2ème Chambre
ARRÊT N°556
N° RG 19/01733
N° Portalis DBVL-V-B7D-PTPS
(1)
SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
C/
M. [Y] [U]
Mme [W] [M] épouse [U]
Me [L] [D]
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me LECLERCQ
- Me LE BERRE BOIVIN
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 18 NOVEMBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,
Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Ludivine MARTIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 27 Septembre 2022
ARRÊT :
Rendu par défaut, prononcé publiquement le 18 Novembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de BANQUE SOLFEA,
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Erwan LECLERCQ de la SCP LECLERCQ & CASTRES, postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Laure REINHARD du cabinet RD AVOCATS, plaidant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉS :
Monsieur [Y] [U]
né le 28 Mars 1946 à [Localité 9]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Madame [W] [M] épouse [U]
née le 31 Octobre 1946 à [Localité 10]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentés par Me Tiphaine LE BERRE BOIVIN, postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentés par Me Samuel HABIB, plaidant, avocat au barreau de PARIS
Maître [L] [D] es qualité de mandataire liquidateur de la société FRANCE SOLAIRE ENERGIES
[Adresse 8]
[Localité 6]
Assigné par acte d'huissier en date du 12/06/2019, délivré à domicile, n'ayant pas constitué
INTERVENANT :
Monsieur [G] [J], ès qualité de mandataire ad'hoc de la Société France Solaire Energie
[Adresse 1]
[Adresse 7]
[Localité 6]
Assigné par acte d'huissier en date du 13/06/2022, délivré à domicile, n'ayant pas constitué
* * *
EXPOSÉ DU LITIGE
À la suite d'un démarchage à domicile, M. [U] a, selon bon de commande du 12 mars 2013, commandé à la société France Solaire Énergie (la société FSE) la fourniture et l'installation de panneaux photovoltaïques moyennant le prix de 20 000 euros TTC.
En vue de financer cette opération, la société Banque Solfea (la société Solfea) a, selon offre acceptée le 8 mars 2012, consenti aux époux [U] un prêt de 20 000 euros au taux de 5,60 % l'an, remboursable en 132 mensualités de 214 euros, après un différé de remboursement de 11 mois.
Les fonds ont été débloqués entre les mains de l'entreprise au vu d'une attestation de fin de travaux du 5 avril 2013, mais l'installation n'a été raccordée au réseau en vue de la revente de l'électricité produite que le 2 juillet 2014 sur les diligences des époux [U].
Prétendant avoir été victimes de man'uvres dolosives de la part du démarcheur, et soutenant que le bon de commande était irrégulier, les époux [U] ont, par acte du 9 mars 2018, fait assigner la société BNP Paribas Personal Finance (la BNP PPF), présentée comme se trouvant aux droits de la société Solféa, ainsi que Mme [D], ès-qualités de liquidateur de la société FSE dont la procédure collective a été ouverte par jugement du tribunal de commerce d'Evry du 20 juillet 2015, devant le tribunal d'instance de Saint-Malo en annulation des contrats de vente et de prêt et en paiement de dommages-intérêts.
Par jugement du 5 février 2019, le premier juge a :
déclaré recevable l'action en nullité du contrat de vente,
prononcé l'annulation de ce contrat,
constaté la nullité de plein droit du contrat de crédit affecté,
ordonné le remboursement par la BNP PPF aux époux [U] des sommes versées en règlement des échéances du contrat de crédit à partir du 15 avril 2014, avec intérêts au taux légal à compter du jugement sur le montant de 15 276 euros,
débouté la BNP PPF de sa demande de restitution du capital emprunté sous déduction des échéances réglées,
rejeté les demandes des époux [U] à l'encontre de la banque au titre de la remise en état des Lieux, du trouble de jouissance, du préjudice financier et du préjudice moral,
rejeté les demandes tendant à ce que le liquidateur de la société FSE procède à la remise en état des lieux à sa charge,
donné acte aux époux [U] de ce qu'ils tiennent à la disposition de Mme [D], ès qualités de liquidateur de la société FSE, le matériel posé à leur domicile, pendant un délai de deux mois à compter de la signification du jugement,
dit que, passé ce délai et en l'absence de volonté exprimée par le liquidateur de reprendre le matériel posé, les époux [U] pourront en disposer comme bon leur semblera,
condamné la BNP PPF à payer aux époux [U] une indemnité de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
mis les dépens à la charge de la BNP PPF,
dit n'y avoir lion à exécution provisoire du jugement.
La BNP PPF a relevé appel de cette décision le 13 mars 2019.
Par acte du 13 juin 2022, elle a fait assigner en intervention forcée M. [G] [J], désigné, par jugement de clôture des opérations de la liquidation judiciaire de la société FSE rendu par le tribunal de commerce d'Evry le 19 novembre 2021, aux fonctions de mandataire ad hoc de celle-ci afin de poursuivre les procédures en cours.
La BNP PPF demande à la cour de :
réformer le jugement attaqué,
juger irrecevable l'action des époux [U] à l'égard de la société FSE,
déclarer irrecevable la demande de déchéance du droit du prêteur aux intérêts conventionnels,
débouter les époux [U] de l'intégralité de leurs demandes,
subsidiairement, juger que les contrats ne sont pas soumis aux dispositions du code de la consommation,
à tout le moins, juger n'y avoir lieu à prononcer l'annulation des contrats de vente et de crédit,
par conséquent, débouter les époux [U] de leurs demandes,
plus subsidiairement, en cas d'annulation des contrats, juger que la société Solfea n'a commis aucune faute et que les époux [U] ne justifient pas de l'existence d'un préjudice et d'un lien de causalité,
par conséquent, condamner solidairement les époux [U] à rembourser à la BNP PPF la somme de 20 000 euros correspondant au montant du capital prêté,
juger que la BNP PPF devra restituer aux époux [U] le montant des échéances perçues, après justification de leur part de la résiliation du contrat conclu avec EDF, de la restitution à EDF des sommes perçues au titre de la revente d'électricité et de la restitution au Trésor public des crédits d'impôts perçus,
à titre infiniment subsidiaire, fixer le préjudice des époux [U] à la somme de 500 euros correspondant aux frais contractuellement pris en charge par le vendeur pour le raccordement,
par conséquent, condamner solidairement les époux [U] à rembourser à la BNP PPF la somme de 20 000 euros correspondant au montant du capital prêté sous déduction d'une indemnité de 500 euros,
débouter les époux [U] de toute autre demande,
en tout état de cause, condamner solidairement les époux [U] au paiement d'une indemnité de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.
Les époux [U] concluent à la confirmation du jugement attaqué, sauf en ce qu'il les a déboutés de leur demande en paiement de dommages-intérêts.
Ils sollicitent à cet égard la condamnation de la BNP PPF au paiement d'une indemnité de 3 000 euros au titre de leurs préjudices financiers et de jouissance, de 3 000 euros au titre de leur préjudice moral et de 3 802,95 euros au titre de la désinstallation du matériel posé.
Ils demandent subsidiairement à la cour, en cas de condamnation à restitution du capital prêté, de condamner la BNP PPF au paiement d'une somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts, ou, si le contrat de crédit n'est pas annulé, de prononcer la déchéance du droit du prêteur aux intérêts et de condamner la BNP PPF à restitution des intérêts perçus.
Ils réclament en tout état de cause la condamnation de la BNP PPF au paiement d'une indemnité de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens
Ni Mme [D], ès-qualités de liquidateur de la société FSE à laquelle la BNP PPF a signifié ses conclusions le 12 juin 2019, ni M. [J], ès-qualités de mandataire ad hoc de la société FSE, n'ont constitué avocat devant la cour.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour la BNP PPF le 20 juin 2022 et pour les époux [U] le 17 juin 2022, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 8 septembre 2022.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Sur la recevabilité des demandes de Les époux [U]
La BNP PPF soutient d'abord que les demandes des époux [U] seraient irrecevables comme méconnaissant la règle, édictée par l'article L. 622-21 du code de commerce, de l'arrêt des poursuites individuelles contre la société FSE, mise en liquidation judiciaire antérieurement à l'introduction de l'instance devant le juge du fond.
Cependant, selon ce texte, le jugement d'ouverture interdit toute action en justice tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ainsi qu'à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
Or, les époux [U] fondent leur demande d'annulation du contrat de vente sur la violation de l'article L. 121-23 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la cause ainsi que sur le dol, et pas sur le non-paiement d'une somme d'argent.
D'autre part, ils ne forment devant la cour, fût-ce par voie de confirmation de dispositions du jugement attaqué, aucune demande de condamnation du vendeur au paiement d'une somme d'argent, et ne réclame pas même à celui-ci la restitution du prix de vente ou l'indemnisation du coût de dépose de l'installation vendue.
L'action des époux [U] est donc recevable.
Sur l'application du code de la consommation
La BNP PPF expose par ailleurs que l'installation litigieuse avait pour objet de produire de l'électricité en vue de la revendre à EDF, de sorte que le contrat principal, comme le contrat de crédit qui n'en était que l'accessoire, constitueraient des actes de commerce privant son auteur de la qualité de consommateur.
Cependant, les époux [U], personnes physiques retraitées selon la fiche de dialogue, ont été démarchés à leur domicile personnel en vue de faire réaliser une installation photovoltaïque de puissance modeste sur la toiture de celui-ci, et, ni le bon de commande, ni l'offre de crédit affecté, ni aucun autre document contractuel ne font mention que cette installation avait une destination professionnelle.
Par surcroît, le bon de commande, comme l'offre de prêt que le démarcheur de la société FSE a fait régulariser par son intermédiaire, se référent expressément au code de la consommation, ce dont il se déduit que les parties, spécialement le fournisseur qui a soumis ces actes à l'adhésion de son cocontractant, ont entendu se soumettre aux dispositions du code de la consommation, et, partant, reconnaître à Les époux [U] la qualité de simple consommateur.
Il s'en évince qu'à supposer même qu'une partie de l'électricité produite devait être revendue à EDF, cette circonstance ne faisait pas perdre aux appelants leur qualité de consommateur.
Sur la nullité du contrat principal
Aux termes de l'article L. 121-23 du code de la consommation dans sa rédaction en vigueur lors de la conclusion du contrat litigieux, les ventes et fournitures de services conclues à l'occasion d'un démarchage au domicile d'une personne physique doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire est remis au client et notamment comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes :
les noms du fournisseur et du démarcheur,
la désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés,
les conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens, ou d'exécution de la prestation de services,
le prix global à payer, les modalités de paiement et, en cas de vente à crédit, les formes exigées par la réglementation sur ce type de vente,
la faculté de renonciation ouverte au client ainsi que les conditions d'exercice de cette faculté et, de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26.
En outre, l'article L. 121-24 du code de la consommation précise que le contrat doit comprendre un formulaire détachable destiné à faciliter l'exercice de cette faculté de renonciation et contenant les mentions décrites aux articles R. 121-3 à R. 121-6 de ce code, tous les exemplaires du contrat devant être signés et datés de la main même du client.
Enfin, selon l'article R. 121-4, le formulaire détachable de rétractation doit comporter, sur une face, l'adresse exacte et complète à laquelle il doit être envoyé, et, sur son autre face, les mentions prévues à l'article R. 121-5 qui impose notamment l'indication de façon très lisible de la mention 'l'envoyer par lettre recommandée avec avis de réception' soulignée ou en caractères gras, ainsi que l'indication que le courrier doit être adressé à l'adresse figurant au dos.
En l'occurrence, les époux [U] se plaignent à tort de ce que le bon de commande ne mentionne pas le prix de détail de chacun des éléments fournis, le texte précité n'imposant au contraire, à peine de nullité, que la seule mention du prix global.
En outre, si le bon de commande ne mentionne pas les caractéristiques du crédit affecté à la vente, les époux [U] ont régularisé, le même jour et au cours d'une opération de démarchage unique, une offre de crédit qui mentionnait l'ensemble de ces éléments, de sorte que la nullité n'est pas davantage encourue de ce chef.
Enfin, rien ne démontre que, contrairement à ce que les époux [U] soutiennent, le démarcheur n'ait été identifié que par son prénom '[R]', celui-ci pouvant tout aussi bien être le nom patronymique de celui-ci.
En revanche, il ressort de l'examen du bon de commande que celui-ci n'indique pas la marque des panneaux photovoltaïques, caractéristique essentielle du bien vendu.
Pourtant, s'agissant d'une installation à haut niveau de développement technologique destinée à produire de l'énergie, la marque, dont la fonction est de garantir l'origine d'un produit commercialisé, est une caractéristique essentielle pour le consommateur démarché qui doit ainsi pouvoir identifier le fabricant garant de la qualité, de la pérennité et de la sécurité de ses produits, et qui doit aussi pouvoir procéder utilement à des comparaisons de prix tenant compte de la technologie mise en 'uvre durant le délai de rétractation qui lui est ouvert par la loi.
De même, les modalités de pose, en intégration au bâti ou en applique à la couverture existante, ne sont pas précisées, alors qu'il s'agit d'une caractéristique essentielle de la prestation accessoire d'installation.
En outre, le délai de livraison et d'exécution des travaux n'est pas mentionné, l'indication d'un délai butoir de 200 jours stipulé dans les condition générales ne pouvaient être regardé comme satisfaisant à l'obligation du vendeur ou du prestataire de s'engager sur un délai précis de livraison et d'exécution de la prestation accessoire de pose.
Enfin, le bordereau de rétractation figure au verso du document et ne peut être détaché de l'acte sans altérer celui-ci relativement à des éléments essentiels comme la date et les signatures des parties, et, de surcroît, l'indication de la mention 'l'envoyer par lettre recommandée avec avis de réception' n'est ni soulignée, ni écrite en caractères gras.
La BNP PPF soutient que ces irrégularités ne seraient sanctionnées que par une nullité relative que les emprunteurs auraient renoncé à invoquer en acceptant de signer l'attestation de fin de travaux caractérisant leur volonté de les recevoir.
Cependant, la confirmation d'une obligation entachée de nullité est subordonnée à la conclusion d'un acte révélant que son auteur a eu connaissance du vice affectant l'obligation et l'intention de le réparer, sauf exécution volontaire après l'époque à laquelle celle-ci pouvait être valablement confirmée.
Or, en l'occurrence, si les dispositions de l'article L. 121-23 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la cause étaient reproduites au verso du bon de commande et qu'il était ainsi porté à la connaissance des époux [U] que celui-ci devait comporter, à peine de nullité, la désignation précise de la nature et des caractéristiques des panneaux photovoltaïques et de la prestation accessoire d'installation du matériel commandés, de même que l'indication du délai de livraison et d'installation, les dispositions de l'article R. 121-3 exigeant que le formulaire détachable destiné à faciliter l'exercice de la faculté de rétractation du consommateur doit faire partie de l'exemplaire du contrat laissé au client et en être aisément séparé n'étaient en revanche pas reproduites.
Dès lors, rien ne démontre que les époux [U] avait connaissance de ce vice du bon de commande lorsqu'elle a laissé la société FSE intervenir à son domicile pour y réaliser les travaux et lorsqu'elle a signé le certificat de livraison en attestant que la livraison des biens commandés et la prestation de service avaient été réalisées, puis effectué les diligences nécessaires au raccordement au réseau et régularisé un contrat de rachat de l'électricité produite.
Il n'est donc pas établi que les consommateurs aient, en pleine connaissance de l'irrégularité de ce contrat de vente affectant le bordereau de rétractation, entendu renoncer à la nullité en résultant et qu'ils auraient de ce fait manifesté une volonté non équivoque de couvrir les irrégularités de ce document.
Il convient donc, après réformation du jugement attaqué, d'écarter le moyen tiré de la confirmation du contrat irrégulier et, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres motifs de nullité invoqués, de prononcer la nullité du contrat conclu entre les époux [U] et la société FSE.
Sur la nullité du contrat de prêt
Aux termes des dispositions de l'article L. 311-32 devenu L. 312-55 du code de la consommation, le contrat de crédit affecté est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.
Il n'est pas contesté que le crédit consenti par la société Solféa est un crédit accessoire à une vente ou à une prestation de services.
En raison de l'interdépendance des deux contrats, l'annulation du contrat principal conclu avec la société FSE emporte donc annulation de plein droit du contrat accessoire de crédit conclu avec la société Solféa.
La nullité du prêt a pour conséquence de remettre les parties dans leur situation antérieure, de sorte qu'elle doit, sauf faute du prêteur, entraîner la restitution des prestations reçues de part et d'autre.
À cet égard, les époux [U] demande à la cour de condamner la BNP PPF à lui restituer les mensualités de remboursement honorées et de les dispenser de rembourser le capital prêté, en faisant valoir que le prêteur se serait rendu complice de manoeuvres dolosives de la société FSE, puis fautivement dessaisi des fonds en faveur de celle-ci, sans vérifier la régularité formelle du bon de commande et l'exécution complète de l'installation, le raccordement au réseau en vue de la revente de l'électricité produite n'ayant été réalisé que sur leurs diligences et postérieurement.
La BNP PPF fait quant à elle valoir que la société Solféa s'est, sans commettre de faute, dessaisie des fonds au vue d'un certificat de livraison par lequel les emprunteurs lui donnaient l'ordre de le faire, qu'elle n'avait pas à répondre de la faute du vendeur lors de l'établissement d'un bon de commande irrégulier et que, l'installation ayant été mise en service, il ne saurait résulté aucun préjudice de ses prétendues fautes.
À cet égard, les époux [U] allèguent par de pures conjectures, et sans en rapporter la preuve, que le prêteur aurait été complices de manoeuvres dolosives du fournisseur, la circonstance qu'elle faisait placé ses crédits par l'intermédiaire de celui-ci ne suffisant pas à démontrer qu'il ait pu avoir connaissance de 'mécanismes douteux de conclusions des contrats' ou de la prétendue insuffisance de performance de ses installations.
Ils ne peuvent davantage faire grief à la BNP PPF de ne disposer que d'une installation de huit panneaux alors que le bon de commande prévoyait la fourniture de douze panneaux, puisque l'attestation de fin de travaux signée de l'un des coemprunteurs et destinée au prêteur mentionnait expressément que les travaux d'installation étaient terminés et conformes au devis
En revanche, il est de principe que le prêteur commet une faute excluant le remboursement du capital emprunté lorsqu'il libère la totalité des fonds, alors qu'à la simple lecture du contrat de vente il aurait dû constater que sa validité était douteuse au regard des dispositions protectrices du code de la consommation relatives au démarchage à domicile.
Or, il a été précédemment relevé que le bon de commande conclu avec la société FSE, par l'intermédiaire de laquelle la société Solféa faisait présenter ses offres de crédit, comportait des irrégularités formelles apparentes et non couvertes par une confirmation intégrale de l'acte nul, qui auraient dû conduire le prêteur, professionnel des opérations de crédit affecté, à ne pas libérer les fonds entre les mains du fournisseur.
Au surplus, il est aussi de principe que le prêteur commet une faute excluant le remboursement du capital emprunté lorsqu'il libère la totalité des fonds, alors que l'attestation de livraison au vu de laquelle il se libère ne lui permet pas de s'assurer de l'exécution complète du contrat principal.
Or, en l'espèce, il sera observé que l'attestation de fin de travaux dont la société Solfea se prévaut pour justifier le versement des fonds entre les mains du fournisseur présentait un caractère pour le moins équivoque et contradictoire, dans la mesure où, si son signataire attestait que les travaux 'objets du financement' ne couvraient pas 'le raccordement au réseau éventuel et autorisations administratives éventuelles', il ressortait pourtant du bon de commande que la société FSE s'était engagée à réaliser l'ensemble des démarches administrative et commerciales pour mettre en service l'installation en vue de la revente de l'électricité produite.
Pourtant, au moment du déblocage des fonds en date du 5 avril 2013, le raccordement n'était pas effectué, l'installation n'ayant été mise en service que le 2 juillet 2014 sur les démarches des époux [U].
Le prêteur n'avait certes pas à assister les emprunteurs lors de la conclusion et de l'exécution du contrat principal, ni à vérifier le bon fonctionnement d'une installation exempte de vice ou la conformité du matériel livré aux stipulations contractuelles, mais il lui appartenait néanmoins de relever les anomalies apparentes du bon de commande et les lacunes de l'attestation de fin de travaux avant de se dessaisir du capital prêté.
Il en résulte qu'en versant les fonds entre les mains du fournisseur, au seul vu de cette attestation incomplète et équivoque, et sans procéder à des vérifications complémentaires sur la régularité formelle et l'exécution complète du contrat principal, la société Solféa a commis des fautes susceptibles de la priver du droit d'obtenir le remboursement du capital emprunté.
Cependant, les époux [U] ne sauraient obtenir une dispense de remboursement du capital emprunté que pour autant que ces fautes leur ont causé préjudice.
Or, l'installation, réalisée en avril 2013, a été raccordée au réseau dès juillet 2014 et produit de l'électricité racheté par EDF en vertu d'un contrat régularisé en septembre 2014.
Dès lors, rien ne démontre que la seule cause de nullité non ratifiée du bon de commande affectant le bordereau de rétractation et le déblocage prématuré des fonds aient pu causer un préjudice aux emprunteurs, qui ont en définitive bénéficié d'une installation mise en service, raccordée au réseau et produisant de l'électricité revendue à EDF depuis huit ans, au delà de la perte des 500 euros de subvention sur les frais de raccordement promis par la société FSE ainsi que des frais de réparation de toiture fuyarde exposés pour un montant de 296,34 euros.
Il n'y a lieu de la dispenser de rembourser le capital emprunté, que dans la limite de 796,34 euros.
Et, pour les mêmes motifs, la demande subsidiaire en paiement de la somme de 20 500 euros à titre de dommages-intérêts et de compensation avec la créance de restitution de la BNP PPF sera rejetée.
Il s'en évince que les époux [U] seront condamnés à restituer le capital prêté de 19 703,66 euros (20 500 - 796,34), sauf à déduire les sommes versées au prêteur au cours de l'exécution du contrat de prêt annulé.
La BNP PPF n'est en effet nullement fondée à demander à la cour de subordonner la restitution des échéances du prêt honorées à la résiliation du contrat conclu avec EDF, de la restitution à EDF des sommes perçues au titre de la revente d'électricité et de la restitution au Trésor public des crédits d'impôts perçus, alors que cette obligation de restitution ne procède que la l'annulation de plein droit du contrat de prêt et des restitutions réciproques qui en découlent.
Sur les autres demandes
La demande de déchéance du droit du prêteur aux intérêts est devenue sans objet, dès lors que le contrat de prêt a été annulé et que les époux [U] ne sont en conséquence plus tenus qu'au remboursement du seul capital.
En outre, les demandes en paiement de dommages-intérêts formés contre la BNP PPF pour préjudices moral, financier et de jouissance seront rejetées, faute de preuve de l'existence de tels préjudice et de leur lien causal avec les fautes du prêteur.
De même, la demande de condamnation de la BNP PPF au paiement du coût de dépose de l'installation et de remise en état de la toiture sera rejetée, dès lors que, tiers au contrat principal, le prêteur ne saurait se voir imputer les conséquences dommageables de l'exécution de sa prestation par le fournisseur.
Enfin, il n'y a pas matière à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de quiconque en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Infirme le jugement rendu le 5 février 2019 par le tribunal d'instance de Saint-Malo en ce qu'il a débouté la société BNP Paribas Personal Finance de sa demande de restitution du capital emprunté ;
Condamne les époux [U] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 19 703,66 euros au titre de la restitution du capital emprunté ;
Confirme le jugement attaqué en ses autres dispositions ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société BNP Paribas Personal Finance aux dépens d'appel ;
Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT