1ère Chambre
ARRÊT N°369/2022
N° RG 20/03031 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QXP2
M. [W] [M]
Mme [B] [R] [T]
C/
SCI AMBITION
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 15 NOVEMBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 05 Septembre 2022 devant Madame Véronique VEILLARD, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 15 Novembre 2022 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré annoncé au 08 novembre 2022 à l'issue des débats
****
APPELANTS :
Monsieur [W] [M]
né le 27 Mai 1946 à [Localité 5] (88)
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Me Emmanuel KIERZKOWSKI-CHATAL de la SELARL POLYTHETIS, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE
Madame [B] [R] [T]
née le 10 Mars 1950 à [Localité 6] (54)
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Emmanuel KIERZKOWSKI-CHATAL de la SELARL POLYTHETIS, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE
INTIMÉE :
La société SCI AMBITION, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
chez M. et Mme [I] [L] et [S]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Jacques-Yves COUETMEUR de la SCP CADORET-TOUSSAINT, DENIS & ASSOCIES, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE
FAITS ET PROCÉDURE
Une promesse synallagmatique de vente portant sur une maison d'habitation sise à [Adresse 7], a été signée le 30 juin 2017 entre la société civile immobilière Ambition, venderesse, et M. et Mme [M], acquéreurs, moyennant le prix de 310.000 €.
Cette promesse comportait plusieurs conditions suspensives, dont, en page 10, la réalisation à la charge de la sci Ambition de travaux dans la suite parentale et de finitions diverses des encadrements du salon et salle à manger, ainsi que les gouttières qui devaient être terminées avant la signature de l'acte authentique.
Cette promesse précisait également en page 20 au titre des diagnostics que l'immeuble se trouvait "dans une zone délimitée par arrêté préfectoral comme étant contaminée par les termites ou susceptible de l'être", qu'un "état relatif à la présence de termites délivré par Detex, ci-dessus nommée le 22 juin 2017 est annexé", que "Le promettant [s'engageait] à installer un système de protection et répulsion afin de protéger les constructions avant la signature de l'acte authentique" et "[s'engageait] également à le faire suivant les règles de l'art et aux normes françaises. Ce qui [était] accepté par le Bénéficiaire".
Une indemnité d'immobilisation de 31.000 €, acquise au vendeur au cas où l'acquéreur renoncerait à son acquisition, toutes conditions suspensives étant levées, était stipulée.
Un rendez-vous de signature était convenu entre les parties le 14 septembre 2017 à l'étude de maître Beauperin, notaire à Orvault (44).
M. et Mme [M] ne s'y présentaient pas, arguant avoir constaté lors de leur visite des lieux le 12 septembre précédent que :
- les travaux faisant l'objet de la condition suspensive n'étaient pas achevés,
- la piscine hors sol du jardin avait été démontée et évacuée,
- des plantations avaient été arrachées,
- de nombreux éléments de la cuisine aménagée et équipée avaient été démontés et évacués,
- une ouverture avait été créée dans un mur porteur.
Ils ajoutaient que le traitement anti-termites réalisé par le gérant de la sci n'était pas conforme puisqu'il devait être effectué par un professionnel conformément aux engagements contractuels.
La sci Ambition répliquait que les travaux avaient été réalisés le 13 septembre 2022, soit le lendemain du passage des acquéreurs et la veille du rendez-vous de signature de l'acte authentique.
Par courrier officiel en date du 29 novembre 2017, le conseil de la sci Ambition mettait en demeure M. et Mme [M] d'avoir à régler la somme de 31.000 € au titre de l'indemnité d'immobilisation conformément aux termes de la promesse de vente.
Ce courrier étant demeuré sans réponse et M. et Mme [M] ayant refusé de réitérer la vente en la forme authentique, la société Ambition les a, par acte du 25 mai 2018, fait assigner devant le tribunal de grande instance de Saint Nazaire (devenu tribunal judiciaire à compter du 1er janvier 2020) qui, par jugement du 11 juin 2020, les a condamnés à lui payer la somme de 31.000 €, outre une somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
M. et Mme [M] ont interjeté appel de cette décision par déclaration du 6 juillet 2020.
Par ordonnance du 4 décembre 2020, la requête en arrêt d'exécution provisoire a été rejetée.
PRÉTENTIONS ET MOYENS
M. et Mme [M] exposent leurs demandes et moyens dans leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 2 septembre 2020 auxquelles il est renvoyé.
Ils demandent à la cour de :
- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- débouter la sci Ambition de ses demandes,
- condamner la sci Ambition à leur payer les sommes de 1.497,60 € au titre de leur préjudice matériel et 5.000,00 € au titre de leur préjudice moral,
- la condamner à leur payer une indemnité de 5.000,00 € au titre des frais non-répétibles, outre la charge des entiers dépens.
La sci Ambition expose ses demandes et moyens dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 23 septembre 2020 auxquelles il est renvoyé.
Elle demande à la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 11 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Saint-Nazaire,
- condamner solidairement M. et Mme [M] à lui verser la somme de 31.000 € au titre de l'indemnité forfaitaire d'immobilisation,
- les condamner solidairement à lui verser la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et celle de 4.000 € au titre des frais irrépétibles d'appel, outre la charge des dépens recouvrés conformément aux articles 696 et suivants du code de procédure civile,
- débouter M. et Mme [M] de l'ensemble de leurs demandes.
MOTIFS DE L'ARRÊT
1) Sur l'indemnité d'immobilisation
M. et Mme [M] soutiennent que lors d'une visite du bien le 12 septembre 2017, ils ont constaté que :
- les travaux prévus n'étaient pas achevés,
- la piscine hors sol du jardin avait été démontée et évacuée,
- des plantations avaient été arrachées,
- de nombreux éléments de la cuisine aménagée et équipée avaient également été démontés et évacués,
- M. [I] avait procédé ou fait procéder à un frangement intempestif d'un mur porteur dans le salon (non prévu dans les travaux convenus), et qu'interrogé à ce sujet, il n'avait pas été en mesure de fournir l'identité d'une entreprise assurée ayant réalisé les travaux.
Ils rappellent que M. [I] avait déclaré avoir effectué lui-même le traitement anti-termites contrairement aux engagements contractuels. Ils plaident que le bien n'était plus le même que lors de la signature du compromis de vente et rappellent que par courrier du 10 octobre 2017, leur avocat a fait savoir qu'ils n'entendaient plus acquérir le bien. Ils soulignent encore qu'ils n'ont jamais été mis en demeure de signer l'acte authentique de vente.
La sci Ambition soutient que les travaux ont été finalisés le 13 septembre 2017, soit le lendemain du passage de M. et Mme [M], lesquels ont refusé de venir les constater, qu'aucune cloison n'a été abattue, ni des éléments de cuisine enlevés ou des plantations retirées, que le traitement anti termite n'était pas au nombre des conditions suspensives, qu'il n'était pas prévu qu'il soit réalisé par un professionnel, ni qu'il soit déclaré en mairie, que la seule sanction possible était l'application de la garantie des vices cachés, que M. et Mme [M] échouent à rapporter la preuve de la non-réalisation des travaux, des atteintes au bien ou de la disparition de certains équipements ou aménagements constituant ledit bien.
En droit, lorsqu'une obligation est contractée sous la condition qu'un événement arrivera dans un temps fixe, cette condition est censée défaillie lorsque le temps est expiré sans que l'événement soit arrivé. S'il n'y a point de temps fixe, la condition peut toujours être accomplie ; et elle n'est censée défaillie que lorsqu'il est devenu certain que l'événement n'arrivera pas.
Pour être opérante, une condition suspensive doit être rédigée en termes clairs et précis, contenir l'objet de la condition, prévoir les délais de réalisation ainsi que les modalités de justification des diligences effectuées.
Il appartient au débiteur de la condition suspensive de faire diligence pour sa réalisation et pour en justifier.
En l'espèce, la promesse synallagmatique du 30 juin 2017 a prévu en page 6 que "Le BÉNÉFICIAIRE s'oblige à verser au PROMETTANT la somme de TRENTE ET UN MILLE (31.000,00 EUR), dans le délai de huit jours de l'expiration du délai de réalisation de la promesse de vente, pour le cas où le BÉNÉFICIAIRE, toutes les conditions suspensives ayant été réalisées, ne signerait pas l'acte de vente de son seul fait."
En page 20 a été mise à la charge de la sci Ambition une condition suspensive de travaux ainsi libellée :
"- Réalisation des travaux de la suite parentale et des finitions diverses des encadrements du salon et salle à manger, ainsi que les gouttières qui devront être terminées avant la signature de l'acte authentique."
Les acquéreurs M. et Mme [M] ont visité le bien le 12 septembre 2017 en prévision de la signature de l'acte authentique fixée le 14 septembre suivant. Ils soutiennent que ces travaux prévus n'étaient pas achevés.
La sci Ambition, venderesse, soutient que ces travaux ont été finalisés le lendemain 13 septembre 2022, soit la veille du jour de la signature de l'acte authentique.
Toutefois, au regard des pièces produites en appel par l'intimée, dont il convient de rappeler ici la liste :
1. Promesse de vente du 30 juin 2017,
2. Courrier de Maître GARCIA-DUBRAY du 10 octobre 2017,
3. Courrier de Maître GARCIA-DUBRAY du 30 octobre 2017,
4. Courrier de Maître COUETMEUR du 29 novembre 2017,
force est de constater que la sci Ambition ne produit aucun justificatif de la réalisation effective de ces travaux, ni en première instance alors que le reproche de cette absence était déjà formulé, ni en appel en présence de la réitération du même reproche, et alors que la production par exemple de simples clichés photographiques datés ou de factures de travaux auraient permis de constituer à tout le moins un commencement de preuve de cette exécution soumis à l'examen du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire et de la cour d'appel de Rennes.
Le fait que M. et Mme [M] ne se soient pas présentés à un rendez-vous contradictoire sur place ' à supposer que ce rendez-vous ait été dûment convoqué, ce qui n'est pas non plus établi ' ne saurait conduire à inverser la charge de la preuve quant à l'exécution de ces travaux laquelle reposait exclusivement sur la sci Ambition venderesse.
Par ailleurs, si les griefs d'enlèvement de la piscine, dont il n'apparaît pas dans le compromis de vente qu'elle devait être vendue avec la maison, de retrait de plantations, d'enlèvement d'éléments de cuisine, d'ouverture dans un mur porteur ou de traitement des termites par un non-professionnel, tels qu'ils sont allégués par M. et Mme [M], ne sont pas confirmés par des constats ou des clichés photographiques, ces éléments sont toutefois indifférents à la mise en 'uvre du mécanisme de l'indemnité d'immobilisation, qui sanctionne le défaut de réalisation d'une condition suspensive.
Sous le bénéfice de ces observations et par application des termes du compromis de vente, la sci Ambition doit être déboutée de sa demande de paiement dirigée contre M. et Mme [M] en paiement d'une indemnité d'immobilisation.
Le premier jugement sera infirmé sur ce point.
2) Sur les demandes de dommages et intérêts de M. et Mme [M]
M. et Mme [M] estiment avoir subi un préjudice dès lors qu'ils ont dû renoncer à leur projet immobilier et trouver une solution de logement en urgence. Ils indiquent ainsi avoir dû louer un appartement ainsi qu'un box pour entreposer leurs biens, ayant exposé divers frais pour un montant de 1.497,60 € dont ils sollicitent l'indemnisation, outre leur demande au titre d'un préjudice moral d'un montant de 5.000 €.
Ils ne produisent toutefois aucune pièce au soutien de leur réclamation.
Il convient qu'ils en soient déboutés purement et simplement.
3) Sur les dépens et les frais irrépétibles
Succombant, la sci Ambition supportera la charge des dépens d'appel. Le jugement de première instance sera infirmé s'agissant des dépens de première instance, qui seront mis à la charge de la sci Ambition.
Enfin, eu égard aux circonstances de l'affaire, il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés par elles qui ne sont pas compris dans les dépens. Le jugement de première instance sera infirmé sur ce point.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement du 11 juin 2020 du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire,
Déboute la sci Ambition de sa demande de paiement de l'indemnité d'immobilisation dirigée contre M. et Mme [M],
Condamne la sci Ambition aux dépens de première instance et aux dépens d'appel,
Rejette les demandes au titre des frais irrépétibles,
Rejette le surplus des demandes.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE