3ème Chambre Commerciale
ARRÊT N°581
N° RG 21/07146 - N° Portalis DBVL-V-B7F-SGV6
M. [P] [H]
C/
S.A. BANQUE CIC OUEST
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me CHAUDET
Me GAUVRIT
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 29 NOVEMBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,
Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,
GREFFIER :
Mme Aichat ASSOUMANI, lors des débats, et Madame Julie ROUET, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l'audience publique du 10 Octobre 2022 devant Monsieur Alexis CONTAMINE, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 29 Novembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [P] [H]
né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 6]
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représenté par Me Nicolas LE LEON de la SELARL SELARL NICOLAS LE LEON, Plaidant, avocat au barreau de QUIMPER
Représenté par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
S.A. BANQUE CIC OUEST inscrite au RCS NANTES sous le n° B 855 801 072, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Anne-Laure GAUVRIT de la SELARL LBG ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VANNES
FAITS ET PROCÉDURE :
Le 3 juin 2014, la société Adp Bergamasco a souscrit auprès de la société Banque CIC Ouest (le CIC) un contrat de prêt n°1403020328003 (le prêt n°03), d'un montant principal de 60.000 euros, remboursable en 60 mensualités au taux d'intérêt nominal annuel de 2,39%.
Le même jour, M. [H], gérant de la société Adp Bergamasco, s'est porté caution solidaire au titre de ce prêt dans la limite de la somme de 30.000 euros, couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour une durée de 84 mois.
Le 8 août 2014, la société Adp Bergamasco a souscrit auprès du CIC un contrat de prêt, n°1403020328004 (le prêt n°04), d'un montant principal de 35.000 euros, remboursable en 36 mensualités au taux d'intérêt nominal annuel de 1,98%.
Le même jour, M. [H] s'est porté caution solidaire au titre de ce prêt dans la limite de la somme de 42.000 euros, couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour une durée de 60 mois.
Le 21 mars 2015, M. [H] s'est porté caution au titre de toutes sommes qui seraient dues par la société Adp Bergamasco au CIC à hauteur de 36.000 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour une durée de 5 ans.
Le 26 septembre 2015, la société Adp Bergamasco a souscrit auprès du CIC un contrat de prêt, n°1403020328006 (le prêt n°06), d'un montant principal de 7.000 euros, remboursable en 24 mensualités au taux d'intérêt nominal annuel de 1,29%.
Le 23 mars 2016, la société Adp Bergamasco a souscrit auprès du CIC un contrat de prêt, n°1403020328007 (le prêt n°07), d'un montant principal de 30.000 euros, remboursable en 48 mensualités au taux d'intérêt nominal annuel de 1,49%.
Le 5 avril 2017, la société Adp Bergamasco a été placée en redressement judiciaire.
Le 30 mai 2017, le CIC a déclaré sa créance entre les mains du mandataire judiciaire.
Le 19 juillet 2017, le CIC a mis en demeure M. [H] d'honorer ses engagements de caution.
Le 2 mai 2018, la société Adp Bergamasco a été placée en liquidation judiciaire.
Le 18 décembre 2018, le CIC a assigné M. [H] en paiement.
Par jugement du 24 septembre 2021, le tribunal de commerce de Vannes a :
- Débouté M. [H] de sa demande de décharge totale ou partielle,
- Condamné M. [H] à payer au CIC la somme de 75.620,98 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2018 jusqu'à parfait paiement,
- Débouté M. [H] de sa demande de délais de paiement,
- Condamné M. [H] à payer au CIC la somme de l.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- Ordonné l'exécution provisoire du jugement, nonobstant appel, et ce, sans consignation,
- Condamné M. [H] aux entiers dépens, lesquels comprendront notamment les frais de procédure d'inscription d'hypothèque judiciaire,
- Débouté les parties du surplus de leurs demandes, fins et conclusions,
- Arrêté et liquidé les dépens.
M. [H] a interjeté appel le 16 novembre 2021.
Le CIC a déposé ses dernières conclusions le 26 septembre 2022. M. [H] a déposé ses dernières conclusions le 28 septembre 2022.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 septembre 2022.
Le 18 novembre 2022, il a été demandé au CIC, pour le 24 novembre 2022 au plus tard, de produire :
- Les relevés du compte-courant n°1403020328001 depuis son ouverture le 28 avril 2014, ainsi qu'un décompte des intérêts payés par le débiteur principal au cours de cette période,
- Le tableau d'amortissement du prêt n°1403020328003 du 3 juin 2014, ainsi qu'un décompte des intérêts payés par le débiteur principal au titre de ce prêt,
- Le tableau d'amortissement du prêt n°1403020328004 du 8 août 2014, ainsi qu'un décompte des intérêts payés par le débiteur principal au titre de ce prêt.
M. [H] a été invité, pour le 28 novembre 2022 au plus tard, à faire valoir toute observation utile sur ces pièces.
Le CIC a produit les pièces demandées et fait valoir ses observations le 22 novembre 2022.
PRÉTENTIONS ET MOYENS :
M. [H] demande à la cour de :
- Recevoir M. [H] en son appel et après 1'y avoir déclaré bien fondé,
- Juger M. [H] recevable en ses prétentions qui constituent une défense au fond,
- Juger que les prétentions relevant d'une défense au fond ne sont pas soumises à la prescription,
En conséquence :
- Réformer le jugement en ce qu'il a :
- Débouté M. [H] de sa demande de décharge totale ou partielle,
- Condamné M. [H] à payer au CIC la somme de 75.620,98 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2018 jusqu'à parfait paiement,
- Débouté M. [H] de sa demande de délais de paiement,
- Condamné M. [H] à payer au CIC la somme de l.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
En conséquence:
- Juger que la banque ne justifie pas du solde du compte courant n°01 à la date du prononcé de la déchéance du terme,
- Juger que la banque a commis une faute en procédant au retrait de l'autorisation de découvert du compte courant n°0l sans respecter un préavis,
- Juger que la banque a commis une faute en ne rédigeant pas un acte de nantissement en garantie du crédit n°06 conformément aux dispositions légales en vigueur,
- Juger que la banque a commis une faute en ne rédigeant pas un acte de nantissement en garantie de l'acte de prêt n°07 conformément aux dispositions légales en vigueur,
- Juger que la banque ne justifie pas du respect des conditions légales de validité du nantissement sur fonds de commerce en garantie du prêt n°03,
- Juger que la banque a fait perdre à la caution le bénéfice d'un recours subrogatoire dans l'exercice des droits du créancier nanti sur les comptes bancaires de la société Adp Bergamasco,
En conséquence :
- Décharger la caution de son obligation au paiement de la somme de:
- 29.099,93 euros au titre du compte courant n°01,
- 3.453,91 euros au titre du prêt n°06,
- 16.884,92 euros au titre du prêt n°07,
- Décharger la caution de son obligation au paiement du solde de son engagement de caution au titre du prêt n°03 et à hauteur de 30.000 euros,
En tout état de cause :
- Juger que la banque ne justifie pas du respect de son obligation d'information en exécution des dispositions légales applicables,
En conséquence :
- Déclarer la banque déchue de son droit aux intérêts conventionnels ainsi que des pénalités au titre des concours garantis et dire que tous les paiements effectués par le débiteur principal doivent être réputés affectés prioritairement au règlement du principal de la dette à 1'égard de la caution,
- Condamner la banque au paiement d'une indemnité de 2.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Débouter le CIC de 1'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
Le CIC demande à la cour de :
- Dire et juger le CIC recevable et bien fondé en ses conclusions,
Y faisant droit :
- Déclarer irrecevables les demandes nouvelles de M. [H] en cause d'appel à savoir':
- Sur le fait que la demande de condamnation au titre du cautionnement de 36.000 euros serait indéterminée,
- Sur la responsabilité de la Banque au titre d'un prétendu retrait abusif des autorisations de découvert à la société Adp Bergamasco,
- Sur un manquement à l'information annuelle de la caution,
- Dire et juger que l'effet dévolutif de l'appel limite l'analyse de la cour aux seuls chefs de jugement critiqués et par conséquent écarter l'analyse des autres moyens contestés,
A supposer que ces demandes soient analysées par la cour :
- Débouter M. [H] de sa demande de décharge de cautionnement au titre du compte courant, la créance étant parfaitement déterminée,
- Déclarer prescrite la demande en recherche de responsabilité de la banque pour retrait abusif d'autorisation de découvert,
- Déclarer prescrite la demande de déchéance du droit aux intérêts pour défaut d'information annuelle de la caution,
- Débouter M. [H] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- Confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
Y additant :
- Condamner M. [H] à régler au CIC la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile s'agissant des frais irrépétibles exposés en appel,
- Condamner le même aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.
DISCUSSION :
Sur l'irrecevabilité des demandes nouvelles :
Le CIC fait valoir que plusieurs demandes de M. [H] constituent des demandes nouvelles non développées en première instance et qu'elles sont donc irrecevables en appel :
- Sur le fait que la demande de condamnation au titre du cautionnement de 36.000 euros serait indéterminée
- Sur la responsabilité de la banque au titre d'un prétendu retrait abusif des autorisations de découvert à la société Adp Bergamasco,
- Sur un manquement à l'information annuelle de la caution.
L'article 564 du code de procédure civile prévoit que les demandes nouvelles, à l'exception de celles visant notamment à opposer compensation ou à faire écarter les prétentions adverses, sont irrecevables en appel :
À peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Toutefois, les demandes reconventionnelles sont recevables en appel si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.
Article 567 du code de procédure civile :
Les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel.
En l'espèce, M. [H] demande à être déchargé de son obligation en paiement aux motifs que la demande de condamnation formée par le CIC au titre du cautionnement de 36.000 euros serait indéterminé et que le CIC aurait commis une faute en procédant au retrait de l'autorisation de découvert du compte courant n°1403020328001 (le compte courant n°01).
M. [H] demande également la déchéance du CIC de son droit aux intérêts conventionnels et aux pénalités pour manquement à son obligation d'information.
Ces demandes, bien que non présentées en première instance, tendent à écarter les prétentions du CIC. Il en résulte que les demandes de M. [H] visant à être déchargé ou à réduire sa condamnation sont recevables.
Au surplus, le CIC fait valoir que ces demandes excèderaient la déclaration d'appel de M. [H].
Il ressort de la déclaration d'appel de M. [H] que ce dernier demande notamment la réformation du jugement en ce qu'il l'a 'condamné à payer au CIC la somme de 75.620,98 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2018 jusqu'à complet paiement'.
Les demandes de M. [H] visant à être déchargé ou à réduire sa condamnation n'excèdent pas sa déclaration d'appel puisqu'elles tendent à la réformation du jugement du chef susvisé.
Il y a donc lieu de rejeter la demande d'irrecevabilité formée par le CIC.
Sur l'indétermination de la demande au titre de la créance du solde du compte courant n°01 :
M. [H] fait valoir que, si le montant retenu de 29.099,93 euros correspond au solde du compte-courant n°01 au jour du prononcé du redressement judiciaire, la banque ne justifie pas du solde à la date du prononcé de la déchéance du terme.
Cette créance a fait l'objet d'une admission par le juge-commissaire le 29 mai 2018 à hauteur de 29.099,93 euros et il n'est pas justifié que cet état des créances ait fait l'objet d'un recours. Les sommes ainsi fixées ne peuvent donc plus être contestées par M. [H].
En conséquence, cette créance du CIC est justifiée, tant dans son principe que dans son montant, sauf à prendre en compte des paiements effectués depuis la date de l'admission des créances.
M. [H] ne rapportant pas la preuve de paiements effectués depuis cette admission de créance, sa demande tendant à être déchargé de son obligation de paiement au titre du compte-courant n°01 sera rejetée.
Sur la prescription de la demande au titre de la faute de l'établissement bancaire :
M. [H] demande à être déchargé de son obligation de paiement au motif que le CIC aurait commis une faute en retirant l'autorisation de découvert du compte bancaire n°01.
Le CIC oppose que cette demande serait prescrite.
Comme énoncé supra, cette demande tend seulement au rejet de celles formées par le CIC. Constituant un simple moyen de défense au fond, cette demande est imprescriptible.
Sur la faute de l'établissement bancaire au titre du retrait de l'autorisation de découvert du compte courant n°01 :
M. [H] demande à être déchargé de son obligation en paiement du solde du compte bancaire soit 29.099,93 euros au motif que le CIC n'aurait pas respecté son obligation, au titre de l'article L 313-12 du code monétaire et financier, en mettant brutalement un terme à son concours financier accordé à la société Adp Bergamasco sans annoncer la résiliation de la convention de compte courant au moins 60 jours avant.
Article L 313-12 du code monétaire et financier :
Tout concours à durée indéterminée, autre qu'occasionnel, qu'un établissement de crédit ou une société de financement consent à une entreprise, ne peut être réduit ou interrompu que sur notification écrite et à l'expiration d'un délai de préavis fixé lors de l'octroi du concours. Ce délai ne peut, sous peine de nullité de la rupture du concours, être inférieur à soixante jours. Dans le respect des dispositions légales applicables, l'établissement de crédit ou la société de financement fournit, sur demande de l'entreprise concernée, les raisons de cette réduction ou interruption, qui ne peuvent être demandées par un tiers, ni lui être communiquées.
L'établissement de crédit ou la société de financement ne peut être tenu pour responsable des préjudices financiers éventuellement subis par d'autres créanciers du fait du maintien de son engagement durant ce délai.
L'établissement de crédit ou la société de financement n'est pas tenu de respecter un délai de préavis, que l'ouverture de crédit soit à durée indéterminée ou déterminée, en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou au cas où la situation de ce dernier s'avérerait irrémédiablement compromise.
Le non-respect de ces dispositions peut entraîner la responsabilité pécuniaire de l'établissement de crédit ou de la société de financement.
Si la caution peut obtenir réparation du préjudice subi en cas de rupture abusive des crédits consentis au débiteur principal, il est nécessaire que cette dernière démontre que la rupture a aggravé la dette du débiteur principal.
En application de l'article susvisé, la sanction en cas de rupture abusive de crédit consenti au débiteur principal ne peut être que l'engagement de la responsabilité pécuniaire de l'établissement de crédit.
Ainsi, même à supposer que le CIC aurait commis une faute en rompant abusivement le concours financier qu'elle accordait à la société Adp Bergamasco, la seule sanction serait l'engagement de la responsabilité pécuniaire du CIC.
M. [H] demande, dans le dispositif de ses conclusions, à être déchargé de son obligation au paiement du solde de ce compte-courant au visa de l'article L 313-12 du code monétaire et financier. Cette sanction n'étant pas celle prévue par cet article et la cour étant tenue par les mentions faites au dispositif de ses conclusions, la demande de M. [H] sera rejetée.
Sur l'impossibilité d'effectuer les recours subrogatoires :
La caution est déchargée lorsque le créancier lui a fait perdre une garantie sur laquelle elle pouvait compter :
Article 2314 du code civil dans version en vigueur du 24 mars 2006 au 1er janvier 2022 et applicable en l'espèce au cautionnement conclu le 21 mars 2015 :
La caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution. Toute clause contraire est réputée non écrite.
Pour être déchargé, il incombe à la caution de démontrer la perte, par le fait exclusif du créancier, du droit, hypothèque ou privilège dont elle aurait pu bénéficier par subrogation.
Cependant, une fois ce fait exclusif établi, c'est au créancier qu'il incombe de prouver que la perte du droit préférentiel dont se plaint la caution n'a causé aucun préjudice à celle-ci.
La décharge n'est accordée à la caution qu'à hauteur du préjudice qu'elle a subi.
- Concernant les prêts n°06 et n°07 :
M. [H] demande à être déchargé de son obligation en paiement des soldes des prêts n°06 et n°07 au motif que les nantissements adossés à ses cautionnements ne respecteraient pas les exigences de l'article 2356 du code civil et que ses recours subrogatoires s'en trouveraient empêchés.
Article 2356 du code civil :
A peine de nullité, le nantissement de créance doit être conclu par écrit.
Les créances garanties et les créances nanties sont désignées dans l'acte.
Si elles sont futures, l'acte doit permettre leur individualisation ou contenir des éléments permettant celle-ci tels que l'indication du débiteur, le lieu de paiement, le montant des créances ou leur évaluation et, s'il y a lieu, leur échéance.
Concernant le prêt n°06, le contrat de prêt stipule page 6, à la clause 'Nantissement de comptes', que : 'Conformément aux articles 2355 à 2366 du code civil, l'emprunteur remet en nantissement au profit du prêteur, à titre de sûreté, le compte sur lequel sont ou seront domiciliés les remboursements du crédit objet des présentes, et plus généralement l'ensemble des comptes présents ou futurs ouverts sur les livres du prêteur, ceci sans préjudice de toute autre garantie spécifique qui pourrait le cas échéant être spécialement affectée par ailleurs à la garantie de ce crédit'.
Concernant le prêt n°07, M. [H], bien que soulevant le gage sur le véhicule adossé à son cautionnement, invoque les articles relatifs au nantissement de créance. Le contrat de prêt n°07 reproduit lui aussi en page 6 la mention susmensionnée pour le prêt n°06.
En l'espèce, si M. [H] invoque l'article 2356 du code civil, il ne démontre pas en quoi ces nantissements de créances ne seraient pas valables ni en quoi ses recours subrogatoires seraient empêchés, se contentant d'indiquer que 'Le nantissement n'est pas conforme aux dispositions légales' et que 'Dans ces conditions, le recours subrogatoire de la caution s'en trouve empêché'.
D'autant que les nantissements de comptes stipulés dans les contrats de prêt n°06 et n°07 via la clause susvisée remplissent les exigences prescrites par l'article 2356 du code civil. En effet, les nantissements ont bien été conclus par écrit et ont été acceptés par l'emprunteur puisque les contrats de prêt ont été signés par ce dernier.
Les créances garanties sont parfaitement identifiables puisque cette clause indique que 'Ce nantissement est consenti en garantie du paiement et du remboursement de toutes sommes en capital, intérêts, frais et accessoires dues au titre du crédit présentement consenti'. Chaque nantissement ne peut donc s'appliquer qu'à la créance résultant du prêt stipulé dans le même acte.
Les créances nanties sont également parfaitement identifiables, puisqu'il est indiqué que le nantissement concerne 'Le compte sur lequel sont ou seront domiciliés les remboursements du crédit objet des présentes, et plus généralement l'ensemble des comptes présents ou futurs ouverts sur les livres du prêteur, ceci sans préjudice de toute autre garantie spécifique qui pourrait le cas échéant être spécialement affectée par ailleurs à la garantie de ce crédit'.
Les nantissements consentis au CIC au titre des prêts n°06 et 07 étant conformes aux exigences d'écrit et d'individualisation des créances garanties et nanties prescrites par l'article 2356 du code civil, la demande de déchargement de M. [H] au titre des contrats de prêt n°06 et n°07 sera rejetée.
- Concernant le prêt n°03 :
Concernant le contrat de prêt n°03, M. [H] fait valoir que le CIC lui aurait fait perdre le bénéfice de son recours subrogatoire car l'acte de nantissement de fonds de commerce adossé à ce contrat de prêt ne préciserait pas les éléments nantis prescrits par l'article L 142-2 du code de commerce. Il fait également valoir que le CIC ne justifierait pas avoir procédé à l'enregistrement du nantissement, du dépôt au greffe dans le délai de 15 jours suivant la signature de l'acte.
Article L142-2 du code de commerce :
Sont seuls susceptibles d'être compris dans le nantissement soumis aux dispositions du présent chapitre comme faisant partie d'un fonds de commerce : l'enseigne et le nom commercial, le droit au bail, la clientèle et l'achalandage, le mobilier commercial, le matériel ou l'outillage servant à l'exploitation du fonds, les brevets d'invention, les licences, les marques, les dessins et modèles industriels, et généralement les droits de propriété intellectuelle qui y sont attachés.
Le certificat d'addition postérieur au nantissement qui comprend le brevet auquel il s'applique suit le sort de ce brevet et fait partie, comme lui, du gage constitué.
A défaut de désignation expresse et précise dans l'acte qui le constitue, le nantissement ne comprend que l'enseigne et le nom commercial, le droit au bail, la clientèle et l'achalandage.
Si le nantissement porte sur un fonds de commerce et ses succursales, celles-ci doivent être désignées par l'indication précise de leur siège.
Le contrat de prêt n°3 stipule page 2 que le prêt est garanti par un nantissement de fonds de commerce et que cette garantie 'sera constituée par acte séparé sous-seing privé'.
La déclaration de créance du CIC au titre de ce prêt fait mention de la production de l'acte de nantissement du fonds de commerce et du bordereau d'inscription de nantissement de fonds de commerce. Cette créance a d'ailleurs été admise à titre privilégiée par ordonnance du juge commissaire du 24 avril 2018.
M. [H] ne justifie donc pas que le CIC lui ait fait perdre par son fait exclusif un droit ou privilège dont il aurait pu bénéficier par subrogation.
Concernant le prêt n°03, M. [H] fait également valoir qu'il est privé de son recours subrogatoire au titre du nantissement des comptes bancaire car ce nantissement ne serait pas conforme à l'article 2356 du code civil.
Article 2356 du code civil :
A peine de nullité, le nantissement de créance doit être conclu par écrit.
Les créances garanties et les créances nanties sont désignées dans l'acte.
Si elles sont futures, l'acte doit permettre leur individualisation ou contenir des éléments permettant celle-ci tels que l'indication du débiteur, le lieu de paiement, le montant des créances ou leur évaluation et, s'il y a lieu, leur échéance.
Le contrat de prêt n°3 indique en page 8, à la clause 'Nantissement de comptes', que : 'Conformément aux articles 2355 à 2366 du code civil, l'emprunteur remet en nantissement au profit du prêteur, à titre de sûreté, le compte sur lequel sont ou seront domiciliés les remboursements du crédit objet des présentes, et plus généralement l'ensemble des comptes présents ou futurs ouverts sur les livres du prêteur, ceci sans préjudice de toute autre garantie spécifique qui pourrait le cas échéant être spécialement affectée par ailleurs à la garantie de ce crédit.
(...)
Ce nantissement est consenti en garantie du paiement et du remboursement de toutes sommes en capital, intérêts, frais et accessoires dues au titre du crédit présentement consenti'.
Comme énoncé supra au titre des prêts n°06 et 07, cette clause vaut nantissement et est conforme aux exigences d'écrit et d'individualisation des créances garanties et nanties prescrites par l'article 2356 du code civil. La demande de déchargement de M. [H] à ce titre sera rejetée.
Sur la prescription de l'obligation d'information annuelle de la caution :
Le CIC fait valoir que la demande de M. [H] au titre de l'obligation d'information annuelle de la caution serait prescrite car soulevée pour la première fois par ce dernier dans ses conclusions du 14 février 2022 soit plus de cinq ans après la souscription des cautionnements.
Comme énoncé supra, l'obligation d'information annuelle est invoquée par la caution par voie d'exception, uniquement pour obtenir le rejet de la demande en paiement du CIC. Il s'agit donc d'une défense au fond, en tant que telle imprescriptible dès lors que le contrat de cautionnement n'a pas commencé à être exécuté par M. [H]. La demande de M. [H] est donc recevable.
Sur l'obligation d'information annuelle de la caution :
L'établissement prêteur est tenu d'une obligation d'information annuelle de la caution :
Article L313-22 du code monétaire et financier dans sa version en vigueur du 1er janvier 2014 au 11 décembre 2016 et applicable en l'espèce :
Les établissements de crédit ou les sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.
Le défaut d'accomplissement de la formalité prévue à l'alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.
Article L 341-6 du code de la consommation, dans sa rédaction en vigueur du 5 février 2004 au 1er juillet 2016 et applicable en l'espèce :
Le créancier professionnel est tenu de faire connaître à la caution personne physique, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation garantie, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, il rappelle la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée. A défaut, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information.
L'établissement n'est pas tenu de prouver que les lettres d'information ont été reçues. Il doit établir qu'il a envoyé des lettres contenant les informations fixées par ce texte.
Il sera par ailleurs observé que les sanctions prévues par les articles L 313-22 du code monétaire et financier et L 341-6 du code de la consommation ne se cumulent pas. En cas d'invocation conjointe de ces deux textes, ce qui est le cas en l'espèce, et si le manquement à l'obligation d'information est caractérisé, il y a lieu de retenir la déchéance la plus favorable à la caution.
La déchéance résultant des dispositions de l'article L 313-22 du code monétaire et financier est plus avantageuse pour la caution que la déchéance issue des dispositions de l'article L 341-6 du code de la consommation. Elle sera seule appliquée.
Le CIC produit des copies de lettres d'information destinées à M. [H] en date des 20 février 2015, 18 février 2016 et 17 février 2017. Il ne joint à ces pièces aucun élément permettant d'attester de leur envoi (bordereau de lettre recommandée, procès-verbal d'huissier, etc.). Il n'est ainsi pas établi que les lettres d'information ont effectivement été envoyées à M. [H].
Le CIC est donc déchu du droit aux intérêts.
La déchéance du droit aux intérêts implique une imputation des paiements effectués par le débiteur principal prioritairement au règlement du principal de la dette. La somme ainsi calculée produit des intérêts au taux légal à compter de la première mise en demeure adressée à la caution.
Au vu des relevés du compte-courant n°01 versés aux débats, le débiteur principal a payé la somme de 2.315,60 euros au titre des intérêts. Il convient, pour ce qui concerne la caution, de déduire cette somme de celles restant dues par le débiteur principal.
Le prêt n°03 du 3 juin 2014 et d'un montant de 60.000 euros, a été payé jusqu'à l'échéance du 15 novembre 2016 incluse. Au vu du tableau d'amortissement du prêt versé aux débats, le débiteur principal a payé pour ce prêt la somme de 2.689,62 euros au titre des intérêts. Il convient, pour ce qui concerne la caution, de déduire cette somme de celles restant dues par le débiteur principal.
Le prêt n°04 du 8 août 2014, d'un montant de 35.000 euros, a été payé jusqu'à l'échéance du 20 novembre 2016 incluse. Au vu du tableau d'amortissement du prêt versé aux débats, le débiteur principal a payé pour ce prêt la somme de 1.004,69 euros au titre des intérêts. Il convient, pour ce qui concerne la caution, de déduire cette somme de celles restant dues par le débiteur principal.
Le prêt n°06 du 26 septembre 2015 et d'un montant de 7.000 euros, a été payé jusqu'à l'échéance du 10 novembre 2016 incluse. Au vu du tableau d'amortissement du prêt versé aux débats, le débiteur principal a payé pour ce prêt la somme de 98,71 euros euros au titre des intérêts. Il convient, pour ce qui concerne la caution, de déduire cette somme de celles restant dues par le débiteur principal.
Le prêt n°07 du 23 mars 2016 et d'un montant de 30.000 euros, a été payé jusqu'à l'échéance du 5 novembre 2016 incluse. Au vu du tableau d'amortissement du prêt versé aux débats, le débiteur principal a payé pour ce prêt la somme de 276,84 euros au titre des intérêts. Il convient, pour ce qui concerne la caution, de déduire cette somme de celles restant dues par le débiteur principal.
Il reste dû par la caution :
- Au titre du compte-courant n°01 : la somme de 26.784,33 euros (29.099,93-2.315,60),
- Au titre du prêt n°03 : la somme de 32.316,17 euros (35.005,79-2.689,62),
- Au titre du prêt n°04 : la somme de 8.616,29 euros (9.620,98-1.004,69),
- Au titre du prêt n°06 : la somme de 3.355,20 euros (3.453,91-98.71),
- Au titre du prêt n°07 : la somme de 27.248,97 euros (27.525,81-276,84).
M. [H] s'est engagé comme caution :
- Le 3 juin 2014 au titre du prêt n°03 : à hauteur de 30.000 euros,
- Le 8 août 2014 au titre du prêt n°04 : à hauteur de 42.000 euros,
- Le 21 mars 2015 au titre de toutes sommes qui seraient dues par la société Adp Bergamasco au CIC : à hauteur de 36.000 euros.
Les sommes dues au titre du prêt n°03 excédant la limite du cautionnement consenti le 3 juin 2014 par M. [H] au titre du prêt n°03, la condamnation de M. [H], au titre de cet engagement de caution, sera limitée au montant de son engagement, soit 30.000 euros.
Les sommes dues au titre du compte-courant n°01 et des prêts n°06 et n°07 excédant la limite du cautionnement consenti le 21 mars 2015 par M. [H] au titre de toutes sommes dues par la société Adp Bergamasco au CIC, la condamnation de M. [H], au titre de cet engagement de caution, sera limitée au montant de son engagement, soit 36.000 euros.
M. [H] sera donc condamné à payer :
- La somme de 30.000 euros au titre de son engagement de caution du 3 juin 2014,
- La somme de 8.616,29 euros au titre de son engagement de caution du 8 août 2014,
- La somme de 36.000 euros au titre de son engagement de caution du 21 mars 2015.
Ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du 19 juillet 2017, date de la mise en demeure de M. [H], conformément à l'article 1231-6 du code civil.
Sur les délais de paiement :
M. [H] sollicite la réformation du jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de délais de paiements.
M. [H] a déjà, de fait, bénéficié d'importants délais de paiement. Il n'y a pas lieu de lui en accorder de nouveaux. Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les frais et dépens :
Il y a lieu de condamner M. [H] aux dépens de première instance et d'appel et de rejeter les demandes formées en appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour :
- Infirme le jugement en ce qu'il a :
- Débouté M. [H] de sa demande de décharge totale ou partielle,
- Condamné M. [H] à payer au CIC la somme de 75.620,98 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2018 jusqu'à parfait paiement,
- Confirme le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant :
- Condamne M. [H] à payer au CIC :
- La somme de 30.000 euros au titre de son engagement de caution du 3 juin 2014, avec intérêts au taux légal à compter du 19 juillet 2017,
- La somme de 8.616,29 euros au titre de son engagement de caution du 8 août 2014, avec intérêts au taux légal à compter du 19 juillet 2017,
- La somme de 36.000 euros au titre de son engagement de caution du 21 mars 2015, avec intérêts au taux légal à compter du 19 juillet 2017,
- Rejette les autres demandes des parties,
- Condamne M. [H] aux dépens de première instance et d'appel.
Le greffier Le président