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22/11/2022 | FRANCE | N°20/03186

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 22 novembre 2022, 20/03186


1ère Chambre





ARRÊT N°379/2022



N° RG 20/03186 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QYIT













M. [P] [M]



C/



M. [D] [E]

















Copie exécutoire délivrée



le :



à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 22 NOVEMBRE 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES

DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère entendue en son rapport,





GREFFIER :



Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé


...

1ère Chambre

ARRÊT N°379/2022

N° RG 20/03186 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QYIT

M. [P] [M]

C/

M. [D] [E]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 22 NOVEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère entendue en son rapport,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 13 Septembre 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 22 Novembre 2022 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré annoncé au 08 novembre 2022 à l'issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [P] [M]

né le 30 Octobre 1972 à [Localité 5] (14)

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Diane RENARD de la SELARL KOVALEX, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC

INTIMÉ :

Monsieur [D] [E]

né le 21 Janvier 1948 à [Localité 6] (PAYS-BAS)

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Gwendoline PAUL du Cabinet PAUL-AVOCATS, avocat au barreau de RENNES

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [D] [E] était propriétaire d'une maison d'habitation située au [Adresse 8].

'

Par acte synallagmatique reçu par Me [N], notaire à [Localité 7], le 16 décembre 2017, M. [E] et M. [M] ont signé un compromis de vente sous condition suspensive d'obtention d'un prêt par l'acquéreur, portant sur cette maison, au prix principal de 340 000€.

'

M. [M] déclarait avoir l'intention de recourir à un prêt bancaire auprès de la BPO ou de la BNP pour un montant maximum emprunté de 464'900 €, remboursable sur 20 ans et au taux nominal d'intérêt maximum de 1,50% l'an hors assurance.

'

Aux termes du compromis, l'acquéreur s'obligeait à faire toutes les démarches nécessaires à l'obtention du prêt avant le 22 décembre 2017. La réitération par acte authentique devait intervenir le 28 février 2018 au plus tard avec prorogation possible jusqu'au 15 mars 2018.

'

Un dépôt de garantie de 17 000 € devait également être remis à' Me' [N], en qualité de séquestre,' au plus tard le 3 janvier 2018. M. [M] a versé 10 000 € à ce titre le 27 décembre 2017 au titre du dépôt de garantie. Il était prévu que cette somme reste acquise au vendeur pour le cas où la non réalisation de la condition suspensive était du fait de l'acquéreur.

'

Enfin, le compromis de vente comprenait une clause pénale d'un montant de 34 000 €, soit 10% du prix de vente, pour le cas où, bien que toutes les conditions relatives à l'exécution du compromis seraient remplies, l'une des parties ne régulariserait pas l'acte authentique.

'

Suivant courrier recommandé avec demande d'avis de réception daté du 14 mars 2018, M. [E] a notifié au notaire la caducité du compromis de vente, estimant que l'acquéreur n'avait pas accompli les diligences nécessaires et qu'il n'avait rempli aucune des obligations d'information qui lui incombaient.

'

Suivant acte d'huissier du 14/08/2018, M. [E] a fait assigner M. [M]'' devant le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc aux fins de le voir condamner à lui régler les sommes suivantes':

-17 000€ correspondant au dépôt de garantie,'

-34 000€ au titre de la clause pénale,

- 4 927€ au titre d'un préjudice allégué en lien avec l'immobilisation du bien.

'

Par jugement du 16 juin 2020, le tribunal judiciaire de Saint-Brieuc a':

'

-Condamné M. [P] [M] à payer à M. [D] [E] les sommes de :'

'' 17 000€ au titre du dépôt de garantie et ce en derniers ou quittances ;'

'' 34 000€ au titre de dommages-et-intérêts' par' application' de' la' clause pénale,'

-Rejeté toute autre demande plus ample ou contraire,

'

-Condamné M. [P] [M] aux dépens,'

-Condamné M. [P] [M] à payer à M. [D] [E] la somme de 1.500€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

'

Par déclaration du 15 juillet 2020,' M. [P] [M]' a interjeté appel' de tous les chefs' du jugement.

'

Aux termes de ses conclusions transmises et notifiées au greffe le 18 mai 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens et prétentions, M. [P] [M] demande à la cour de'réformer le jugement rendu le 16 juin 2020 par le tribunal judiciaire' de' Saint-Brieuc et statuant de nouveau':

'

A titre principal,

'

-Débouter M. [E] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,'

-Dire et juger que' la' défaillance' de' la' condition' suspensive' d'obtention' d'un' prêt mentionnée au compromis du 16 décembre 2017 n'est pas imputable à M. [M],'

-Ordonner la restitution de la somme de 10 000 € séquestrée chez Me [N] à M. [M] sur présentation de l'arrêt à intervenir,'

-Condamner M. [E] à régler à M. [M] 5000€ de dommages et intérêts ainsi que 8 000,00€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,'

Condamner M. [E] aux entiers dépens de la présente instance,

'

Subsidiairement,

'

-Débouter M. [E] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,'

-Dire et juger' que' la' stipulation' de' séquestre' inscrite' au' compromis' du' 16 décembre 2017, autorisant' le' vendeur' à' conserver' le' dépôt' de' garantie,' quand' l'acquéreur' est responsable de la défaillance de la condition suspensive d'obtention de prêt, s'analyse en une' clause' pénale,' modifiable' à' la' baisse,' par' application' de' l'article' 1231-5' du' Code civil,'

-La requalifier comme telle,'

-Dire et juger que' la' clause' pénale' inscrite' au' compromis' du' 16 décembre 2017' fait' double emploi avec la stipulation de séquestre requalifiée de clause pénale,'

-Réduire à l'euro' symbolique' le quantum' de' la' stipulation' de' séquestre' requalifiée' de clause pénale,'

-Laisser à la charge de M. [E] ses propres frais de procédure.

'

Aux termes de ses conclusions transmises et notifiées au greffe le 30 juin 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens et prétentions, M. [D] [E] demande à titre principal à la cour de'confirmer le jugement,

A titre reconventionnel,

'

-Condamner M. [M] à verser à M. [E] une somme de 3.000€ à' titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

'

En tout état de cause'

'

- Condamner M. [M] à verser à M. [E] la somme de 5.000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

'

'MOTIFS DE L'ARRET

'

1°/ Sur la responsabilité de l'acquéreur dans la défaillance de la condition suspensive

'

L'article 1304-3 du code civil dispose que «'la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y' avait intérêt en a empêché l'accomplissement.'

La condition résolutoire est réputée défaillie si son accomplissement a été provoqué par la partie qui y avait intérêt'».

'

En l'espèce, la caducité du compromis de vente n'est pas discutée par les parties dans la mesure où il ne fait pas de doute que la condition suspendant la réalisation de la vente à l'obtention d'un prêt dans le délai contractuel par M. [M] a défailli.

'

Le litige porte sur le rôle fautif de l'acquéreur dans la non réalisation de la condition suspensive.

'

Il incombe au créancier d'une obligation sous condition suspensive de prouver que le débiteur a empêché la réalisation de celle-ci. Cependant, en cas de vente d'immeuble, il appartient à l'acquéreur, obligé de recourir à un financement, de démontrer qu'il a sollicité un prêt conforme aux caractéristiques définies dans la promesse de vente.

'

La promesse synallagmatique signée entre les parties le 16 décembre 2017 comportait les stipulations contractuelles suivantes :

'

«'L'acquéreur s'oblige à faire toutes les démarches nécessaires à l'obtention du prêt avant le 22 décembre 2017'.

'

L'acquéreur devra informer sans retard le vendeur de tout évènement provoquant la réalisation ou la défaillance de la condition suspensive, étant précisé que l'article L.313-41' du' Code' de' la' consommation' impose' un' délai' minimum' d'un' mois' à compter de' la' date' des' présentes' comme' durée' de' validité' de' cette' condition suspensive. (') »

'

Quant à la réalisation de la condition suspensive, il est précisé que': «'Le prêt sera réputé obtenu et la condition suspensive sera réalisée par la remise par la banque à l'acquéreur de l'offre écrite, telle que prévue aux articles L.313-24 et suivants du' Code' de' la' consommation,' de' consentir' le' crédit' aux' conditions principales sus-énoncées et dans le délai de réalisation des présentes.

'

La réception de cette offre devra intervenir au plus tard le 12 février 2018.

'

L'obtention ou la' non-obtention' du' prêt' devra' être' notifiée' par' l'acquéreur' au Vendeur par lettre recommandée avec avis de réception adressée dans les trois jours suivants l'expiration du délai ci-dessus.

'

A défaut de réception de cette lettre dans le délai fixé, le vendeur aura la faculté de mettre l'acquéreur en demeure de lui justifier sous huitaine de la réalisation ou de la défaillance de la condition.

'

Cette demande devra être faite par lettre recommandée avec avis de réception au domicile ci-après élu.

'

Passé' ce' délai' de' huit' jours' sans' que' l'acquéreur' ait' apporté' les' justificatifs,' la condition sera censée défaillie et les présentes seront donc caduques de plein droit, sans' autre' formalité,' et' ainsi' le' vendeur' retrouvera' son' entière' liberté' mais l'acquéreur ne pourra recouvrer le dépôt de garantie qu'il aura le cas échéant, versé qu'après justification qu'il a accompli les démarches nécessaires pour l'obtention du prêt, et que la condition n'est pas défaillie de son fait ; à défaut, le dépôt de garantie restera acquis au vendeur. »

'

La réitération par acte authentique devait intervenir le 28 février 2018 au plus tard avec prorogation possible jusqu'au 15 mars 2018.

'

a.''''' Sur le dépôt tardif de la demande de prêt

'

La cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 12 février 2014 (pourvoi n° 12-27182), que "les dispositions du droit public de l'article L. 312-16 du code de la consommation interdisent d'imposer à l'acquéreur de déposer une demande de crédit dans un certain délai, cette obligation contractuelle étant de nature à accroître les exigences de ce texte".

'

Les dispositions de l'article L. 313-41 ( anciennement L. 312-16) du code de la consommation, qui imposent un délai minimum' d'un' mois' à compter du compromis comme' durée' de' validité' de' cette' condition suspensive, sont édictées dans l'intérêt exclusif de l'acquéreur, de sorte que leur application ne peut être affectée par la stipulation d'obligations contractuelles imposées à l'acquéreur et de nature à accroître les exigences résultant de ce texte, en l'obligeant par exemple à déposer le dossier de crédit dans un certain délai, à justifier de ses démarches auprès du vendeur ou à lui notifier toute offre ou refus de prêt.

'

En l'espèce, le tribunal a justement rappelé qu'il ne pouvait être imposé à l'acquéreur un délai de seulement' 6 jours pour faire les démarches nécessaires à l'obtention d'un prêt.

'

Aucune faute ne peut donc être retenue à l'encontre de M. [M] qui justifie avoir obtenu un premier plan de financement seulement trois jours après la signature du compromis et qui a déposé une demande de prêt le 5 janvier 2018.

'

Par ailleurs, il est vrai que M. [M] n'a pas justifié auprès du vendeur de la réponse des organismes bancaires dans les trois jours de la date butoir du 12 février 2018. Toutefois, si ce défaut d'information justifie le prononcé de la caducité de la promesse par le vendeur, il n'est certainement pas la cause du refus du prêt.'Par conséquent, le vendeur ne peut s'en prévaloir pour caractériser la carence de l'acquéreur au sens de l'article 1304-3 du code civil.

'

b.''''' Sur le dépôt d'une demande de prêt conforme aux caractéristiques du compromis

'

Contrairement à ce qu'à retenu le tribunal, M. [M] justifie avoir déposé auprès de la banque BNP dès le 5 janvier 2018, une demande de prêt conforme aux caractéristiques de la promesse.

'

La cour de cassation a en effet jugé qu'un prêt accordé à un montant inférieur au montant maximal est conforme aux stipulations contractuelles ( Cass 3ème Civ 14 janvier 2021 n°20-11.224).

'

Aux termes du compromis, M. [M] projetait de financer l'acquisition au moyen d'un prêt dont les modalités étaient définies comme suit :

'

'' Organisme prêteur : Banque Populaire de l'Ouest ou BNP PARIBAS

'' Montant' maximum' de la somme empruntée : 464.900,00 €

'' Durée maximale de remboursement : 20 ans

'' Taux nominal d'intérêt maximum : 1,50% l'an (hors assurances).

'

Le montant de la somme à emprunter était un maximum. M. [M] pouvait parfaitement solliciter un ou des prêts d'un montant inférieur à 464.900€, s'il décidait par exemple de revoir à la baisse, en fonction des devis qu'il obtiendrait et/ou de l'accord de sa banque pour les financer, le montant des travaux à inclure dans son prêt.

'

Les' 5' et'30' janvier' 2018,' soit' dans' les' délais' qui' lui' étaient' impartis' pour' le' faire, M. [M] a demandé auprès de la BNP Paribas deux prêts :

- un prêt d'un montant 398.139,80€'

- un prêt d'un montant de 409.989€.

'

Ces deux prêts permettaient de couvrir le prix d'achat du bien (340.000€), la provision pour frais d'acte (24.900€), et une somme de 40.000€ au titre des travaux.'

'

M. [M]' justifie' donc' s'être' conformé' aux' termes' de' son compromis, quant au montant du prêt sollicité, lequel lui permettait de couvrir le prix d'achat du bien.'

'

De plus, la demande de prêt d'un montant inférieur au maximum empruntable ne pouvait que faciliter l'accord de la banque.

'

Aucune faute ne peut donc être retenue de ce chef.

'

c.'''''' Sur les diligences relatives à l'assurance

'

Il ressort des pièces produites que la banque, qui avait donné un accord de principe, subordonnait l'émission de l'offre définitive de prêt à l'obtention d'une couverture d'assurance.

'

M. [E] fait grief à M. [M] d'avoir tardé à réaliser les examens médicaux.

'

M. [M] justifie avoir demandé l'adhésion à l'assurance emprunteur de BNP PARIBAS le 30 janvier 2018.

'

Il a effectué une première analyse de sang le 9 février 2018 dont les résultats n'étaient pas bons. Il a effectué une seconde analyse le 26 février 2018 avec de meilleurs résultats.

'

Dans un courriel daté du 14 mars 2018 adressé au notaire, le conseiller financier en charge du dossier de prêt de M. [M] indique': «'nous sommes prêts à éditer les offres de prêt dès que nous aurons l'accord définitif de l'assurance, compte tenu du montant, M. [M] est soumis à toute une batterie d'examens médicaux dont des examens cardiaques, malheureusement la pénurie de cardiologue ne nous aide pas pour les délais''».

'

L'assureur a accepté la demande d'adhésion le 16 mars 2018 et la BNP a édité une offre de prêt le 23 mars 2018.

'

Il s'évince de cette chronologie et des pièces produites que M. [M] a fait preuve de diligence et que le retard pris dans le dossier de prêt est dû à une raison indépendante de sa volonté, liée aux vérifications que l'assureur voulait faire quant à son état de santé.

'

Contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, il ne peut donc être considéré que la non réalisation de la condition suspensive est imputable à M. [M].

'

2°/ Sur le sort du dépôt de garantie et l'application de la clause pénale

a.'''''' Sur la restitution du dépôt de garantie à M. [M]

Aux termes du compromis de vente, un dépôt de garantie' devait' être' remis' à' Me' [N],' dans' les' conditions suivantes :

'

« L'acquéreur déposera au moyen d'un virement bancaire et au plus tard le 3 janvier 2018, et ce à titre de dépôt de garantie entre les mains de Maître [K] [N], notaire à [Localité 7], qui est constitué séquestre dans les termes des articles 1956 et suivants du Code civil, une somme de dix-sept mille € (17.000,00 EUR).

(')'

'

En cas de non réalisation des présentes par la faute de l'acquéreur, et conformément aux dispositions de l'article 1960 du Code civil, le séquestre ne pourra remettre les fonds au vendeur que du consentement de toutes les parties ou en exécution d'une décision judiciaire devenue définitive.

'

En cas de non réalisation des présentes hors la faute de l'acquéreur, le vendeur donne dès maintenant pouvoir au séquestre de remettre les fonds à l'acquéreur.'»

'

Dans le paragraphe relatif à la réalisation de la condition suspensive en page 5 du compromis il est précisé que «'l'acquéreur ne pourra recouvrer le dépôt de garantie qu'il aura, le cas échéant versé qu'après justification qu'il a accompli les démarches nécessaires pour l'obtention du prêt, et que la condition n'est pas défaillie de son fait'; à défaut, le dépôt de garantie restera acquis au vendeur.'»

'

En l'espèce, la cour a considéré que les démarches avaient été faites avec diligences par l'emprunteur et que la non réalisation de la condition suspensive résultant de la non obtention d'une offre de prêt dans les délais contractuels, n'est pas imputable à la faute de l'acquéreur.

En vertu de l'article 1103 du code civil et des dispositions contractuelles ci-dessus rappelées, M. [E] ne peut donc prétendre à la conservation de la somme de 10.000 € versée entre les mains du notaire, par M. [M], au titre du dépôt de garantie.

Il convient dès lors d'ordonner au notaire, pris en sa qualité de séquestre, de restituer à M. [M] la somme de 10.000 € sur seule présentation de l'arrêt.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné M. [M] à payer à M. [E] la somme de 17.000 € en deniers ou quittances.

b.'''''' Sur le rejet de la demande de M. [E] au titre de la clause pénale

Les parties avaient également stipulé une clause pénale dans les termes suivants': « Au cas où, toutes les conditions relatives à l'exécution des présentes étant remplies, l'une des parties ne régulariserait pas l'acte authentique et ne satisferait pas ainsi aux obligations alors exigibles, elle devra verser à l'autre partie la somme de trente- quatre mille € (34.000 EUR) à titre de dommages et intérêts, conformément aux dispositions de l'article 1231-5 du Code civil. »

'

Il en résulte que la clause pénale n'est due que dans le cas où, bien que les conditions suspensives soient réalisées, l'une des parties refuse de réitérer la vente par acte authentique.

'

Tel n'est pas le cas en l'espèce puisque M. [M] n'a pas obtenu son prêt dans les délais requis. La cour a considéré que les conditions de l'article 1303-4 n'étaient pas remplies de sorte que la condition suspensive ne peut être réputée accomplie.

'

Par conséquent, aucune clause pénale n'est donc due. M. [E] ne peut qu'être débouté de sa demande.

'

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné M. [M] à payer à M. [E] la somme de 34.000 € à titre de dommages-et-intérêts par application de la clause pénale.

3°/ Sur la demande de dommages et intérêts formée par M. [E] au titre du préjudice moral

M. [E] expose avoir été invectivé par M. [M] après le prononcé du jugement du 16 juin 2020, au moyen de messages téléphoniques ( SMS). Il sollicite la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts.

Sa demande ne peut qu'être fondée sur l'article 1240 du code civil, selon lequel tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Au soutien de sa prétention, M. [E] produit un courriel daté du 22 juin 2020 comportant en objet': «'jugement'» dans lequel M. [M] écrit seulement «'Honte à vous'» ainsi que la copie d'écran de deux SMS adressés le même jour. Le premier message répétait': «'Honte à vous'». Le 'second message mentionnait':' «'je suis père de 4 enfants. J'ai voulu acheter votre maison pour eux. J'ai obtenu le prêt avec un mois de retard malgré un délai très court en pleine vacances de noël et d'hiver. Vous avez voulu profiter de la situation et c'est vous qui avez stoppé le processus de vente. Et maintenant, je dois payer 20% du prix de la maison'!!'' C'est immoral et injuste.'»

M. [M], qui a fait appel du jugement, aurait effectivement pu s'abstenir d'une telle démarche. Cependant, les propos tenus ne sont ni insultants ni calomnieux. De plus, il s'agit de trois messages manifestement rédigés sous le coup de la colère, adressés dans un même trait de temps, ce qui ne permet pas de retenir l'existence d'un harcèlement, lequel n'est d'ailleurs pas allégué.

De fait, M. [E] invoque un préjudice moral dont il ne justifie nullement.

Dès lors que les conditions de la responsabilité civile délictuelle n'étant pas réunies, M. [E] ne pourra qu'être débouté de cette demande présentée devant la cour.

3°/ Sur la demande de dommages et intérêts formée par M. [M]

M. [M] fait valoir que le compromis n'envisageait pas qu'à défaut de justification par l'acheteur de la défaillance de la condition suspensive d'obtention du prêt, cette dernière devait être réputée accomplie pour permettre au vendeur de conserver le séquestre et réclamer la clause pénale. Considérant que M. [E] a fait preuve de mauvaise foi en détournant le sens d'une clause contractuelle pour lui faire produire un effet non envisagé au compromis et obtenir des indemnités disproportionnées, M. [M] réclame 5.000 € de dommages et intérêts.

Toutefois, comme précédemment indiqué, si le manquement de M. [M] à son obligation contractuelle d'informer «'sans retard'» le vendeur de l'obtention ou de la non obtention de son prêt n'est pas la cause de la non réalisation de la condition suspensive, ce défaut d'information qui est amplement établi par les pièces du dossier (notamment les échanges de mails et de SMS entre les parties, le notaire et la banque ) rendait légitime le refus du vendeur de proroger les effets de la promesse synallagmatique de vente ainsi que 'sa décision 'de mettre en 'uvre la caducité de l'avant contrat.

Par ailleurs, le compromis de vente' faisait obligation à l'acquéreur de déposer entre les 'mains du notaire, au plus tard le 3 janvier 2018, la somme de 17.000 € au titre du dépôt de garantie. Il était stipulé qu'en cas de non versement de cette somme à la date convenue, le compromis pouvait être considéré comme caduc et non avenu si bon semble au vendeur.

Or, il n'est pas contesté que M. [M] n'a jamais exécuté cette obligation puisque dans un courriel du 14 mars 2018, le notaire confirmait à M. [E] n'avoir toujours pas perçu le versement du complément du dépôt de garantie. '

Le même jour, M. [E] a adressé un courrier au notaire en récapitulant les retards pris dans le dossier, les relances restées sans réponse adressées à M. [M] ainsi que sa défaillance dans le versement du dépôt de garantie, en indiquant que pour ces motifs, il entendait se prévaloir de la caducité du compromis.

M. [E] a donc mis en 'uvre la caducité du compromis le 14 mars 2018, étant précisé que la signature de l'acte authentique était fixée au 28 février 2018 avec prorogation possible sans que celle-ci puisse excéder le 15 mars 2018.

Il ne peut donc être soutenu que M. [E] s'est précipité de mauvaise foi pour se délier de la promesse de vente. M. [M] n'ayant pas lui-même respecté l'intégralité de ses obligations contractuelles, est particulièrement mal fondé à rechercher la responsabilité du vendeur.

Au surplus, l'action en justice tendant à faire reconnaitre la responsabilité de l'acquéreur dans la non réalisation de la condition suspensive ( par ailleurs admise en première instance) et la succombance à cette action en appel, ne sauraient caractériser la mauvaise foi du vendeur.

La faute du vendeur n'est pas démontrée, de sorte que la demande indemnitaire de M. [M] ne peut qu'être rejetée, le jugement étant confirmé de ce chef.

4°/ Sur les demandes accessoires

Les dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles seront infirmées.

M. [E] qui succombe en appel sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.

En équité, la cour décide que chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles. Les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront par conséquent rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

-Confirme le jugement rendu le 16 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Sint-Brieuc, seulement en ce qu'il a débouté M. [P] [M] de sa demande de dommages-et-intérêts';

-Infirme le jugement déféré pour le surplus de ses dispositions'et statuant à nouveau':

-Ordonne la restitution de la somme de 10.000 € séquestrée chez Me [N], notaire à [Localité 7], sur simple présentation de l'arrêt';

-Déboute M. [D] [E] de sa demande au titre de la clause pénale';

Y ajoutant':

-Déboute M. [D] [E] de sa demande de dommages-et-intérêts';

-Déboute M. [D] [E] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';

- Déboute M. [P] [M] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';

-Condamne M. [D] [E] aux dépens de première instance et d'appel.

'

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE'

'


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20/03186
Date de la décision : 22/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-22;20.03186 ?
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