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14/11/2022 | FRANCE | N°22/04319

France | France, Cour d'appel de Rennes, Contestations honoraires, 14 novembre 2022, 22/04319


Contestations Honoraires





ORDONNANCE N° 103



N° RG 22/04319

N° Portalis DBVL-V-B7G-S5SH













M. [Y] [V]

Mme [L] [V]



C/



S.E.L.A.R.L. ALEXA































Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES



ORDONN

ANCE DE TAXE

DU 14 NOVEMBRE 2022







Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre,

délégué par ordonnance de Monsieur le Premier Président,



GREFFIER :



Madame Françoise BERNARD, lors des débats et lors du prononcé



DÉBATS :



A l'audience publique du 10 Octobre 2022



ORDONNANCE :



Contradictoire,

pro...

Contestations Honoraires

ORDONNANCE N° 103

N° RG 22/04319

N° Portalis DBVL-V-B7G-S5SH

M. [Y] [V]

Mme [L] [V]

C/

S.E.L.A.R.L. ALEXA

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ORDONNANCE DE TAXE

DU 14 NOVEMBRE 2022

Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre,

délégué par ordonnance de Monsieur le Premier Président,

GREFFIER :

Madame Françoise BERNARD, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 10 Octobre 2022

ORDONNANCE :

Contradictoire,

prononcée à l'audience publique du 14 Novembre 2022, date indiquée à l'issue des débats

****

ENTRE :

Monsieur [Y] [V]

[Adresse 3]

[Localité 5]

comparant en personne

Madame [L] [V]

[Adresse 3]

[Localité 5]

comparante en personne

ET :

S.E.L.A.R.L. ALEXA

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Gérard CHABOT de la SELARL ALEXA, avocat au barreau de NANTES substitué à l'audience par Me Darly russel KOUAMO, avocat au barreau de NANTES

****

EXPOSE DU LITIGE :

M. [Y] [V] et Mme [L] [M] épouse [V], d'une part, et la copropriété La Maison Jaune, d'autre part, ont confié à Me Gérard Chabot, membre de la Selarl Alexa, avocat au barreau de Nantes, la défense de leurs intérêts dans le cadre d'un litige immobilier (copropriété et construction).

Une convention d'honoraires a été signée le 10 décembre 2020 entre la Selarl Alexa et la copropriété, représentée par Mme [V].

Après négociations en vue d'un accord amiable, l'avocat a introduit une action en référé contre la copropriétaire avec laquelle ses clients étaient en litige puis contre le notaire ayant instrumenté. Une ordonnance de référé a été rendue le 5 octobre 2021.

Simultanément, les clients ont déchargé leur conseil.

La Selarl Alexa a adressé à ses clients diverses factures pour un montant global de 14 613,20 euros TTC, droits de plaidoirie inclus.

Les clients ayant refusé de régler la dernière facture, la Selarl Alexa a saisi, par requête reçu le 14 octobre 2021, le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Nantes d'une demande aux fins de fixation de sa rémunération.

Par décision du 9 juin 2022, le bâtonnier a fixé à la somme de 14 587,20 euros TTC les frais et honoraires dus à la Selarl Alexa et a condamné les époux [V] au paiement d'une somme de 3 145 euros TTC, après déduction de la provision de 11 437,20 euros TTC déjà versée.

Par lettre recommandée avec accusé de réception envoyée le 4 juillet 2022, les époux [V] ont formé un recours contre cette ordonnance dont ils sollicitent la réformation demandant que les honoraires de l'avocat soient fixés à la somme de 4 320 euros TTC.

Ils rappellent que la convention d'honoraires n'a été signée que par la copropriété.

Ils font valoir que le montant des factures de leur conseil est exorbitant par rapport au travail réellement effectué, rappelant les diligences qu'il a accomplies et celles pour lesquelles il s'est fait représenter.

Ils estiment ne pas avoir été complètement informés sur le montant des honoraires.

Ils contestent la feuille de diligences de l'avocat et rappellent qu'une partie de celles-ci a été effectuée par Mme [S] dont ils ne connaissent pas le statut.

Ils sollicitent que le montant des honoraires soit limité à la somme de 4 320 euros.

La Selarl Alexa sollicite la confirmation de l'ordonnance et réclame en sus les sommes de 100 euros au titre des frais de taxation, de 100 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant le bâtonnier et de 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

Elle rappelle les diligences accomplies qui, selon fiche détaillée, représentent 76,25 heures de travail. Elle précise avoir sous-facturé ce dossier qui aurait dû l'être à hauteur de 20 347 euros TTC.

Elle ajoute que le taux horaire pratiqué n'est nullement excessif et fait valoir que ses diligences ne se sont pas limitées à une simple procédure de référé, mais ont compris plusieurs tâches annexes (correspondances, contrôle des convocations, contrôle des PV d'assemblée générale, intervention auprès de l'organisme bancaire de Mme [F]).

Elle rappelle qu'il n'appartient pas au juge de l'honoraire de revenir sur des prestations acquittées ou de connaître des fautes reprochées.

Les parties ont été invitées à s'expliquer, le cas échéant, sur la caducité de la convention (hormis la disposition applicable en cas de résiliation) et les frais de taxe.

La société Alexa a expliqué que les frais de taxe correspondaient à la somme qu'elle avait dû régler à l'ordre pour saisir le bâtonnier et obtenir une ordonnance de taxe.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

La recevabilité du recours n'est pas contestée.

Une convention d'honoraires au temps passé sur la base d'un tarif horaire de 180 euros HT a été conclue le 10 décembre 2020 entre la copropriété La Maison Jaune et la Selarl Alexa. Cette convention prévoit, en outre, la facturation au client des frais de cabinet suivant un barème inséré à l'article B des conditions particulières. Enfin, l'article E prévoit les honoraires et les frais dus en cas de rupture de la convention avant le terme de la mission.

La mission de l'avocat a été définie ainsi : 'assistance et représentation dans le cadre du litige l'opposant à Mme [G] [F], relativement à la sortie de cette dernière de la copropriété La Maison Jaune. Engagement de toute action utile à la défense des intérêts du client. La présente convention règle également la négociation, la rédaction et la signature d'un éventuel accord transactionnel qui pourrait intervenir entre les parties'.

Bien que cette convention n'ait pas été signée par les époux [V], l'assignation en référé du 15 mars 2021 a été délivrée à leurs seuls noms. Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2] à [Localité 5] (la Maison Jaune) est intervenu volontairement à la procédure en mai 2021 sous la 'constitution' d'un autre avocat, Me [H] [O]. Le notaire instrumentaire, Me [E] [X] a été assigné en intervention forcé par acte du 11 juin 2021 délivré aux noms des époux [V].

La Selarl Alexa, professionnel du droit, ne peut fonder les honoraires qu'elle réclame aux époux [V] sur la convention précitée puisqu'elle ne les concerne pas mais concerne exclusivement un tiers, la copropriété Maison Jaune ou plus exactement le syndicat des copropriétaires de cette copropriété.

Aucune convention d'honoraires n'ayant été signée entre la Selarl Alexa et les époux [V], les honoraires de l'avocat doivent être fixés par référence aux critères énoncés à l'article 10 al 4 de la loi du 31 décembre 1971, selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.

Il doit également être tenu compte du fait qu'il n'appartient pas au juge de l'honoraire de remettre en cause des honoraires librement et en toute connaissance de cause payés par le client après service rendu, y compris pour des diligences facturées au fur et à mesure de leur établissement. Ce principe jurisprudentiel (2e Civ., 18 septembre 2003, pourvoi n° 01-16.013, Bull. 2003, II, n° 279 ; 2e Civ., 6 mars 2014, pourvoi n° 13-14.922, Bull. 2014, II, n° 62, 2e Civ., 8 février 2018, pourvoi n° 16-22.217) suppose que la facture soit suffisamment précise et détaille les prestations concernées.

En l'espèce, la Selarl Alexa a émis trois factures que les clients ont honorés après service rendu :

- le 1er mars 2021, une facture de 2 970 euros HT soit 3 564 euros TTC concernant les diligences effectuées entre le 12 décembre 2020 et le 14 février 2021 comprenant des honoraires (2 700 euros dont rédaction de l'assignation) et des frais (270 euros HT) payés au moyen d'une provision 1 296 euros TTC et le solde postérieurement à la facture. Cette facture qui détaille les prestations et les coûts a été acceptée par le client qui l'a réglée sans la moindre réserve, ne peut être remise en cause,

- le 14 juin 2021, une facture de 3 240 euros HT soit 3 888 euros TTC concernant les diligences effectuées entre le 1er mars et le 14 juin 2021, comprenant uniquement des honoraires (dont ceux afférents à l'assignation forcée du notaire), les frais étant offerts. Cette facture qui détaille les prestations et les coûts a été acceptée par le client qui l'a réglée sans la moindre réserve (provision de 2 160 euros et solde après diligences de 1 728 euros), ne peut être remise en cause,

- 30 juillet 2021, une facture de 3 310 euros HT soit 3 972 euros TTC concernant les diligences effectuées entre le 14 juin et le 30 juillet 2021, comprenant uniquement des honoraires (dont ceux afférents à l'assignation forcée du notaire) et dépens (timbre de plaidoirie), les frais étant offerts. Cette facture qui détaille les prestations et les coûts a également été acceptée par le client qui l'a réglée sans la moindre réserve (provision de 1 512 euros et solde après diligences de 2 473 euros), ne peut être remise en cause.

La discussion ne peut donc porter que sur la dernière facture (n° 2021518 du 14 septembre 2021) qui porte sur les prestations effectuées entre le 30 juillet et le 10 septembre 2021.

Cette facture fait état des diligences suivantes :

- instruction et suivi du dossier : 360 euros HT,

- préparation et rédaction des conclusions en réponse récapitulative n° 2 et 3 : 1260 euros HT,

- communication de pièces n° 5 et 6 : 180 euros HT,

- dossier de plaidoirie : 180 euros HT,

- assistance et représentation à l'audience de plaidoirie : 630 euros HT,

- timbre de plaidoirie : 13 euros.

Total 2 610 euros, total TTC 3 132 euros, total général 3 145 euros.

En premier lieu, il convient de rappeler que le droit de plaidoirie (timbre de plaidoirie) fait partie des dépens (article 695 7° du code de procédure civile) et que la connaissance de ceux-ci échappe au juge de l'honoraire (les dépens étant vérifiés par le secrétaire de la juridiction et taxé par le juge taxateur conformément à la procédure d'ordre public prévue par les articles 704 et suivants du code de procédure civile). L'ordonnance du bâtonnier qui inclut dans sa taxe le droit de plaidoirie ne peut donc qu'être infirmée.

En second lieu, si la facture litigieuse ne précise pas le temps passé, le taux horaire pratiqué par l'avocat est de 180 euros HT/heure. Ce taux qui correspond au taux moyen pratiqué par un avocat dépourvu de qualification dans le ressort de la cour peut être retenu.

Pour l'instruction et le suivi du dossier pendant un mois et demi dont le mois d'août, l'avocat a facturé deux heures de travail ce qui, pour un référé, est très excessif et irréaliste. Ce poste sera réduit à 1/2 heure (90 euros HT).

Pour la rédaction et la préparation des conclusions n° 2 et 3, l'avocat a facturé sept heures de travail. Les conclusions en réponse récapitulatives n° 2 sont datées du 2 septembre 2021 et les conclusions n° 3 du 3 septembre, celles-ci annulant et remplaçant les précédentes.

Par rapport aux conclusions du 19 juillet, les conclusions du 2 septembre (39 pages) ont ajouté 9 pages (pages 12 à 20) et un paragraphe de quatre lignes (page 27). Les neuf pages sont une réponse à l'argumentation de Mme [F]).

Les conclusions du 3 septembre (40 pages) n'apporte qu'une modification à la marge.

La réponse, purement factuelle et sans argumentation juridique, aux dernières écritures de Mme [F] n'a pu demander plus de trois heures de travail, soit 540 euros HT.

La communication de deux pièces ne peut sérieusement être facturée une heure de travail d'avocat. Cette prestation sera arrêtée à 30 euros HT.

La préparation du dossier de plaidoirie (41 pièces communiquées) justifie l'heure de travail facturée (180 euros HT).

Enfin, un volume de trois heures de travail peut être retenu pour la plaidoirie, l'avocat étant nantais et l'affaire ayant été plaidée à [Localité 5] (540 euros HT).

Les frais et honoraires de la Selarl Alexa afférents aux prestations énoncées dans la facture du 14 septembre 2021 seront taxés à la somme de 1 380 euros HT soit 1 656 euros TTC.

La société Alexa ne peut qu'être déboutée de ses frais de taxe devant le bâtonnier, étant rappelé qu'il s'agit d'une procédure obligatoire et gratuite pour laquelle aucun frais ne peut être réclamé (cf. les avis du CNB en ce sens et notamment avis 2013-005 du 28 mars 2013).

La société Alexa, partie succombante, supportera la charge des éventuels dépens.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, contradictoirement,

Infirmons l'ordonnance du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Nantes du 9 juin 2022.

Statuant à nouveau :

Disons que les frais et honoraires réglés en vertu des factures des 1er mars, 14 juin et 30 juillet 2021 ne peuvent plus être contestées et déclarons irrecevables les demandes en ce sens.

Fixons les honoraires dus au titre des prestations énoncés dans la facture du 14 septembre 2021 à la somme de 1 656 euros TTC et condamnons les époux [Y] et [L] [V] à payer cette somme à la Selarl Alexa.

Déboutons la société Alexa du surplus de cette demandes.

Condamnons la Selarl Alexa aux éventuels dépens.

Rejetons sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Contestations honoraires
Numéro d'arrêt : 22/04319
Date de la décision : 14/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-14;22.04319 ?
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