9ème Ch Sécurité Sociale
ARRÊT N°
N° RG 19/03831 - N° Portalis DBVL-V-B7D-P23X
Société [5]
C/
MSA D'ARMORIQUE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Copie certifiée conforme délivrée
le:
à:
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 30 NOVEMBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Aurélie GUEROULT, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,
Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Philippe LE BOUDEC, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 04 Octobre 2022
devant Madame Aurélie GUEROULT, magistrat rapporteur, tenant seule l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 30 Novembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats ;
DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:
Date de la décision attaquée : 18 Avril 2019
Décision attaquée : Jugement
Juridiction : Tribunal de Grande Instance de SAINT-BRIEUC - Pôle Social
Références : 18/00493
****
APPELANTE :
LA SOCIÉTÉ [5]
Zone Industrielle
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Me Valérie SCETBON de l'AARPI MARVEL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Emilie WILBERT, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
LA CAISSE DE MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE D'ARMORIQUE
Service Contentieux
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Mme [W] [C] en vertu d'un pouvoir spécial
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 4 avril 2006, la caisse de mutualité sociale agricole d'Armorique (la MSA) a pris en charge au titre du tableau n° 39 des maladies professionnelles en agriculture une pathologie déclarée le 31 janvier 2006 par M. [S] [B], salarié en tant que désosseur au sein de la société [5] (la société).
La date de guérison de son état de santé a été fixée au 12 juin 2006.
Un certificat médical de rechute, établi le 28 mai 2009, fait état de maladie n°57 (sic) : épaule enraidie succédant à une épaule douloureuse simple rebelle. Rechute de la douleur depuis 3 mois, avec prescription d'un arrêt de travail jusqu'au 14 juin 2009.
Cette rechute a été prise en charge par la caisse au titre de la législation professionnelle.
La date de consolidation de M. [B] a été fixée au 10 septembre 2014.
Par lettre recommandée du 20 mars 2015 réceptionnée par la société le 27 mars 2015, la caisse a notifié à cette dernière le taux d'incapacité permanente partielle (IPP) de 15% attribué à M. [B].
Contestant cette décision, la société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Côtes d'Armor le 12 juin 2015 (recours enregistré au répertoire général sous le numéro 21500280, devenu n° 18/00493.)
Par lettre du 23 mai 2018, la société a saisi la commission de recours amiable de l'organisme à l'encontre de cette même décision.
Le 5 septembre 2018, se prévalant d'une décision implicite de rejet, la société a saisi ce même tribunal (recours enregistré au répertoire général sous le numéro 21800474, devenu n° 18/00523).
Par jugement du 18 avril 2019, ce tribunal, devenu le pôle social du tribunal de grande instance de Saint-Brieuc, a :
- ordonné la jonction des recours n° 21500280 devenu RG n° 18/00493 et le recours n° 21800474 devenu RG n° 18/00523 sous le n° RG 18/00493 ;
- déclaré irrecevables les recours n° 21500280 devenu RG n° 18/00493 et 1e recours n° 21800474 devenu RG n° 18/00523 ;
- déclaré la décision d'attribuer un taux d'IPP de 15 % à M.[B] opposable
à la société ;
- condamné la société aux dépens à compter du 1er janvier 2019.
Par déclaration adressée le 4 juin 2019, la société a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 9 mai 2019.
Par ses écritures parvenues au greffe le 9 juillet 2020 auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, la société demande à la cour de :
- déclarer la société recevable en son appel ;
- réformer le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau,
In limine litis,
'' Sur le recours n°18/00493,
A titre principal,
- constater que la solution consacrée par l'arrêt prononcé le 15 février 2018 par la Cour de cassation (n°17-14.896) doit être écartée, dès lors que l'application de ce revirement de jurisprudence aux instances en cours conduirait à priver la requérante du droit d'accès à un juge ;
En conséquence,
- déclarer la société recevable en son recours n° 18/00490.
A titre subsidiaire,
- constater que la société a sollicité devant le tribunal des affaires de sécurité sociale l'inopposabilité à son égard de la décision attributive de rente d'incapacité permanente partielle concernant M. [B] ;
En conséquence,
- juger que le fait pour la société de solliciter l'inopposabilité à son égard de la décision prise par la caisse de MSA ne constitue pas une réclamation contre une décision prise par un organisme de sécurité sociale au sens de l'article R. 142-1 du code de la sécurité sociale, de sorte que cet employeur n'était pas tenu de saisir préalablement la commission de recours amiable de cette réclamation ;
En conséquence,
- dire et juger qu'aucun délai n'a commencé à courir à l'égard de la société ;
- dire et juger la société recevable son recours n°18/00493 ;
'' Sur le recours n°18/00523,
- constater que la décision attributive de rente concernant M. [B] ne comporte aucune motivation ;
En conséquence,
- dire et juger qu'aucun délai n'a commencé à courir à l'égard de la société, et la déclarer recevable en son recours n°18/00523 ;
Sur le fond, au visa des articles L. 751-32, alinéa 2 du code rural, D. 242-6 et suivants du code de la sécurité sociale, 1315 du code civil et de la décision attributive de rente,
- constater que la décision d'attribuer un taux d'incapacité permanente partielle à M. [B] fait grief à la société au travers de l'augmentation de son taux de cotisation accidents du travail ;
- constater que la décision attribuant un taux d'incapacité permanente partielle à M. [B] est intervenue après rechute ;
En conséquence,
- dire et juger inopposable à la requérante la décision d'attribuer un taux d'IPP de 15% à M. [B] avec toutes les conséquences de droit ;
A défaut,
- fixer à 0% le taux d'incapacité permanente partielle de M. [B] à l'égard de la société, dans le strict cadre des rapports caisse-employeur.
Par ses écritures parvenues au greffe le 4 juin 2021 auxquelles s'est référé et qu'a développées son représentant à l'audience en les complétant par une demande de confirmation du jugement , la MSA demande à la cour de :
In limine litis :
- constater que la mutualité sociale agricole justifie d'une notification en bonne et due forme de la décision du 21 mars 2015 (sic) attributive de rente à l'égard de M. [B] ;
- constater que la saisine de la commission de recours amiable du 23 mai 2018 est irrecevable car prescrite et en tout état de cause, elle n'était pas préalable à la première saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale ;
Par suite, de déclarer les recours de la société en contestation du taux d'IPP de 15 % attribué à M. [B], pour sa maladie professionnelle du 31 janvier 2006, irrecevables pour défaut de saisine préalable de la commission de recours amiable ;
Sur le fond :
- déclarer la décision d'attribuer un taux d'IPP de 15% à M. [B] opposable à l'employeur.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1 - Sur la recevabilité du recours enregistré en première instance sous le n°21500280 devenu RG n°18/00484 :
La société soutient que la saisine directe du tribunal d'un recours tendant à contester la décision de la MSA attribuant un taux d'incapacité permanente partielle de 15% à M. [B] était conforme au droit applicable à la date de son action ; que l'application rétroactive de la jurisprudence du 15 février 2018 (pourvoi n°17-14.897) serait une atteinte du droit d'accès au juge en ce qu'elle consiste en un revirement de jurisprudence ; qu'elle n'était pas tenue de saisir préalablement la commission de recours amiable dès lors qu'elle sollicitait l'inopposabilité de la décision attributive de rente.
La MSA réplique que la contestation émise par la société relève du contentieux général de la sécurité sociale et qu'en application des règles de procédure de ce contentieux, cette dernière avait l'obligation de saisir la commission de recours amiable avant de former son recours auprès du tribunal ; que l'arrêt de la Cour de cassation du 15 février 2018 cité par la société n'est que la confirmation de la jurisprudence antérieure.
Sur ce :
Il est établi que le litige créé par la demande d'un employeur tendant à se voir déclarer inopposable la décision d'une caisse de mutualité sociale agricole d'attribuer une rente à un de ses salariés victime d'un accident du travail relevant du régime agricole, qui porte sur l'état d'incapacité de ce salarié, est de la compétence exclusive des juridictions du contentieux général de la sécurité sociale. (2e Civ., 25 octobre 2006, pourvoi n°05-12.684)
Les règles de procédure afférentes à ce contentieux s'appliquent en conséquence et plus précisément en l'espèce celles en vigueur au jour du recours de l'employeur.
L'article R. 142-1 du code de la sécurité sociale dans sa version en vigueur du 10 septembre 2012 au 1er janvier 2017 dispose que :
Les réclamations relevant de l'article L. 142-1 formées contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole de salariés ou de non-salariés sont soumises à une commission de recours amiable composée et constituée au sein du conseil d'administration de chaque organisme.
Cette commission doit être saisie dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision contre laquelle les intéressés entendent former une réclamation. La forclusion ne peut être opposée aux intéressés que si cette notification porte mention de ce délai.
Toutefois, les contestations formées à l'encontre des décisions prises par les organismes chargés du recouvrement des cotisations, des majorations et des pénalités de retard doivent être présentées à la commission de recours amiable dans un délai d'un mois à compter de la notification de la mise en demeure.
La copie de la décision d'attribution d'un taux d'IPP à M. [B] a été adressée à la société le 20 mars 2015 et a été réceptionné le 27 mars 2015 comme en atteste l'accusé de réception, ce qui n'est pas contesté.
Il en résulte que la société, dont le recours a été formé le le 12 juin 2015, était tenue de saisir préalablement la commission de recours amiable en vertu du texte sus-visé.
L'arrêt de la Cour de cassation du 15 février 2018 ( 2e Civ., 15 février 2018, pourvoi n° 17-14.896) qui mentionne que les réclamations portées devant les juridictions du contentieux général contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole sont soumises, préalablement à la saisine de la juridiction, à la commission de recours amiable de l'organisme ne s'analyse nullement comme un revirement de jurisprudence. Il est la confirmation d'une solution déjà admise (2 Civ., 15 décembre 2016, n°15-28.465) fondée sur la simple lecture des textes.
Ainsi, à défaut d'avoir saisi préalablement la commission de recours amiable, le recours de la société formé devant le tribunal des affaires de sécurité sociale est irrecevable, le jugement étant confirmé sur ce point.
2 - Sur la recevabilité du recours enregistré en première instance sous le n°21800474 devenu RG 18/00523 :
La société fait valoir que le tribunal a considéré que la saisine de la commission de recours amiable est intervenue hors délai alors qu'aucun délai n'a pu commencé à courir puisque la décision attributive de rente ne comporte aucune motivation si bien qu'elle pouvait la contester sans condition de délai, que c'est donc à bon droit qu'elle a saisi la CRA le 23 mai 2018.
La MSA réplique que la décision d'attribution d'attribuer le taux d'IPP a bien été notifiée et l'obligation de motivation ne concerne que les décisions notifiées aux salariés conformément à l'article R. 751-64 du code rural et de la pêche maritime.
Sur ce :
En vertu de l'article R. 751-63 du code rural et de la pêche maritime dans sa version en vigueur du 1er janvier 2010 au 1er janvier 2019, la commission prévue à l'article R. 751-62 arrête, en ce qui concerne le taux d'incapacité permanente, les propositions motivées que la caisse doit adresser à la victime.
(...)
Dans tous les cas, la décision est notifiée par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, avec mention des voies et délais de recours, à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au service duquel est survenu l'accident.
Il ne ressort pas du texte précité, applicable au régime agricole, d'obligation de motivation de la décision attributive de rente à la charge de la MSA.
La lettre de notification au salarié de son IPP, dont la copie a été adressée à l'employeur avec la lettre du 20 mars 2015 réceptionnée le 27 mars 2015, mentionne le taux de rente retenu. La lettre du 20 mars indique par ailleurs le délai de deux mois pour saisir la commission de recours amiable et l'adresse de celle-ci, ce qui n'est au demeurant pas discuté.
Le contenu de la notification est donc régulier et conforme aux dispositions en vigueur à cette date.
La société qui avait deux mois pour introduire sa contestation devant la CRA, soit jusqu'au 27 mai 2015, ne l'a saisie que le 23 mai 2018 de sorte que son recours est irrecevable.
Le jugement sera donc confirmé dans toutes ses dispositions.
3 - Sur les dépens
S'agissant des dépens, l'article R.144-10 du code de la sécurité sociale disposant que la procédure est gratuite et sans frais en matière de sécurité sociale est abrogé depuis le 1er janvier 2019.
Il s'ensuit que l'article R.144-10 précité reste applicable aux procédures en cours jusqu'à la date du 31 décembre 2018 et qu'à partir du 1er janvier 2019 s'appliquent les dispositions des articles 695 et 696 du code de procédure civile relatives à la charge des dépens.
En conséquence, les dépens de la présente procédure exposés postérieurement au 31 décembre 2018 seront laissés à la charge de la société qui succombe à l'instance.
PAR CES MOTIFS :
La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement dans toutes ses dispositions ;
CONDAMNE la société [5] aux dépens, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT