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15/11/2022 | FRANCE | N°20/04311

France | France, Cour d'appel de Rennes, 3ème chambre commerciale, 15 novembre 2022, 20/04311


3ème Chambre Commerciale





ARRÊT N°549



N° RG 20/04311 - N° Portalis DBVL-V-B7E-Q44Y













M. [C] [I]



C/



M. [G] [D]

Mme [U] [L] épouse [D]

S.A.R.L. ATLANTIQUE RESEAUX ET SOLUTIONS D'IMPRESSION @RSI

































Copie exécutoire délivrée

le :



à :

Me DUBREIL

Me DEMIDOFF X2





REPUBLIQ

UE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 15 NOVEMBRE 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre, rapporteur,

Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Oliv...

3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N°549

N° RG 20/04311 - N° Portalis DBVL-V-B7E-Q44Y

M. [C] [I]

C/

M. [G] [D]

Mme [U] [L] épouse [D]

S.A.R.L. ATLANTIQUE RESEAUX ET SOLUTIONS D'IMPRESSION @RSI

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me DUBREIL

Me DEMIDOFF X2

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 15 NOVEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre, rapporteur,

Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Aichat ASSOUMANI, lors des débats, et Madame Julie ROUET, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 27 Septembre 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 15 Novembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [C] [I]

[Adresse 7]

[Localité 4]

représenté par Me Cyril DUBREIL de la SCP OUEST AVOCATS CONSEILS, plaidant/postulant, avocat au barreau de NANTES

INTIMES :

Monsieur [G] [D]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Madame [U] [L] épouse [D]

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentés par Me Jérôme BOISSONNET de la SARL AVOLENS, plaidant, avocat au barreau de NANTES et Me Eric DEMIDOFF de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, postulant, avocat au barreau de RENNES

S.A.R.L. ATLANTIQUE RESEAUX ET SOLUTIONS D'IMPRESSION @RSI, immatriculée au RCS de VANNES sous le N° 434 554 622 prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés au siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Eric DEMIDOFF de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, postulant, avocat au barreau de RENNES, Me Emmanuel DOUET, plaidant, avocat au barreau de VANNES

FAITS ET PROCEDURE :

Le capital de la société à responsabilité limitée Atlantique Réseaux et solutions d'impressions (la société Arsi) est divisé en 1.600 parts sociales réparties comme suit :

- M. [D], 1.040 parts,

- M. [I], 400 parts,

- Mme [L] épouse [D], 160 parts.

M. [D] en était le gérant.

M. [I] a été salarié de la société Arsi, en contrats à durée déterminée à partir de 2006 puis en contrat à durée indéterminée à compter du 15 septembre 2009 en qualité d'ingénieur informatique. Il a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 29 septembre 2015.

Estimant que M. [D] développait une politique contraire aux intérêts de la société Arsi, M. [I] a assigné la société Arsi et M. et Mme [D] en révocation de M. [D] de ses fonctions de gérant et en paiement par M. [D] au profit de la société Arsi de dommages-intérêts.

Par jugement du 28 mai 2020, le tribunal de commerce de Nantes a :

- Déclaré recevable l'action ut singuli introduite par M. [I],

- Dit que M. [D] a commis des fautes de gestion mais a rejeté la demande de M. [D] de le voir condamner à indemniser un quelconque préjudice,

- Déclaré légitime la demande de révocation de M. [D] comme gérant,

- Ordonné la révocation de M. [D] et désigné la société AJ Associés en la personne de M. [X], [Adresse 6], en qualité d'administrateur de la société @RSI,

- Dit que la société AJ Associés en la personne de M. [X] aura la mission de :

- Convoquer une nouvelle assemblée générale des associés en vue de la désignation d'un nouveau gérant dans le délai de trois mois,

- Gérer et administrer @RSI avec les pouvoirs les plus étendus conformément aux statuts et aux dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu'à la désignation du nouveau gérant,

- Rendre compte de sa mission auprès du tribunal de commerce de Nantes,

- Fixé à la somme de 2.500 euros le montant de la provision à valoir sur les frais et rémunération de l'administrateur provisoire, somme que M. [I] devra consigner dans les 15 jours de la notification de la présente par LRAR de l'un des greffiers associés de ce tribunal directement entre les mains de l'administrateur provisoire,

- Dit que la présente décision sera publiée au registre du commerce et des sociétés de Nantes,

- Dit M. [D] mal fondé dans ses demandes reconventionnelles,

- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- Condamné M. [D] aux dépens.

M. [I] a interjeté appel le 9 septembre 2020.

Les dernières conclusions de M. [I] sont en date du 2 août 2022. Les dernières conclusions de la société Arsi sont en date du 1er mars 2021. Les dernières conclusions de M. et Mme [D] sont en date du 1er mars 2021.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 septembre 2022.

PRETENTIONS ET MOYENS :

M. [I] demande à la cour de :

- Constater que l'appel de M. [I] est limité,

- Débouter Mme et M. [D], ainsi que, le cas échéant, la société @RSI de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions comme étant irrecevables et mal fondées,

- Confirmer le jugement sauf en ce qu'il a jugé « ' mais rejette la demande de M. [D] de le voir condamné à un quelconque préjudice (...) Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile »,

En conséquence :

- Condamner M. [D] au paiement à @RSI des sommes suivantes en réparation des préjudices subis par @RSI :

- 50.000,00 euros à valoir sur la réparation de son préjudice financier,

- 50.000,00 euros à valoir sur son préjudice d'image d'@RSI,

- 100.000,00 euros au titre de la distribution des dividendes, de l'augmentation de rémunération et des avantages injustifiés,

- 110.800,00 euros au titre des infractions à la législation sociale,

- Condamner M. [D] à payer à M. [I] la somme de 17.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance en ce compris les frais d'exécution,

La société Arsi demande à la cour de :

1°) De déclarer l'appel de M. [I] mal fondé et en conséquence le débouter de l'ensemble de ses demandes,

2°) De recevoir la société Arsi, représentée par sa gérante, en son appel incident,

Le déclarer fondé et condamner M. [I] à verser à la société Arsi la somme de 83.692 euros pour man'uvres déloyales et 59.151,40 euros pour indemnités kilométriques perçues indûment,

3°) De condamner M. [I] à payer à la société Arsi la somme de 15.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, lesquels seront recouvrés par son avocat,

4°) De condamner le même aux entiers dépens de l'instance.

M. et Mme [D] demandent à la cour de :

- Infirmer le jugement en ce qu'il a considéré que M. [D] avait commis des fautes de gestion et l'a révoqué de la gestion de la société Arsi,

Et statuant à nouveau :

1) Débouter M. [I] de l'ensemble de ses demandes,

2) Condamner M. [I] à payer à M. et Mme [D] une somme de 207.756,00 euros en réparation de leur préjudice financier, sauf à parfaire,

3) Condamner M. [I] à payer à M. et Mme [D] une somme de 50.000 euros en réparation de leur préjudice moral,

4) Condamner M. [I] à payer à M. et Mme [D] une somme de 15.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

5) Condamner M. [I] aux entiers dépens et frais de la présente instance.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.

DISCUSSION :

Sur la révocation de M. [D] :

Le gérant d'une société à responsabilité limitée peut être révoqué par décision de justice. Il s'agit alors d'un cas particulier d'ingérence du juge dans la gestion de la société. Cette révocation judiciaire, par son caractère exceptionnel, n'est possible que dans les cas prévus par la loi.

Article L223-25 du code de commerce

Le gérant peut être révoqué par décision des associés dans les conditions de l'article L. 223-29, à moins que les statuts prévoient une majorité plus forte. Si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à des dommages et intérêts.

En outre, le gérant est révocable par les tribunaux pour cause légitime, à la demande de tout associé.

Par dérogation au premier alinéa, le gérant d'une société à responsabilité limitée exploitant une entreprise de presse au sens de l'article 2 de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse n'est révocable que par une décision des associés représentant au moins les trois quarts du capital social.

La notion de cause légitime est plus large que celle de faute et recouvre aussi, outre l'empêchement non fautif, les cas dans lesquels l'attitude du gérant compromet l'intérêt social ou le fonctionnement de la société.

Sur les agissements à l'encontre de M. [I] :

M. [I] reproche à M. [D] d'avoir tenté de forcer son accord afin de transformer la société Arsi de Sarl en SAS et de lui faire adopter de nouvelles clauses statutaires facilitant son éviction.

Il apparaît cependant que cette tentative de modification de la forme de la société n'a pas abouti. M. [I] n'établit en outre pas que cette tentative ait compromis l'intérêt social ou le fonctionnement de la société.

M. [I] reproche à M. [D] d'avoir usé de moyens économiques à sa disposition en refusant de lui payer les sommes dues en exécution de son contrat de travail.

Il apparaît en effet que M. [I] et la société Arsi ont été en litige au titre du paiement de certaines sommes dues au titre de l'exécution du contrat de travail de M. [I]. Il n'est cependant pas justifié que ces litiges aient dépassé le cadre d'un désaccord entre employeur et salarié au sujet des sommes dues au titre de l'exécution du contrat de travail.

Il en est de même de l'attitude de M. [D] vis-à-vis du personnel en ce qu'il a refusé de payer certaines sommes dues au titre des contrats de travail.

Ces refus ne dépassent pas le cadre de litiges entre employeur et salarié et ne permettent pas de caractériser un manquement de M. [D] à ses obligations de gérant.

Sur le dénigrement par détournement de la clientèle informatique :

Plus précisément, M. [I] fait valoir que M. [D] aurait multiplié les actes tendant à détourner la clientèle rattachée à l'activité informatique de la société.

Il résulte du courriel du directeur général de la société Biolait que M. [D] l'a contacté pour lui indiquer, de façon prématurée car le devis n'était pas encore finalisé, qu'une installation des serveurs le week-end prochain ne serait pas possible. Ce directeur général a mentionné dans ce courriel que cette intervention de M. [D] le laissait perplexe sinon pantois, que M. [D] ne connaissait visiblement pas du tout le dossier et qu'il n'avait pas lui-même à connaître les détails du litige opposant visiblement M. [D] à M. [I].

Il apparaît que cette intervention de M. [D] auprès d'un client ne pouvait que conduire à une perte de confiance inutile de la part de ce dernier.

Il résulte de la lettre de la société SG2C en date du 29 juin 2015 que M. [D] l'a contactée pour lui indiquer que la société Arsi était au bord du dépôt de bilan car son équipe informatique n'était pas compétente en informatique et surtout en la personne de M. [I] et qu'il convenait que la société SG2C résilie le contrat de maintenance informatique passé avec la société Arsi et trouve une autre société informatique. Conformément à cette demande, la société SG2C a annoncé qu'elle résiliait le contrat.

Il apparaît que ce dénigrement injustifié de sa propre société par M. [D] était contraire aux intérêts de cette dernière.

Il résulte de la lettre de la société Camn en date du 24 décembre 2015 que M. [D] lui a annoncé une modification du tarif journée de 380 à 500 euros et que trois collaborateurs quittaient la société Arsi pour n'être remplacés que par un seul. Au vu de ces évolutions et de la baisse de qualité du service devant en résulter, la société Camn a indiqué mettre fin au contrat la liant à la société Arsi.

Ces agissements, augmentation des tarifs et réduction du personnel, ne constituent pas des actes de gestion contraires aux intérêts de la société.

Sur le dénigrement par démarchage de clients :

M. [I] reproche à M. [D] d'avoir démarché des clients de la société Arsi à l'aide de procédés illégaux. Il précise que M. [D] aurait adressé à certains concurrents de la société Arsi une lettre anonyme dans laquelle il se présentait comme un salarié de la société Biolait qui indiquait que le directeur de cette société avait décidé de changer de serveur informatique avec son partenaire actuel mais que celui-ci ne paraissait pas très fiable et que ses offres ne paraissaient pas d'actualité et qu'il convenait de lui adresser rapidement une offre innovante.

M. [I] produit une analyse graphologique concluant que l'enveloppe d'expédition de cette lettre non signée avait été rédigée par M. [D].

La société Biolait, dont le partenaire informatique à l'époque était la société Arsi, a contesté être à l'origine de cette lettre et a fait le rapprochement avec l'appel téléphonique allant dans le même sens que lui avait passé M. [D].

Lors de son audition devant les services de la Gendarmerie Nationale dans le cadre d'une enquête pour faux, M. [D] a reconnu être l'auteur de cette lettre, ajoutant qu'il en avait envoyé quatre dans le but de sauver sa clientèle. Cette reconnaissance de tels envois conforte d'ailleurs la teneur des propos du directeur de la société Biolait dans sa lettre mentionnant l'intervention téléphonique de M. [D].

Ce dénigrement de la société Arsi, en outre par des procédés pour le moins contestables, était contraire aux intérêts de cette dernière.

Sur l'impossibilité de répondre aux demandes de clients :

M. [I] reproche à M. [D] d'avoir volontairement cessé de donner à la société Arsi les moyens de répondre aux demandes des clients.

Il résulte de la lettre de M. [D] en date du 26 mars 2015 et de son courriel en date du 4 avril 2015 qu'il a interdit les heures supplémentaires sans son accord écrit fixant les horaires de travail du lundi au vendredi de 9h à 12h00 et de 14h00 à 18h00, et les a de fait refusées par la suite, écrivant « C'est clair, il n'y a plus d'heures supplémentaires ».

Il est justifié que ce refus de sortir des horaires de travail fixés a interdit à la société Arsi d'intervenir chez les clients comme ils le demandaient en dehors des heures de production.

M. [D], gérant, avait cependant le pouvoir, et le devoir, de veiller à la durée du travail effectué par les salariés. Cette décision de sa part de vouloir contrôler le recours aux heures supplémentaires ne peut pas lui être utilement reproché. Il n'est pas établi que ce contrôle de sa part ait eu une incidence notable sur le suivi des contrats auprès des clients.

Il résulte de la lettre de la société Sidiv en date du 22 juillet 2015 que malgré plusieurs demandes et une relance téléphonique de M. [D], la société Arsi n'a pas répondu à une demande d'intervention auprès d'un client en violation des ses obligations contractuelles. Cette absence d'intervention, sans explication, a entraîné le mécontentement du client qui a indiqué qu'en l'absence de réponse à sa lettre il dénoncerait immédiatement le contrat.

Cet incident apparaît isolé et non suffisant à caractériser une volonté de M. [D] d'empêcher la délivrance de prestations aux clients.

Il résulte de la main courante déposée par M. [E], ancien salarié, au commissariat de police de [Localité 3] le 1er avril 2015 que par mesure de rétorsion à la suite d'un refus de sa part de signer un document, M. [D] l'a forcé à lui remettre les clés de son véhicule professionnel qu'il utilisait pour se rendre chez les clients, le menaçant de l'accuser de vol en cas de refus. Malgré la nécessité pour M. [E] de se rendre chez un client, M. [D] a conservé les clés du véhicule et ne les a restituées à M. [E] que plus tard dans la journée.

Cette attitude de M. [D] est significative d'un certain comportement vis à vis des salariés mais il n'est pas justifié qu'elle ait eu une incidence sur la qualité du service fourni par la société Arsi à ses clients.

Sur l'attitude vis-à-vis des salariés :

Outre la main courante du 1er avril 2015 analysée supra, il résulte de l'audition de M. [E], devant les services de la Gendarmerie Nationale, qu'il avait droit à diverses humiliations de la part de M. [D], que ce dernier était violent verbalement, lui ayant notamment indiqué qu'il n'avait jamais eu 'd'enculé d'employé' comme lui.

Ces propos sont confirmés par M. [P], autre ancien salarié, qui atteste que M. [D] a déclaré à M. [E] « Casse toi pauvre con » avant notamment de les traiter tous les deux d'enculés.

Il apparaît que ces comportements ont contribué à instaurer et maintenir une ambiance de travail déplorable au sein de l'entreprise, les insultes à destination de salariés constituant un manquement particulièrement grave du gérant à ses obligations et étant préjudiciables à la société.

Sur les fautes de gestion :

M. [I] reproche à M. [D] d'avoir proposé à l'assemblée générale une augmentation de sa rémunération de gérant et la distribution d'importants dividendes et d'avoir décidé de l'acquisition d'un véhicule coûteux.

Il apparaît que les exercices clos en 2013 et 2014 ont dégagé des résultats nets comptables positifs permettant une augmentation de la rémunération du gérant et la distribution de dividendes. Cette augmentation et cette distribution n'apparaissent pas, dans ces circonstances, comme ayant été contraires à l'intérêt social ou au fonctionnement de la société.

De même, l'acquisition d'un véhicule pour la somme de 52.058,59 euros, quoique sans doute inappropriée, ne contrevenait pas à l'intérêt social ou au fonctionnement de la société.

M. [I] reproche à M. [D] d'avoir fait augmenter courant 2013 de 150 % le loyer payé à la SCI propriétaire des locaux de la société Arsi, M. [D] étant associé et dirigeant de cette SCI.

Il n'est cependant pas justifié que le nouveau loyer ait été supérieur au prix du marché ni qu'il ait constitué un détournement au détriment de la société Arsi. M. [D] justifie par ailleurs que l'ancien loyer correspondait à la mise à disposition d'une boîte aux lettres alors que le nouveau loyer, correspondant à une adresse différente, correspondait à la mise à disposition de locaux d'une surface de 110 m2. Il a d'ailleurs été mis fin à ce bail en mars 2016.

En 2019, alors que le précédent leasing était venu à échéance, M. [D] a contracté un nouveau leasing portant sur un véhicule BMW version sport d'un prix de près de 70.000 euros TTC. Après un apport de 18.000 euros, la société Arsi a ainsi été engagée sur 59 loyers mensuels de près de 940 euros.

A cette époque, le chiffre d'affaires de la société était de près de 84.000 euros. L'exercice 2018 s'était clôturé par un résultat net négatif de près de 32.000 euros, celui de 2019 par un résultat net négatif de près de 22.000 euros. Il n'est pas justifié que l'utilisation d'un tel véhicule ait été nécessaire à l'activité de la société. La société Arsi bénéficiait d'une trésorerie positive. Il n'en demeure pas moins que le coût du leasing pour financer un véhicule, en pratique utilisé à titre personnel par le gérant, pour une telle somme était manifestement inadapté aux intérêts de la société elle-même. Le choix de recourir à un tel contrat de leasing contrevenait à l'intérêt social et au fonctionnement de la société.

Il est à noter, ici pour mémoire, que les résultats pour les années 2020 et 2021 ont également été négatifs pour respectivement près de 17.000 et près de 13.000 euros.

Au vu de l'ensemble des agissements ainsi retenus contre M. [D], dénigrement vis-à-vis de sa propre clientèle, comportement vis-à-vis de salariés et souscription d'un contrat de leasing totalement inadapté, il y avait lieu d'ordonner sa révocation judiciaire de ses fonctions de gérant.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

La responsabilité de M. [D] :

M. [I], associé de la société Arsi, a engagé l'action sociale au nom de cette dernière contre M. [D], lui reprochant des fautes de gestion engageant sa responsabilité.

Les dispositions de L. 223-22 du code de commerce fixent le régime de la responsabilité des gérants de Sarl :

Les gérants sont responsables, individuellement ou solidairement, selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion.

Si plusieurs gérants ont coopéré aux mêmes faits, le tribunal détermine la part contributive de chacun dans la réparation du dommage.

Outre l'action en réparation du préjudice subi personnellement, les associés peuvent, soit individuellement, soit en se groupant dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, intenter l'action sociale en responsabilité contre les gérants. Les demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation de l'entier préjudice subi par la société à laquelle, le cas échéant, les dommages-intérêts sont alloués.

Est réputée non écrite toute clause des statuts ayant pour effet de subordonner l'exercice de l'action sociale à l'avis préalable ou à l'autorisation de l'assemblée, ou qui comporterait par avance renonciation à l'exercice de cette action.

Aucune décision de l'assemblée ne peut avoir pour effet d'éteindre une action en responsabilité contre les gérants pour faute commise dans l'accomplissement de leur mandat.

Les agissements retenus contre M. [D] et analysés supra, dénigrement de la société, comportement vis-à-vis des salariés et location d'un véhicule trop coûteux et inadapté destiné essentiellement à un usage personnel, constituent des fautes de gestion commises par M. [D].

Il n'est pas justifié que le comportement de M. [D] vis-à-vis des salariés ait entraîné un préjudice pour la société Arsi. Les salariés en question n'ont pas obtenu de condamnation de la société à ce titre, ces comportements n'ont pas fait l'objet d'une publicité de nature à atteindre l'image de la société Arsi. Certains salariés ont présenté des demandes de paiements. Ces demandes n'ont pour l'essentiel pas abouti et les paiements effectués à la suite de ces demandes étaient sans lien avec les agissements de M. [D] vis-à-vis du personnel retenus supra comme fautifs.

La demande de paiement de dommages-intérêts à ce titre sera rejetée.

Comme il a été vu supra, la distribution de dividendes et l'augmentation de la rémunération de M. [D] n'ont pas été retenus comme fautives.

Le choix de recourir à la location d'un véhicule pour un coût sans rapport avec l'activité et le résultat de la société a occasionné un préjudice. Ce n'est pas le recours en lui même au financement d'un véhicule qui est fautif mais le choix du véhicule d'un coût inadapté. Au vu de ces éléments, le préjudice subi par la société Arsi à ce titre sera fixé à la somme de 30.000 euros. M. [D] sera condamné à payer cette somme à la société Arsi.

Comme il a été vu supra, M. [D] a délibérément dénigré la société Arsi, en ayant recours à des lettres anonymes présentées faussement comme émanant d'un client de la société Arsi. Ce comportement a reçu une publicité certaine en ce qu'il a mis en cause un client et a été adressé à des concurrents de la société Arsi.

Il y a lieu d'évaluer le préjudice résultant pour la société Arsi de cette perte d'image à la somme de 20.000 euros. M. [D] sera condamné à payer cette somme à la société Arsi.

Il n'est pas établi que le comportement de M. [D] retenu supra comme fautif ait eu une incidence directe sur les comptes de la société. Il est constant que la mésentente entre associés a rendu difficile la gestion de la société. L'opportunité de l'abandon progressif de certaines activités relève d'un choix de gestion qu'il n'appartient pas au juge d'apprécier.

La demande de paiement de dommages-intérêts au titre de la perte de résultat net sera rejetée.

Sur les demandes formées contre M. [I] :

M. et Mme [D] présentent des demandes d'indemnisation contre M. [I] pour partie pour des agissements qu'il aurait commis alors qu'il était encore salarié de la société Arsi.

La société Arsi présente des demandes d'indemnisation contre M. [I] au titre de man'uvres déloyales et de perception d'indemnités kilométriques indues. Ces demandes sont relatives aux agissements allégués de M. [I] à l'époque où il était salarié de la société Arsi.

Seule la juridiction prud'homale est compétente pour apprécier le bien fondé de ces demandes.

Elles seront déclarées irrecevables dans la présente instance.

M. et Mme [D] présentent également des demandes au titre des procédures judiciaires dans lesquelles ils ont été impliqués.

Il n'est pas justifié que M. [I] ait agi en justice dans un but autre que celui de faire valoir ses droits en justice. Ces demandes seront rejetées.

Sur les frais et dépens :

Il y a lieu de rejeter les demandes formées au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de dire que chacune des parties conservera à sa charge les dépens d'appel par elle engagés.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

- Infirme le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de M. [D] de voir condamner M. [D] à indemniser un quelconque préjudice,

- Confirme le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

- Condamne M. [D] à payer à la société Atlantique Réseaux et solutions d'impression la somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts afférents à la faute de gestion ayant consisté à prendre en location en 2019 un véhicule pour un coût trop élevé,

- Condamne M. [D] à payer à la société Atlantique Réseaux et solutions d'impression la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts afférents au préjudice résultant de la perte d'image,

- Déclare irrecevables les demandes de paiement de dommages-intérêts formées contre M. [I] pour des agissements allégués à une époque à laquelle il était salarié, par, d'une part, M. [D] et Mme [L], son épouse, et, d'autre part, la société Atlantique Réseaux et solutions d'impression,

- Rejette les demandes de paiement de dommages-intérêts formées par M. [D] et Mme [L], son épouse, au titre des préjudices allégués résultant de l'engagement de procédures judiciaires,

- Rejette les autres demandes des parties,

- Dit que chacune des parties conservera à sa charge les dépens d'appel par elle engagés.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 3ème chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 20/04311
Date de la décision : 15/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-15;20.04311 ?
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