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22/11/2022 | FRANCE | N°20/03225

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 22 novembre 2022, 20/03225


1ère Chambre





ARRÊT N°380/2022



N° RG 20/03225 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QYMV













Société SELAS GERARD [I]



C/



Mme [Z] [J]

Mme [L] [K]

M. [R] [K]

M. [D] [K]

M. [U] [K]

Mme [C] [T] épouse [H]

















Copie exécutoire délivrée



le :



à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 22 NOVEMBRE 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre entendue en son rapport,

Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,...

1ère Chambre

ARRÊT N°380/2022

N° RG 20/03225 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QYMV

Société SELAS GERARD [I]

C/

Mme [Z] [J]

Mme [L] [K]

M. [R] [K]

M. [D] [K]

M. [U] [K]

Mme [C] [T] épouse [H]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 22 NOVEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre entendue en son rapport,

Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 13 Septembre 2022

ARRÊT :

réputé contradictoire, prononcé publiquement le 22 Novembre 2022 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré annoncé au 08 novembre 2022 à l'issue des débats

****

APPELANTE :

La SELAS GERARD [I], dont le siège est situé [Adresse 19], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de M. [Y] [K], né le 23 janvier 1964 à Villeneuve St Georges, décédé le 9 décembre 2013, fonction à laquelle elle a été nommée par jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Vannes le 9 juillet 2008

[Adresse 19]

[Localité 5]

Représentée par Me Elsa GUENNO-LE PARC de la SELARL LEHUEDE (A.A) GUENNO-LE PARC CHEVALIER KERVIO, avocat au barreau de VANNES

INTIMÉS :

Madame [Z] [J]

née le 10 Décembre 1957 à [Localité 20] (75)

[Adresse 15]

[Localité 13]

Représentée par Me Philippe KERZERHO, avocat au barreau de VANNES

Madame [C] [T] épouse [H]

née le 13 Octobre 1974 à [Localité 25] (94)

[Adresse 8]

[Localité 11]

Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Nathalie DUQUESNE, Plaidant, avocat au barreau de MELUN

Madame [L] [K]

née le 10 Avril 1991 à [Localité 18] (91)

Chez Mme [G] [K] - [B]

[Adresse 9]

[Localité 6]

Régulièrement assignée par acte d'huissier délivré le 30 septembre 2020, chez Mme [G] [X], [Adresse 10], remis à personne présente à cette adresse

Monsieur [R] [K]

né le 05 Février 1993 à [Localité 18] (93)

Chez Mme [G] [K] - [B]

[Adresse 10]

[Localité 7]

Régulièrement assigné par acte d'huissier délivré le 30 septembre 2020 remis à personne présente au domicile

Monsieur [D] [K]

né le 18 Octobre 1994 à [Localité 24]

Chez Mme [G] [K] - [B]

[Adresse 10]

[Localité 2]

Régulièrement assigné par acte d'huissier délivré le 30 septembre 2020 remis à personne présente au domicile

Monsieur [U] [K]

né le 15 Février 1996 à [Localité 24]

Chez Mme [G] [K] - [B]

[Adresse 10]

[Localité 2]

Régulièrement assigné par acte d'huissier délivré le 30 septembre 2020 remis à personne présente au domicile

FAITS ET PROCÉDURE

[N] [F] épouse [K] est décédée le 19 octobre 2000, laissant comme héritiers :

-[E] [M] épouse [T], sa fille issue d'un premier mariage,

-[P] [K], son époux,

-Mme [Z] [K] épouse [J], sa fille,

[Y] [K], son fils.

[P] [K] est décédé le 5 avril 2004, laissant Mme [Z] [K] épouse [J], sa fille, et [Y] [K], son fils, comme héritiers.

Par jugement du 9 juillet 2008, le tribunal de commerce de Vannes a prononcé la liquidation judiciaire de [Y] [K] et désigné la SELAS [O] [I] comme mandataire liquidateur.

[E] [M] épouse [T] est décédée le 10 février 2009, laissant pour lui succéder sa fille, Mme [C] [T].

[Y] [K], qui était divorcé, est décédé le 9 décembre 2013, laissant comme héritiers ses quatre enfants :

-Mme [L] [K],

-M. [R] [K],

-M. [D] [K],

-M. [U] [K].

Les 13, 22 et 28 juin 2017, la SELAS [O] [I], en sa qualité de mandataire liquidateur de [Y] [K], a assigné devant le tribunal de grande instance de Vannes Mme [Z] [J], Mme [C] [T], Mme [L] [K], M. [R] [K], M. [D] [K] et M. [U] [K] en ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage des successions des époux [N] et [P] [K] et en licitation d'immeubles dépendant des successions.

Par jugement du 11 février 2020, le tribunal judiciaire de Vannes a :

-déclaré irrecevable l'action en partage engagée par la SELAS [O] [I] en qualité de liquidateur judiciaire de [Y] [K] suivant assignation du 22 juin 2017,

-condamné la SELAS [O] [I] aux entiers dépens de l'instance et à payer à Mme [Z] [J] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Le 16 juillet 2020, la SELAS [O] [I], en sa qualité de mandataire liquidateur, a fait appel de l'ensemble des dispositions du jugement.

Elle expose ses moyens et ses demandes dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées le 25 février 2021, et le 3 mars 2021 aux intimés défaillants, auxquelles il est renvoyé.

Elle demande à la cour de :

-infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

-statuant à nouveau, ordonner compte liquidation partage des successions de [N] [K], [P] [K] et [Y] [K],

-désigner Me [V] [S], notaire à [Localité 22], en qualité de notaire pour procéder aux opérations de compte liquidation partage sous la surveillance de tel juge, désigné par la cour,

-ordonner la licitation devant Me [S] des immeubles suivants :

*1 - sur la commune de [Localité 13] (Morbihan), lieu dit « [Adresse 15] » : 1-Une construction en pierres sous ardoises, comprenant : au rez de chaussée, une pièce, à l'étage, une pièce, un déport et une parcelle de terre contiguë, le tout cadastré : section [Cadastre 26] [Adresse 15] (sol) pour 2 a 32 ca, et section ZC n° [Cadastre 1] Terres de [Adresse 15] (terre) pour 6 a 40 ca,

sur la base de telle mise à prix qu'il plaira à la cour de fixer.

*2 - sur la commune de [Localité 23] (Morbihan), lieu dit « [Adresse 17] » et « [Adresse 16] » ou « [Adresse 14] »': une maison d'habitation en pierres sous ardoises, le terrain attenant sur lequel existe un abri de jardin en parpaings sous tôles, le tout cadastré : section [Cadastre 12] « [Adresse 17] » pour 02 a 75 ca et section [Cadastre 29] « [Adresse 16] » pour 28 a 75 ca ; un bâtiment à usage de débarras, en pierres sous fibrociment, et comprenant deux pièces et grenier au-dessus, le tout cadastré section [Cadastre 30] « [Adresse 16] » pour 75 ca,

sur la base de telle mise à prix qu'il plaira à la cour de fixer,

-lui décerner acte qu'il n'a pas de moyen opposant à la demande d'attribution préférentielle formée par Mme [Z] [J], sur les immeubles cadastrés section [Cadastre 28], [Cadastre 3] et [Cadastre 4], lieu-dit « [Adresse 15],

-ordonner une expertise pour chiffrer l'indemnité de jouissance due par Mme [J] depuis le 5 avril 2004 et les éventuels travaux d'amélioration et de conservation effectués par elle,

-condamner solidairement Mme [J], Mme [L] [K], M. [R] [K], M. [D] [K], M. [U] [K] et Mme [C] [T] à lui payer la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-débouter Mme [J] de toutes ses demandes contraires,

-débouter Mme [T] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure,

-déclarer les dépens frais privilégiés de compte liquidation partage.

Mme [J] expose ses moyens et ses demandes dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées le 27 mai 2022, et le 10 juin 2022 aux intimés défaillants, auxquelles il est renvoyé.

Elle demande à la cour de :

-confirmer le jugement,

-condamner la SELAS [O] [I] à lui payer la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-déclarer irrecevable la demande de Mme [T] de liquidation et partage.

A titre subsidiaire, si la demande de liquidation et partage était accueillie, elle demande à la cour de :

-lui décerner acte de sa demande d'attribution préférentielle du bien indivis cadastré [Cadastre 28], [Cadastre 3] et [Cadastre 4], subsidiairement éliminatoire,

-dire en conséquence n'y avoir lieu à licitation dudit bien,

-constater l'existence de sa créance au titre de l'amélioration du bien indivis, de sa conservation et des travaux d'amélioration effectués personnellement,

-dire qu'il appartiendra au notaire de déterminer cette créance au titre de la conservation et amélioration du bien indivis,

-dire que cette créance devra être payée par prélèvement sur l'actif avant le partage et ordonner la compensation de celle-ci avec la créance de la procédure collective telle qu'elle existera après affectation du produit de la vente des deux autres biens indivis.

En toute hypothèse, elle demande à la cour de :

-déclarer irrecevable, subsidiairement mal fondée, la demande d'indemnité de jouissance réclamée contre elle par le liquidateur et le débouter, faute d'objet et de qualité, de sa demande d'expertise sur ce point ainsi que la demande associée formulée par Mme [T],

-condamner en toute hypothèse la SELAS [O] [I] aux dépens et à lui payer la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-déclarer l'arrêt commun et opposable aux autres intimés.

Mme [T] expose ses moyens et ses demandes dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées le 18 mai 2021, et le 25 mai 2021 aux intimés défaillants, auxquelles il est renvoyé.

Elle demande à la cour de :

-infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action en partage de la SELAS [O] [I],

-statuant à nouveau, ordonner l'ouverture des comptes liquidation et partage des successions de [N] [K], [P] [K] et [Y] [K],

-ordonner la licitation des biens immobiliers situés à [Localité 13] et [Localité 23],

-faire droit à la demande d'attribution préférentielle formée par Mme [J] ainsi qu'à la demande d'expertise de la SELAS [O] [I] concernant la créance éventuelle de Mme [J] et le montant de l'indemnité d'occupation,

-condamner la SELAS [O] [I] à lui payer la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [L] [K], M. [R] [K], M. [D] [K] et M. [U] [K] ont été régulièrement assignés le 30 septembre 2020 et n'ont pas constitué avocat.

MOTIFS DE L'ARRÊT

1) Sur la demande en partage formée par la SELAS [O] [I]

Le tribunal a jugé que l'action en partage de la SELAS [O] [I] est irrecevable aux motifs que, sur le fondement de l'article 815 du code civil, [Y] [K] est décédé et n'est plus dans l'indivision, et ,sur le fondement de l'article 815-17 alinéa 3 du code civil (action oblique), la SELAS [O] [I] ne démontre pas la carence du débiteur et le fait que les intérêts des créanciers sont compromis.

La SELAS [O] [I] ne conteste pas le premier motif et ne fonde plus son action que sur les dispositions de l'article 815-17 du code civil': «'Les créanciers qui auraient pu agir sur les biens indivis avant qu'il y eût indivision, et ceux dont la créance résulte de la conservation ou de la gestion des biens indivis, seront payés par prélèvement sur l'actif avant le partage. Ils peuvent en outre poursuivre la saisie et la vente des biens indivis.

Les créanciers personnels d'un indivisaire ne peuvent saisir sa part dans les biens indivis, meubles ou immeubles.

Ils ont toutefois la faculté de provoquer le partage au nom de leur débiteur ou d'intervenir dans le partage provoqué par lui. Les coïndivisaires peuvent arrêter le cours de l'action en partage en acquittant l'obligation au nom et en l'acquit du débiteur. Ceux qui exerceront cette faculté se rembourseront par prélèvement sur les biens indivis.'»

Ainsi que le tribunal l'a retenu, l'action oblique, aux termes d'une jurisprudence constante, emporte l'obligation pour le créancier de démontrer la carence de l'indivisaire débiteur et le fait que les intérêts du créancier sont compromis.

La succession de [N] [F] s'est ouverte le 19 octobre 2000, la succession de [P] [K] le 5 avril 2004.

[Y] [K] est décédé le 9 décembre 2013.

Il ressort d'un courrier du 26 septembre 2008, de Me [A] [W], notaire à [Localité 22], chargé de régler les successions des époux [K]-[F], que leurs héritiers souhaitaient partager les biens dépendant des successions mais que les projets préparés par le notaire n'ont pas abouti, en raison de désaccords, soit sur les valeurs des biens, soit sur le montant des soultes. Le notaire ajoute que la situation financière de [Y] [K] ne lui permettait pas d'acquitter les frais d'actes et les droits de succession. Pour autant la succession était bénéficiaire, l'actif étant supérieur à 250 000 euros, et [Y] [K] était titulaire de 7/16èmes des droits indivis.

Il n'est pas contesté qu'il n'a pas agi en partage judiciaire et est resté en indivision jusqu'à son décès, comme ses descendants, qui du reste se sont même désintéressés de la procédure judiciaire.

Ce constat suffit à établir la carence de [Y] [K], sans qu'il y ait lieu d'opposer à la SELAS [O] [I], comme le tribunal l'a fait, l'impécuniosité de [Y] [K].

Par ailleurs, la carence du débiteur s'apprécie jusqu'au jugement le plaçant en liquidation judiciaire et ayant pour conséquence son dessaisissement de l'administration et de la gestion de ses biens. C'est donc à tort que Mme [J] soutient que le mandataire liquidateur a manqué lui-même de diligence et que la condition de la carence n'est pas remplie pour cette raison.

Le moyen tiré du manque de diligence du débiteur ne peut en effet être examiné que dans le cadre de la condition relative à la situation des créanciers du débiteur en liquidation. A ce propos Mme [J] soutient que la SELAS [O] [I] a tardé à saisir le tribunal et a été négligente, démontrant ainsi que les intérêts des créanciers de la liquidation judiciaire n'étaient pas compromis.

Il ressort des courriers versés à la procédure que'la SELAS [O] [I], désignée mandataire liquidateur à compter du 9 juillet 2008, a interrogé le 23 septembre 2008 le notaire chargé de liquider les successions des époux [K]-[F], qu'elle a sollicité les références des immeubles détenus par [Y] [K], au service de la conservation des hypothèques de [Localité 21], qu'elle a rencontré [Y] [K] le 4 mars 2009 et qu'elle a saisi un avocat le 9 juillet 2010 pour agir en partage.

Cependant, cet avocat n'a engagé aucune procédure et n'a rien fait, de telle sorte que la SELAS [O] [I] l'a relancé à plusieurs reprises, lui a demandé, en vain, de se dessaisir du dossier au profit d'un autre avocat, a fini par informer le juge commissaire de l'inertie du premier avocat saisi et a saisi le bâtonnier de [Localité 24] le 29 septembre 2015.

Puis le 8 octobre 2015 la SELAS [O] [I] a repris contact avec Me [W] pour tenter à nouveau un partage amiable avec les enfants de [Y] [K], décédé, et au regard de la situation de Mme [J], lui permettant de verser une soulte. Des échanges ont eu lieu entre le notaire et les coïndivisaires et après une réunion chez le notaire le 4 juillet 2016, ainsi qu'un rendez-vous du mandataire liquidateur avec l'épouse et la fille de [Y] [K], aucun partage amiable n'a pu aboutir.

L'action en partage a alors été engagée courant juin 2017

Il ressort de cet historique que, même si l'action en partage n'a été engagée que 9 années après sa désignation comme mandataire liquidateur et même si l'affaire aurait pu être menée plus rapidement, la SELAS [O] [I] a fait ce qui était nécessaire pour aboutir au partage des biens dépendant des successions et appréhender la part indivise du débiteur. Notamment, le partage amiable étant de principe, il ne peut lui être reproché d'avoir tenté de privilégier cette voie, d'autant que le décès de Mme [T], le 10 février 2009, puis celui de [Y] [K], le 9 décembre 2013, puis l'information que Mme [J] était en mesure désormais de payer une soulte, ont eu pour effet de modifier les données du litige entre les héritiers des époux [K] et de permettre de réaliser un partage amiable.

Le montant des dettes de [Y] [K] est supérieur à la somme de'100 000 euros et la procédure collective a été ouverte il y a plus de 14 années à ce jour. Il n'est pas contesté que le seul élément d'actif du patrimoine de [Y] [K] est celui qui dépend des successions de ses parents.

Dans ces conditions, il est établi que les intérêts des créanciers de la procédure collective sont totalement compromis si le partage des biens dépendant des successions n'est pas réalisé.

Contrairement à ce que soutient Mme [J], le fait qu'à ce jour personne ne cherche à s'accaparer les droits indivis de [Y] [K] ou le fait que les immeubles dépendant de la succession sont entretenus, ne permet pas d'affirmer que les intérêts des créanciers de [Y] [K] ne sont pas compromis, alors qu'ils sont titulaires de créances anciennes, que seuls les biens indivis permettront de les payer en tout ou partie et que le partage doit donc avoir lieu. En outre le bien situé à [Localité 23] n'est manifestement pas entretenu et Mme [J] ne paye aucune indemnité d'occupation, depuis de nombreuses années, alors qu'elle occupe seule un des biens situés à [Localité 13], de telle sorte que le partage doit être réalisé pour ne pas laisser se poursuivre une situation contraire aux intérêts des créanciers de [Y] [K].

Enfin, Mme [J] reproche à la SELAS [O] [I] de ne pas justifier de l'admission définitive des créances au passif de la liquidation judiciaire.

D'une part, Mme [J], ou tout autre coïndivisaire, n'a jamais offert et n'offre pas d'acquitter les dettes de [Y] [K], afin d'arrêter l'action en partage, comme le prévoit l'article 815-17 alinéa 3 du code civil.

D'autre part, la SELAS [O] [I] produit l'état des créances admises par le juge commissaire le 15 janvier 2010 et l'ordonnance du 6 avril 2010 statuant sur la seule contestation de créance. Il en ressort que le montant du passif restant dû est de 101 595,20 euros. Chacun des coïndivisaires connaît donc le montant de la dette et est en mesure de le payer pour arrêter l'action en partage.

Le jugement sera donc infirmé, l'action de la SELAS [O] [I] sera déclarée recevable et le partage des successions des époux [K]-[F] sera ordonné.

2) Sur la demande en partage formée par Mme [T]

Mme [J] conclut à l'irrecevabilité de la demande en partage formée par Mme [T] au motif que celle-ci n'a pas saisi le premier juge d'une demande en partage fondée sur l'article 815 du code civil et qu'il s'agit d'une demande nouvelle en appel.

Mme [T] n'avait en effet pas constitué avocat devant le tribunal de grande instance de Vannes et n'avait, de fait, formé aucune demande.

Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

La demande de partage de Mme [T], fondée sur les dispositions de l'article 815 du code civil a pour objet de faire écarter la demande de Mme [J] de rejet de la demande en partage formée par la SELAS [O] [I]. Le fait que celle-ci a agi sur le fondement de l'article 815-17 du code civil et que Mme [T] agit sur le fondement de l'article 815 n'a pas d'incidence sur la recevabilité de la demande de Mme [T], les deux demandes ayant pour fin la sortie de l'indivision à laquelle s'oppose Mme [J].

La demande de Mme [T] en partage, qui a pour objet de faire écarter les prétentions adverses, sera donc déclarée recevable en application de l'article 565 du code de procédure civile.

3) Sur la demande d'attribution préférentielle

La demande d'attribution préférentielle formée par Mme [J], portant sur un immeuble dépendant des successions et qu'elle occupe depuis plusieurs années, n'est contestée par aucune des parties présentes à la procédure.

Il sera fait droit à sa demande.

4) Sur la demande de licitation

Les immeubles dépendant de l'indivision n'étant pas commodément partageables, leur licitation sera ordonnée, en application de l'article 1377 du code de procédure civile, aux conditions fixées dans le dispositif du présent arrêt.

Le montant de la mise à prix sera fixé, à défaut de tout autre élément, en fonction des projets de partage préparé par le notaire.

5) Sur la créance de Mme [J] au titre de l'article 815-13 du code civil

Mme [J] ne chiffre pas sa demande au titre de ses dépenses de conservation et d'amélioration du bien indivis qu'elle occupe et fait valoir que le notaire pourra chiffrer sa créance.

La SELAS [O] [I] ne conteste pas l'existence d'une telle créance et demande à la cour d'ordonner une expertise sur son montant.

Il n'y a pas lieu d'ordonner une expertise, l'avis d'un technicien sur le montant des dépenses payées par Mme [J] au titre de l'amélioration et la conservation de l'immeuble qu'elle occupe n'étant pas nécessaire pour fixer la créance.

Les parties seront donc renvoyées devant le notaire, Mme [J] devant justifier de sa créance au titre de l'article 815-13 du code civil.

6) Sur la demande d'indemnité d'occupation à l'encontre de Mme [J]

Mme [J] ne conteste pas qu'elle occupe un des biens situé à [Localité 13] depuis au moins l'année 2004. Elle en a la jouissance exclusive et en conséquence est débitrice d'une indemnité d'occupation en application de l'article 815-9 alinéa 2 du code civil.

Contrairement à ce qu'elle soutient, la SELAS [O] [I], qui agit dans le cadre de l'action oblique de l'article 815-17 alinéa 3 du code civil et qui peut intervenir dans les opérations de partage, a pouvoir et intérêt à agir, au nom des créanciers de [Y] [K], pour solliciter le paiement d'une indemnité d'occupation due au titre d'un immeuble sur lequel [Y] [K] détenait des droits.'

Par ailleurs, il ne ressort pas du dispositif des conclusions de Mme [T] qu'elle forme elle-même une demande d'indemnité d'occupation à l'encontre de Mme [J]. Elle demande seulement à la cour de faire droit à la demande d'expertise de la SELAS [O] [I] sur le montant de l'indemnité d'occupation. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur la recevabilité de sa demande afin de la déclarer irrecevable, comme le demande Mme [J].

En opposition à la demande d'indemnité d'occupation, Mme [J] fait état d'un pacte familial, «'conclu verbalement devant notaire du vivant de leurs parents valant partage anticipé, du droit de jouir privativement des lots ainsi réparti, indépendamment de leur occupation effective'» aux termes duquel les héritiers des époux [K]-[F] auraient renoncé à réclamer des indemnités d'occupation à l'un ou à l'autre. Mais elle ne rapporte pas la preuve d'une telle convention, qui ne ressort pas des courriers versés à la procédure, et qui n'est pas reconnue par Mme [T]. En outre Mme [J] ne démontre pas le fait qu'aucun autre coïndivisaire qu'elle, depuis le décès de [Y] [K], n'a la jouissance exclusive d'un bien indivis.

Ensuite, contrairement à ce qu'elle soutient, il ne peut être déduit du fait que Me [W] n'aurait pas mentionné d'indemnité d'occupation dans son projet de partage la renonciation à toute indemnité d'occupation.

Mme [J] oppose enfin à la SELAS [O] [I] la prescription quinquennale de l'article 815-10 alinéa 3 du code civil.

La SELAS [O] [I] a demandé, par conclusions notifiées le 20 juin 2018, devant le tribunal de grande instance, une mesure d'expertise afin d'estimer le montant de l'indemnité d'occupation. Cette demande, formée devant le tribunal, a interrompu le délai de prescription.

En conséquence, il sera fait droit à la demande de la SELAS [O] [I] en ce qui concerne les indemnités d'occupation dues à compter du 20 juin 2013 et dues par Mme [J].

La SELAS [O] [I] ne démontre pas, et ne soutient même pas, qu'elle ne dispose pas d'éléments suffisants pour former une demande chiffrée au titre de l'indemnité d'occupation. La demande d'expertise, en ce qu'elle a pour objet de suppléer à la carence de la SELAS [O] [I] dans l'administration de la preuve, sera rejetée.

7) Sur la demande d'ouverture des opérations de compte liquidation et partage de la succession de [Y] [K]

La demande d'ouverture des opérations de compte liquidation et partage de la liquidation de [Y] [K] formée par la SELAS [O] [I], non seulement est nouvelle en appel, mais n'est ni explicitée dans les motifs de ses conclusions, ni fondée en droit.

Elle sera rejetée.

8) Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

Le jugement sera infirmé de ces deux chefs.

Les dépens de première instance et d'appel seront inclus dans les frais de partage.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de Mme [J] et de Mme [T], les frais qu'elles ont exposés qui ne sont pas compris dans les dépens et leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement rendu le 11 février 2020 par le tribunal judiciaire de Vannes en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déclare recevables les demandes en partage formées par la SELAS [O] [I] et Mme [C] [T],

Ordonne l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage des successions de [N] [F], décédée le 19 octobre 2000 à [Localité 24], et de [P] [K], décédé le 5 avril 2004,

Désigne Me [V] [S], notaire à [Localité 22] (56) pour réaliser les opérations de partage,

Désigne le président du tribunal judiciaire de Vannes ou son délégataire, pour surveiller les opérations de partage,

Ordonne l'attribution préférentielle à Mme [Z] [J] du bien situé à [Localité 13] (Morbihan), lieu dit « [Adresse 15] », soit une maison d'habitation, une longère en pierre, un appentis, déport, une parcelle sous jardin, droit au puits, le tout cadastré section [Cadastre 28], [Cadastre 3] et [Cadastre 4] pour un total de 11 ares 61 centiares,

Ordonne la licitation des biens suivants':

1) commune de [Localité 13] (Morbihan), lieu dit « [Adresse 15] », une construction en pierres sous ardoises, déports, une parcelle de terre contiguë, le tout cadastré section [Cadastre 27] et [Cadastre 26] pour un total de 8 ares 72 centiares,

sur la mise à prix de 30 000 euros,

2) commune de [Localité 23] (Morbihan), lieu dit « [Adresse 17] » et « [Adresse 16]'» ou « [Adresse 14] », une maison d'habitation en pierres sous ardoises, le terrain attenant avec un abri de jardin, le tout cadastré section [Cadastre 31] et [Cadastre 12] pour un total de 31 ares et 50 centiares, et bâtiment à usage de débarras, cadastré section [Cadastre 30] pour 75 centiares,

sur la mise à prix de 120 000 euros,

Désigne Me [V] [S], notaire à [Localité 22], pour procéder à la vente,

Dit que la rédaction du cahier des conditions de la vente sera à la charge de l'avocat de la SELAS [O] [I],

Dit qu'à défaut d'enchères la mise à prix sera baissée du quart et le bien remis immédiatement en vente, sans nouvelle publicité,

Déclare recevable la demande de la SELAS [O] [I] en paiement d'une indemnité d'occupation à l'encontre de Mme [Z] [J],

Dit que Mme [Z] [J] est débitrice envers l'indivision d'une indemnité d'occupation à compter du 20 juin 2013 pour l'occupation du bien situé à [Localité 13], cadastré section [Cadastre 28], [Cadastre 3] et [Cadastre 4],

Dit que Mme [Z] [J] devra justifier devant le notaire des dépenses faites par elle au titre de l'article 815-13 du code civil,

Déboute la SELAS [O] [I] de sa demande d'expertise,

Déboute la SELAS [O] [I] de sa demande de partage de la succession de [Y] [K],

Déboute Mme [Z] [J] et Mme [C] [T] de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens de première instance et d'appel seront inclus dans les frais de partage.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20/03225
Date de la décision : 22/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-22;20.03225 ?
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