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29/11/2022 | FRANCE | N°21/04990

France | France, Cour d'appel de Rennes, 6ème chambre b, 29 novembre 2022, 21/04990


6ème Chambre B





ARRÊT N° 461



N° RG 21/04990

N°Portalis DBVL-V-B7F-R43J













Mme [R] [H]



C/



M. [O] [C]

































Copie exécutoire délivrée

le :



à :





REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 29 NOVEMBRE 2022




>COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Véronique CADORET, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Emmanuelle GOSSELIN, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Marc JANIN, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,



GREFFIER :



Madame Morgane LIZEE, lors des débats, et Madame Catherine DEAN, ...

6ème Chambre B

ARRÊT N° 461

N° RG 21/04990

N°Portalis DBVL-V-B7F-R43J

Mme [R] [H]

C/

M. [O] [C]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 29 NOVEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Véronique CADORET, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Emmanuelle GOSSELIN, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Marc JANIN, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,

GREFFIER :

Madame Morgane LIZEE, lors des débats, et Madame Catherine DEAN, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 26 Septembre 2022

devant Madame Véronique CADORET, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 29 Novembre 2022, après prorogation, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

Madame [R] [H]

née le 05 Juin 1965 à [Localité 4]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Rep/assistant : Me Anne-Sophie JUGDE (AARPI TRANSMISSIO), avocat au barreau de RENNES

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2021/004614 du 16/04/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)

INTIMÉ :

Monsieur [O] [C]

né le 02 Juin 1965 à [Localité 6]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Rep/assistant : Me Marc-Etienne VERDIER (SCP VERDIER-MARTIN), avocat au barreau de RENNES

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2021/013747 du 10/12/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)

EXPOSE DU LITIGE

Madame [R] [H] et Monsieur [O] [C] ont vécu en concubinage pendant 14 années. Après la séparation du couple, au mois d'octobre 2015, Monsieur [C] est demeuré dans la maison construite sur un terrain qui avait été acquis par les parties en indivision à concurrence de moitié chacune et édifiée au moyen de prêts.

Les parties ne parvenant pas à s'entendre sur la liquidation de leurs intérêts patrimoniaux, par acte d'huissier en date du 19 septembre 2018, Madame [H] a fait assigner Monsieur [C] en partage d'indivision devant le juge aux affaires familiales au tribunal judiciaire de RENNES.

Par jugement contradictoire en date du 15 mars 2021, le juge aux affaires familiales au tribunal judiciaire de RENNES a :

- ordonné l'ouverture des opérations de compte et liquidation partage des biens dépendant de l'indivision existant entre Madame [H] et Monsieur [C],

- désigné Maître [F] [X], notaire au [Localité 7], pour procéder aux dites opérations,

- attribué le bien immobilier sis [Adresse 3], à [Localité 5] (35), à Monsieur [C], à titre préférentiel, à charge pour lui de s'acquitter seul du capital restant à devoir et de la soulte revenant à Madame [H],

- dit qu'il appartiendrait au notaire désigné de procéder à l'estimation du bien immobilier sis [Adresse 3], à [Localité 5] (35),

- dit que Monsieur [C] était redevable, envers l'indivision, d'une indemnité d'occupation au titre de son occupation privative de l'immeuble indivis, à compter du 1er novembre 2015 jusqu'à complet partage,

- dit qu'il appartenait au notaire de fixer le montant de l'indemnité d'occupation, due par Monsieur [C], en considération de la valeur locative dudit bien,

- dit que Monsieur [C] détenait, à l'égard de l'indivision, une créance au titre des échéances de prêt qu'il avait réglées durant la vie commune et après la séparation du couple, déduction faite des sommes prises en charge par son assureur,

- dit que Monsieur [C], détenait, à l'égard de l'indivision, une créance au titre des taxes foncières qu'il avait réglées seul, à hauteur de 2221 €, de 2016 à 2019, à parfaire,

- dit que Monsieur [C] détenait, à l'égard de l'indivision, une créance de 561 € au titre du portail automatique,

- débouté les parties de toutes demandes plus amples ou contraires,

- condamné les parties aux dépens, chacune par moitié.

Par déclaration en date du 30 juillet 2021, Madame [R] [H] a interjeté appel de cette décision en ses dispositions sur la créance au titre des échéances de prêt durant la vie commune et après la séparation du couple, déduction faite des sommes prises en charge par son assureur, sur la créance au titre des taxes foncières, sur la créance au titre du portail automatique et sur le rejet de toutes demandes plus amples ou contraires.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 03 avril 2022, Madame [H] demande à la cour de :

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a reconnu à Monsieur [C], à l'égard de l'indivision, une créance au titre des échéances de prêt réglées durant la vie commune et après la séparation du couple, déduction faite des sommes prises en charge par son assureur, et une créance de 561 € au titre du portail automatique,

y faisant droit,

à titre principal,

- débouter Monsieur [C] de sa demande de créance au titre de sa prise en charge des échéances du prêt immobilier,

à titre subsidiaire,

- fixer la créance de Monsieur [C] relative aux échéances du prêt immobilier réglées par ses soins uniquement à partir du 4 décembre 2013,

en tout état de cause,

- exclure du montant de la créance de Monsieur [C] due au titre des échéances du prêt immobilier les sommes prises en charge par l'assurance,

- débouter Monsieur [C] de sa demande de créance relative à la pose d'un portail automatique pour le portail ainsi que d'un interphone,

- débouter Monsieur [C] de ses demandes reconventionnelles ainsi que de toutes ses demandes contraires,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions,

- débouter Monsieur [C] de sa demande de condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Monsieur [C] à lui verser la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel outre sa condamnation aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 09 mai 2022, Monsieur [C] demande à la cour de :

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il lui a reconnu, à l'égard de l'indivision, une créance au titre des échéances de prêt, déduction faite des sommes prises en charge par son assureur, et une créance de 561 € au titre du portail automatique et en ce qu'il a débouté Madame [H] de toutes demandes plus amples ou contraires,

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il l'a débouté de sa demande portant sur une créance, à l'égard de l'indivision, au titre des travaux d'amélioration de l'habitat payés intégralement par ses parents ou lui-même, a condamné les parties aux dépens, chacune par moitié, et les a déboutées de leurs demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile,

statuant de nouveau,

- dire et juger qu'il détient, à l'égard de l'indivision, une créance au titre des travaux d'amélioration de l'habitat payés intégralement par ses parents ou lui-même,

- condamner Madame [H] à lui verser la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance,

- condamner Madame [H] aux entiers dépens de première instance,

y ajoutant,

- débouter Mme [H] de l'ensemble de ses demandes présentes et à venir,

- condamner Madame [H] à lui verser la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel,

- condamner Madame [H] aux entiers dépens de la procédure d'appel.

Par application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 mai 2022.

MOTIFS

I - Sur l'objet de l'appel

La cour relève que Madame [H], dans sa déclaration d'appel, critique notamment la disposition du jugement déféré ayant dit que Monsieur [C] détenait, à l'égard de l'indivision, une créance au titre des taxes foncières qu'il avait réglées seul, à hauteur de 2 221 €, de 2016 à 2019, à parfaire.

Dans ses dernières conclusions, il n'est toutefois plus demandé par l'appelante principale aucune infirmation de ce chef de la décision déférée, qui n'est plus contestée.

Aussi, la disposition sera en l'état et sans autre examen confirmée.

II - Sur la créance de l'intimé contre l'indivision au titre du remboursement des échéances de prêts

En application de l'article 815-13 du code civil, lorsqu'un indivisaire a amélioré, à ses frais, l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l'aliénation. Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu'il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu'elles ne les aient point améliorés.

Le règlement d'échéances d'emprunt effectué par un indivisaire au moyen de deniers personnels au cours de l'indivision constitue des dépenses nécessaires à la conservation du bien indivis et donne lieu à indemnité sur le fondement de l'article 815-13 précité du code civil.

Sauf convention expresse ou accord tacite, chacun des concubins doit supporter définitivement les dépenses de la vie courante qu'il a exposées, si bien qu'aucune créance de participation aux charges de la vie commune ne peut être exigée lors de la rupture du concubinage.

Peut toutefois exister une volonté commune de partager les dépenses de la vie courante, justifiant que l'une des parties conserve la charge des échéances d'un crédit afférent à l'immeuble dans lequel a vécu la famille.

En l'espèce, il est constant que, suivant acte notarié de Maître [Z], notaire, les parties ont fait l'acquisition, de façon indivise et à concurrence de 50% chacun, d'un terrain situé à [Localité 5] (35), sur lequel elles ont fait édifier une maison d'habitation. Ont été contractés plusieurs emprunts immobiliers, un prêt pour un capital de 8 000 € et, auprès du Crédit Immobilier de France, un premier prêt 0% de 16.500 € remboursable sur 8 ans selon des mensualités de 176,13 €, un second prêt Cap Projet de 100.000 € remboursable sur 25 ans par mensualités progressives de 451,18€ sur les 8 premières années puis de 627,18 € à compter de la 97ème mensualité, enfin de 698,18 euros à compter de la 121ème mensualité.

Le premier juge a reconnu à Monsieur [C] une créance à l'égard de l'indivision au titre des échéances de prêt qu'il avait ainsi réglées durant la vie commune et après la séparation du couple, déduction faite des sommes prises en charge par son assureur.

Madame [H] conteste cette disposition de la décision déférée et demande à la cour, infirmant de ce chef la décision dont appel, à titre principal de débouter Monsieur [C] de sa demande au titre de cette créance en ce qu'il existait une volonté commune des parties de partager les dépenses de la vie courante, Monsieur [C] conservant la charge des échéances de crédits afférents à l'immeuble indivis et Madame [H] les autres charges et dépenses de la vie commune. A titre subsidiaire, elle demande de fixer la créance de l'intimé aux seules échéances du prêt immobilier réglées par ses soins à partir du 4 décembre 2013 en ce que la créance serait prescrite sur la période antérieure.

1°) Sur le principe de la créance

Monsieur [C] se prévaut du règlement des échéances d'emprunt immobilier, en exposant qu'au départ de Madame [H] du domicile familial en octobre 2015 il a continué à assumer seul toutes les charges relatives au bien indivis, bien qu'ayant connu de nombreuses difficultés pour assumer et les échéances de prêts et les impôts et les autres charges afférents à ce bien, ses parents ayant alors dû lui prêter de l'argent.

Il ajoute résider seul dans ce bien et poursuivre le règlement de toutes les charges s'y rapportant, dont celles devant être supportées pour partie par Madame [H] et, au nombre de celles-ci, les échéances actuellement de 627,18 € du prêt contracté auprès du Crédit Immobilier de France et sur lequel, au 30 novembre 2018, le capital restant dû était de 67.595,41 €, tandis que les deux autres prêts respectivement de 8.000 € et 16.500 € ont été remboursés.

Le fait que Monsieur [C] ait toujours remboursé seul cet emprunt, durant la vie commune comme après la séparation, n'est pas contesté par Madame [H]. Toutefois et pour faire échec à la demande de ce dernier, tendant à lui reconnaître une créance contre l'indivision au titre de la prise en charge de ces mensualités de prêt, l'appelante fait valoir quant à elle avoir pris en charge la taxe foncière, la taxe d'habitation et d'autres factures notamment d'électricité, eau, le prêt afférent à un véhicule automobile et des prêts contractés pour l'acquisition de meubles, soit l'ensemble des charges de la vie courante tandis que Monsieur [C] remboursait le prêt immobilier et ce, en vertu d'un accord trouvé entre les concubins.

Cette répartition des charges qui aurait ainsi été convenue entre les parties est contestée par l'intimé, selon lequel non seulement Madame [H] n'établit pas assumer l'intégralité des dépenses de la vie courante mais pas même y avoir participé à hauteur de ses propres revenus. Il affirme à l'inverse les avoir, pour sa part, assumées en leur quasi-totalité en sus des échéances de prêt immobilier et ce, sur un revenu alors de 1.300€ par mois en moyenne.

Le premier juge a estimé qu'il ne pouvait se déduire des pièces versées aux débats de première instance par Madame [H] une prise en charge par celle-ci d'une grande partie des paiements de la vie courante du ménage ni l'existence d'un accord entre les parties pour se répartir les charges dans le couple entre Monsieur [C], qui aurait pris en charge le remboursement des mensualités du prêt immobilier, et Madame [H] qui aurait dû supporter les charges courantes.

Pour contester cette analyse et le fait, affirmé par l'intimé, que les charges du ménage auraient été assurées par celui-ci, Madame [H] fait valoir d'une part qu'il ne verse aucun élément de preuve d'une prise en charge 'importante et excessive' de ces dépenses du ménage, d'autre part que l'appréciation doit être portée au regard des capacités contributives des concubins sur le temps de la vie commune.

Il reste que la charge de la preuve, non seulement des dépenses que l'appelante soutient avoir assurées seule tandis que Monsieur [C] remboursait le prêt immobilier, mais encore de l'accord au moins tacite sur une telle répartition qui aurait alors existé entre les parties, pèse sur Madame [H].

Il est certes justifié, par les avis d'imposition des parties versés aux débats, d'une moyenne de revenus nets imposables perçus par Madame [H] de 794,50 à 839,75 € par mois, en fonction des années, de 2010 à 2015 inclus, tandis que sur la période la moyenne nette imposable des revenus de Monsieur [C] s'établissait entre 1.389,25 et 1.531,25€ par mois.

Il reste que, déduction faite de la mensualité de prêt que, de façon non contestée, supportait Monsieur [C] pour 627,31 € (176,13 + 451,18) sur les huit premières années au titre des deux prêts immobiliers CIF puis à hauteur de 627,18 € au-delà, au titre du seul prêt CIF restant encore à rembourser, il restait à ce dernier un solde disponible sur son revenu net imposable mensuel de 904 à 762 euros par mois, selon les années, soit un montant à peine supérieur au niveau de revenu de Madame [H].

Au titre de la prise en charge des dépenses de la vie courante, Madame [H] verse aux débats :

- un décompte de crédit SOFEMO, crédit contracté le 14 février 2011 pour un capital de 3.500 € sur lequel, aux termes d'un courrier du prêteur en date du 21 mars 2013 adressé à Madame [H] et à Monsieur [C], il restait à cette date un solde de 3.110,60 €,

- un autre décompte de crédit SOFEMO, crédit contracté le 16 février 2011 pour un capital de 2.650 € sur lequel, aux termes d'un courrier du prêteur en date du 16 novembre 2011 adressé à Madame [H] et à Monsieur [C], il restait à cette date un solde de 1.305,45 €,

- le résultat d'une opération de recherche sur des opérations en compte faisant apparaître,

. entre le 09 septembre 2009 et le 10 juin 2015, des prélèvements mensuels sur un compte chèques au profit de 'groupe SOFEMO' pour des montants variables d'un mois sur l'autre, de 66,61 à 76,18 € selon les mois, puis de 37,31 à 70,38 € par mois,

. entre le 16 janvier 2014 et le 16 novembre 2015, des prélèvements mensuels sur un compte chèques au profit de 'DIRECTION GENERALE DES FINA' pour des montants variables d'un mois sur l'autre, de 14 à 80€ selon les mois,

. entre le 01 février 2010 et le 01 décembre 2015, des prélèvements mensuels sur un compte chèques au profit de 'EDF' pour des montants variables d'un mois sur l'autre, de 27,85 à 83,62 € par mois,

. entre le 05 juillet 2010 et le 30 octobre 2015, des prélèvements mensuels sur un compte chèques au profit de la 'SAUR' pour des montants variables d'un mois sur l'autre, de 6,07 à 34,79 € par mois,

. entre le 05 avril 2013 et le 05 septembre 2017, des prélèvements mensuels sur un compte chèques au profit de la 'DIAC' pour un montant mensuel de 426,66 €.

Or, l'affectation des sommes empruntées dans le cadre des crédits SOFEMO sus-visés n'est pas autrement établie par Madame [H] que par des mentions manuscrites ('fauteuil cuir' et 'aspirateur kirby') portées sur les courriers reçus en novembre 2011 et en mars 2013 du groupe SOFEMO. En outre, l'objet des prélèvements au profit de la Direction Générale des Finances Publiques n'est aucunement établi en l'état des seules pièces produites aux débats. Ni le compte ou les comptes, depuis le(s)quel(s) ont été opérés les prélèvements sus-visés au titre soit de crédits auprès de ce créancier ou de la DIAC, soit de dettes fiscales, soit de charges d'eau et électricité, ni les conditions d'alimentation de ce(s) compte(s) ne sont davantage vérifiables.

Enfin, réserve faite des mensualités de crédit DIAC, les autres prélèvements mensuels sus-visés totalisent au plus 274,59 € par mois, ne couvrent jamais que partie de la période de vie commune et ne représentent qu'une liste encore limitée de charges courantes, rien n'étant justifié ni invoqué quant au paiement des autres postes de dépenses courantes, que sont notamment les cotisations d'assurances diverses, les dépenses alimentaires et de vêture ou encore des frais d'essence et d'entretien de véhicule.

Aussi, la réalité d'une prise en charge par Madame [H] de la totalité des charges courantes ou de l'essentiel de ces charges à proportion des facultés contributives respectives des parties n'est pas en l'état établie ni la réalité d'un accord effectif, même tacite entre les parties, pour une répartition des dépenses laissant à Monsieur [C] le remboursement des échéances de prêt immobilier et à l'appelante le règlement des dépenses courantes du couple.

C'est en conséquence par une exacte appréciation des éléments de la cause que le premier juge a écarté le moyen invoqué par Madame [H] au titre des mensualités de prêt immobilier supportées par Monsieur [C] sur le bien indivis.

2°) Sur la déduction des sommes prises en charge par l'assurance

Il doit être rappelé que, si l'échéance de l'emprunt afférent à l'immeuble indivis a été prise en charge par l'assurance invalidité du prêt, l'indivisaire n'a alors exposé aucune dépense personnelle et il ne peut revendiquer de créance sur l'indivision en application de l'article 815-13 du code civil.

En l'espèce, a été invoquée par Madame [H], dès la première instance, la nécessité de déduire de la créance qui serait retenue contre l'indivision au profit de Monsieur [C] les sommes prises en charge par l'assurance.

La cour observe à cet égard que Monsieur [C], intimé, expose avoir été en arrêt maladie à la date du départ de Madame [H] du domicile familial, en octobre 2015, et n'avoir repris un emploi qu'en octobre 2017.

Il est ainsi versé aux débats un courrier du 26 décembre 2019 des Mutuelles MNCAP adressé à Monsieur [C], confirmant avoir 'procédé au versement de la prestation pour la période suivante :

. période du 27.0.2015 au 24.08.2019, période de franchise contractuelle,

. période du 25.08.2015 au 25.11.2016, pour un montant de 9 464,58 €'.

En toute hypothèse, Monsieur [C] lui-même demande de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il lui a reconnu ladite créance au titre des échéances de prêt, déduction faite des sommes prises en charge par son assureur. Aussi la demande réitérée par Madame [H], à hauteur d'appel, pour en tout état de cause exclure du montant de cette créance les sommes prises en charge par l'assurance, ne fait plus l'objet d'aucune contestation.

Dès lors et sous réserve de la période sur laquelle est invoquée une prescription par l'appelante, la décision déférée doit être confirmée du chef de la créance afférente aux échéances de prêt immobilier réglées par Monsieur [C], déduction faite des sommes prises en charge par son assureur.

3°) Sur une prescription de la créance pour les échéances de prêt immobilier réglées avant le 4 décembre 2013

La créance du concubin résultant du paiement par celui-ci seul, pour le compte de l'indivision, des échéances d'un prêt immobilier se prescrit selon les règles de droit commun de l'article 2224 du code civil.

Madame [H] rappelle en effet à juste titre que la règle de l'article 2236 du code civil, selon laquelle la prescription ne court pas ou est suspendue entre époux et entre partenaires liés par un pacte civil de solidarité, n'a pas vocation à s'appliquer entre concubins qui notamment ne sont pas tenus d'attendre le partage pour le paiement entre eux d'une créance.

Or il n'est pas contesté que Monsieur [C] n'a pas formalisé sa demande au titre de sa créance tirée du paiement des mensualités de prêt immobilier avant des conclusions notifiées par voie électronique le 04 décembre 2018.

Aussi, Madame [H] est fondée à opposer une prescription et donc une irrecevabilité de la demande de Monsieur [H] pour la période antérieure au 04 décembre 2013.

La décision sera en conséquence infirmée en ce que Monsieur [C] est irrecevable en sa demande tendant à lui reconnaître une créance contre l'indivision au titre du paiement des échéances de prêt immobilier sur l'immeuble indivis sur la période antérieure au 04 décembre 2013.

III - Sur la créance de l'intimé contre l'indivision au titre de travaux d'amélioration de l'habitat

Seule a été retenue par le premier juge une créance de Monsieur [C] contre l'indivision, créance relative à la pose d'un portail automatique pour une somme de 561 €. L'intimé demande de confirmer la disposition de ce chef, que conteste à l'inverse Madame [H] et, se portant appelant incident, il se prévaut d'une créance au titre de travaux d'amélioration de l'habitat qu'il soutient avoir été payés intégralement par ses parents ou par lui-même, ce que conteste Madame [H].

Monsieur [C] fait ainsi valoir que ses parents ont financé l'achat du terrain, la cuisine aménagée et les extérieurs de la maison, pour 8.000 €, qu'il aura réalisé intégralement les travaux et financé d'autres travaux soit :

- la clôture et le portail de la propriété pour 561 €,

- une pompe à chaleur pour 2.000 €,

- un adoucisseur d'eau pour 1.500 €, sachant qu'il invoque par ailleurs l'installation d'un système de traitement des eaux pour 2.300 €.

Sont versés aux débats, par l'intimé et appelant incident, pour justifier de l'engagement des dépenses :

- un extrait de facture, non daté en ses pages 2 et 3 (sur 4) seules produites aux débats, portant sur des meubles et plans de travail pour un montant total de 1.780 € et pour une adresse de livraison au nom de 'M. et Mme. [C], [Adresse 3], [Localité 5]',

- une facture émise le 07 novembre 2017 relative à un 'kit motorisation pour portail coulissant' et un 'kit interphone' au prix de 561 € TTC, ladite facture portant la mention manuscrite 'Payer le 20/1/17",

- un bon de commande du groupe SOFATE établi au nom de Monsieur [C], et relatif à une 'station d'affinage traitant les boues' au prix de 2.300 € TTC, bon sur lequel est portée la mention d'un financement au moyen d'un crédit remboursable en 60 mensualités de 48,78 € chacune à compter du mois d'août 2017, le même bon portant la signature du revendeur et celle du client précédée de la date du 7 février 2017.

Quant à la dépense pour une pompe à chaleur, invoquée pour 2.000€, elle n'est justifiée par aucune pièce. Sans doute Monsieur [C] verse aux débats la photocopie d'un chèque du même montant de 2.000 €, établi à son ordre par 'M. ou Mme. [C] [D]' le 15 novembre 2017, sans que cependant l'affectation de cette somme au financement de travaux d'amélioration de l'habitat au profit de l'indivision ne soit vérifié.

Quant aux meubles et plans de travail objets de l'extrait de facture sus-visé, la dépense ne peut être datée par cette seule pièce ni les conditions de son financement être justifiées par le seul relevé d'un compte-épargne logement de Monsieur [C] faisant apparaître en crédit, à la date du 16 mars 2016, l'encaissement d'un chèque de 8.000 € au 16 mars 2016 avec une mention manuscrite 'chèque émis par M. et Mme. [C] [D] pour financer la cuisine'.

Quant au système de traitement des eaux pour une dépense de 2.300€, Monsieur [C] précise, sans être en cela contesté, que déjà avant 2017 le bien en était équipé mais a dû être remplacé. Ce dernier point est confirmé par la mention, sur le bon de commande, d'une 'reprise ancien système'.

Pour autant cette dépense, comme celles de la motorisation du portail ou de l'interphone, ne peut être qualifiée de dépense nécessaire à la conservation de l'immeuble. De plus, pour ouvrir droit à à créance sur l'indivision en tant que dépenses d'amélioration du bien au sens de l'article 815-13 du code civil, le co-indivisaire doit démontrer le paiement effectif des factures y afférentes.

Or, s'agissant du portail et de l'interphone, la seule mention 'payer le ...' portée de manière manuscrite sur la facture ne permet aucunement de justifier de son règlement effectif. S'agissant du système de traitement des eaux, le seul bon de commande certes accepté, sans toutefois le justificatif du règlement ultérieur des mensualités prévues pour le paiement, n'établit pas davantage un paiement effectif par Monsieur [C] pour le compte de l'indivision.

Aussi, la décision déférée doit être infirmée en ce qu'elle a retenu la somme de 561 euros au titre des créances de Monsieur [C] sur l'indivision et confirmée en ce qu'elle a débouté celui-ci de ses autres demandes.

IV - Sur les frais et dépens de première instance et d'appel

Les dispositions de la décision déférée, qui a condamné les parties aux dépens de première instance, chacune par moitié, et a rejeté les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile, doivent être confirmées eu égard à la solution du litige, justifiant un partage dans cette proportion des dépens, et à l'équité qui commandait de ne pas prononcer de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au regard de la teneur du présent arrêt, les dépens d'appel seront de même supportés par les parties à hauteur de la moitié chacune.

L'équité commande de laisser à chacune des parties la charge des frais irrépétibles exposés par elle en cause d'appel. Toutes demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sont rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de l'appel principal et de l'appel incident,

Confirme le jugement déféré en ses dispositions contestées sauf celles portant sur la créance de Monsieur [C] sur l'indivision d'une part au titre du paiement des échéances de crédit immobilier sur le bien indivis sur la période antérieure au 04 décembre 2013, d'autre part au titre de frais de portail motorisé pour un montant de 561 €, dispositions qui sont infirmées,

Statuant à nouveau de ces chefs infirmés,

Déclare irrecevable Monsieur [C] en sa demande tendant à lui reconnaître une créance contre l'indivision au titre du paiement des échéances de crédit immobilier sur le bien indivis sur la période antérieure au 04 décembre 2013,

Rejette la demande de Monsieur [C] tendant à se voir reconnaître une créance sur l'indivision de 561 € pour une installation de portail motorisé et d'un interphone,

Y ajoutant,

Condamne chacune des parties à assumer la moitié des dépens d'appel,

Déboute les parties de leurs demandes respectives soutenues sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 6ème chambre b
Numéro d'arrêt : 21/04990
Date de la décision : 29/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-29;21.04990 ?
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