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23/11/2022 | FRANCE | N°19/07893

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 23 novembre 2022, 19/07893


9ème Ch Sécurité Sociale





ARRÊT N°



N° RG 19/07893 - N° Portalis DBVL-V-B7D-QJZV













CPAM DU MORBIHAN



C/



Société [3]

































Copie exécutoire délivrée

le :



à :











Copie certifiée conforme délivrée

le:



à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU

PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 23 NOVEMBRE 2022



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Aurélie GUEROULT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Philippe LE BOUDEC, lors des débats, e...

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 19/07893 - N° Portalis DBVL-V-B7D-QJZV

CPAM DU MORBIHAN

C/

Société [3]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 23 NOVEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Aurélie GUEROULT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe LE BOUDEC, lors des débats, et Monsieur Séraphin LARUELLE, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 21 Septembre 2022

devant Madame Véronique PUJES, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 23 Novembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats ;

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 09 Septembre 2019

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal de Grande Instance de VANNES - Pôle Social

Références : 14/00334

****

APPELANT :

LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU MORBIHAN

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

représentée par Mme [C] [V] en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMÉE :

La Société [3]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Sabrina KEMEL, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Sofiane KECHIT, avocat au barreau de PARIS

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 24 mai 2012, M. [W] [Y], salarié en tant que chauffeur 'tapis camion toupie' au sein de la société [3], venant aux droits de la société [4], venant elle-même aux droits de la société [1] (la société), a complété une déclaration de maladie professionnelle au titre d'un 'harcèlement professionnel'.

Le certificat médical initial, établi le 24 mai 2012, fait état d'une 'pathologie anxiodépressive sévère et caractérisée ayant conduit à une date de premier arrêt de travail le 10 avril 2012".

Par lettre du 9 août 2012, la société a émis des réserves concernant le caractère professionnel de la maladie déclarée par son salarié.

Le 19 novembre 2013, après instruction et avis du 25 octobre 2013 du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de Bretagne (le CRRMP), la caisse primaire d'assurance maladie de Morbihan (la caisse) a notifié à la société la décision de prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle.

Par lettre du 17 janvier 2014, la société a saisi la commission de recours amiable de l'organisme en soutenant que :

- l'avis du CRRMP était nul en raison de l'absence d'un de ses membres,

- la caisse avait par ailleurs manqué à son obligation d'information,

- la preuve du harcèlement allégué n'était pas rapportée,

- le médecin conseil a retenu à tort un taux d'incapacité permanente partielle prévisible au moins égal à 25% .

Par décision du 21 mars 2014, la commission a confirmé l'opposabilité à la société de la décision de prise en charge des soins et arrêts de travail prescrits au titre de la maladie professionnelle déclarée le 24 mai 2012.

Contestant la décision de la commission, la société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Vannes le 27 mai 2014.

Par jugement du 9 septembre 2019, ce tribunal, devenu le pôle social du tribunal de grande instance de Vannes, a :

- déclaré le recours de la société recevable et bien fondé ;

- annulé l'avis du CRRMP du 25 octobre 2013 ;

- déclaré inopposable à la société la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de la maladie du 10 avril 2012 ;

- condamné la caisse aux dépens ;

- rejeté les autres demandes.

Le 14 octobre 2019, la caisse a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 24 septembre 2019.

Par ses dernières écritures parvenues au greffe le 18 août 2021 auxquelles s'est référée et qu'a développées sa représentante à l'audience, la caisse demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a annulé l'avis du CRRMP ;

- l'infirmer en ses autres dispositions ;

- désigner un autre CRRMP ;

- rejeter les prétentions de la société ;

- condamner cette dernière aux dépens.

Par ses écritures parvenues par le RPVA le 12 juillet 2021 auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, la société demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

- rejeter la demande de la caisse afférente à la nomination d'un second CRRMP ;

- dire que la reconnaissance de la maladie professionnelle de M. [Y] ne doit pas être imputée sur son compte employeur.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La société soutient que la nullité de l'avis du CRRMP suffit à lui rendre inopposable la décision de prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle. Elle ajoute que le médecin conseil ne disposait pas d'éléments suffisants pour fixer un taux d'incapacité permanente prévisible au moins égal à 25%, étant observé sur ce point que le tribunal du contentieux de l'incapacité a finalement retenu un taux d'incapacité permanente partielle de 20% ramené à 15% par la CNITAAT, de sorte que la saisine du CRRMP n'était pas justifiée.

Elle considère in fine que la situation de harcèlement n'est pas caractérisée.

La caisse fait valoir pour sa part qu'en ne désignant pas un autre CRRMP, le tribunal n'a pas tiré les conséquences de l'annulation de l'avis du 25 octobre 2013 ; qu'en outre, le taux d'incapacité permanente à retenir pour l'instruction d'une demande de prise en charge d'une maladie non désignée dans un tableau de maladies professionnelles est le taux prévisible fixé par le service du contrôle médical dans le cadre du dossier constitué en vue de la saisine du CRRMP, lequel ne peut être remis en cause par l'employeur par le biais d'une contestation, et non celui fixé après consolidation de l'état de la victime.

Sur ce :

L'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que :

« (...)

Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau. (alinéa 2)

Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime. (alinéa 3)

Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé. (alinéa 4)

Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixés par décret. L'avis du comité s'impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l'article L. 315-1».

Pour l'application de ces dispositions, le taux d'incapacité permanente à retenir pour l'instruction d'une demande de prise en charge d'une maladie non désignée dans un tableau de maladies professionnelles est celui évalué par le service du contrôle médical dans le dossier constitué pour la saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, et non le taux d'incapacité permanente partielle fixé après consolidation de l'état de la victime pour l'indemnisation des conséquences de la maladie. (Civ.2e, 24 mai 2017, pourvoi n° 16-18.141)

Par ailleurs, aux termes de l'article R.142-24-2 du code de la sécurité sociale, reprises en substance depuis le 1er janvier 2019 à l'article R.142-17-2, lorsque le différend porte sur la reconnaissance de l'origine professionnelle d'une maladie dans les conditions prévues aux troisième et quatrième alinéas du premier, le tribunal recueille préalablement l'avis d'un comité régional autre que celui qui a déjà été saisi par la caisse. Il en résulte qu'en cas d'irrégularité des avis des comités régionaux respectivement saisis par la caisse et par le tribunal, la cour d'appel est tenue de recueillir préalablement un avis auprès d'un autre comité régional. (Civ.2e, 9 février 2017, pourvoi n° 15-21.986)

En l'espèce, le colloque médico-administratif du 2 août 2012 a retenuque la pathologie présentée par M. [Y] n'était inscrite dans aucun tableau de maladie professionnelle. La présomption édictée par l'alinéa 2 n'est donc pas applicable en l'espèce.

Aux termes de ce colloque, le médecin conseil de la caisse a considéré que le taux d'incapacité prévisible était égal ou supérieur à 25%. Le reproche émis par la société sur l'absence d'éléments permettant de justifier ce taux est inopérant.

Ainsi, sur le fondement de l'alinéa 4 de l'article sus-visé, le dossier a été transmis au CRRMP Bretagne, lequel a émis un avis favorable à la reconnaissance de l'affection déclarée au titre de la législation professionnelle.

La nullité de l'avis du 25 octobre 2013 en ce que le CRRMP était irrégulièrement composé n'est pas discutée en cause d'appel par la caisse, de sorte que le jugement entrepris sera sur ce point confirmé.

C'est à tort en revanche que les premiers juges ont retenu que le taux d'incapacité permanente partielle finalement attribué après consolidation à M. [Y] par le médecin conseil, inférieur à 25%, faisait obstacle à la désignation d'un autre CRRMP et à l'opposabilité de la décision de prise en charge à l'égard de la société.

Alors que l'employeur contestait le caractère professionnel de l'affection qui n'était pas désignée dans un tableau des maladies professionnelles et que le tribunal a annulé l'avis du CRRMP du 25 octobre 2013, les premiers juges ne pouvaient donc pas statuer sans désigner un second CRRMP.

Il y a lieu en conséquence et en application des dispositions précitées d'ordonner la saisine d'un second CRRMP, lequel sera saisi dans les conditions fixées comme suit au dispositif de l'arrêt.

Le jugement entrepris sera par conséquent infirmé en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande subsidiaire de la caisse tendant à la désignation d'un second CRRMP.

Il convient de surseoir à statuer sur l'ensemble des demandes des parties.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevable le recours de la société [3] et annulé l'avis du CRRMP du 25 octobre 2013 ;

Infirme ledit jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande de désignation d'un second comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ;

Avant dire droit sur le surplus :

DÉSIGNE le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles des Pays de la Loire pour donner un avis motivé sur le point de savoir si la maladie déclarée par M. [Y] a été essentiellement et directement causée par le travail habituel de ce dernier ;

DIT que ce comité régional prendra connaissance du dossier de la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan, laquelle devra joindre au dossier transmis audit comité copie du présent arrêt ;

DIT que ce même comité régional devra transmettre son avis écrit au greffe de cette cour - 9ème chambre au plus tard le 30 juin 2023 ;

DIT qu'à réception de cet avis, le greffe en adressera immédiatement copie aux parties ;

SURSOIT à statuer sur l'ensemble des demandes et des dépens jusqu'à ce que le CRRMP ait rendu son avis ;

ORDONNE la radiation de l'affaire des affaires en cours ;

DIT que l'affaire sera réenrôlée à la requête de la partie la plus diligente dès que le comité aura donné son avis, la demande devant être accompagnée des écritures et du bordereau des pièces communiquées.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 19/07893
Date de la décision : 23/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-23;19.07893 ?
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