9ème Ch Sécurité Sociale
ARRÊT N°
N° RG 20/03744 - N° Portalis DBVL-V-B7E-Q2VE
Société [5]
C/
CPAM DU MORBIHAN
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Copie certifiée conforme délivrée
le:
à:
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 23 NOVEMBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Aurélie GUEROULT, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,
Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Philippe LE BOUDEC, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 21 Septembre 2022
devant Madame Véronique PUJES, magistrat rapporteur, tenant seule l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 23 Novembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats ;
DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:
Date de la décision attaquée : 06 Juillet 2020
Décision attaquée : Jugement
Juridiction : Tribunal Judiciaire de VANNES - Pôle Social
Références : 18/00586
****
APPELANTE :
LA SOCIÉTÉ [5]
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Anne-Laure DENIZE de la SELEURL Anne-Laure Denize, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU MORBIHAN
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Mme [V] [G] en vertu d'un pouvoir spécial
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 11 avril 2017, Mme [P] [N], salariée en tant qu'ouvrière d'usine au sein de la société [5] (la société), a complété une déclaration de maladie professionnelle au titre d'une 'épicondylite (coude droit)'.
Le certificat médical initial, établi le 10 avril 2017, fait état d'une 'épicondylite - coude droit - repos - kiné' avec prescription d'un arrêt de travail jusqu'au 9 mai 2017.
Par décision du 24 avril 2018, après instruction et suivant avis favorable du 20 avril 2018 du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) de Bretagne, la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan (la caisse) a pris en charge la maladie 'tendinopathie des muscles épicondyliens du coude droit' au titre du tableau n°57 des maladies professionnelles.
Reprochant à la caisse d'avoir adressé le dossier au CRRMP sans attendre l'expiration du délai laissé pour consulter les pièces du dossier, et contestant par ailleurs la réalité ainsi que le bien-fondé du caractère professionnel des lésions, soins et arrêts de travail pris en charge au titre de la maladie déclarée par sa salariée, la société a saisi la commission de recours amiable de l'organisme par lettre du 22 juin 2018.
Le 6 août 2018, en l'absence de décision de la commission rendue dans les délais impartis, la société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Vannes.
Par décision du 21 septembre 2018, la commission a rejeté les demandes de la société et confirmé la prise en charge des lésions, soins et arrêts de travail de Mme [N], au titre de la maladie professionnelle du 10 avril 2017.
Par jugement du 6 juillet 2020, ce tribunal, devenu le pôle social du tribunal judiciaire de Vannes, a :
- déclaré le recours de la société recevable mais mal fondé ;
- rejeté les demandes de la société ;
- condamné la même aux dépens.
Par déclaration adressée le 17 juillet 2020, la société a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 7 juillet 2020.
Par ses écritures parvenues au greffe le 7 mai 2021 auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, la société demande à la cour, au visa des articles R. 441-10, R. 441-11, R. 441-14 et D. 461-29 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable aux faits de l'espèce, et 1353 du code civil, de :
- dire et juger l'appel recevable et bien fondé ;
- constater que la caisse ne justifie pas avoir attendu l'expiration du délai de consultation offert pour envoyer le dossier au CRRMP ;
- constater qu'à l'expiration des délais d'instruction et en l'absence de notification d'une décision, une prise en charge implicite est intervenue ;
- constater qu'à la date à laquelle une décision de prise en charge est intervenue implicitement, la caisse n'a pas assuré son obligation d'information sur les éléments recueillis et ne disposait ni des éléments de nature à lui permettre de voir appliquer la présomption d'origine professionnelle, ni de l'avis favorable du CRRMP ;
- constater que la décision implicite de prise en charge intervenue et dont pouvait se prévaloir M. [I] (sic) n'est pas justifiée ;
En conséquence,
- infirmer le jugement entrepris ;
- dire et juger que la décision de la caisse d'admettre la maladie déclarée par Mme [N] au bénéfice de la législation professionnelle lui est inopposable ;
- mettre les dépens de la présente instance à la charge de la caisse.
Par ses écritures parvenues au greffe le 2 août 2021 auxquelles s'est référée et qu'a développées sa représentante à l'audience, la caisse demande à la cour de :
- rejeter l'ensemble des prétentions de la société ;
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
- condamner la société aux dépens.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1- Sur le respect du délai de consultation avant transmission au CRRMP
Estimant que la condition tenant au délai de prise en charge n'était pas remplie, la caisse a, par lettre du 2 novembre 2017 réceptionnée le 6 novembre 2017, informé la société qu'elle transmettait le dossier au CRRMP au visa de l'article L. 461- alinéa 3 du code de la sécurité sociale et qu'avant cette transmission, l'employeur avait la possibilité de venir consulter les pièces constitutives du dossier jusqu'au 23 novembre 2017.
La société soutient que le délai de consultation n'a pas été respecté, le CRRMP ayant reçu le dossier dès le 24 novembre 2017, de sorte que la décision de prise en charge lui est inopposable.
La caisse réplique que le dossier a été transmis au CRRMP le 24 novembre 2017, soit après l'expiration du délai de consultation fixée au 23 novembre 2017 inclus.
Sur ce :
L'avis du CRRMP du 20 avril 2018 mentionne une date de réception du dossier complet le 24 novembre 2017.
Le mode de transmission n'est pas précisé.
La caisse verse aux débats une copie d'écran se rapportant au dossier concerné faisant apparaître une transmission du dossier au CRRMP le 24 novembre 2017, suivie d'un accord de prise en charge le 24 avril 2018 après avis dudit comité (pièce n°16).
La caisse verse également aux débats l'attestation sur l'honneur du docteur [R], médecin conseil chef de service certifiant que la caisse a bien transmis par mail au secrétariat du CRRMP de Bretagne le dossier de Mme [N] le 24 novembre 2017 (pièce n°9).
Ces éléments concordants permettent de retenir que la caisse a respecté le délai de consultation laissé à la société expirant le 23 novembre 2017 à minuit, dont celle-ci n'a au demeurant pas usé pour venir prendre connaissance des pièces.
C'est donc à juste titre que les premiers juges ont écarté le moyen soulevé par la société.
2- Sur le respect du délai d'instruction
La société soutient en cause d'appel qu'à l'expiration du délai réglementaire maximum de six mois visé aux articles R. 441-10 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, soit au plus tard le 10 octobre 2017, la caisse n'a pas notifié de décision relative à la prise en charge de la maladie déclarée par la salariée ; qu'une décision implicite de prise en charge est donc intervenue le 10 octobre 2017 ; or, à cette date, la caisse ne l'avait pas mise en mesure de venir consulter les pièces du dossier et n'avait pas recueilli les éléments lui permettant d'établir que les conditions du tableau n°57 étaient réunies, de sorte que la décision de prise en charge lui est inopposable également pour ce motif.
La société soutient également en cause d'appel que la caisse ne peut invoquer l'avis du CRRMP pour fonder sa décision de prise en charge dès lors que ledit avis est postérieur à la reconnaissance implicite du caractère professionnel de la pathologie intervenue le 11 (sic) octobre 2017, date à laquelle les conditions du tableau n°57 n'étaient pas remplies et l'avis du CRRMP pas encore rendu ; qu'en conséquence, la caisse n'est pas en mesure de justifier du bien fondé de la décision de prise en charge implicite dont la salariée pouvait se prévaloir à l'expiration du délai d'instruction.
La caisse réplique qu'elle n'a pas méconnu ses obligations et n'a pas porté atteinte au principe du contradictoire ; qu'en tout état de cause, l'employeur ne peut se prévaloir de l'inopposabilité d'une décision de prise en charge au motif d'un non respect des délais d'instruction.
Sur ce :
L'article R.441-10 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce dispose :
« La caisse dispose d'un délai de trente jours à compter de la date à laquelle elle a eu connaissance de la déclaration d'accident ou de trois mois à compter de la date à laquelle elle a eu connaissance de la déclaration de maladie professionnelle pour statuer sur le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie ».
L'article R.441-14 précise :
« Lorsqu'il y a nécessité d'examen ou d'enquête complémentaire, la caisse doit en informer la victime ou ses ayants droit et l'employeur avant l'expiration du délai prévu au premier alinéa de l'article R. 441-10 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. A l'expiration d'un nouveau délai qui ne peut excéder deux mois en matière d'accidents du travail ou trois mois en matière de maladies professionnelles à compter de la date de cette notification et en l'absence de décision de la caisse, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie est reconnu ».
Il résulte de ces textes que le délai est instauré dans l'intérêt de l'assuré ; l'inobservation du délai de six mois dans la limite duquel la caisse doit statuer n'est sanctionnée en effet que par la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie ; par conséquent, l'employeur ne peut tirer, de son dépassement, aucun droit particulier quelqu'il soit.
Force est ainsi de constater que le moyen tiré du non-respect du délai d'instruction est inopérant, que ce soit pour remettre en cause le principe du contradictoire ou pour contester l'avis du CRRMP et la décision de prise en charge de la caisse.
In fine, la cour relève que la société ne conteste plus en cause d'appel la continuité des soins et arrêts et ne maintient plus sa demande d'expertise médicale, de sorte que les observations de la caisse s'y rapportant sont sans objet, le jugement entrepris étant confirmé en ce qu'il a débouté la société de ses demandes sur ce point.
3- Sur les dépens
L'article R.144-10 du code de la sécurité sociale disposant que la procédure est gratuite et sans frais en matière de sécurité sociale est abrogé depuis le 1er janvier 2019.
Il s'ensuit que l'article R.144-10 précité reste applicable aux procédures en cours jusqu'à la date du 31 décembre 2018 et qu'à partir du 1er janvier 2019 s'appliquent les dispositions des articles 695 et 696 du code de procédure civile relatives à la charge des dépens.
En conséquence, les dépens de la présente procédure exposés postérieurement au 31 décembre 2018 seront laissés à la charge de la société qui succombe à l'instance.
PAR CES MOTIFS :
La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Condamne la société [5] aux dépens, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT