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30/11/2022 | FRANCE | N°19/05160

France | France, Cour d'appel de Rennes, 5ème chambre, 30 novembre 2022, 19/05160


5ème Chambre





ARRÊT N° 348



N° RG 19/05160 - N° Portalis DBVL-V-B7D-P7XJ













Organisme CPAM D'ILLE ET VILAINE



C/



M. [R] [E]

SA ALLLIANZ IARD



















Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée















Copie exécutoire délivrée



le :



à : Me Di Palma

Me Ca

rtron

Me Quesnel











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 30 NOVEMBRE 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente, rapport...

5ème Chambre

ARRÊT N° 348

N° RG 19/05160 - N° Portalis DBVL-V-B7D-P7XJ

Organisme CPAM D'ILLE ET VILAINE

C/

M. [R] [E]

SA ALLLIANZ IARD

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Di Palma

Me Cartron

Me Quesnel

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 30 NOVEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente, rapporteur

Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 05 Octobre 2022

ARRÊT :

contradictoire, prononcé publiquement le 30 Novembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

CPAM D'ILLE ET VILAINE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège,

[Adresse 7]

[Localité 8]

Représentée par Me Antoine DI PALMA, plaidant/postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉS :

Madame [R] [E]

né le [Date naissance 3] 1963 à [Localité 6], de nationalité française

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me Dominique CARTRON de la SELAS DOMINIQUE CARTRON, plaidant/postulant, avocat au barreau de RENNES

SA ALLLIANZ IARD, immatriculée au RCS de Nanterrre sous le n° 542 110 291, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège,

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Anne-Marie QUESNEL de la SCP DEPASSE, DAUGAN, QUESNEL, DEMAY, plaidant/postulant, avocat au barreau de RENNES

Le 28 mai 2015, Mme [R] [E] a été victime d'un accident corporel à l'occasion d'une chute survenue dans l'établissement commercial exploité sous l'enseigne "L'Orange Bleue' par la société Cocktail Form assurée au titre de sa responsabilité auprès de la société Allianz au titre d'une police n° 54655733.

Dans les suites immédiates de l'accident a été diagnostiquée une fracture du col fémoral gauche ayant justifié un arrêt d'activité personnelle et professionnelle et des soins.

Ultérieurement, Mme [R] [E] et la société Allianz sont entrées en relation dans la perspective d'une indemnisation des conséquences de cet accident.

Suivant protocole en date du 7 octobre 2016, Mme [R] [E] et la société Allianz se sont accordées sur une prise en charge des conséquences de cet accident à concurrence de 75 % de ses préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux. Par même acte, elles se sont accordées sur le versement d'une indemnité provisionnelle de 5 000 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices et sur l'organisation d'une mesure d'expertise médicale ayant la valeur d'une expertise judiciaire telle qu'elle aurait pu être ordonnée par le juge des référés sur le fondement des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile.

Sa mission accomplie, le docteur [C], expert désigné d'un commun accord par les deux parties, a déposé son rapport le 10 avril 2017.

Les parties n'ont pu s'accorder sur les modalités de liquidation financière des préjudices patrimoniaux et extra patrimoniaux de Mme [R] [E].

Suivant acte en date du 1er février 2018, Mme [R] [E] a assigné la société Allianz et la CPAM d'Ille-et-Vilaine devant le tribunal de grande instance de Rennes.

Par jugement en date du 5 juillet 2019, le tribunal a :

- condamné la société Allianz en deniers ou quittances au paiement de la somme de 31 446,60 euros après réduction du montant de l'indemnité réparatrice du préjudice extra patrimonial de Mme [R] [E],

- condamné la société Allianz en deniers ou quittances au paiement de la somme de 55 137,33 euros après réduction et imputation du recours du tiers payeur le montant de l'indemnité réparatrice du préjudice patrimonial de Mme [R] [E],

- condamné la société Allianz au paiement à Mme [R] [E] de la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- déclaré le présent jugement commun et opposable à la caisse primaire d'assurance-maladie d'Ille-et-Vilaine,

- dit que la liquidation de la créance de la CPAM justifiée à hauteur de 253 975,10 euros ne pourra intervenir que sur la base de la liquidation en droit commun du préjudice de la victime ainsi estimé et dans la limite de l'assiette, le droit d'indemnisation de la victime étant prioritaire,

- condamné la société Allianz à verser à la CPAM la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et celle de 1 080 euros sur le fondement de l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale,

- condamné la société Allianz aux dépens et accorde à Me Cartron le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- ordonné 1'exécution provisoire de la présente décision.

Le 30 juillet 2019, la CPAM d'Ille-et-Vilaine a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 19 février 2020, elle demande à la cour de :

A titre principal,

- voir réformer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Rennes du 5 juillet 2019,

- condamner la société Allianz à lui verser la somme de 253 975,10 euros montant de ses débours, ladite somme avec intérêts de droit à compter de l'arrêt à intervenir et jusqu'à parfait paiement et la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil,

A titre subsidiaire,

- condamner la société Allianz à lui verser la somme de 205 882,52 euros montant de ses débours, ladite somme avec intérêts de droit à compter de l'arrêt à intervenir et jusqu'à parfait paiement et la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil,

En tout état de cause,

Y additant,

- condamner la société Allianz à lui verser la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la même à lui verser la somme de 1 091 euros sur le fondement de l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction des articles 9 et 10 de l'ordonnance du 24 janvier 1996 et de l'arrêté du 27 décembre 2019, publié au JO du 31 décembre 2019, relatif au financement de la sécurité sociale pour l'année 2020,

- condamner la société Allianz aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Me Antoine Di Palma, avocat aux offres de droit.

Par dernières conclusions notifiées le 2 juin 2022, Mme [R] [E] demande à la cour de :

- statuer ce que de droit sur le mérite de l'appel principal inscrit par la caisse primaire d'assurance-maladie d'Ille-et-Vilaine,

- la recevoir en son appel incident, confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Rennes du 5 juillet 2019 sur l'évaluation des pertes de gains actuels, des frais de véhicule adapté, du préjudice esthétique définitif, de l'indemnisation des frais irrépétibles de première instance et, réformant pour le surplus :

- condamner la société Allianz en deniers ou quittances au paiement de la somme de 34 951,88 euros après réduction du montant de l'indemnité réparatrice du préjudice extra patrimonial de Mme [R] [E],

- condamner la société Allianz en deniers ou quittances au paiement de la somme de 72 419,01 euros après réduction et imputation du recours du tiers payeur le montant de l'indemnité réparatrice du préjudice patrimonial de Mme [R] [E], calculée au 5 octobre 2022 et sauf à parfaire à la date de l'arrêt au titre des arrérages de rente et du capital constitutif calculé à l'aide du barème 2021 du Centre de recherche en droit [L] [M], Université Savoie Mont Blanc,

- condamner la société Allianz au paiement de la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et injustifiée,

- condamner la société Allianz au paiement de la somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Allianz aux entiers dépens et autoriser Me Dominique Cartron avocat au barreau de Rennes à recouvrer ceux dont il a fait l'avance conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, comprenant l'intégralité des droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement prévus à l'article L. 111-8 du code des procédures civiles d'exécution, conformément aux dispositions de l'article R. 631-4 du code de la consommation comprenant ceux déjà acquittés au titre de l'exécution provisoire et ceux, le cas échéant, à venir au titre de l'exécution de l'arrêt.

Par dernières conclusions notifiées le 9 janvier 2020, la société Allianz demande à la cour de :

- débouter la CPAM et Mme [R] [E] de leur appel,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour constate que le tribunal a procédé à la liquidation des préjudices subis par Mme [R] [E] en faisant application d'un taux de 75 %, retenu selon accord entre les parties s'agissant de la responsabilité de la société Coktail.form assurée de la société Allianz Iard. Ce point n'est pas critiqué.

Le tribunal a décidé que la liquidation de la créance de la CPAM justifiée à hauteur de 253 975,10 euros ne pourra intervenir que sur la base de la liquidation en droit commun du préjudice de la victime ainsi estimé et dans la limite de l'assiette, le droit d'indemnisation de la victime étant prioritaire.

Force est de contaster qu'il n'a pas statué sur les demandes en remboursement formées par l'organisme payeur, qu'il a pourtant déclinées de manière précise, la formulation du dispositif sur ce point en de tels termes ne permettant pas de déterminer avec exactitude les sommes susceptibles d'être allouées à la CPAM, étant rappelé que la liquidation des préjudices doit intervenir poste par poste, en tenant compte des éventuels recours de l'organisme tiers payeur.

Le tribunal ne pouvait non plus prononcer une condamnation de la société Allianz au paiement de la somme de 55 137,33 euros après réduction et imputation du recours du tiers payeur, alors qu'il n'a pas procédé à cette imputation notamment au titre du préjudice professionnel futur.

La CPAM est donc fondée à prétendre à infirmation sur ces points.

Mme [E], en son appel incident, conteste certaines indemnisations qui lui ont été accordées.

Sur la liquidation des préjudices

Mme [R] [E] née le [Date naissance 3] 1963, exerçait la profession de conductrice de car depuis le 4 janvier 1996 au moment de l'accident survenu le 28 mai 2015.

Les conclusions du docteur [C] du 10 avril 2017 ne sont pas contestées.

L'expert retient :

- une consolidation fixée au 28 février 2017,

- un déficit fonctionnel temporaire total du 28 mai au 1er juin 2015, suivi d'un déficit fonctionnel temporaire partiel de classe III (50 %) jusqu'au 23 février 2016 puis de classe II (25 %) du 23 février 2016 jusqu'au 31 août 2016 puis de classe I (10 %) du 31 août 2016 jusqu'à la date de consolidation,

- les activités professionnelles ont été arrêtées du 28 mai 2015 au 28 février 2017 date d'une mise en invalidité de catégorie II par l'assureur social.

- les souffrances endurées sont évaluées à 3,5 dans l'échelle de 0 à 7,

- le préjudice esthétique temporaire à 1,5 dans la même échelle,

- les besoins d'assistance tierce personne temporaire sont évalués à trois heures par semaine du 1er juin 2015 au 23 février 2016,

- un déficit fonctionnel permanent évalué à 10 %,

- un préjudice esthétique permanent évalué à 1,5 dans l'échelle de 0 à 7,

- un préjudice d'agrément,

- un besoin d'assistance tierce personne permanent et une assistance d'une heure par semaine,

- la nécessité d'un aménagement du véhicule,

- une inaptitude à la reprise de l'activité professionnelle antérieure

1.Sur les préjudices patrimoniaux

1.1 sur les préjudices patrimoniaux temporaires

Les dépenses de santé actuelles

Le tribunal ne retient aucune dépense à ce titre. Or, la CPAM justifie avoir engagé les débours suivants :

- frais hospitaliers pour le séjour au CHU de [Localité 8] du 28 mai 2015 au 3 juin 2015 : 8 628 euros,

- frais de séjour au centre de Pâtis Fraux du 12 décembre 2016 au 3 février 2017 : 7 135,82 euros,

- frais médicaux et pharmaceutiques du 4 juin 2015 au 21 février 2017 : 2 586, 85 euros,

- des frais d'appareillages du 3 juin 2015 au 26 août 2016 : 583,59 euros,

- des frais de transport du 3 juin 2015 au 21 janvier 2017 : 6 231,93 euros,

soit un total de 25 166,19 euros.

Aucune somme n'est due à Mme [E] qui n'a eu aucun frais resté à sa charge.

Les dépenses de santé actuelles doivent donc être fixées à la somme de 25 166,19 euros. Compte tenu du taux de responsabilité convenu entre les parties de 75 %, il est donc dû à la CPAM une somme de 18 874,64 euros.

L'assistance tierce personne temporaire

Il s'agit d'indemniser la victime des dépenses liées à la réduction d'autonomie. Ce préjudice est indemnisé selon le nombre d'heures d'assistance et le type d'aide nécessaire.

Le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne ne saurait être réduit en cas d'assistance familiale ni subordonné à la justification de dépenses effectives.

Mme [E] demande à la cour de fixer ce préjudice à la somme de 2 245,12 euros en retenant un taux horaire de 17 euros en tenant compte des congés et jours fériés. La société Allianz conclut à la confirmation du jugement qui fixe ce préjudice à la somme de 1 710 euros, avant application du taux de responsabilité.

L'expert arrête un besoin en aide humaine de 3 heures par semaine pendant 39 semaines. Rien ne s'oppose à ce qu'il soit tenu compte d'un tarif sur une base de service et tarif mandataire, de sorte que le calcul annuel est fait sur la base de 412 jours pour tenir compte des congés payés (5 semaines) et des jours fériés (une dizaine).

La cour retient un taux horaire de 17 euros, soit :

17 x 3 x 39 x (412 : 365) = 2 245,11 euros.

Compte tenu du taux de responsabilité, il est dû à Mme [E] une somme de 1 683,83 euros.

les pertes de gains professionnels actuels

Il s'agit d'indemniser la perte totale ou partielle des revenus de la victime avant la consolidation du fait de son dommage.

Mme [E] demande à la cour de lui allouer la somme de 11 931,97 euros, après application du taux de responsabilité convenu entre les parties et exercice de son droit de priorité. La société Allianz Iard, conclut à la confirmation du jugement

Les parties ne discutent pas le jugement en ce qu'il évalue les pertes de gains professionnels actuels à la somme de 34 258,63 euros.

Les indemnités journalières versées par la CPAM sont de 22 326, 66 euros, de sorte que la somme de 11 931,97 euros représente la perte de gains pour la victime.

La société Allianz ne peut toutefois être tenue qu'au paiement de 75 % de la somme de 34 258,63 euros, soit 25 693,97 euros, dont 11 931,97 euros reviennent prioritairement à Mme [E].

La somme due à la CPAM est donc de 25 693,97 - 11 931,97 = 13 762 euros.

1.2 sur les préjudices patrimoniaux permanents après consolidation

les dépenses de santé futures

La CPAM fait état d'une somme de 401,90 euros correspondant selon elle à des dépenses de santé futures occasionnelles à prévoir.

Si son décompte du 4 avril 2018 porte mention de cette somme, ce document précise aussi que le détail de cette somme est joint, or, la cour constate l'absence de tout justificatif tel qu'invoqué. Une telle demande insuffisamment caractérisée ne peut donc être accueillie.

les frais de véhicule adapté

Ce besoin objectivé par l'expert a donné lieu à une évaluation par le tribunal à hauteur de 8 176,95 euros, avant application du taux de responsabilité. Cette décision n'est pas contestée, Mme [E] indiquant page 7 de ses conclusions que le jugement doit être confirmé.

Il est donc dû par la société Allianz à Mme [E] de ce chef :

8 176,95 x 75 % = 6 132,71 euros.

l'assistance tierce personne permanente

Mme [E] considère insuffisante la somme allouée par le tribunal et demande de fixer son préjudice après application du taux de responsabilité à la somme de 29 192,27 euros, en retenant une base horaire de 17 euros, d'une part, puis l'application du barème 2021 du Centre de recherche en droit [L] [M] pour le calcul de la capitalisation de l'indemnité à compter de l'arrêt à intervenir.

La société Allianz conclut pour sa part à la confirmation de la somme allouée par le tribunal soit 23 318,41 euros avant application du taux de réduction de 75 %.

Le besoin retenu par l'expert d'une heure par semaine n'est pas contesté.

La cour retient une base horaire de 17 euros, comme précédemment pour le préjudice temporaire et appliquera le barème de capitalisation de la gazette du palais 2020. Ce préjudice représente donc annuellement une somme de :

17 x 52 x (412 : 365) = 997,83 euros.

Les arrérages échus pour la période du 1er mars 2017 au 1er mars 2022, soit pendant 5 ans représentent une somme de 4 989,15 euros.

Ceux pour la période du 1er mars au 1er novembre 2022, soit 8 mois, représentent : 997,83 : 12 x 8 = 665,22 euros,

soit un total de 5 654,37 euros pour les arrérages échus.

A compter du 1er novembre 2022, Mme [E] ayant 59 ans, la capitalisation des sommes dues est de : 997,83 x 27,909 = 27 848,43 euros.

L'évaluation de ce préjudice est donc de 33 502,80 euros, dont 25 127,10 euros doit être supporté par la société Allianz après application du taux de 75 %.

les pertes de gains professionnels futurs et l'incidence professionnelle

La perte de gains professionnels futurs résulte de la perte de l'emploi ou du changement de l'emploi. Ce préjudice est évalué à partir des revenus antérieurs afin de déterminer la perte annuelle, le revenu de référence étant le revenu net annuel imposable avant l'accident.

L'incidence professionnelle a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, ou encore l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance de son handicap.

Le premier juge a apprécié globalement ces préjudices en relevant que Mme [E] avait tenté en vain un reclassement professionnel et était placée en invalidité catégorie 2. Il a alloué une somme de 10 000 euros à ce titre.

Mme [E] sollicite paiement d'une somme de 15 000 euros et demande à la cour de prendre en compte sa perte de gains professionnels théorique du fait de la perte de son emploi, qui lui procurait un revenu annuel de 22 587 euros. Cela représente, en prenant en compte un départ en retraite à 65 ans et par application du taux de rente selon le barème 2021 du Centre de recherche en droit [L] [M], la somme des arrérages du 1er mars 2017 au 5 octobre 2022 et la capitalisation à l'âge de 59 ans, dont la société Allianz n'a à supporter que 75 %.

Ayant perçu une somme de 206 080,35 euros, elle considére que sa perte théorique serait de 77 275 euros.

La société Allianz conclut à la confirmation du jugement qui a alloué une seule somme de 10 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, indiquant qu'un reclassement était possible mais que Mme [E] a été licenciée parce qu'elle a refusé toutes les propositions de reclassement.

La CPAM entend obtenir pour sa part le remboursement de la somme de 206 080, 35 euros représentant le montant de la pension d'invalidité.

L'expert indique que Mme [E] a été déclarée inapte au poste de conductrice de transports en commun par la médecine du travail, qu'elle a été mise en invalidité catégorie II, à la date du 28 février 2017 par l'assurance maladie.

Les observations de la société Allianz quant aux circonstances de son licenciement ne reposent sur aucune pièce.

Il convient donc de retenir que Mme [E] justifie d'un préjudice lié à la perte de son emploi et qu'elle peut prétendre à une perte de gains professionnels futurs du fait de la perte de son emploi.

La cour évaluera la perte de gains jusqu'aux 65 ans de Mme [E], de sorte que la perte théorique de gains est, en prenant pour base de calcul la somme de 22 587 euros au titre du revenu annuel de référence et en appliquant le barème de capitalisation de la gazette du palais 2020 :

- arrérages du 1er mars 2017 au 1er mars 2022 : 5 x 22 587 = 112 935

- arrérages du 1er mars 2022 au 1er novembre 2022 : 22 587 : 12 x 8 = 15 058

- arrérages à échoir à compter du 1er novembre 2022 jusqu'au 25 mars 2027 (65 ans de Mme [E]) : 22 587 x 5,904 = 133 353, 64

soit un total de 261 346,64 euros.

Mme [E] a perçu durant cette période une pension d'invalidité pour un total de 206 080,15 euros, de sorte qu'après déduction de cette somme, sa perte théorique serait de : 261 346,64 - 206 080,15 = 55 266,49 euros.

Après application du taux d'imputabilité de 75 %, la société Allianz est redevable d'une somme limitée à 261 346,64 euros x 75 % = 196 009,98 euros.

Au vu de ces éléments, la cour, faisant application du droit prioritaire de la victime alloue la somme de 15 000 euros à Mme [E] au titre de sa perte de gains professionnels futurs et à la CPAM, celle de 196 009,98 - 15 000 = 181 009,98 euros.

2.Sur les préjudices extra-patrimoniaux

2. 1 Sur les préjudices extra-patrimoniaux temporaires

le déficit fonctionnel temporaire

Il s'agit d'indemniser l'aspect non économique de l'incapacité temporaire, c'est-à-dire pendant la maladie traumatique de la victime.

Ce poste de préjudice correspond aux périodes d'hospitalisation de la victime, à la perte de la qualité de vie et à celle des joies usuelles de la vie courante rencontrée par la victime (séparation de la victime de son environnement familial et amical, privation temporaire des activités privées ou des agréments auxquels se livre habituellement la victime).

Mme [E] demande à la cour de porter cette évaluation à 5 102,50 euros sur une base journalière de 25 euros. La société Allianz Iard conclut à la confirmation du jugement sur ce point.

La cour approuve le premier juge qui retient pour la fixation de ce poste de préjudice une base journalière de 23 euros.

L'expert a retenu :

- une incapacité temporaire totale durant 5 jours, soit : 23 x 5 = 115

- une incapacité temporaire partielle de 50 % pendant 267 jours, soit 23 x 267 x 50 % = 3 070,50

- une incapacité temporaire partielle de 25 % pendant 190 jours, soit 23 x 190 x 25 % = 1 092,50

- une incapacité temporaire partielle de 10 % pendant 182 jours, soit 23 x 182 x 10 % = 418,60

soit : 4 696,60 euros.

La cour confirme l'évaluation de ce préjudice à la somme de 4 696,60 euros. Après application du taux d'imputabilité, il est donc dû par la société Allianz à Mme [E] une somme de 3 522,45 euros.

les souffrances endurées

Il s'agit d'indemniser ici toutes les souffrances tant physiques que morales subies par la victime pendant la maladie traumatique et jusqu'à la consolidation.

Mme [E] demande de fixer cette évaluation à 10 000 euros. La société Allianz Iard conclut à la confirmation du jugement.

Ces souffrances sont décrites par l'expert comme correspondant aux souffrances physiques de l'intervention, de l'anesthésie, des séances de rééducation et les souffrances psychiques. Elles sont évaluées à 3,5/7.

La cour considère au regard des souffrances physiques et morales justifiées par Mme [E], l'évaluation de ce préjudice telle qu'effectuée par le tribunal à la somme de 8 000

euros soit 6 000 euros après application du taux d'imputabilité.

le préjudice esthétique temporaire

Ce poste vise à réparer le préjudice né de l'obligation de la victime de se présenter temporairement avant consolidation au regard des tiers dans une apparence physique altérée en raison de ses blessures.

Mme [E] demande de fixer cette évaluation à 1 000 euros. La société Allianz Iard conclut à la confirmation du jugement.

L'expert précise que ce préjudice prend en compte la cicatrice au niveau de la face externe de la hanche gauche, la boiterie, la marche à deux cannes, la prise de poids et l'évalue à 1,5/7.

La cour évalue ce préjudice à la somme de 1 000 euros, soit 750 euros après application du taux d'imputabilité.

2. 2 Sur les préjudices extra-patrimoniaux permanents après consolidation

le déficit fonctionnel permanent

Ce poste tend à la réduction définitive du potentiel physique, psycho-sensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomo-physiologique, à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, normalement liées à l'atteinte séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituellemet et objectivement liées à cette atteinte à la vie de tous les jours.

Mme [E] demande de porter l'évaluation de ce préjudice à la somme de 25 000 euros, et la société Allianz considère justifiée la somme de 15 000 euros fixée par le tribunal, avant application du taux d'imputabilité, en réparation de ce préjudice.

L'expert évalue ce préjudice à 10 %. Au vu des séquelles décrites par celui-ci, à savoir raideurs séquellaires persistantes au niveau de la hanche gauche et du genou gauche, et amyothophie quadricipitale gauche, de l'âge de Mme [E] à la date de consolidation en l'espèce 54 ans, la fixation de ce préjudice à 15 000 euros telle que décidée par le tribunal est justifiée. Après application du taux d'imputabilité de 75 %, il est donc dû de ce chef par la société Allianz à Mme [E] une somme de 11 250 euros.

le préjudice esthétique permanent

Ce poste vise à réparer le préjudice né de l'obligation de la victime de se présenter après consolidation au regard des tiers dans une apparence physique altérée en raison de ses blessures.

Le tribunal a évalué ce préjudice à 2 000 euros, ce qui n'est pas discuté, de sorte qu'après application du taux d'imputabilité de 75 %, il est dû à Mme [E] une somme de 1 500 euros.

le préjudice d'agrément

Le préjudice d'agrément est celui qui résulte d'un trouble spécifique lié à l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité sportive ou de loisirs.

Mme [E] estime insuffisante l'évaluation faite par le tribunal de ce préjudice et demande à la cour de le fixer à 3 500 euros. La société Allianz conclut à la confirmation du jugement sur ce point.

L'expert a retenu que Mme [E] n'était plus médicalement apte à exercer les activités d'agrément notamment sportives et de loisirs qu'elle pratiquait avant l'accident. Ces activités ne sont pas davantage précisées par l'appelante. La cour approuve donc l'évaluation de ce préjudice telle qu'arrêtée en première instance, soit 1 000 euros, ce qui représente après application du taux d'imputabilité de 75 %, une somme de 750 euros à la charge de la société Allianz.

Récapitulatif :

préjudices

évaluation

imputable à Allianz

dû à Mme [E]

dû à la CPAM

patrimoniaux

dépenses de santé actuelles

25 166,19

18 874,64

0

18 874,64

tierce personne temporaire

2 245,11

1 683,83

1 683,83

pertes de gains professionnels actuels

34 258, 63

25 693,97

11 931,97

13 762

frais de véhicule adapté

8 176,95

6 132,71

6 132,71

assistance tierce personne permanente

33 502,80

25 127,10

25 127,10

pertes de gains professionnels futurs

261 346,64

196 009,98

15 000

181 009,98

Sous total

59 875,61

extra-patrimoniaux

déficit fonctionnel temporaire

4 696,60

3 522,45

3 522,45

souffrances endurées

8 000

6 000

6 000

préjudice esthétique temporaire

1 000

750

750

déficit fonctionnel permanent

15 000

11 250

11 250

préjudice esthétique permanent

2 000

1 500

1 500

préjudice d'agrément

1 000

750

750

sous -total

23 772,45

TOTAL

83 648,06

181 009,98

La cour infirme en conséquence le jugement en ce qu'il a :

- condamné la société Allianz en deniers ou quittances au paiement de la somme de 31 446,60 euros après réduction du montant de l'indemnité réparatrice du préjudice extra patrimonial de Mme [R] [E], et au paiement de la somme de 55 137,33 euros après réduction et imputation du recours du tiers payeur le montant de l'indemnité réparatrice du préjudice patrimonial de Mme [R] [E],

- déclaré le présent jugement commun et opposable à la caisse primaire d'assurance-maladie d'Ille-et-Vilaine,

- dit que la liquidation de la créance de la CPAM justifiée à hauteur de 253 975,10 euros ne pourra intervenir que sur la base de la liquidation en droit commun du préjudice de la victime ainsi estimé et dans la limite de l'assiette, le droit d'indemnisation de la victime étant prioritaire.

La cour condamne la société Allianz Iard à payer à :

- Mme [R] [E] la somme de 83 648, 06 euros au titre de ses préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux, après réduction du taux d'imputabilité retenu entre les parties et imputation des créances de l'organisme social, provisions versées non déduites,

- la CPAM d'Ille et Vilaine la somme de 181 009,98 euros au titre de ses débours, tenant compte du taux d'imputabilité retenu entre les parties et du droit prioritaire de la victime outre intérêts de droit à compter de l'arrêt à intervenir, tel que réclamé, avec capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil.

Sur l'indemnité due en application de l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale

La CPAM sollicite l'infirmation du jugement et l'actualisation de cette condamnation et demande à la cour une somme de 1 091 euros de ce chef.

La société Allianz a conclu à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions.

La cour alloue à l'organisme payeur la somme de 1 091 euros au regard du texte précité applicable dans sa rédaction des articles 9 et 10 de l'ordonnance du 24 janvier 1996 et de l'arrêté du 27 décembre 2019, publié au JO du 31 décembre 2019. Le jugement est donc infirmé de ce chef.

Sur les dommages et intérêts

Mme [E] sollicite une somme de 1 000 euros pour résistance abusive et injustifiée de la société Allianz.

Elle fait valoir sur ce point que l'intimée a manifesté la plus grande mauvaise volonté dans l'exécution du jugement dont appel assorti de l'exécution provisoire.

Elle produit un décompte de frais d'huissier aux fins d'une procédure de saisie attribution d'un compte, engagée entre décembre 2019 et mars 2020, portant en marge la référence Mme [E]/Allianz Iard.

La société Allianz Iard ne formule aucune observation sur ce point.

Le jugement a été assorti de l'exécution provisoire. Devant la cour, la société Allianz Iard, intimée n'a pas entendu en critiquer les termes, de sorte qu'il y a lieu de considérer que le non paiement spontané des sommes mises à sa charge traduit une attitude abusive, que la cour sanctionnera par l'allocation d'une somme de 500 euros de dommages et intérêts.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

La cour confirme le jugement en ces dispositions. Il est inéquitable de laisser à la charge de Mme [R] [E] la totalité des frais irrépétibles exposés par elle en cause d'appel. La société Allianz est condamnée à lui payer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile une somme de 3 000 euros.

Il est également inéquitable de laisser à la charge de la CPAM d'Ille et Vilaine les frais irrépétibles exposés ; la société Allianz est condamnée à lui payer de ce chef une somme de 2 000 euros

La société Allianz supportera en outre les dépens, avec distraction au profit de Me Dominique Cartron, et Me Antoine Di Palma, avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ; ces dépens comprendront l'intégralité des droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement déjà acquittés au titre de l'exécution provisoire prévus à l'article L. 111-8 du code des procédures civiles d'exécution, conformément aux dispositions de l'article R. 631-4 du code de la consommation.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- condamné la société Allianz au paiement à Mme [R] [E] de la somme de 3 500 euros et à la CPAM la somme de 1 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Allianz aux dépens et accordé à Me [V] le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- ordonné 1'exécution provisoire de la présente décision,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les chefs de jugement infirmés,

Condamne la société Allianz Iard à payer à :

- Mme [R] [E] la somme de 83 648, 06 euros au titre de ses préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux, après réduction du taux d'imputabilité retenu entre les parties et imputation des créances de l'organisme social, provisions versées non déduites,

- la CPAM d'Ille et Vilaine la somme de 181 009,98 euros au titre de ses débours, tenant compte du traux d'imputabilité retenu entre les parties et du droit prioritaire de la victime outre intérêts de droit à compter de l'arrêt à intervenir, tel que réclamé, avec capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil ;

Condamne la société Allianz Iard à payer à la CPAM d'Ille et Vilaine la somme de 1 091 euros sur le fondement de l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale ;

Y ajoutant,

Condamne la société Allianz Iard à payer à Mme [R] [E] une somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

Condamne à la société Allianz Iard payer à :

- Mme [R] [E] la somme de 3 000 euros,

- la CPAM d'Ille et Vilaine la somme de 2 000 euros,

sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Allianz Iard aux dépens d'appel, avec distraction au profit de Me Dominique Cartron, et Me Antoine Di Palma, avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, dépens qui comprendront l'intégralité des droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement déjà acquittés au titre de l'exécution provisoire prévus à l'article L. 111-8 du code des procédures civiles d'exécution, conformément aux dispositions de l'article R. 631-4 du code de la consommation.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19/05160
Date de la décision : 30/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-30;19.05160 ?
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