2ème Chambre
ARRÊT N°561
N° RG 19/04862
N° Portalis DBVL-V-B7D-P6O4
(3)
M. [V] [E]
C/
SAS SOCOBATI
SARL LE CORMORAN BOIS
Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me GAUVAIN
- Me BARBIER
- Me GAUTIER
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 18 NOVEMBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,
Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Ludivine MARTIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 05 Juillet 2022
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 18 Novembre 2022, après prorogations, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [V] [E]
né le 06 Février 1978 à [Localité 7]
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représenté par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, postulant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me David LE BLANC de la SELARL KOVALEX, plaidant, avocat au barreau de SAINT BRIEUC
INTIMÉES :
SAS SOCOBATI
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 1]
Représentée par Me Franck BARBIER de la SELARL FRANCK BARBIER AVOCAT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
SARL LE CORMORAN BOIS
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Sandrine GAUTIER de la SCP ELGHOZI-GEANTY-GAUTIER-PENNEC, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC
EXPOSE DU LITIGE
Le 12 février 2010, M. [V] [E], propriétaire exploitant d'une entreprise de travaux agricoles, a passé commande auprès de la société Socobati-Calipro d'un ensemble de matériaux en bois pour monter une clôture équestre pour la somme de 6 290,59 euros.
La société Socobati-Calipro a acquis le bois nécessaire à la réalisation de cette clôture auprès de la société Le Cormoran bois, son fournisseur.
Le bois a été livré à M. [V] [E] le 2 mars 2010 et ce dernier a procédé lui-même à l'installation de la clôture en avril 2010.
En avril 2014, M. [E] s'est plaint auprès de la société Socobati de ce que certains éléments de la clôture présentaient des signes d'un vieillissement précoce et d'un pourrissement anormal. La société Socobati et la société Le Cormoran Bois sont venues sur place à deux reprises. En 2015, M. [E], constatant une aggravation des dégradations constatées, a déclaré son sinistre auprès de son assureur qui a mandaté M. [S] en vue d'une expertise amiable. Cet expert a rendu son rapport le 9 mars 2016.
Par courrier du 24 octobre 2016, M. [E] a mis en demeure la société Socobati-Calipro de régler la somme de 25 585,20 euros HT, en vain. La société Le Cormoran bois a été prévenue de cette mise en demeure par un courrier du même jour.
Par acte d'huissier en date des 20 et 22 juin 2017, M. [V] [E] a fait assigner les sociétés Calipro-Socobati et Le Cormoran bois devant le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc aux fins de condamnation en paiement.
Par jugement du 19 mars 2019, le tribunal a :
- déclaré prescrite l'action de M. [V] [E] à l'encontre de la société Socobati-Calipro et de la société Le Cormoran bois,
- rejeté toute autre demande plus ample ou contraire,
- condamné M. [V] [E] à payer à la société Le Cormoran bois et la société Socobati-Calipro la somme de 1 500 euros à chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [V] [E] aux dépens,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Par déclaration en date du 18 juillet 2019, M. [V] [E] a relevé appel de ce jugement. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 5 mars 2020, il demande à la cour de :
- déclarer M. [E] recevable et fondé en son appel du jugement du 19 mars 2019,
- déclarer mal fondée la société Le Cormoran bois dans sa demande d'appel incident,
Y faisant droit,
- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
En conséquence,
- déclarer responsables la société Calipro-Socobati et la société Le Cormoran bois des préjudices subis par M. [E],
- condamner la société Calipro-Socobati et la société Le Cormoran bois à verser à M. [E] la somme de 4 000 euros en réparation du préjudice de jouissance subis,
- rejeter l'ensemble des demandes de la société Calipro-Socobati,
- rejeter l'ensemble des demandes de la société Le Cormoran bois,
- condamner la société Calipro-Socobati et la société Le Cormoran bois à verser à M. [E] la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Calipro-Socobati et la société Le Cormoran bois aux entiers dépens.
Au vu de ses dernières conclusions signifiées le 4 mai 2020, la société Socobati demande à la cour de :
À titre principal,
- débouter M. [V] [E] de son appel et de toutes ses demandes, fins et conclusions en tant qu'elles sont dirigées contre la société Socobati,
- confirmer le jugement déféré,
Y additant,
- condamner M. [V] [E] à verser à la société Socobati une somme de 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [V] [E] aux dépens,
À titre subsidiaire, pour le cas où il serait fait droit en tout ou partie aux demandes formées par M. [V] [E] contre la société Socobati,
- condamner la société Le Cormoran bois à relever et garantir la société Socobati de toutes les condamnations prononcées à son encontre,
- condamner M. [V] [E] et la société Le Cormoran bois ou l'un à défaut de l'autre, à verser à la société Socobati une somme de 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [V] [E] et la société Le Cormoran bois, ou l'un à défaut de l'autre, aux dépens.
Selon ses dernières conclusions notifiées le 12 décembre 2019, la société Le Cormoran Bois demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré prescrite l'action de M. [E] et condamné celui-ci à indemniser la SARL Le Cormoran bois de ses frais irrépétibles,
- débouter M. [E] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'égard de la SARL Le Cormoran bois,
Si par extraordinaire la cour infirmait le jugement et retenait une part de responsabilité de la SARL Le Cormoran bois
- ramener les demandes de M. [E] à de plus justes proportions concernant le remplacement de la clôture,
- débouter M. [E] de ses demandes au titre du préjudice de jouissance,
- condamner M. [E] à régler à la SARL Le Cormoran bois la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner le même aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision ainsi qu'aux dernières conclusions déposées par les parties, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 12 mai 2022.
EXPOSE DES MOTIFS :
Sur la responsabilité des sociétés Socobati et Le Cormoran Bois :
sur la responsabilité contractuelle de la société Socobati :
Contestant la conformité de la chose livrée par rapport aux spécifications convenues entre les parties, M. [E] a assigné en responsabilité la société Socobati sur le fondement des articles 1134 et 1147 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 et la société Le Cormoran Bois sur le fondement des articles 1382 et suivants du code civil dans cette même rédaction. Il fait grief au premier juge d'avoir considéré que son action relevait en fait de la garantie des vices cachés au motif que le manquement fautif de la société Socobati tenait au défaut intrinsèque présenté par le produit et que ce défaut était antérieur à la vente et caché. Rétablissant ce qu'il estimait l'exacte qualification des faits et actes litigieux, le tribunal, a jugé l'action de M. [E] prescrite en application aux dispositions de l'article 1648 du code civil.
M. [E] fait valoir, au soutien de son appel, qu'il a commandé des éléments de clôture destinés à un usage extérieur de manière prolongée ainsi que le démontrent les références des pièces de bois commandées correspondant à un bois avec traitement par autoclave classé 4 et que le produit livré n'est pas celui qu'il a commandé. Il souligne que le rapport d'expertise amiable mettait en cause l'inefficacité du procédé de traitement des bois. Il expose que depuis le jugement déféré, et alors que sa demande d'expertise judiciaire avait été rejetée, il a sollicité l'avis de Mme [I], expert près la cour d'appel de Rennes en sylviculture, menuiserie et filière bois et plasturgie, qui a procédé à un diagnostic de la clôture et de la pathologie du bois utilisé et conclu d'une part que le bois livré présentait des défauts de croissance lui donnant une qualité inférieure et d'autre part, que le traitement du bois n'avait pas été correctement effectué.
La société Socobati soutient que M. [E] n'a jamais spécifié dans sa commande la fourniture de matériaux en bois traité de classe 4. Elle en veut pour preuve que la mention d'un traitement par autoclave de classe 4 apparaît uniquement sur le bon de livraison établi entre elle et la société Cormoran Bois. Elle considère donc que M. [E] ne démontre pas une non-conformité de la chose vendue à une caractéristique qui aurait été spécialement convenue entre lui et la société Socobati lors de la vente. Elle estime que le défaut allégué par M. [E] correspond à un vice caché au sens de l'article 1641 du code civil et qu'il ne dispose pas du pouvoir discrétionnaire de choisir le fondement de son action pour échapper à la prescription encourue dans le cas de la garantie des vices cachés.
Cependant, il est constant que M. [E] a passé commandé auprès de la société Socobati d'éléments de bois dans le but de réaliser une clôture équestre ainsi que cela ressort du bon de commande en date du 12 février 2010. S'il n'est pas spécifié sur ce bon de commande la classe de traitement souhaitée, il apparaît que les éléments commandés sont référencés et que ces références correspondent, ainsi que cela résulte du bon de livraison en date du 2 mars 2010 établi par la société Le Cormoran Bois, à des pieux, rondins et clôture traités classe 4. La facture présentée par cette société à la société Socobati Calipro énumère les éléments de bois facturés comme traités classe 4. En conséquence, il est établi que la commande passée par M. [E] porte sur des éléments de bois traités par autoclave classé 4.
Il n'est pas contesté que le traitement par autoclave classé 4 a pour finalité de préserver le bois, destiné à un usage en extérieur, en contact avec le sol et l'eau douce, d'une humidification prolongée. La société Socobati a indiqué à l'expert, M. [S], que le bois livré à M. [E] 'était vraisemblablement traité selon les usages réglementaires de la classe 4". L'expert a relevé que les bois de classe 4 dans le catalogue Calipro 2016 bénéficiaient d'une garantie fabricant de dix ans. Or, le bois livré par la société Socobati et utilisé pour l'édification d'une clôture équestre en extérieur par M. [E] s'est dégradé et pourri en seulement quatre ans.
M. [S] a constaté, le 2 mars 2016, la présence généralisée de pourriture cubique dans la masse du bois des éléments de clôture ce qui n'est pas contesté par la société Socobati ni la société Le Cormoran Bois. Il a conclu que la dégradation du bois était vraisemblablement due à l'inefficacité du traitement des bois. Les constatations effectuées, trois ans plus tard, par Mme [I], dont le rapport a pu être discuté par les parties, corroborent cette conclusion puisque cet expert se pose la question, après analyse au microscope du bois livré, de la performance du produit de préservation utilisé, sur les adjuvants et les conditions d'imprégnation du bois.
Il apparaît donc que si le bois acquis par la société Le Cormoran Bois auprès d'un producteur estonien a été traité, ce traitement n'a pas été fait correctement. Il s'en déduit que le bois livré à M. [E] ne présentait pas les caractéristiques spécifiées sur le bon de commande et convenues avec la société Socobati. En livrant un produit qui n'était pas conforme à ce qui avait été commandé, la société Socobati a manqué à son obligation de délivrance.
C'est donc à tort que le premier juge a considéré que l'action engagée relevait de la garantie des vices cachés alors qu'il s'agit d'un défaut de délivrance conforme. L'action de M. [E] est donc soumise à la prescription de droit commun. Il n'est pas contesté qu'elle n'est pas acquise en l'espèce.
Sur la responsabilité de la société Le Cormoran Bois :
M. [E] soutient, sur le fondement de l'article 1382 devenu l'article 1240 du code civil, que la société Le Cormoran Bois a directement commis une faute lui causant un dommage puisqu'elle a sélectionné des échantillons de bois de mauvaise qualité qu'elle savait pourtant destinés à un usage extérieur, compte tenu de la commande d'éléments de bois. En outre, elle n'a pas correctement effectué le traitement en classe d'emploi 4 qui était sensé garantir un usage prolongé du bois au contact du sol.
La société Le Cormoran Bois considère que M. [E] ne rapporte nullement la preuve que le matériel qu'elle a fourni à la société Socobati était affecté d'un vice quelconque susceptible d'engager sa responsabilité. Elle souligne qu'aucune analyse n'a été réalisée que ce soit en 2014 ou en 2106, pour vérifier si les poteaux avaient ou non subi un traitement de classe 4 comme prévu à la commande. Elle conteste la valeur probante du rapport de Mme [I], réalisé en dehors de tout contradictoire et à la demande de M. [E], neuf années après la pose du matériel et cinq années après les premiers désordres qu'il avait constatés. Elle fait valoir qu'en tout état de cause, les conclusions de Mme [I] sont approximatives sur l'origine des désordres tout comme celles de l'expert amiable. Elle rappelle que le bois a été livré en 2010 avec une garantie de 5 ans qui n'a pas été mobilisée lorsque les désordres ont été décelés. Enfin, soulignant que le montage de la clôture a été assuré par M. [E] lui même et qu'aucune précision n'a été apportée sur le mode de montage mis en oeuvre, notamment pour la partie enterrée des poteaux, elle estime qu'une absence de précaution lors de la pose pourrait être à l'origine des apports d'eau très importants envisagés par Mme [I] pour expliquer les désordres examinés sur les rondins. La société Le Cormoran Bois conclut donc que le lien de causalité entre une éventuelle faute de sa part et le préjudice allégué n'est pas du tout démontré.
Pour rapporter la preuve d'une faute du fournisseur et le lien de causalité avec la pourriture constatée sur la clôture, M. [E] s'appuie sur les conclusions de l'expert amiable mandaté par son assureur ainsi que sur les conclusions de Mme [I] qu'il a sollicité après le jugement rendu par le tribunal, alors que sa demande subsidiaire de désignation d'un expert était rejetée.
Ces deux rapports, produits aux débats, ont été discutés par les parties. Ce sont donc des éléments de preuve admissibles. Il sera en outre observé que tant la société Socobati que la société Le Cormoran Bois ont assisté aux opérations d'expertise menées par M. [S], chacun assistée par son propre expert. De surcroît, ces deux rapports se corroborent entre eux, les experts arrivant à la même conclusion sur l'origine des désordres constatés sur le bois.
En mars 2016, M. [S] avait en effet, considéré que le sinistre avait pour cause l'effet destructif de la pourriture cubique dans les bois vraisemblablement due à l'inefficacité du procédé de traitement des bois. Il avait conclu notamment que, du fait de la destruction du bois par un champignon lignivore aboutissant à la perte totale des propriétés mécaniques de la clôture, celle-ci était impropre à son usage normal à savoir une enclave en extérieur pour les bêtes.
En juillet 2019, Mme [I] a constaté que la clôture équestre édifiée par M. [E] avec le bois fourni par la société Le Cormoran Bois à la société Socobati, avait connu plusieurs attaques hétérogènes, causant une altération ancienne, bien avancée et continue dans le temps. Elle a estimé que les désordres étaient dus à des apports d'eau très importants sur un bois de densité très faible, mal ou insuffisamment traité. Elle a en effet constaté par analyse microscopique, un défaut d'imprégnation des échantillons qu'elle avait prélevés et considéré que l'ensemble de ses constats lui permettait de mettre en doute le procédé d'imprégnation et surtout la quantité requise du produit de préservation, ajoutant qu'un contrôle de rétention du produit de préservation devait être réalisé pour vérifier la qualité du traitement réalisé.
Mme [I] arrive donc à la même conclusion que l'expert amiable trois ans plus tôt, à savoir que le traitement par autoclave de classe 4 a été insuffisamment effectué et n'a pas suffisamment imprégné le bois pour le protéger des apports d'eau qu'il a subis en extérieur, enterré en partie dans le sol. Elle ajoute que la faible densité du bois fourni a été un facteur aggravant du pourrissement du bois et des attaques d'insectes.
Aucun des experts n'a envisagé que la pose de la clôture et la façon dont elle a été édifiée par M. [E] aient pu jouer un rôle dans la dégradation de la clôture et expliquer les attaques subies par le bois, à savoir la pourriture molle et les attaques de vrillettes.
Pour les deux experts, l'insuffisance du traitement du bois est à l'origine des désordres constatés sur la clôture la rendant, de ce fait, impropre à sa destination d'enclave extérieure pour animaux. La faute de la société Le Cormoran Le Bois est donc caractérisée. Le préjudice subi par M. [E] est donc bien la conséquence de l'insuffisance du traitement par autoclave de classe 4, aggravé par la faible densité du bois.
Sur la réparation du préjudice :
M. [E] sollicite pour l'indemnisation de son préjudice la somme 28 302,24 euros selon un devis qu'il a fait établir le 26 juillet 2016 pour l'installation d'une nouvelle clôture.
Il convient de rappeler que M. [S] a estimé, à dire d'expert, à la somme de 22 500 euros la remise en état de la clôture, pour la dépose, la repose et la fourniture du bois.
Trois ans plus tard Mme [I] a considéré qu'aucun maintien, ni remplacement et/ou traitement des bois n'était possible au moment où elle a examiné la clôture.
M. [E] subit donc un préjudice matériel. La société Le Cormoran Bois fait cependant remarquer, à juste titre, que le devis de remise en état des lieux produit par M. [E] porte sur du bois de chêne et de châtaignier, de qualité supérieure et plus onéreux que le bois de pin qu'elle a fourni. La réparation du préjudice doit aboutir à une remise en état de la clôture à l'identique et non à une amélioration de celle-ci. Par contre, c'est à tort, que sous prétexte que M. [E] s'est chargé de la pose de la première clôture, la société Le Cormoran Bois fait valoir que la prise en charge de cette prestation ne doit pas être indemnisée alors que par sa faute, elle rend nécessaire la dépose de l'ancienne installation et la pose d'une nouvelle clôture. Le coût de ces prestations ne saurait rester à la charge de M. [E]. En conséquence, il sera alloué la somme de 22 500 euros comprenant la dépose et repose de la clôture, au titre du préjudice matériel.
Par ailleurs, M. [E] sollicite la somme de 4 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance, soulignant qu'il ne peut plus utiliser les parcelles clôturées en toute sécurité. Mme [I] a effectivement indiqué que la clôture présentait un danger réel pour les animaux et les usagers de la route à proximité et qu'à cela se rajoutait le danger de prolifération de la mérule dans les habitations et constructions aux alentours de la clôture. Les photographies prises par les experts attestent des dommages causés et de l'impossibilité d'utiliser la clôture. Il sera fait droit à la demande qui est justifiée, compte tenu de l'ancienneté des désordres.
Le jugement déféré sera donc infirmé en toutes ses dispositions et les sociétés Socobati et le Cormoran Bois condamnées in solidum à payer à M. [E] les sommes de 22 500 euros au titre de son préjudice matériel et de 4 000 euros au titre de son préjudice de jouissance.
Sur la demande en garantie de la société Socobati :
L'inexécution contractuelle de la société Socobati étant due à la faute de la société Le Cormoran Bois, il convient de faire droit à sa demande tendant à être garantie de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre par celle-ci.
Sur les demandes accessoires :
La société Socobati et la société Le Cormoran Bois supporteront in solidum la charge des entiers dépens de première instance et d'appel.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [E] les frais irrépétibles qu'il a exposés à l'occasion de l'instance en appel. Aussi, la société Socobati et la société Le Cormoran Bois seront condamnées à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc le 19 mars 2019,
Statuant à nouveau :
Condamne in solidum la société Socobati Calipro et la société Le Cormoran Bois à payer à M. [V] [E] les sommes suivantes :
- 22 500 euros en réparation de son préjudice matériel,
- 4 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance,
Condamne in solidum la société Socobati Calipro et la société Le Cormoran Bois à payer à M. [V] [E] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Le Cormoran Bois à relever et garantir la société Socobati Calipro de toutes les condamnations prononcées à son encontre,
Condamne in solidum la société Socobati Calipro et la société Le Cormoran Bois aux entiers dépens de première instance et d'appel,
Rejette toute demande plus ample ou contraire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT