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30/11/2022 | FRANCE | N°19/03336

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 30 novembre 2022, 19/03336


9ème Ch Sécurité Sociale





ARRÊT N°



N° RG 19/03336 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PY7Y













Société [5]



C/



CPAM DU FINISTERE

































Copie exécutoire délivrée

le :



à :











Copie certifiée conforme délivrée

le:



à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM D

U PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 30 NOVEMBRE 2022



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Philippe LE BOUDEC, lors des débats e...

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 19/03336 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PY7Y

Société [5]

C/

CPAM DU FINISTERE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 30 NOVEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe LE BOUDEC, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 05 Octobre 2022

devant Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, magistrat rapporteur, tenant seule l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 30 Novembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats ;

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 17 Avril 2019

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal de Grande Instance de BREST - Pôle Social

Références : 17/00153

****

APPELANTE :

La Société [7], anciennement dénomée [5]

[Adresse 10]

[Localité 2]

représentée par Me Cédric PUTANIER de la SELARL CEDRIC PUTANIER AVOCATS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU FINISTERE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Madame [X] [G] en vertu d'un pouvoir spécial

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 12 août 2016, la société [5], devenue la société [7] (la société), a transmis une déclaration d'accident du travail, accompagnée de réserves, concernant M. [T] [R], salarié en tant que conducteur poids lourds, mentionnant les circonstances suivantes :

Date : 11 août 2016 ; Heure : 0 heure 00

Lieu de l'accident : [Adresse 9] France ;

Précisions complémentaires sur le lieu de l'accident et/ou sur le temps : au cours d'un déplacement pour l'employeur ;

Activité de la victime lors de l'accident : activité inconnue ;

Nature de l'accident : le salarié a été retrouvé inanimé ;

Objet dont le contact a blessé la victime : néant ;

Eventuelles réserves motivées : réserves motivées cf. courrier de réserves ci-joint ;

Siège des lésions : néant ;

Nature des lésions : néant ;

La victime a été transportée à : pompes funèbres [Adresse 6] France ;

Horaire de travail de la victime le jour de l'accident : de 7 heures 10 à 12 heures 30 et de 13 heures 30 à 17 heures 30 ;

Accident connu le 11 août 2016 à 19 heures 45 par l'employeur.

Le certificat établi le 11 août 2016 précise que le décès est intervenu le 11 août 2016 à14h00, sur la commune d'[Localité 4].

Le 3 novembre 2016, la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère (la caisse) a pris en charge le décès au titre de la législation professionnelle.

Contestant la décision de prise en charge, la société a saisi la commission de recours amiable de l'organisme par lettre datée du 2 janvier 2017 puis, après rejet de sa réclamation par décision implicite, elle a porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Brest le 6 avril 2017.

Par jugement du 17 avril 2019, ce tribunal, devenu le pôle social du tribunal de grande instance de Brest, a :

- débouté la société de son recours ;

- condamné la même aux dépens.

Par déclaration adressée le 17 mai 2019, la société a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 19 avril 2019.

Par ses écritures parvenues au greffe le 9 avril 2021 auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, la société demande à la cour, au visa des articles L. 411-1, L. 441-3, L. 442-4 et R. 441-11 et suivants du code de la sécurité sociale :

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société de ses demandes ;

Et statuant à nouveau, de :

- déclarer que le dossier constitué par la caisse était incomplet ;

- déclarer que l'instruction diligentée par la caisse était insuffisante en ce qu'elle ne permet pas à l'employeur de rapporter la preuve de l'existence d'une cause totalement étrangère au travail ;

En conséquence,

- prononcer l'inopposabilité à l'égard de la société de la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, du décès de M. [R].

Par ses écritures parvenues au greffe le 4 octobre 2021 auxquelles s'est référé et qu'a développées son représentant à l'audience, la caisse demande à la cour, au visa des articles L. 411-1 du code de la sécurité sociale et 146 du code de procédure civile, de :

- confirmer le jugement entrepris ;

- constater qu'elle a mené une procédure contradictoire à l'égard de la société qui a été informée des éléments susceptibles de lui faire grief et qu'elle a pleinement satisfait à son devoir d'information préalable ;

- constater qu'elle établit la matérialité de cet accident du travail et que la présomption d'imputabilité s'applique ;

- constater que la société n'apporte pas la preuve de 1'existence d'une cause totalement étrangère qui serait à l'origine du décès de M. [R] le 11 août 2016 ;

- confirmer, en conséquence, l'opposabilité à l'égard de la société de la décision de prise en charge de cet accident du travail ;

- déclarer la société mal fondée dans ses prétentions pour la débouter de son appel.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1. Sur le dossier constitué par la caisse :

Aux termes de l'article R. 441-11, III, du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur du 1er janvier 2010 au 1er décembre 2019, en cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés. Une enquête est obligatoire en cas de décès.

L'article R. 441-13 de ce même code précise que 'Le dossier constitué par la caisse primaire doit comprendre ;

1°) la déclaration d'accident ;

2°) les divers certificats médicaux détenus par la caisse ;

3°) les constats faits par la caisse primaire ;

4°) les informations parvenues à la caisse de chacune des parties ;

5°) les éléments communiqués par la caisse régionale'.

En l'espèce, il ressort de l'attestation de consultation du dossier (pièce n°7 de la société) qu'étaient joints au dossier mis à la disposition de Mme [J] [O], directrice des ressources humaines, les éléments suivants :

- la déclaration d'accident du travail ;

- la lettre de réserves de la société datée du 12 août 2016 ;

- l'avis d'aptitude médicale ;

- les procès verbaux d'auditions ;

-la copie écran "détail LMA" mentionnant "le décès est imputable à l'ATMP".

Suite à la consultation du dossier par Mme [O], celle-ci a adressé à la caisse une lettre du 25 octobre 2016 faisant valoir que le nom du médecin du travail n'était pas renseigné sur le rapport d'enquête administrative, ce malgré la transmission par l'employeur de la fiche d'aptitude médicale, et que seule une autopsie aurait pu apporter la preuve de la cause du décès de [T] [R].

La société fait valoir qu'elle n'a pas pu consulter le rapport d'enquête avec les conclusions de l'enquêteur, l'avis médical motivé du médecin conseil, l'avis de décès et le rapport d'autopsie.

Cependant, force est de constater que la caisse a bien mis à disposition de la société, avant de se prononcer sur le caractère professionnel de l'accident déclaré le 12 août 2016 :

- le rapport d'enquête administrative dès lors que celui-ci était constitué uniquement des auditions intervenues et que Mme [O], dans sa lettre du 25 octobre 2016, confirme l'avoir eu en main ;

- l'avis du médecin conseil de la caisse qui n'a pas à être motivé (2e Civ., 12 juillet 2006, pourvoi n° 04-30.403).

Rien ne permet en outre de considérer, au vu de la rédaction de l'attestation de consultation, que l'acte de décès de la victime n'a pas été mis à la disposition de l'employeur.

Enfin, dès lors qu'aucune autopsie n'a été réalisée, le rapport idoine n'a pu être porté à la connaissance de la société.

Ainsi, le dossier soumis à la consultation de l'employeur répond aux exigences légales de sorte que les premiers juges seront approuvés en ce qu'ils ont rejeté ce moyen.

2. Sur le caractère professionnel de l'accident du 11 août 2016 dont a été victime [T] [R]

Il résulte de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale que :

« Est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise ».

Constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci (Soc., 2 avril 2003, n° 00-21.768 ; 2e Civ 9 juillet 2020, n° 19-13.852).

Il appartient à la caisse, substituée dans les droits de la victime dans ses rapports avec l'employeur, de rapporter la preuve de la survenance d'une lésion conséquence d'un événement survenu au temps et au lieu du travail. S'agissant de la preuve d'un fait juridique, cette preuve est libre et peut donc être rapportée par tous moyens, notamment par des présomptions graves, précises et concordantes (Soc. 8 octobre 1998 pourvoi n° 97-10.914).

En l'espèce, M. [R] a été retrouvé inanimé dans son camion le 11 août 2016. Le décès est survenu à 14 heures selon les termes du certificat de décès.

Ses horaires de travail ce jour-là étaient de 7 heures 10 à 12 heures 30 et de 13 heures 30 à 17 heures 30.

Au cours de son enquête administrative, l'agent assermenté de la caisse a procédé aux auditions suivantes :

- M. [H] [R] et Mme [R], le frère et la mère de [T] [R],

- Mme [J] [O], directrice des ressources humaines de la société.

Il ressort des procès-verbaux d'auditions que le jour de l'accident, [T] [R] s'est rendu à [Localité 8] pour livrer des bouteilles de gaz.

Selon l'avis du médecin-conseil du 12 octobre 2016, son décès est imputable à l'accident du travail.

Ainsi, il est établi que le décès de [T] [R] est intervenu aux temps et lieu de travail, de sorte que la présomption d'imputabilité trouve à s'appliquer.

L'article L. 442-4 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable aux faits d'espèce, dispose que :

'La caisse doit, si les ayants droit de la victime le sollicitent ou avec leur accord si elle l'estime elle-même utile à la manifestation de la vérité, demander au tribunal d'instance dans le ressort duquel l'accident s'est produit de faire procéder à l'autopsie dans les conditions prévues aux articles 232 et suivants du code de procédure civile. Si les ayants droit de la victime s'opposent à ce qu'il soit procédé à l'autopsie demandée par la caisse, il leur incombe d'apporter la preuve du lien de causalité entre l'accident et le décès'.

La cour observe que cet article, s'il offre la possibilité à la caisse de faire procéder à une autopsie, n'en fait pas une obligation, l'utilité d'une telle mesure étant laissée à son appréciation.

Au surplus, l'absence d'autopsie n'est pas à elle seule de nature à faire obstacle à l'application de la présomption prévue à l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale (2e Civ., 8 janvier 2009, pourvoi n° 07-20.911).

Par ailleurs, l'employeur pouvait lui-même solliciter une autopsie auprès du juge compétent (Soc., 12 février 1998, pourvoi n° 96-14.883).

Il incombe à l'employeur, une fois acquise cette présomption, de la renverser en établissant qu'une cause totalement étrangère au travail est à l'origine du décès.

Il ressort de l'enquête administrative qu'à l'exception de douleurs au dos et à la hanche, [T] [R] ne souffrait pas de problèmes de santé.

S'il est constant que les circonstances du décès sont indéterminées, rien ne permet de renverser la présomption d'imputabilité de l'accident au travail, son frère ayant précisé qu'il était fatigué.

Faute pour la société d'établir que le décès avait une cause totalement étrangère au travail, la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident dont a été victime [T] [R] le 11 août 2016 doit lui être déclarée opposable, le jugement étant confirmé en toutes ses dispositions.

3. Sur les dépens

S'agissant des dépens, l'article R.144-10 du code de la sécurité sociale disposant que la procédure est gratuite et sans frais en matière de sécurité sociale étant abrogé depuis le 1er janvier 2019, les dépens de la présente procédure exposés postérieurement au 31 décembre 2018 seront laissés à la charge de la société qui succombe à l'instance.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement entrepris dans toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

CONDAMNE la société [7] aux dépens, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 19/03336
Date de la décision : 30/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-30;19.03336 ?
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