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18/11/2022 | FRANCE | N°19/04626

France | France, Cour d'appel de Rennes, 2ème chambre, 18 novembre 2022, 19/04626


2ème Chambre





ARRÊT N°557



N° RG 19/04626

N° Portalis DBVL-V-B7D-P5SA





(1)







SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE



C/



M. [P] [L]

Mme [N] [S] épouse [L]

SELAS ALLIANCE



















Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée















Copie exécutoire délivrée



le :

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à :

- Me LECLERCQ

- Me DEGIOVANNI





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 18 NOVEMBRE 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur David JOBARD, ...

2ème Chambre

ARRÊT N°557

N° RG 19/04626

N° Portalis DBVL-V-B7D-P5SA

(1)

SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

C/

M. [P] [L]

Mme [N] [S] épouse [L]

SELAS ALLIANCE

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me LECLERCQ

- Me DEGIOVANNI

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 18 NOVEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Ludivine MARTIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 27 Septembre 2022

ARRÊT :

Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 18 Novembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Erwan LECLERCQ de la SCP LECLERCQ & CASTRES, postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Stéphanie BORDIEC de la SAS MAXWELL MAILLET BORDIEC, plaidant, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

Monsieur [P] [L]

né le 19 Août 1956 à [Localité 7] (56)

[Adresse 1]

[Localité 4]

Madame [N] [S] épouse [L]

née le 23 Mars 1961 à [Localité 8] (56)

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentés par Me Arnaud DEGIOVANNI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VANNES

SELAS ALLIANCE es qualité de mandataire liquidateur de la SAS IC GROUPE

[Adresse 3]

[Localité 6]

Assigné par acte d'huissier en date du 24/10/2019, délivré à personne, n'ayant pas constitué

EXPOSÉ DU LITIGE

À la suite d'un démarchage à domicile, M. [P] [L] et Mme [N] [S], son épouse, (les époux [L]) ont, selon bon de commande du 24 janvier 2017, commandé à la société Immo Confort devenue société IC Groupe (la société ICG), la fourniture et l'installation de 12 panneaux photovoltaïques moyennant le prix de 14 500 euros TTC, ainsi que d'un ballon thermodynamique moyennant le prix de 7 000 euros TTC.

En vue de financer cette opération, la société BNP Paribas Personal Finance, exerçant sous l'enseigne Cetelem, (la BNP PPF) a, selon offre acceptée le même jour, consenti aux époux [L] un prêt de 21 500 euros au taux de 4,70 % l'an, remboursable en une mensualité de 270,29 euros, puis 119 mensualités de 256,45 euros, hors assurance emprunteur, après un différé de remboursement de 11 mois.

Les fonds ont été versés à la société ICG au vu d'un procès-verbal de réception des travaux et d'une demande de financement du 9 février 2017.

Sur requête de la société ICG, le juge d'instance de Vannes a, par ordonnance du 11 janvier 2018, ordonné aux époux [L] de laisser exécuter par les sociétés ICG et Enedis les travaux nécessaires au raccordement de leur installation photovoltaïque, dans le délai de trois mois suivant la signification de l'ordonnance, et dit qu'à défaut d'exécution de l'ordonnance dans le délai imparti, l'affaire sera appelée à l'audience du 19 avril 2018.

Cependant, prétendant que le bon de commande était irrégulier et que le fournisseur avait manqué à son obligation de délivrance conforme, les époux [L] ont, par actes du 4 mai 2018, fait assigner la société ICG et la BNP PPF devant le tribunal d'instance de Vannes, aux fins, avant dire droit, de suspension de l'exécution du contrat de crédit, et d'annulation, ou à défaut de résolution, des contrats de vente et de prêt.

Après jonction des procédures, le premier juge a, par un premier jugement du 13 septembre 2018, ordonné la suspension de l'exécution du contrat de crédit.

Puis, après que le tribunal de commerce de Nanterre eut, par jugement du 13 décembre 2018, prononcé la liquidation judiciaire de la société ICG, les époux [L] ont, par acte du 15 février 2019, appelé à la cause la SELAS Alliance, ès qualités de liquidateur de la société ICG.

Après quoi le premier juge a, par un second jugement du 9 mai 2019 :

prononcé l'annulation de la convention passée entre la société ICG et les époux [L],

débouté les époux [L] de leur demande de dépose et reprise des installations,

fixé à la somme de 29 000 euros les créances des époux [L] et dit qu'elles seront inscrites au passif de la société ICG, y compris les frais irrépétibles,

constaté que le contrat de prêt conclu entre les époux [L] et la BNP PPF est annulé de plein droit,

débouté la BNP PPF de sa demande de restitution du capital prêté formée contre les époux [L],

condamné la BNP PPF à rembourser aux époux [L] les échéances payées en vertu du contrat de crédit qui la liait à Mme [L], outre les intérêts au taux légal à compter du jugement,

condamné la BNP PPF à payer aux époux [L] une indemnité de 3 500 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile,

débouté les époux [L] de leurs demandes de dommages-intérêts supplémentaires,

débouté la BNP PPF de sa demande de garantie formée contre la société ICG,

ordonné l'exécution provisoire,

condamné in solidum la société ICG et la BNP PPF aux dépens.

La BNP PPF a relevé appel de ce jugement le 10 juillet 2019, pour demander à la cour de :

débouter les époux [L] de leurs nouvelles demandes, formées par voies de conclusions notifiées en date du 19 avril 2021, comme étant irrecevables conformément aux dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile,

statuer ce que de droit sur la nullité du contrat de vente,

dans l'hypothèse où la cour confirmerait le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de vente et celle corrélative du contrat de crédit affecté, infirmer le jugement déféré en toutes ses autres dispositions,

débouter les époux [L] du surplus de leurs demandes, comme étant infondées, et, en tout état de cause, manifestement disproportionnées et excessives,

ordonner la remise des choses en l'état,

condamner les époux [L] à lui restituer le montant du financement, soit la somme de 21 500 euros, sous déduction des échéances réglées,

subsidiairement, si la cour confirmait le jugement déféré en ce qu'il a dit que la BNP PPF n'était pas fondée à réclamer, entre les mains des époux [L], la restitution du capital emprunté, ordonner la fixation, au passif de la liquidation judiciaire de la société ICG, de la créance de la BP PPF pour un montant de 21 500 euros à titre chirographaire, au titre de la restitution du capital prêté,

en tout état de cause, condamner tout succombant à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Les époux [L] demandent quant à eux à la cour de :

à titre principal, confirmer le jugement attaqué, sauf en ce qu'il les a déboutés de leur demande de dommages-intérêts supplémentaires,

condamner la BNP PPF au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi,

fixer leurs créances au passif de la liquidation judiciaire de la société ICG pour les sommes suivantes :

30 787,84 euros au titre de la garantie afférente au remboursement des sommes éventuelles dues à la BNP PPF du fait de l'annulation ou de la résolution du contrat de crédit affecté conclu le 24 janvier 2017 entre la société ICG et les époux [L],

5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi,

3 000 euros a titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'engagement d'une procédure abusive par la société ICG,

5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés pour la procédure en cause d'appel,

500 euros au titre des entiers dépens exposés pour la procédure en cause d'appel,

à titre subsidiaire, dire que les fautes commises par la BNP PPF ont entraîné différents préjudices pour les époux [L],

en conséquence, condamner la BNP PPF au paiement de la somme de 21 500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis,

dire que la BNP PPF ne pourra faire valoir aucune créance de restitution des fonds prêtés auprès des époux [L] en raison de l'annulation ou de la résolution du contrat de crédit affecté,

en tout état de cause, dire que les fautes commises par la BNP PPF ont entraîné un préjudice de perte de chance de ne pas contracter de la part des époux [L],

en conséquence, condamner la BNP PPF au paiement de la somme de 17 200 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice de perte de chance de ne pas contracter,

dire que la BNP PPF ne pourra donc faire valoir une créance de restitution des fonds prêtés auprès des époux [L] qu'à hauteur de la somme de 4 300 euros,

ordonner une compensation entre les sommes dues par les époux [L] à la BNP PPF et celles dues par cette dernière aux époux [L],

condamner la SELAS Alliance, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société ICG, à les garantir du remboursement des sommes éventuelles dues à la BNP PPF du fait de l'annulation ou de la résolution du contrat de crédit affecté entre la société ICG et les époux [L],

condamner la BNP PPF au paiement de la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, ainsi qu'aux dépens d'appel.

La SELAS Alliance, ès qualités de liquidateur de la société ICG, à laquelle la BNP PPF et les époux [L] ont signifié leurs conclusions les 22 juillet 2021 et 21 juin 2022, n'a pas constitué avocat devant la cour.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour la BNP PPF le 16 juillet 2021et pour les époux [L] le 13 juin 2022, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 23 juin 2022.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Sur la nullité du contrat principal

Aux termes des articles L 121-18-1 et L. 121-17 devenus L. 221-9, L 221-5, L. 111-1, R. 111-1 et R. 111-2 du code de la consommation, les ventes et fournitures de services conclues à l'occasion d'une commercialisation hors établissement doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire est remis au client et notamment comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes :

le nom du professionnel, ou la dénomination sociale et la forme juridique de l'entreprise, l'adresse géographique de son établissement et, si elle est différente, celle du siège social, son numéro de téléphone et son adresse électronique,

le cas échéant, son numéro d'inscription au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers,

les informations relatives à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte,

son éventuelle garantie financière ou assurance de responsabilité professionnelle souscrite par lui, ainsi que les coordonnées de l'assureur ou du garant,

les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du bien ou service concerné,

le prix du bien ou du service,

les modalités de paiement,

en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service,

les modalités prévues par le professionnel pour le traitement des réclamations,

s'il y a lieu, les informations relatives à la garantie légale de conformité, à la garantie des vices cachés de la chose vendue ainsi que, le cas échéant, à la garantie commerciale et au service après-vente,

la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation,

lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit, ainsi que le formulaire type de rétractation,

le numéro d'inscription du professionnel au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers,

s'il est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et identifié par un numéro individuel en application de l'article 286 ter du code général des impôts, son numéro individuel d'identification,

l'éventuelle garantie financière ou assurance de responsabilité professionnelle souscrite par lui, les coordonnées de l'assureur ou du garant ainsi que la couverture géographique du contrat ou de l'engagement.

En l'occurrence, les époux [L] se plaignent à tort de ce que le bon de commande ne mentionne pas le prix de détail de chacun des éléments fournis, le texte précité n'imposant au contraire, à peine de nullité, que la seule mention du prix global.

Par ailleurs, le bon de commande comporte bien la désignation des carastériques techniques de l'installation, la marque, le nombre et la puissance des panneaux fournis, de même que la contenance du ballon thermodynamique.

En revanche, il ressort de l'examen du bon de commande que les informations relatives aux conditions et modalités du droit de rétractation n'ont pas été régulièrement délivrées.

En effet, les conditions générales du contrat ne reproduisent pas les dispositions du code de la consommation applicables à la cause relativement aux modalités d'exercice du droit de rétractation, mais les dispositions des anciens articles L. 121-23 à L. 121-26 du code de la consommation abrogées au moment de la conclusion du contrat, et rien ne démontre que la notice d'information prévue par l'annexe au nouvel article R. 221-3 du code de la consommation ait été remise aux acquéreurs.

D'autre part, le bordereau de rétractation vise également les mêmes dispositions légales abrogées au moment de la conclusion du contrat.

Il s'ensuit que les époux [L] n'ont pas reçu les informations sur les modalités d'exercice du droit de rétractation applicables au jour de la conclusion du contrat.

Ainsi, sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dol allégué ni sur la demande de résolution pour manquement à l'obligation de délivrance, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de vente conclu entre les époux [L] et la société ICG.

Sur la nullité du contrat de prêt

Aux termes des dispositions de l'article L. 311-32 devenu L. 312-55 du code de la consommation, le contrat de crédit affecté est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.

Il n'est pas contesté que le crédit consenti par la BNP PPF est un crédit accessoire à une vente ou à une prestation de services.

En raison de l'interdépendance des deux contrats, l'annulation du contrat principal conclu avec la société ICG emporte donc annulation de plein droit du contrat accessoire de crédit conclu avec la BNP PPF.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a constaté l'annulation de plein droit du contrat de prêt.

La nullité du prêt a pour conséquence de remettre les parties dans leur situation antérieure, de sorte qu'elle doit, sauf faute du prêteur, entraîner la restitution des prestations reçues de part et d'autre, c'est à dire du capital versé par le prêteur et des échéances réglées par les emprunteurs.

La BNP PPF demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de remboursement du capital prêté, en faisant valoir qu'aucun texte n'impose au prêteur de vérifier la régularité du bon de commande, et, d'autre part, qu'elle s'est dessaisie du capital prêté au vu d'un procès-verbal de réception des travaux et d'une demande de financement par laquelle les époux [L] l'ont déterminée à débloquer les fonds.

Les époux [L] demandent quant à eux à la cour de confirmer le jugement attaqué les ayant dispensés de rembourser le capital emprunté, en faisant valoir que le prêteur se serait fautivement dessaisi des fonds au vu d'un contrat de vente irrégulier et, d'autre part, sans s'assurer de l'exécution complète du contrat principal, au vu d'un procès-verbal de réception ne correspondant pas à ce qui avait été convenu lors de la conclusion du contrat du 24 janvier 2017.

Le prêteur, qui n'a pas à assister les emprunteurs lors de l'exécution du contrat principal, ni à vérifier le bon fonctionnement d'une installation exempte de vice ou la conformité du matériel livré aux stipulations contractuelles, ne commet pas de faute lorsqu'il libère les fonds au vu d'une attestation de livraison qui lui permet de s'assurer de l'exécution complète du contrat principal.

Or, en l'occurrence, le procès-verbal de réception des travaux signé par M. [L] le 9 février 2017 faisait ressortir sans ambiguïté que celui-ci, 'après avoir procédé à l'examen des travaux exécutés par l'entreprise Immo Confort', déclarait que la réception était prononcée sans réserve, et, par document intitulé 'appel de fonds', régularisé le même jour, demandait à la BNP PPF d'adresser le financement correspondant à cette opération au vendeur.

Cependant, il est aussi de principe que le prêteur commet une faute excluant le remboursement du capital emprunté lorsqu'il libère la totalité des fonds, alors qu'à la simple lecture du contrat de vente il aurait dû constater que sa validité était douteuse au regard des dispositions protectrices du code de la consommation relatives au démarchage à domicile.

Or, il a été précédemment relevé que le bon de commande conclu avec la société Immo Confort devenue ICG, par l'intermédiaire de laquelle la BNP PPF faisait présenter ses offres de crédit, comportait des irrégularités formelles apparentes qui auraient dû conduire le prêteur, professionnel des opérations de crédit affecté, à ne pas libérer les fonds entre les mains du fournisseur avant d'avoir à tout le moins vérifié auprès des époux [L] qu'ils entendaient confirmer l'acte irrégulier.

Le prêteur n'avait certes pas à assister les emprunteurs lors de la conclusion du contrat principal, mais il lui appartenait néanmoins de relever les anomalies apparentes du bon de commande, ce dont il résulte qu'en versant les fonds entre les mains du fournisseur, sans procéder à des vérifications complémentaires sur la régularité formelle de ce bon de commande, la BNP PPF a commis une faute susceptible de la priver du droit d'obtenir le remboursement du capital emprunté.

Pour s'opposer à cette dispense de remboursement du capital, la BNP PPF soutient néanmoins que les époux [L] seraient seuls responsables des préjudices qu'ils invoquent, pour avoir entravé la finalisation de l'installation, et qu'ils ne sauraient donc valablement lui imputer la responsabilité d'un prétendu inachèvement du raccordement.

Cependant, ainsi que l'a pertinemment analysé le premier juge, dans la mesure où les époux [L] pouvaient légitimement poursuivre l'annulation du contrat principal et qu'ils ont effectivement sollicité cette annulation dès le 24 mai 2017, ceux-ci étaient fondés à refuser le raccordement proposé, de sorte que ce refus légitime ne saurait les priver de leur demande de dispense de remboursement du capital emprunté.

Les époux [L] justifient par ailleurs de leur préjudice en produisant un constat d'huissier du 4 septembre 2020, dressé en présence d'un électricien et d'un couvreur et révélant que :

le système de panneaux solaires comporte des rives non couvertes par les ardoises de la toiture,

le traversement de l'ardoise de la toiture et la pose à même de la toiture ardoise,

la mouse de calfeutrement est posée sur ardoises,

l'électricien a indiqué que la société ICG avait installé un kit en intégration qui n'a pas été posé sans découvrir la toiture,

le couvreur a indiqué que la toiture peut être, en conséquence, sujette à infiltration d'eau en raison des percements des ardoises.

Les époux [L] produisent à cet égard un devis de l'entreprise de couverture Julé faisant état d'un coût de travaux de reprise d'un montant de 5 801,44 euros TTC.

La dispense de remboursement du capital constitue dès lors la réparation intégrale et exacte du préjudice subi par les époux [L], lequel résulte de l'obligation de restitution des prestations reçues de part et d'autre du fait de l'annulation du contrat de prêt en dehors de toute faute de leur part et, au surplus, sans perspective d'obtenir la restitution du prix par le fournisseur en liquidation judiciaire, auquel la BNP PPF a par sa faute versé intempestivement les fonds, sans bénéficier d'une installation en état de service et en subissant de surcroît des désordres en toiture de leur habitation.

Il convient donc de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté la BNP PPF de sa demande de restitution du capital emprunté à l'encontre des époux [L].

En revanche, les époux [L], qui n'ont commis aucune faute, sont fondés à obtenir la restitution des échéances de remboursement du prêt qu'ils ont réglées, le jugement étant également confirmé sur ce point.

Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande des époux [L] en paiement de dommages-intérêts d'un montant égal au capital prêté formée subsidiairement contre la BNP PPF, ni celle formée très subsidiairement en paiement de la somme de 17 200 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice de perte de chance de ne pas contracter, puisqu'ils ont été dispensés de restituer à la banque le capital emprunté.

Il en est de même du chef du jugement attaqué, qui sera infirmé, ayant fixé à ce titre la créance des époux [L] à la somme de 21 500 euros au passif de la liquidation judiciaire de la société ICG Groupe, les acquéreurs ne pouvant obtenir à la fois la restitution du prix et être dispensés de rembourser le capital qu'ils ont emprunté pour financer ce prix.

Ils seront également déboutés de leur demande de fixation au passif de la liquidation judiciaire de la somme de 30 787,84 euros au titre de la garantie afférente au remboursement du prêt, devenue sans objet du fait de l'annulation du contrat de prêt avec dispense de remboursement du capital.

Sur les demandes accessoires :

Formant appel incident, les époux [L] demandent par ailleurs à la cour de fixer leurs créances de dommages-intérêts au passif de la société ICG à la somme de 5 000 euros au titre de leur préjudice moral, et à la somme de 3 000 euros au titre de la procédure, qualifiée d'abusive, en injonction de faire engagée à leur encontre par la société ICG.

Le premier juge a cependant exactement et corrrectement évalué à la somme de 2 000 euros le montant du préjudice moral subi par les époux [L] né des tracas engendrés par l'opération, les époux [L] n'apportant aucun élément devant la cour permettant de fixer ce préjudice à la somme de 5 000 euros.

D'autre part, les époux [L] ne caractérisent pas l'abus de droit de la société ICG d'avoir engagé une procédure d'injonction de faire devant le premier juge, qui lui était ouverte pas la loi, ni l'existence d'un préjudice en lien direct avec l'exercice de cette procédure, de sorte que le jugement attaqué sera réformé sur ce point.

Les époux [L] demandent par ailleurs la condamnation de la BNP PPF au paiement d'une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi.

Toutefois, ils n'établissent pas avoir subi un préjudice moral né de la faute de la banque d'avoir libéré la totalité des fonds sans s'assurer de la régularité du contrat principal, ni un préjudice distinct de celui résultant des conséquences de la souscription du prêt, lequel est déjà réparé par l'annulation de celui-ci et la dispense de restitution du capital emprunté.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

La BNP PPF demande quant à elle, au titre de l'obligation de garantie du vendeur, la fixation de sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société ICG à la somme de 21 500 euros.

Cependant, la BNP PPF ne justifie pas avoir déclaré sa créance au passif de la liquidation juidiciaire de la société ICG, aucune déclaration de créance n'étant produite devant la cour.

Cette créance est donc inopposable à la procédure collective.

Les dispositions du jugement concernant les dépens et les frais irrépétibles étaient justifiées et seront maintenues.

Il serait enfin inéquitable de laisser à la charge des époux [L] l'intégralité des frais exposés par eux à l'occasion de l'instance d'appel et non compris dans les dépens, en sorte qu'il leur sera alloué une indemnité de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Infirme le jugement rendu le 9 mai 2019 par le tribunal d'instance de Vannes en ce qu'il a fixé à la somme de 29 000 euros les créances des époux [L] et dit qu'elles seront inscrites au passif de la société IC Groupe ;

Déboute les époux [L] de leurs demandes de fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société IC Groupe d'une créance de 21 500 euros au titre de la restitution du prix, et d'une créance de dommages-intérêts pour procédure abusive de 3 000 euros ;

Fixe la créance des époux [L] au passif de la liquidation judiciaire de la société IC Groupe à la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral et 3 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance ;

Confirme le jugement attaqué en ses autres dispositions ;

Dit que la créance de garantie due à la société BNP Paribas Personal Finance par la société IC Groupe est inopposable à la procédure collective de la société IC Groupe ;

Condamne la société BNP Paribas Personal Finance à payer à M. et Mme [L] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société BNP Paribas Personal Finance aux dépens d'appel ;

Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19/04626
Date de la décision : 18/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-18;19.04626 ?
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