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24/11/2022 | FRANCE | N°19/01672

France | France, Cour d'appel de Rennes, 8ème ch prud'homale, 24 novembre 2022, 19/01672


8ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°477



N° RG 19/01672 et 19/02076 joints

N° Portalis DBVL-V-B7D-PTH7













M. [U] [G]



C/



- SASU SIDES

- S.E.L.A.R.L. AJASSOCIES (Commissaire à l'exécution du plan de la SASU SIDES

- S.C.P. THEVENOT PARTNERS (Commissaire à l'exécution du plan de la SASU SIDES



















Jonction et infirmation partielle












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Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 24 NOVEMBRE 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Mo...

8ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°477

N° RG 19/01672 et 19/02076 joints

N° Portalis DBVL-V-B7D-PTH7

M. [U] [G]

C/

- SASU SIDES

- S.E.L.A.R.L. AJASSOCIES (Commissaire à l'exécution du plan de la SASU SIDES

- S.C.P. THEVENOT PARTNERS (Commissaire à l'exécution du plan de la SASU SIDES

Jonction et infirmation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 24 NOVEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 27 Octobre 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 24 Novembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT et INTIMÉ :

Monsieur [U] [G]

né le 22 Août 1962 à [Localité 8] (44)

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représenté par Me Erwan LE MOIGNE de la SELARL AVOCATLANTIC, Avocat au Barreau de SAINT-NAZAIRE

INTIMÉES et APPELANTES :

La SASU SIDES - SOCIÉTÉ INDUSTRIELLE POUR LE DÉVELOPPEMENT DE LA SÉCURITÉ - prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social

[Adresse 2]

[Localité 8]

La S.E.L.A.R.L. de Mandataires Judiciaires AJASSOCIES, prise en la personne de Maître [C] [R], ès-qualités d'administrateur judiciaire puis de commissaire à l'exécution du plan de la SASU SIDES

[Adresse 9]

[Adresse 4]

[Localité 6]

.../...

La S.C.P. de Mandataires Judiciaires THEVENOT PARTNERS, prise en la personne de Me [T] [F], ès-qualités d'administrateur judiciaire puis de commissaire à l'exécution du plan de la SASU SIDES

[Adresse 3]

[Localité 6]

TOUTES REPRÉSENTÉES par Me Alexandre TESSIER de la SELARL BAZILLE, TESSIER, PRENEUX, Avocat postulant du Barreau de RENNES et par Me Cynthia CORCEIRO substituant à l'audience Me Sophie UETTWILLER, Avocats plaidants du Barreau de PARIS

=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+

M.[U] [G] a été engagé dans le cadre d'un contrat à durée déterminée en 1982 par la SAS SOCIÉTÉ INDUSTRIELLE POUR LE DÉVELOPPEMENT DE LA SÉCURITÉ (SAS SIDES) au sein de l'établissement de l'établissement situé [Adresse 1] en qualité de dessinateur projeteur, puis dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à compter du 9 janvier 1989 en qualité de dessinateur avec une reprise d'ancienneté au 1er octobre 1986, sa rémunération mensuelle prévoyant notamment une prime d'ancienneté de 3'% à partir de trois ans augmentant d'1'% par an jusqu'à 15 ans puis de 0,5 % au-delà tous les cinq ans jusqu'à 35 ans d'ancienneté.

M. [G] a exercé à compter du 1er juin 2008 les fonctions de chargé d'avant-projet, statut cadre, sous convention de forfait annuel de 209 jours à compter du 1er janvier 2011 moyennant une rémunération forfaitaire annuelle versée en treize mensualités.

Le 28 décembre 2016, la SAS SIDES a notifié à M. [G] que l'usage du versement d'une prime d'ancienneté aux cadres était supprimé et que cette prime serait intégrée au salaire de base à effet du 1er janvier 2017.

Par arrêté du 19 mars 2001 n°MESS0121161A faisant référence à l'arrêté du 7 juillet 2000 et à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, la SIDES a été inscrite sur la liste des établissements de la construction et de la réparation navales susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) au profit de salariés exerçant un emploi référencé, depuis sa création.

Par arrêté n° ETST1601473A du 2 mars 2016, faisant référence aux textes précédents, la période susvisée a été modifiée pour être fixée de la date de la création à l'année 1986.

Parallèlement, par arrêté n° ETST1601470A du 2 mars 2016 faisant référence à l'arrêté du 3 juillet 2000 et au même article 41 de la loi du 23 décembre 1998, la SIDES a été inscrite sur la liste des établissements de fabrication, flocage et calorifugeage à l'amiante susceptibles d'ouvrir droit à l'ACAATA pour la période de 1986 à 1999.

À ce jour, M. [G] n'a pas développé de pathologie liée à l'exposition à l'amiante.

Par jugement du 4 mai 2017, le tribunal de commerce de Nantes a prononcé la sauvegarde judiciaire de la SIDES, qui a été suivie d'un plan de sauvegarde le 21 mars 2018.

Le 20 mars 2018, M. [G] a saisi le Conseil de prud'hommes de Saint-Nazaire aux fins notamment de condamnation de la SAS SIDES à indemniser à hauteur de 15.000 € son préjudice spécifique d'anxiété et de condamnation de la SAS SIDES à lui verser la somme de 9.563 € brut à titre de rappel de salaires sur prime d'ancienneté pour la période du 1er avril 2015 au 31 mars 2018, outre des dommages-intérêts pour réticence abusive de non-paiement de l'intégralité du salaire

Par jugement en date du 26 février 2019, le conseil de prud'hommes de Saint- Nazaire a :

' Constaté l'absence d'élément démontrant que M. [G] a été exposé à l'inhalation de fibre d'amiante au sein de la SIDES,

' Débouté M. [G] de sa demande en réparation du préjudice spécifique d'anxiété,

' Dit que la prime d'ancienneté est expressément exclue de l'assiette de comparaison avec les AMG (Appointements Minima Garantis) pour la période du 1er avril 2015 au 31 décembre 2016,

' Condamné la SIDES à payer à M. [G] les sommes suivantes :

- 4.132 € net à titre de rappel de salaires portant sur la prime d'ancienneté pour la période du 1er avril 2015 au 31 décembre 2016,

- 413,20 € net au titre des congés payés afférents,

- 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' Dit que le montant des condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de l'introduction pour les sommes ayant le caractère de salaire et à compter de la date du présent jugement pour la somme allouée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

' Dit que les intérêts se capitaliseront par application de l'article 1343-2 du code civil,

' Ordonné à la SIDES de délivrer à M. [G] un bulletin de salaire rectifié conformément au présent jugement dans un délai de 30 jours à compter de sa notification ou à défaut de sa signification,

' Dit n'y avoir lieu à astreinte,

' Rappelé que l'exécution provisoire du paiement des sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées aux articles R.1454-14 et R.1454-28 du code du travail et de la remise de certificat de travail, de bulletin de paie ou de toute pièce que l'employeur est tenu de délivrer, est de droit dans la limite de neuf mois de salaire en application du dernier article,

' Fixé la moyenne des salaires à la somme de 4.122,98 €,

' Débouté M. [G] du surplus de ses demandes,

' Débouté la SIDES de ses demandes,

' Mis les dépens à la charge de la SIDES, ainsi que les éventuels frais d'huissier en cas d'exécution forcée de la présente décision.

La Cour est saisie d'un premier appel régulièrement formé par M. [G] par déclaration du 11 mars 2019 (instance n°19.1672) et d'un second appel formé par déclaration du 26 mars 2019 par la SIDES, la SELARL AJASSOCIES représentée par Maître [C] [R] ès qualités d'administrateur judiciaire de la SIDES et la SCP THEVENOT PARTNERS représentée par Maître [T] [F] ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la SIDES (instance 19.2076).

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 16 mai 2019, suivant lesquelles M. [G] demande à la cour de :

' Dire fondées et recevables ses demandes,

' Rejeter toutes les demandes irrecevables et infondées présentées par la partie défenderesse, la SAS SIDES,

' Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Saint-Nazaire en date du 26 février 2019 en ce qu'il a condamné la société SIDES au paiement d'une somme à titre de rappel de salaires et d'une somme au titre des congés payés afférents,

' Réformer le jugement du conseil de prud'hommes de Saint-Nazaire en date du 26 février 2019 en ce qu'il a reconnu la régularité de la dénonciation de la prime d'ancienneté et ainsi que sa suppression à compter du 1er janvier 2017, dit que la prime d'ancienneté est expressément exclue de l'assiette de comparaison avec les AMG pour la période du 1er avril 2015 au 31 décembre 2016 et débouté M. [G] de sa demande relative au préjudice d'anxiété découlant de son exposition à l'amiante,

' Dire que M. [G] a été exposé à l'inhalation de fibres d'amiante au sein de la société SIDES et qu'il appartenait à la société SIDES de prendre en charge ses indemnisations,

' Condamner la SIDES à payer à M. [G] la somme de 15.000 € au titre de la réparation du préjudice spécifique d'anxiété,

' Dire que la prime d'ancienneté est expressément exclue de l'assiette de comparaison avec les AMG,

' Ordonner à la société SIDES de verser à M. [G] une prime d'ancienneté de 16,50% au-delà du montant du salaire prévu par les AMG à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,

' Condamner la SIDES à payer à M. [G] les sommes suivantes :

- 11.216 € brut à titre de rappel de salaires sur prime d'ancienneté pour la période du 1er janvier 2017 au 31 mars 2019,

- 1.121,60 € brut au titre des congés payés afférents,

- 2.000 € net à titre de dommages-intérêts pour réticence abusive de non-paiement de l'intégralité du salaire,

- 2.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

' Dire que le montant des condamnations porte intérêts au taux légal à compter de la date de saisine du conseil de prud'hommes, pour les sommes ayant le caractère de salaires et à compter du prononcé du présent jugement pour les dommages-intérêts et l'indemnité allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

' Ordonner à la SAS SIDES de délivrer à M. [G] un bulletin de salaire rectifié conformément au présent jugement, dans un délai de 30 jours à compter de sa notification ou, à défaut, de sa signification et ce sous astreinte provisoire de 50 € par jour de retard, pendant trois mois, passés lesquels il devra de nouveau être statué,

' Fixer la moyenne des salaires à 4.889,85 €,

' Condamner la SAS SIDES aux dépens, ainsi qu'aux éventuels frais d'huissier en cas d'exécution forcée de la présente décision.

Vu les écritures notifiées le 25 juin 2019 par voie électronique dans le cadre de l'instance n°19/1672 et les écritures notifiées le 3 juillet 2019 par voie électronique dans le cadre de l'instance 19/2076 suivant lesquelles la société SIDES la SELARL AJASSOCIES et la SCP THOUVENOT PARTNERS demandent à la cour de :

' Recevoir la société SIDES en son appel et l'y déclarer fondée,

' Infirmer le jugement rendu le 26 février 2019 par le conseil de prud'hommes de Saint-Nazaire en ce qu'il a :

- Dit que la prime d'ancienneté est expressément exclue de l'assiette de comparaison avec les AMG pour la période du 1er avril 2015 au 31 décembre 2016,

- Condamné la société SIDES à payer à M. [G] les sommes suivantes :

- 4.132 € net à titre de rappel de salaires portant sur la prime d'ancienneté pour la période du 1er avril 2015 au 31 décembre 2016,

- 413,20 € net au titre des congés payés afférents,

- 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Fixé le salaire de référence de M. [G] à la somme de 4.122,98 €,

' Confirmer le jugement rendu le 26 février 2019 par le conseil de prud'hommes de Saint-Nazaire en ce qu'il a :

- Considéré que la dénonciation par la société SIDES de l'usage du versement de la prime d'ancienneté était régulière,

- Considéré que la prime d'ancienneté est incluse dans l'assiette de comparaison avec les AMG pour la période postérieure au 31 décembre 2016,

- Considéré l'absence d'élément démontrant que M. [G] a été exposé à l'inhalation de fibre d'amiante au sein de la société SIDES,

- Débouté M. [G] de sa demande en réparation du préjudice spécifique d'anxiété,

- Débouté M. [G] du surplus de ses demandes,

Statuant à nouveau,

' Dire que :

- la prime d'ancienneté versée mensuellement à M. [G] revêt un caractère permanent,

- la prime d'ancienneté doit être incluse dans l'assiette de comparaison avec les AMG de la convention collective de la métallurgie des ingénieurs et cadres,

- seule une modification des modalités de versement de l'usage a eu lieu,

' Fixer le salaire de référence de M. [G] à la somme de 3.144,47 € brut,

En tout état de cause,

' Débouter M. [G] de l'ensemble de ses demandes,

' Le condamner au versement de la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 13 octobre 2022.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées via le RPVA.

MOTIVATION DE LA DECISION

Il est nécessaire pour une bonne administration de la justice d'ordonner la jonction des deux instances qui ont trait au même litige ; elles seront jointes sous le numéro de rôle le plus ancien.

Sur le préjudice d'anxiété

M. [G] fait valoir essentiellement pour infirmation que la réparation du préjudice spécifique d'anxiété ne nécessite pas de démontrer une exposition à l'amiante dès lors que le salarié a travaillé dans un établissement où étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante'; que la publication de l'arrêté du 2 mars 2016 par lequel la société SIDES a été inscrite sur la liste des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, de flocage et de calorifugeage à l'amiante ouvre droit à l'indemnisation du salarié sur le fondement de la responsabilité contractuelle de l'employeur au titre du préjudice spécifique d'anxiété'; que c'est à tort que la SIDES soutient que la prescription quinquennale de l'action de M. [G] serait acquise depuis le 19 juin 2013 alors que le point de départ de la prescription de l'action ouverte sans distinction de métier aux salariés de cet établissement pour l'activité de fabrication, flocage et calorifugeage entre 1986 et 1999 ne peut remonter qu'au 2 mars 2016.

La société SIDES rétorque que M. [G] ne remplit pas les conditions légales pour bénéficier de l'ACAATA'; que 'des salariés n'ayant pas travaillé dans les conditions prévues par l'arrêté ministériel fixant la liste des métiers ouvrant droit au bénéfice des dispositions de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 ne peuvent prétendre à la réparation d'un préjudice d'anxiété, de sorte qu'un salarié ne remplissant pas l'une des conditions précitées ne peut prétendre à l'indemnisation d'un préjudice d'anxiété'; que [G] ne justifie pas avoir travaillé pour la société SIDES pendant la période visée par l'arrêté ACAATA, à savoir de 1986 à 1999, a exercé les fonctions de dessinateur qui ne font pas partie de la liste des métiers susceptibles d'ouvrir droit à l'ACAATA'; que l'arrêté du 2 mars 2016 n'a pas juridiquement ouvert un nouveau délai de prescription, l'information ayant été portée à la connaissance des salariés dès le 19 mars 2001 correspondant à la première inscription de la SIDES sur la liste des établissements ouvrant droit à l'ACAATA au titre des activités de construction et réparation navales'; que l'action en réparation du préjudice d'anxiété est soumise à la prescription quinquennale de droit commun qui était initialement d'une durée de 30 ans et qui a été réduite par la loi du 17 juin 2008 à une durée de 5 ans'; que l'action de M. [G] est par conséquent incontestablement prescrite depuis le 19 juin 2013 à compter de la date de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008'; qu'en tout état de cause le préjudice d'anxiété est né avant l'ouverture de la procédure de sauvegarde résultant du jugement rendu le 4 mai 2017 par le tribunal de commerce de Nantes.

===

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription

En l'occurrence, la SIDES a été inscrite sur la liste des établissements ouvrant droit à l'ACAATA au titre de deux activités successives :

- par arrêté du 19 mars 2001 n°MESS0121161A faisant référence à l'arrêté du 7 juillet 2000 et à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, la société SIDES a été inscrite sur la liste des établissements de la construction et de la réparation navales pour la période de sa création à 1986 ;

- par arrêté n° ETST1601470A du 2 mars 2016 faisant référence à l'arrêté du 3 juillet 2000 et au même article 41 de la loi du 23 décembre 1998, la société SIDES a été inscrite sur la liste des établissements de fabrication, flocage et calorifugeage à l'amiante susceptibles pour la période de 1986 à 1999.

M. [G] a travaillé pour la SIDES depuis 1986 soit sur la totalité de la période prévue par le dernier arrêté précité de 1986 à 1999 et se prévaut d'un préjudice d'anxiété consécutif à la seconde activité de la SIDES, soit son activité de fabrication, flocage et calorifugeage à l'amiante.

M. [G] n'a pu avoir connaissance du risque encouru sur cette période et du fait de cette activité de fabrication, flocage et calorifugeage à l'amiante que par l'arrêté du 2 mars 2016 n° ETST160l470A.

M. [G], qui a saisi le Conseil de prud'hommes de Saint-Nazaire le 20 mars 2018, ne peut se voir opposer la prescription quinquennale soulevée par la SIDES.

Le jugement n'a pas lieu d'être infirmé en ce qu'il a écarté la fin de non-recevoir tirée de la prescription.

Sur le préjudice d'anxiété

En application des dispositions des articles 1137 et 1147 du code civil et L. 4121-1 du code du travail, l'employeur est tenu envers le salarié d'une obligation de sécurité, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise et le manquement à cette obligation est établi lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Compte-tenu de la dangerosité du matériau amiante, le législateur a créé un dispositif spécifique destiné à compenser la perte d'espérance de vie que peuvent connaître des salariés en raison de leur exposition à l'amiante, prévoyant le versement à ces salariés ou anciens salariés d'une allocation de cessation anticipée d'activité par un article 41 de la loi n ° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale.

Ainsi, un salarié qui a travaillé dans l'un des établissements mentionnés à cet article, figurant sur une liste établie par arrêté ministériel, pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, bénéficie d'une présomption d'existence d'un préjudice d'anxiété et d'un lien de causalité avec l'exposition à l'amiante.

Le salarié se trouve alors, par le fait de l'employeur, sauf à celui-ci à démontrer une cause d'exonération de responsabilité, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, peu important la nature de l'exposition - fonctionnelle ou environnementale - qu'il a subie, qu'il ait fait l'objet d'une surveillance médicale ou non et qu'il ait ou non adhéré à ce régime légal'; le préjudice spécifique d'anxiété qu'il subit recouvre l'ensemble des troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d'existence.

Le risque de déclaration d'une telle maladie, en ce qu'il est avéré, pour être connu, identifié et certain et pour faire peser sur le salarié une réelle menace, est indemnisable, indépendamment de la réalisation de l'événement redouté, l'existence de ce risque se trouvant affirmée par l'inscription sur la liste établie par arrêté ministériel'; est indifférente l'adhésion ou non au dispositif ACAATA, laquelle répare un préjudice exclusivement patrimonial ; est donc indifférente la question de savoir si le salarié remplit les autres conditions pour bénéficier de l'ACAATA.

Aucune condition liée à la manifestation de signes objectifs du phénomène d'angoisse n'est nécessaire pour que le salarié puisse prétendre à l'indemnisation de son préjudice spécifique d'anxiété généré par la probabilité de manifestation liée à l'amiante, en outre, la nature des fonctions exercées par le salarié n'emporte aucune conséquence sur la caractérisation du préjudice dès lors que les arrêtés ministériels visent des établissements, sans opérer aucune distinction selon les catégories de salariés exposés ou les tâches effectuées, compte tenu notamment de la polyvalence des employés au sein de ces entreprises.

M. [G] a travaillé au sein de l'établissement de la SIDES situé [Adresse 1] à compter du 1er octobre 1986.

La SIDES a été inscrite par arrêté du 2 mars 2016 (n° ETST1601470A) sur la liste des établissements classés ACAATA, en sa qualité d'établissement de fabrication, flocage et calorifugeage à l'amiante susceptible d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité pour les travailleurs de l'amiante, au titre la période de 1986 à 1999.

En l'absence de preuve d'une cause d'exonération de responsabilité, il convient d'admettre le principe d'une indemnisation par l'employeur du préjudice d'anxiété invoqué par M. [G].

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur l'indemnisation

L'indemnisation accordée au titre du préjudice d'anxiété répare l'ensemble des troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d'existence résultant du risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante.

Compte-tenu du poste occupé par M. [G] et de la durée de son emploi au sein de la société, il y a lieu d'allouer à M. [G] un montant de 8.000 €.

Sur le rappel de salaire au titre de la prime d'ancienneté

La SIDES soutient pour infirmation partielle que la prime d'ancienneté versée à M. [G] constitue un élément de rémunération, qu'il convient d'intégrer pour calculer les AMG en application de l'article 23 de la convention collective de la métallurgie des ingénieurs et cadres'; qu'en effet si une prime constitue un élément permanent et obligatoire de la rémunération, elle entre en compte dans la détermination du salaire minimum garanti'; qu'en l'absence de dispositions conventionnelles contraires, toutes les sommes versées en contrepartie du travail entrent dans le calcul de la rémunération à comparer avec le salaire minimum garanti'; qu'en l'espèce la prime d'ancienneté ne constitue pas une libéralité à caractère aléatoire, bénévole et temporaire et constitue un élément de salaire permanent et obligatoire de la rémunération qui entre dans le calcul du salaire minimum garanti'; que c'est d'ailleurs en ce sens qu'a été rédigé l'article 5 de l'accord du 29 janvier 2000 portant révision provisoire des classifications (non étendu) qui indique : « Sans préjudice de l'application des garanties de rémunération prévues par la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 ['], l'intéressé percevra, dans sa fonction de cadre au niveau correspondant, une rémunération qui ne sera pas inférieure au salaire minimum garanti, prime d'ancienneté COMPRISE, qui lui était applicable en tant que non cadre, majorée de 15 % ».

M. [G] soutient pour infirmation du jugement en ce qu'il a reconnu comme régulière la dénonciation de l'usage du versement de la prime d'ancienneté que l'employeur n'a pas respecté la procédure de dénonciation des usages incluant d'informer les institutions représentatives et de respecter un délai de prévenance suffisant'; que le délai de prévenance de deux jours laissé à M. [G] rend inopérante la dénonciation par l'employeur de l'usage concernant la prime d'ancienneté.

Il ressort en l'espèce des pièces versées aux débats que':

- le contrat à durée indéterminée du 27 janvier 1989 avec reprise d'ancienneté au 1er octobre 1986 (pièce n°2 du salarié) prévoit que la rémunération de M. [G] inclut, outre un «'salaire de base'», une compensation ARTT, un treizième mois et une prime de vacances de 25%, une «'prime d'ancienneté'» calculée sur la base de la rémunération brute à hauteur de «'3 % a partir de trois ans + 1'% par an jusqu'à 15 ans + 0,5 % au-delà tous les cinq ans jusqu'à 35 ans d'ancienneté »,

- les dispositions contractuelles de l'avenant du 4 avril 2011 (pièce n°5) ne contiennent aucune mention ni sur cette prime d'ancienneté ni sur les éléments de rémunération qui est indiquée comme «'annuelle sous forme forfaitaire'»,

- les notifications d'évolution d'indice des 6 mai 2013, 30 mai 2013, 22 mai 2014 (pièces n°6, 7 et 8) font référence à l'article 22 de la convention collective et à l'influence de l'évolution de l'indice sur le «'salaire de base'»,

- M. [G] a néanmoins continué à bénéficier sans interruption du versement d'une prime d'ancienneté figurant sous cet intitulé sur ses bulletins de salaire et calculée selon les mêmes modalités que celles de son contrat initial soit notamment à hauteur de 16'% en 2014 et 16,5'% à compter de mai 2015 (conf. les bulletins de salaire notamment pièces n°11),

- par courrier du 28 décembre 2016 (pièce n°10) la SIDES a indiqué à M. [G] qu' «'à compter du 1er janvier 2017 l'usage du versement d'une prime d'ancienneté aux cadres est supprimé, cette dernière sera intégrée à votre salaire de base. Par conséquent, vous ne verrez plus apparaître de ligne prime d'ancienneté sur votre bulletin de salaire'».

Dans ces conditions la prime d'ancienneté trouvant sa source en premier lieu dans les dispositions contractuelles relevant de la commune intention des parties s'est perpétuée en application d'un usage puisque M. [G] a continué de percevoir la prime d'ancienneté selon les mêmes modalités jusqu'au mois de décembre 2016.

Aux termes de l'article 23 de la convention collective des ingénieurs et cadres des industries des métaux, "les appointements minima garantis comprennent les éléments permanents de la rémunération, y compris les avantages en nature. Ils ne comprennent pas les libéralités à caractère aléatoire, bénévole ou temporaire".

Il n'est pas démontré d'autres modalités de dénonciation de cet usage que par l'information individuelle du salarié le 28 décembre 2016 à effet du 1er janvier 2017, de sorte qu'il doit être considéré d'une part que la prime d'ancienneté présentait un caractère aléatoire et ne satisfait pas au critère de permanence prévu par les dispositions précitées, d'autre part que le salarié n'a pas bénéficié d'un délai de prévenance suffisant de sorte que la dénonciation ne lui est pas opposable et que l'usage tenant au versement de la prime d'ancienneté selon les mêmes modalités devait être maintenu à l'égard de M. [G], peu important que la suppression de l'usage selon les mêmes modalités ait ou non été au moins aussi avantageuse que son maintien.

Il y a donc lieu d'infirmer partiellement la décision attaquée et de condamner la SIDES au paiement à M. [G] au titre de la prime d'ancienneté pour la période du 1er janvier 2017 au 31 mars 2019 la somme de 11.216 € brut outre 1.121,60 € au titre des congés payés afférents.

Il n'y a pas lieu de faire droit ni à la demande de M. [G] relative à la fixation d'un salaire «'de référence'» ni à celle de la SIDES s'agissant de la fixation d'un «'salaire moyen'», demandes formées sans aucun fondement textuel s'agissant d'un contrat de travail toujours en cours.

La demande en paiement de dommages et intérêts à titre d'indemnisation d'une résistance abusive de l'employeur au soutien de laquelle M. [G] ne développe strictement aucun argument ne peut qu'être rejetée et le jugement confirmé sur ce point.

Sur la remise des documents sociaux

La demande de remise de documents sociaux rectifiés conformes à la présente décision est fondée en son principe, sans qu'il y ait lieu à astreinte.

Sur les frais irrépétibles

Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant en dernier ressort et par arrêt réputé contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

Ordonne la jonction des procédures RG n°16/01672 et RG n°16/02076 sous le numéro n°16/01672 ;

INFIRME partiellement le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la SASU SIDES à payer à M. [G] les sommes de:

- 8.000 € net en réparation de son préjudice d'anxiété,

- 11.216 € brut au titre de la prime d'ancienneté pour la période du 1er janvier 2017 au 31 mars 2019,

- 1.121,60 € brut au titre des congés payés afférents ;

RAPPELLE que les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la notification à l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et que les sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les prononce;

CONDAMNE la SASU SIDES à remettre à M. [G] les bulletins de salaire rectifiés conformément au présent jugement, sans astreinte ;

CONFIRME le jugement entrepris en ses autres dispositions ;

Et y ajoutant,

CONDAMNE la SASU SIDES à verser à M. [G] la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, outre la somme déjà allouée en première instance sur ce fondement ;

DÉBOUTE la SASU SIDES de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires';

MET hors de cause la SELARL AJ ASSOCIES et la SCP THEVENOT PARTNERS';

CONDAMNE la SASU SIDES aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 8ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 19/01672
Date de la décision : 24/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-24;19.01672 ?
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