de 38 882,08 euros, à titre provisionnel, correspondant aux éléments suivants :

* frais de santé, soit 6 882,08 euros, la somme étant à parfaire ;

* 13 500 euros au titre du déficit fonctionnel,

* 8 000 euros au titre des souffrances endurées,

* 1 500 euros au titre du préjudice esthétique,

* 7 000 euros au titre du préjudice scolaire,

* 2 000 euros au titre du préjudice d'agrément,

- juger que le montant sera indexé sur le taux d'inflation des prix hors tabac de l'INSEE, à partir de la date de l'assignation, et jusqu'au jour où la cour statuera,

- condamner M. [C] [F] aux dépens de l'instance ainsi qu'au paiement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 13 septembre 2022, M. [C] [F] demande à la cour de :

- dire et juger que sa responsabilité dans la survenance des dommages invoqués par Mme [J] [Y] [X] ne peut être engagée,

- débouter Mme [J] [Y] [X] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner Mme [J] [Y] [X] à verser à M. [C] [F] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens.

Par ordonnance du 25 juin 2020, le magistrat de la mise en état de la cour d'appel de Rennes a déclaré recevable l'appel formé par Mme [J] [Y] [X] le 5 novembre 2019.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- Sur les circonstances de l'accident de Mme [J] [Y] [X]

Mme [J] [Y] [X] soutient que le soir du 15 novembre 2014, elle est tombée seule d'une échelle de meunier desservant les combles du manoir et que son visage a heurté le mur et les marches en granit situés en bas de l'escalier lui occasionnant de graves blessures.

M. [C] [F] rétorque qu'en l'absence de témoin lors de l'accident et en l'absence d'élément probant produit par l'appelante, les circonstances exactes de l'accident restent indéterminées de même que le lieu précis de celui-ci. Il en déduit que l'appelante ne démontre pas la matérialité de l'accident ni ses circonstances exactes.

M. et Mme [Y] [X] ont indiqué dans leur déclaration d'accident à leur assureur en date du 17 novembre 2014 que leur fille a fait une chute dans un escalier dans la nuit du samedi 14 au dimanche 15 novembre 2014 vers 23 heures et qu'elle a chuté seule. Il résulte de l'attestation du service de pédiatrie du centre hospitalier de [Localité 6] que Mme [J] [Y] [X] a été hospitalisée au sein de cet établissement du 16 au 17 novembre 2014 pour un traumatisme crânien sans gravité et un trauma facial avec avulsion des dents 11 et 12, luxation de la dent 21 et fracture des os propres du nez suite à une chute d'un escalier sur un sol dur. La date, le lieu et les raisons de l'hospitalisation de Mme [J] [Y] [X] permettent de conclure qu'elle a bien été victime d'un accident au manoir de M. [C] [F] au cours duquel elle a chuté dans un escalier.

L'appelante soutient qu'elle est tombée d'une échelle de meunier sur un sol en granit. Elle produit, à l'appui de ses dires, la fiche d'information que ses parents ont adressé à leur assureur le 15 décembre 2015 dans laquelle ils précisent que leur fille a chuté d'un escalier accédant à une chambre en mezzanine et qu'aucun témoin n'était présent. Or elle verse aux débats l'attestation d'un témoin des faits, en la personne de Mme [B] [K], qui n'est pas régulière dans les formes, et qui indique qu'elle a été témoin de l'accident et a vu l'appelante tomber seule dans l'escalier la tête la première. Cette attestation, qui est en contradiction avec les indications des parents de Mme [J] [Y] [X] dans la fiche d'information précitée, n'apporte aucune précision sur l'escalier dans lequel est tombée son amie. De même, les photographies d'un escalier produites par l'appelante ne sont guères plus probantes en ce qu'il ne s'agit pas de photographies prises le jour des faits et qu'elles ne permettent pas de voir la nature du sol.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il est établi que Mme [J] [Y] [X] a chuté seule d'un escalier du manoir de M. [C] [F] sans qu'il puisse être affirmé qu'il s'agit d'un escalier de meunier contrairement à ce qu'a retenu le premier juge.

- Sur la responsabilité contractuelle de M. [C] [F]

Mme [J] [Y] [X] soutient que la responsabilité contractuelle de M. [C] [F] est engagée sur les fondements des articles 1147 ancien du code civil. Elle indique que celui-ci est tenu d'une obligation de sécurité à l'égard de toutes les personnes susceptibles de venir dans l'immeuble qu'il a loué eu égard à son obligation de jouissance paisible conformément aux dispositions de l'article 1719 du code civil et de son obligation de garantir le preneur contre les vices affectant l'immeuble loué conformément aux dispositions de l'article 1721 du code civil.

Elle fait valoir qu'il était également tenu d'une obligation de sécurité de résultat en application des dispositions de l'article L. 221-1 ancien du code de la consommation en sa qualité de professionnel. Elle ajoute que l'établissement est soumis à la réglementation sur les établissements recevant du public et aux exigences de sécurité imposées aux escaliers de ces établissements.

M. [C] [F] conteste toute responsabilité contractuelle. Il indique que l'appelante était un tiers au contrat et qu'il n'a conclu le contrat de bail qu'avec M. [A] [M] à qui il a transmis les consignes de sécurité. Il ajoute que les dispositions du code de la consommation ne lui sont pas applicables en ce qu'il n'était pas un professionnel au moment de l'accident.

S'agissant de l'obligation de jouissance paisible, les dispositions de l'article 1719 du code civil disposent que le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière de délivrer au preneur la chose louée, d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée, d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail, d'assurer également la permanence et la qualité des plantations.

L'article 1720 du code civil dispose que le bailleur est tenu de délivrer la chose en bon état de réparations de toute espèce.

L'article 1721 du code civil dispose qu'il est dû garantie au preneur pour tous les vices ou défauts de la chose louée qui en empêchent l'usage, quand bien même le bailleur ne les aurait pas connus lors du bail. S'il résulte de ces vices ou défauts quelque perte pour le preneur, le bailleur est tenu de l'indemniser.

Le contrat de bail a été passé entre M. [C] [F] et M. [A] [M] le 15 novembre 2014 pour une journée afin d'y fêter son anniversaire. Les époux [Y] [X] et leur fille ont été invités à cet événement privé par M. [A] [M] et doivent être ainsi considérés comme des tiers au contrat de sorte que la responsabilité contractuelle de M. [C] [F] ne peut être engagée à leur égard.

De surcroît, s'il est constant que le tiers à un contrat peut invoquer sur le fondement de la responsabilité délictuelle, et non contractuelle, un manquement contractuel portant notamment sur une obligation de résultat dès lors que ce manquement lui a causé un dommage (Ass.plén. 13 janv.2020, N°17-19.963), il n'en demeure pas moins que l'appelante ne justifie pas de l'existence d'un manquement en ce que l'escalier en cause n'est pas déterminé de sorte qu'il ne peut être reproché au bailleur d'avoir mis à disposition un escalier dangereux ou qui contreviendrait aux règles de sécurité des escaliers des établissements recevant du public.

S'agissant de l'obligation de sécurité au visa des dispositions de l'ancien article L. 221-1 du code de la consommation, applicable au litige, (désormais article L.412-3 du code de la consommation), les produits et services doivent présenter, dans des conditions normales d'utilisation ou dans d'autres conditions raisonnablement prévisibles par le professionnel, la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre et ne pas porter atteinte à la santé des personnes.

Si ce texte édicte au profit des consommateurs une obligation générale de sécurité des produits et services, il soumet désormais le professionnel à une obligation de moyen et ce suite à la décision de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation dans son arrêt du 09 septembre 2020 (n°19-11.882).

En l'espèce, il résulte de l'extrait K-bis du 2 avril 2019 que M. [C] [F] est immatriculé au registre du commerce et des sociétés depuis le 18 décembre 2015 pour une activité de location de salles de réception et de gîtes dans le cadre d'une exploitation personnelle. Cette immatriculation est postérieure à l'accident de Mme [J] [Y] [X]. L'article du Télégramme du 25 février 2015 intitulé 'le manoir de Kergolven est prêt à livrer ses richesses' et un extrait de renseignements juridiques non datés ne permettent pas d'établir que M. [C] [F] était un professionnel avant son immatriculation le 18 décembre 2015. L'appelante échoue à démontrer la qualité de professionnel de M. [C] [F] au moment de son accident. Il ne peut ainsi voir sa responsabilité engagée au visa des dispositions de l'ancien article L. 221-1 du code de la consommation.

De surcroît, il convient de rappeler que l'appelante ayant échoué à démontrer l'escalier à l'origine de sa chute, il ne peut être considéré que cet escalier se trouvait dans une position anormale ou en mauvais état.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a considéré que la responsabilité contractuelle de M. [C] [F] ne pouvait être engagée.

- Sur la responsabilité délictuelle de M. [C] [F]

Mme [J] [Y] [X] soutient que la responsabilité de M. [C] [F] doit être engagée en tant que gardien de l'escalier cause du dommage en vertu de l'ancien article 1384 alinéa 1er du code civil applicable au litige. Elle fait valoir que la structure de l'escalier s'agissant d'un escalier de meunier extrêmement raide et présentant des marches étroites sans contremarches et son agencement trop proche du plancher du dortoir constituent l'anormalité à l'origine de sa chute.

M. [C] [F] fait valoir que le fait dommageable n'est pas établi et qu'en tout état de cause la caractérisation de toute dangerosité de l'escalier n'est pas plus démontrée.

Aux termes de l'article 1384 alinéa 1 ancien du code civil dans sa rédaction applicable au litige, on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde.

Il appartient, dès lors, à Mme [J] [Y] [X] de démontrer que l'escalier, chose inerte par définition, présentait un caractère anormal soit par son état, soit par sa position ou son caractère dangereux.

Or Mme [J] [Y] [X] n'a pu démontrer quel était l'escalier à l'origine de sa chute et le manoir étant desservi par plusieurs escaliers tel que cela résulte des photographies produites, le caractère anormal de l'escalier qui serait en cause n'est pas établi. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a exclu toute responsabilité délictuelle de M. [C] [F].

La responsabilité tant contractuelle que délictuelle de M. [C] [F] n'étant pas engagée, Mme [J] [Y] [X] sera déboutée de sa demande d'indemnisation. Le jugement sera confirmé.

- Sur les frais irréptibles et les dépens

Succombant en son appel, Mme [J] [Y] [X] sera condamnée à verser à M. [C] [F] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens d'appel étant précisé que les dispositions du jugement entrepris relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe :

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne Mme [J] [Y] [X] à verser à M. [C] [F] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ;

Condamne Mme [J] [Y] [X] aux entiers dépens d'appel ;

Déboute Mme [J] [Y] [X] de toutes ses demandes, fins et conclusions.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19/07303
Date de la décision : 30/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-30;19.07303 ?
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