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10/11/2022 | FRANCE | N°19/04287

France | France, Cour d'appel de Rennes, 7ème ch prud'homale, 10 novembre 2022, 19/04287


7ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°466/2022



N° RG 19/04287 - N° Portalis DBVL-V-B7D-P4KX













SARL ZBD



C/



Mme [P] [O]



























Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 10 NOVEMBRE 2022





COMPOSITION DE LA

COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats, et Madame Françoise DELAUNAY, lors du prononcé,

...

7ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°466/2022

N° RG 19/04287 - N° Portalis DBVL-V-B7D-P4KX

SARL ZBD

C/

Mme [P] [O]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 10 NOVEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,

Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats, et Madame Françoise DELAUNAY, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 19 Septembre 2022

En présence de Madame DUBUIS, médiatrice judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 10 Novembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

SARL ZBD prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Marie-véronique LUMEAU de la SELARL WOOG & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

Madame [P] [O]

née le 10 Avril 1992 à [Localité 2]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Adélaïde KESLER de la SELARL INVICTAE, Plaidant, avocat au barreau de RENNES

EXPOSÉ DU LITIGE

La SARL ZBD est une société de moins de 10 salariés exploitant un salon franchisé de l'enseigne 'L'atelier du sourcil' situé à [Localité 2].

Mme [P] [O] a été engagée par la SARL ZBD selon un contrat à durée indéterminée en date du 07 février 2017. Elle exerçait les fonctions d'esthéticienne maquilleuse à temps partiel, puis à temps complet à compter du 07 mars 2017.

Les relations entre les parties étaient régies par la convention collective esthétique cosmétique.

En avril 2017, Mme [O] a suivi une formation de trois semaines auprès du franchiseur, puis une seconde formation d'une semaine en juin 2017.

Au cours du mois de juin 2017, le responsable de la franchise 'L'Atelier du sourcil' informait la SARL ZBD que Mme [O] s'était renseignée quant aux formalités d'ouverture d'un salon concurrent à [Localité 2].

Le 22 juin 2017, l'employeur a convoqué Mme [O] afin de lui rappeler les clauses d'exclusivité et de non concurrence dans son contrat.

Mme [O] a été en congés du 31 juillet au 21 août 2017, puis en arrêt maladie du 23 août au 4 octobre 2017.

À compter du 24 octobre 2017, Mme [O] a été de nouveau en arrêt maladie, prolongé jusqu'au 10 janvier 2018.

À l'issue de la première visite de reprise le 11 janvier 2018, le médecin du travail a envisagé l'inaptitude de la salariée.

Le 25 janvier 2018, lors de la seconde visite, le médecin du travail a confirmé l'inaptitude de Mme [O] à son poste, avec une recherche de reclassement possible dans un autre atelier.

Par courrier recommandé en date du 07 février 2018, la société ZBD a proposé à Mme [O] deux postes de reclassement. Le 19 février suivant, les propositions ont été refusées par la salariée.

Le 22 février 2018, la SARL ZBD a convoqué Mme [O] à un entretien préalable au licenciement fixé au 06 mars 2018.

Par courrier recommandé en date du 12 mars 2018, l'employeur a notifié à Mme [O] un licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Contestant la rupture de son contrat de travail, Mme [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Rennes par requête en date du 23 avril 2018 afin de voir :

A titre principal,

- Constater qu'elle a été victime de harcèlement moral.

En conséquence,

- Prononcer la nullité du licenciement du 12 mars 2018 prononcé à son encontre et condamner la SARL ZBD à lui payer des dommages et intérêts pour nullité de son licenciement (6 mois) :10 150,00 Euros

- Condamner la SARL ZBD à lui payer les sommes suivantes :

- Réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral dont elle a été victime : 1 500,00 Euros

- Indemnité compensatrice de préavis : 1 691,00 Euros

- Indemnité- compensatrice de congés payés sur préavis : 169,00 Euros

A titre subsidiaire,

- Constater que la SARL ZBD a manqué à son obligation de reclassement.

En conséquence,

- Condamner la SARL ZBD à lui payer des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 3 382,00 Euros

- Indemnité compensatrice de préavis : 1 691,00 Euros

- Indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 169,00 Euros

En toute occurrence,

- Condamner la SARL ZBD à lui payer :

- Dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité : 1 500,00 Euros

- Ordonner l'annulation des deux avertissements en date des 17 et 19 octobre 2017 notifiés à Mlle [O]

En conséquence,

- Condamner la SARL ZBD à payer à lui payer des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par l'infliction d'avertissements irréguliers : 1 000,00 Euros

- Constater que la SARL ZBD a manqué à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail ainsi qu'à son obligation de suivi médical de ses salariés.

En conséquence,

- Condamner la SARL ZBD à lui payer des dommages et intérêts pour manquement à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail ainsi qu'à son obligation de suivi médical de ses salariés : 1000,00 Euros

- Condamner la SARL ZBD au paiement des sommes suivantes :

- Rappel de prime de formation : 150,20 Euros

- Rappel de prime d'assiduité : 700,00 Euros

- Rappel de prime de performance : 980,40 Euros

- Ordonner la rectification des documents de fin d'emploi conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la notification à intervenir.

- Condamner la SARL ZBD à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées, dans la limite de 6 mois d'indemnité de chômage.

- Assortir les condamnations à intervenir des intérêts au taux légal à compter de la date de saisine du conseil de Prud'hommes de RENNES soit le 20 avril 2018

- Assortir l'intégralité de la décision à intervenir de l'exécution provisoire.

- Condamner la SARL ZBD à lui payer une indemnité en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile : 3 000,00 Euros

- Ainsi qu'aux entiers dépens.

La SARL ZBD a demandé au conseil de prud'hommes de :

- Juger que le licenciement de Mme [O] repose sur une inaptitude d'origine non professionnelle et sur I'impossibilité de la société ZBD de procéder à son reclassement suite au refus de Mme [O] de postes conformes

- Juger que Mme [O] n'a fait l'objet d'aucun agissement de harcèlement moral.

- Juger que Mme [O] a été remplie de l"intégralité de ses droits.

En conséquence,

- Débouter Mme [O] de l'intégralité de ses demandes.

- Condamner Mme [O] au paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile : 3 000,00 Euros

- Ainsi qu'aux entiers dépens.

Par jugement en date du 05 juin 2019, le conseil de prud'hommes de Rennes a :

- Jugé que le licenciement de Madame [P] [O] par la SARL ZBD est frappé de nullité pour faits de harcèlement moral,

- Condamné par conséquent la SARL ZBD à verser à Madame [P] [O] la somme de 10.150 euros correspondant à 6 mois de salaire,

- Condamné la SARL ZBD à verser à Madame [P] [O] la somme de 1.691 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, plus la somme de 169 € euros au titre des congés payés afférents,

- Condamné la SARL ZBD à verser à Madame [P] [O] les sommes de 150,20 euros, 700 euros, et 980,40 euros au titre de rappel de primes respectivement de formation, d'assiduité, et de performance ;

- Dit que l'exécution provisoire est de droit pour les sommes à caractère salarial en application de l'article R 1454-28 du code du travail et fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 1 691 euros.

- Dit qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire sur la totalité du jugement.

- Dit que les intérêts au taux légal courront à compter du 24 avril 2018 date de la citation, pour les sommes à caractère salarial et à compter du présent jugement pour les sommes à caractère indemnitaire.

- Ordonné l'annulation des deux avertissements notifiés à Madame [P] [O] en date des 17 et 19 octobre 2017,

- Ordonné la remise des documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard et dans la limite de 60 jours à compter du 30ème jour suivant la notification du présent jugement,

- Dit que le conseil de prud'hommes de Rennes sera compétent pour une éventuelle liquidation de l'astreinte,

- Débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- Condamné la SARL ZBD à verser à Madame [P] [O] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné la SARL ZBD aux entiers dépens y compris les frais éventuels d'exécution.

La SARL ZBD a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 27 juin 2019.

En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 21 juin 2022, la SARL ZBD à la cour de :

'- Recevoir la société ZBD en son appel et l'y déclarer bien-fondée,

- Infirmer le jugement prononcé par le Conseil de prud'hommes de RENNES en date du 5 juin 2019 En conséquence,

- Juger que le licenciement de Madame [O] repose sur une inaptitude d'origine non professionnelle et sur l'impossibilité de la société ZBD de procéder à son reclassement suite au refus de Madame [O] de postes conformes ;

- Juger que Madame [O] n'a fait l'objet d'aucun agissement de harcèlement moral;

- Juger que [P] [O] a été remplie de l'intégralité de ses droits;

- Débouter [P] [O] de l'intégralité de ses demandes, fin et conclusions ;

- Condamner [P] [O] à 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.'

En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 08 novembre 2019, Mme [O] demande à la cour de :

- Condamner la société SARL ZBD à lui payer la somme de 1500 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité.

- Confirmer l'annulation des deux avertissements en date du 17 et du 19 octobre 2017.

En conséquence,

- Condamner la société SARL ZBD à lui payer la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par l'infliction d'avertissements irréguliers ;

- Constater que la société SARL ZBD a manqué à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail, ainsi qu'à son obligation de suivi médical de ses salariés.

En conséquence :

- Condamner la société SARL ZBD à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail, ainsi qu'à son obligation de suivi médical de ses salariés ;

- Débouter la Société ZBD de toutes ses demandes,

- Condamner la société SARL ZBD à lui payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure civile ;

- Condamner la société SARL ZBD aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état le 28 juin 2022 avec fixation de la présente affaire à l'audience du 19 septembre 2022.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions susvisées qu'elles ont déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande d'annulation des avertissements

L'employeur a notifié à Mme [O] deux avertissements ainsi rédigés :

Le 17 octobre 2017 :

'Le 14 octobre 2017, vous n'êtes pas revenue travailler après votre pause déjeuner. Le 17 octobre, vous avez réintégré votre poste de travail sans justificatif d'absence (...)

Si de tels incidents venaient à perdurer, nous pourrions être amenés à prendre une sanction plus grave. C'est pourquoi nous souhaitons vivement que vous fassiez le nécessaire pour un redressement rapide et durable'.

Le 19 octobre 2017 :

'Par la présente, nous tenons à vous notifier notre insatisfaction concernant votre comportement sur le lieu de travail, ainsi que nous avons déjà pu l'exprimer verbalement, puis par l'envoi d'un premier avertissement.

Vous avez de nouveau et par deux fois, abandonné votre poste sans nous fournir de justifications. Le mardi 17 octobre et le mercredi 18 octobre, vous n'êtes pas revenu de votre pause déjeuner alors que vous deviez travailler jusqu'à 19 heures.

Nous vous rappelons que l'inobservation des horaires constitue un manquement à vos obligations contractuelles, et que vos agissements nuisent au bon fonctionnement de l'entreprise (...).'

Le conseil de prud'hommes a annulé les avertissements en considérant que le règlement intérieur de l'entreprise, qui prévoit une mise en demeure avant la notification d'un avertissement pour absence injustifiée, n'a pas été respecté. Il a débouté Mme [O] de sa demande de dommages et intérêts pour sanction injustifiée en retenant qu'elle ne caractérisait pas de préjudice.

La société Zbd fait valoir que les avertissements étaient parfaitement justifiés en réponse au comportement de la salariée, totalement inadmissible dans n'importe quelle relation de travail, mais ne critique pas utilement la motivation du conseil de prud'hommes qui a relevé à bon droit que, comme le fait valoir cette dernière, le règlement intérieur de l'entreprise prévoit que l'absence injustifiée ne peut faire l'objet d'une sanction qu'après mise en demeure. Or en l'espèce l'employeur a omis cette formalité préalable avant la délivrance des avertissements, de sorte que ceux-ci ne peuvent qu'être annulés en confirmation du jugement. Mme [O], qui bénéficie de cette irrégularité procédurale, ne caractérise aucun préjudice du fait des avertissements notifiés et doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts, par voie de confirmation du jugement.

Sur les demandes de rappel de primes

Sur la prime de formation

Le conseil de prud'hommes a jugé que cette prime était due à la salariée, 'comme le prévoit la convention collective en son article 11-2".

La société Zbd soutient que si la convention collective applicable à l'espèce prévoit la possibilité d'une prime de formation, celle-ci n'a pas de caractère obligatoire, comme il apparait à la lecture de l'article cité à tort par le premier juge, qui indique dès la première ligne que 'la prime de formation doit avoir un caractère incitatif'.

Mme [O] réplique qu'elle a eu une formation de 140 heures et peut prétendre à l'octroi de 10% du salaire minimum conventionnel.

***

La convention collective dispose en son article 11.3 que :

'La prime de formation doit avoir un caractère incitatif. Elle n'est pas versée dans le cadre d'une formation à l'initiative du salarié, des actions d'adaptation au poste de travail ou celles liées à l'évolution ou au'maintien dans l'emploi, de prévention, d'entretien ou de perfectionnement des connaissances et de la formation en alternance, sauf accord de l'employeur.

Cette prime est versée lorsque la formation est effectuée à la demande de l'employeur, qu'elle se déroule sur plus de 2 journées consécutives et nécessitant au moins une nuitée hors du domicile.

Cette formation doit être dispensée par des écoles dûment déclarées auprès de l'éducation nationale ou par des organismes de formation dûment déclarés auprès de la préfecture et de la direction régionale du travail.

Cette prime s'ajoute au salaire de base. Elle est versée en une fois le mois suivant la fin du stage, en fonction du barème suivant':

' 5'% du salaire minimum conventionnel de la catégorie de l'intéressé par heure de formation pour les stages n'excédant pas 100 heures';

' 5'% du salaire minimum conventionnel de la catégorie de l'intéressé par heure de formation pour les stages de plus de 100 heures avec un maximum de 10'% du salaire mensuel conventionnel.'

En l'espèce, la formation de 140 heures dont il s'agit est bien une formation effectuée à la demande de l'employeur, qui s'est déroulée sur plus de 2 journées consécutives et nécessitait, étant dispensée à [Localité 5], au moins une nuitée hors du domicile ; l'employeur n'avance pas d'éléments tendant à établir qu'il s'agit d'une simple adaptation au poste de travail ou d'un perfectionnement des connaissances, comme visé au premier alinea de l'article qu'il cite, si ce n'est qu'il précise que la formation du mois de juin concernait une nouvelle technique spécifique de pigmentation en vue d'apprendre à se familiariser avec les dernières nouveautés distribuées dans toutes les enseignes. Cependant, au vu du programme de formation, il s'agit d'une formation de base à la pratique de la pigmentation qui, si elle constitue un perfectionnement des connaissances par rapport à la formation générale d'une esthéticienne, va au-delà de la simple adaptation au poste dans l'entreprise car elle est nécessaire s'agissant d'une forme de tatouage semi permanent. L'employeur ne développe pas d'arguments en faveur d'une prise en considération différenciée de la première formation par rapport à la deuxième.

En l'état des pièces et explications des parties, Mme [O] peut donc prétendre à une prime de 5% du salaire minimum de sa catégorie qui s'élève à 1502 euros, l'octroi d'une prime d'un montant supérieur n'étant pas une obligation pour l'employeur. Celui-ci sera en conséquence condamné à lui payer la somme de 75,70 euros à titre de prime de formation, en infirmation du jugement sur le montant retenu.

Sur les primes de performance et d'assiduité

La société Zbd fait valoir :

-que la salariée a quitté son poste en pleine journée, sans apporter la moindre explication et sans prévenir son employeur alors même qu'elle avait des rendez-vous programmés avec des clientes ; que c'est donc de façon parfaitement légitime que la prime d'assiduité n'a pas été activée ;

-que, contrairement à l'appréciation du conseil de prud'hommes qui a estimé que 'les modalités d'attribution qui figurent au contrat de travail relèvent du pur arbitraire, la salariée n'en connaissant pas les critères objectifs d'attribution', les critères fixés à l'article 5 du contrat de travail pour l'attribution de la prime de performance, à savoir : assiduité, implication, qualité du travail, résultats de l'atelier, sont objectifs et indépendants de la volonté de l'employeur ; qu'elle ne pouvait en aucun cas reverser à Mme [O] une telle prime à caractère variable dès lors que ses absences, fussent-elles justifiées par un arrêt maladie, empêchaient d'évaluer l'atteinte de ses objectifs, de sa productivité, de son implication.

Mme [O] réplique que les règles déterminant l'octroi d'une prime doivent être préalablement définies, contrôlables et portées à la connaissance du personnel, dont tous les membres doivent bénéficier lorsqu'ils sont placés dans une situation identique ; que les primes lui ont été versées chaque mois jusqu'en août 2017 pour la prime d'assiduité, jusqu'en septembre 2017 pour la prime de performance, sans qu'elle ne connaisse les conditions d'octroi de cet avantage dont elle a été brutalement privée.

***

La prime d'assiduité ne peut être supprimée en fonction d'arrêts de travail médicalement justifiés, ce même si la salariée s'était absentée sans justificatif quelques jours en octobre 2017 .

Le jugement sera donc confirmé ence qu'il a condamné la société Zbd à payer à Mme [O] la somme de 700 euros à titre de rappel de prime d'assiduité.

Les modalités de calcul de la part variable doivent reposer sur des éléments vérifiables et objectifs, ne dépendant pas de la volonté de l'employeur, faute de quoi le salarié peut y prétendre même si l'employeur soutient qu'elle n'est pas due.

L'employeur ne justifie pas de la part respective des différents critères entrant dans l'attribution de la prime de performance ni des éléments vérifiables relatifs notamment aux résultats de l'atelier, de sorte qu'il convient de faire droit à la demande de Mme [O] de se voir attribuer la prime pour la période de septembre 2017 à février 2018, sur la base d'une moyenne antérieure de 151,04 euros mensuels, soit 906, 24 euros, en infirmation du jugement sur le montant retenu.

Il sera rappelé que les condamnations au paiement de sommes à carctère salarial portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation.

Sur le harcèlement moral

La société Zbd, qui approuve le conseil de prud'hommes en ce qu'il a écarté nombre des élements invoqués par Mme [O], le critique en ce qu'il a retenu, à tort selon elle, que celle-ci avait été cantonnée à un poste d'accueil du 4 au 24 octobre 2017, alors qu'il lui a été attribué des clientes sans rendez-vous ; qu'en tout état de cause il a considéré à tort qu'il s'est agi d'une longue période, alors que compte tenu des jours d'absence injustifiée accumulés par la salariée et des jours de repos hebdomadaire elle a été très peu présente, et qu'il n'y a aucunement eu d'agissements répétés dans un temps suffisant pour avoir porté atteinte à ses droits. Elle fait valoir qu'en réalité les accusations sont totalement artificielles et infondées, et relèvent d'une stratégie contentieuse visant à obtenir des indemnités substantielles indues de la part de son ancien employeur.

Mme [O] réplique qu'elle a vécu une large dégradation de ses conditions d'emploi à compter de juin 2017 à raison des agissements répétés de l'employeur, qu'elle a été très rapidement malheureuse au sein de la structure qui pressurise ses salariés, et qu'on ne peut écarter le harcèlement moral au seul motif de la brièveté de la période de harcèlement.

***

Aux termes de l'article L1152-1 du code du travail aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale et de compromettre son avenir professionnel.

En application de l'article L 1154-1 du code du travail dans sa version applicable à l'espèce, il appartient au salarié de présenter des éléments de faits laissant présumer des agissements de harcèlement moral, au juge d'appréhender les faits dans leur ensemble et de rechercher s'ils permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, à charge ensuite pour l'employeur de rapporter la preuve que les agissements reprochés ne sont pas constitutifs du harcèlement et s'expliquent par des éléments objectifs.

Au titre des éléments de fait laissant présumer un harcèlement moral, Mme [O] expose que :

-l'employeur lui a fait faire dès le mois de mars 2017 de la pigmentation de sourcils sans formation idoine, alors qu'il s'agit d'actes de tatouage régis par le code de la santé publique, et l'élément déclencheur du harcèlement moral remonte au mois de mai 2017 date à laquelle la société Zbd a fait l'objet d'un audit en mai 2017 qui a révélé cette irrégularité.

Cependant :

-d'une part, s'il est exact qu'une salariée a quitté la structure le 18 mars 2017 et que Mme [O] apparait sur les plannings dès sa propre embauche, ceux-ci n'établissent pas qu'elle a fait de la pigmentation en préparation du départ de cette collègue comme elle le soutient, l'atelier proposant d'autres prestations, telles que l'épilation de sourcils, la restructuration de sourcils, la teinture de cils et sourcils, pratiqués couramment dans les instituts de beauté même non spécialisés, qu'elle était en capacité de pratiquer étant esthéticienne dipômée ;

-d'autre part, elle n'établit nullement ni qu'elle se serait plainte d'un tel fait, alors que les échanges de mails avec Mme [K] [V], la propriétaire du salon exerçant dans son autre salon situé à [Localité 8], sont cordiaux même après mai 2017, ni qu'un audit aurait eu lieu en mai et aurait déclenché l'animosité de l'employeur à son encontre, alors même que l'employeur établit, à l'inverse, que Mme [O], pourtant tenue d'une clause d'exclusivité et de non concurrence aux termes de son contrat de travail, a le 29 mai 2017 contacté le franchiseur par mail en ces termes '...je travaille au sein de l'atelier du sourcil depuis févrrier 2017, entreprise dans laquelle je m'épanouis de jour en jour. Ayant remarqué une forte demande dans l'atelier de [Localité 2] (plus de deux semaines d'attente pour obtenir un rdv de 30 mn), je souhaiterais pouvoir proposer un autre lieu d'accueil pour les clientes insatisfaites du temps d'attente. Je prends mon travail et mes responsabilités très à coeur, c'est pourquoi je me propose afin d'ouvrir une nouvelle franchise avec votre soutien. Pour éviter tout malentendu, je demande votre discrétion.'

Le franchiseur en a informé le 8 juin 2017 l'employeur, comme il résulte du mail que celui-ci produit aux débats et la société précise que Mme [V] a donné rendez-vous à Mme [O] le 22 juin 2017, pour lui donner la possibilité de s'expliquer sur cet agissement en contradiction non seulement avec le principe d'exécution de bonne foi du contrat de travail mais aussi avec les clauses d'exclusivité et de non concurrence contenues dans celui-ci.

Mme [O] a totalement occulté ce fait, et l'occultait déjà dans le courrier qu'elle a fait adresser par son conseil à la société le 3 novembre 2017. Pourtant, la convocation évoquée par l'employeur, non spécifiquement contestée, est en parfaite concordance avec le nouveau mail adressé par la salariée au franchiseur le 21 juin 2017, dans lequel, quoique n'ayant pratiquement pas travaillé au salon depuis le 29 mai 2017 puisqu'elle était en formation à [Localité 5] du 19 au 23 juin 2017, elle écrivait 'actuellement dans l'atelier à [Localité 2], je n'arrive plus à m'épanouir au sein de cet atelier or j'aime énormément mon travail. C'est pourquoi je me permets de venir vers vous pour étudier les possibilités d'effectuer un transfert dans une autre ville. J'attends votre retour pour voir les opportunités qui pourraient s'offrir à moi, car je souhaite de tout coeur rester au sein de l'atelier du sourcil'. Elle ne précise pas quelle réponse a été donnée à ce mail par les responsables de la franchise.

L'affirmation ne recouvre pas un élément de fait et doit donc être écartée ;

-l'employeur lui a réservé un logement insalubre lors de sa formation à [Localité 5] et l'a laissée se débrouiller pour en trouver un autre ; cependant, alors que l'employeur justifie par sa pièce 10 de la réservation d'un logement (Air B'n B) correct et proche de son lieu de formation, les photographies produites par Mme [O] qui présentent un logement sale ne correspondant pas à la réservation ne peuvent être imputés à la volonté de l'employeur ; les échanges de mails montrent que Mme [O] a déclaré à son employeur(Mme [V], propriétaire de l'institut) qu'elle avait trouvé un autre logement, sans lui laisser le temps de procéder elle-même à une nouvelle réservation, la production des mails aux débats confirmant de plus l'affirmation de Mme [V] selon laquelle celle-ci a tenté sans succès de joindre Mme [O] le soir même de son appel. La bonne foi de l'employeur ressortant d'emblée de ces pièces, l'élément de fait invoqué n'est pas de nature à révéler une situation de harcèlement moral;

-en répression de sa dénonciation de ses conditions d'emploi et de formation, il lui a été indiqué que la société Zbd allait la remplacer et une offre d'emploi a été publiée dès le lendemain qu'elle se soit plainte de ses conditions d'emploi, que c'est alors qu'elle s'est rapprochée du franchiseur afin de savoir comment elle pourrait poursuivre sa collaboration au sein de l'Atelier du Sourcil. Cependant, elle n'établit pas s'être plainte de ses conditions de travail le 20 juin 2017, et s'il ne ressort en outre des échanges de textos avec Mme [V] aucun rendez-vous le 20 juin 2017, ceux-ci confirment par contre un rendez-vous donné le 22 juin ; Mme [O] n'indique pas quelle explication elle a donné à l'employeur sur son mail du 29 mai 2017 au franchiseur, ni si elle a confirmé à Mme [V] son intention de quitter le salon à brève échéance pour ouvrir son propre salon franchisé et si oui dans quelle ville. La publication d'une offre d'emploi le 20 juin 2017 ne saurait dans ces conditions être indicative d'une situation de harcèlement moral et au surplus l'employeur précise que cette annonce, qui est effectivement compatible avec l'embauche de Mme [J] en septembre, ne concernait pas Mme [O] ;

- le pot à pourboires commun a été remplacé par des pots individuels et le sien a été supprimé ; cependant, alors que la nouvelle responsable arrivée en septembre 2017 explique avoir été à cette initiative mais en précisant qu'il y avait 4 pots à pourboires, un pour chacune, la photographie produite aux débats par Mme [O] a été prise par ses propres soins et ne saurait dans ces conditions établir qu'il n'y avait que 3 pots, seulement qu'il n'y en a que 3 sur la photo qu'elle a prise, le 4 ème ayant parfaitement pu être escamoté pour la prise de vue; l'allégation ne constitue pas un élément de fait établi et doit être écartée ;

-des appels aux fins de la remplacer ont été passés alors qu'elle était dans la pièce afin qu'elle 'comprenne le message' ; cependant elle ne précise pas quand ces appels auraient été passés, ni dans quelle pièce ni par qui, et ne produit aucune pièce à l'appui de sa seule allégation qui ne saurait valoir établissement d'un élément de fait et doit être écartée ;

-l'employeur ne lui a pas payé sa prime formation et a cessé de lui payer sa prime d'assiduité et sa prime de productivité ; cependant, la qualification de la formation et donc l'obligation pour l'employeur de verser la prime ou non est sujette à interprétation, selon que l'on se place dans ou l'autre des deux cas visés par l'article 11-2 précité de la convention collective, les primes de productivité et d'assiduité ont été maintenues à Mme [O] même après que l'employeur ait eu connaissance de sa démarche auprès du franchiseur pour s'installer pour son propre compte, ce qui permet d'écarter qu'elles soient en lien avec une volonté punitive ou pour faire pression sur elle ; Mme [O] indique d'ailleurs que la prime de productivité était en lien avec les prestations réalisées, mettant elle-même en évidence un lien objectif, et l'employeur, s'agissant d'une toute petite structure, a pu ignorer que la prime d'assiduité doit être maintenue pendant les arrêts maladie à caractère non professionnel ; l'élément invoqué n'est pas révélateur d'une situation de harcèlement et doit être écarté ;

-à son retour d'arrêt maladie elle s'est vue retirer ses fonctions d'esthéticienne et confinée à des fonctions d'hôtesse d'accueil, qui ne sont pas les siennes et qu'elle n'avait jamais exercées à titre exclusif ; cependant, après avoir travaillé un jour en août elle avait déposé un arrêt maladie, arrêt qui avait déjà été renouvelé, et il ressort de ce qu'elle avait elle-même indiqué dans le mail évoqué supra qu'il y avait des délais de réservation des soins pouvant aller jusqu'à 15 jours, de sorte qu'à l'évidence, dans l'ignorance de sa date définitive de fin d'arrêt maladie, qui ne pouvait être anticipée de manière sûre, aucun rendez-vous ne pouvait lui avoir été attribué et qu'elle ne pouvait dès lors, dans un premier temps, que prendre les clientes sans rendez-vous, comme l'indique l'employeur, ou prendre en charge les fonctions d'accueil et d'encaissement, qui font aussi partie des attributions du poste d'esthéticienne ; il ne s'agit en conséquence pas d'un élément de fait représentant une situation anormale susceptible d'être révélatrice d'un harcèlement moral et il convient de l'écarter ;

-son planning d'interventions esthétiques a été vidé et sa case planning supprimée à compter du mois de janvier 2018 ; cependant, le planning qu'elle produit pièce 20 a été tiré le 5 octobre 2017, ce détail apparaissant en bas à droite du document, soit le jour même de son retour au travail, et n'établit donc aucunement que son planning ait été effacé ; il montre simplement l'état de la situation à son retour avant que quelque rendez-vous que ce soit ait pu être fixé pour elle, seul le planning des pauses ayant été fixé pour elle comme pour chaque praticienne (et cette fixation ne laisse pas apparaître d'inéquité dans la fixation des pauses) ; par ailleurs l'attestation particulièrement détaillée de Mme [J], non utilement contestée, établit que Mme [O] a, à compter du 14 octobre 2017, quitté plusieurs fois son poste après la pause de midi sans revenir alors qu'elle avait des rendez-vous, qui avaient été fixés sur son planning, de sorte que ces circonstances justifient qu'il ne lui ait, dans l'immédiat, plus été maintenu de rendez-vous ; cette situation n'a duré que quelques jours, Mme [O] déposant un nouvel arrêt de travail le 24 octobre 2017 pour ne plus jamais revenir travailler et être déclarée inapte à son poste en janvier 2018 ; l'absence de fixation de rendez-vous pendant plusieurs jours dans ces circonstances n'est pas révélatrice d'un harcèlement moral, alors que Mme [O] confirme elle-même dans ses écritures page 24 qu'elle s'est bien absentée plusieurs fois de son lieu de travail, qu'il s'évince de ses explications qu'il s'agissait d'une interruption de son travail sans qu'elle ne revienne dans la journée, ce que confirme son mail du 24 octobre 2017 adressé à Mme [V] ;

Le planning produit n'établit donc aucun élément de fait susceptible de révéler une situation de harcèlement moral ; quant à l'apparence du planning en janvier 2018 figurant sur ce document tiré le 5 octobre 2017, il est identique pour elle et pour Mme [J], ne révélant ainsi rien de particulier ou signifiant, et ne peut être mis en lien avec une situation de harcèlement moral ;

-l'employeur l'a contrainte à expliquer à ses clientes qu'elle ne pouvait plus pratiquer, tout en demeurant assise à la vue de tous assise à la banque d'accueil, cependant il lui était aisé d'expliquer, dans un tel cas, qu'ayant été absente deux mois les rendez-vous avaient été fixés avec une collègue, compte tenu des exigences de l'organisation interne, et ne pouvaient être changés au dernier moment, ce qui relève du bon sens ; l'allégation n'établit pas un élément de fait révélateur de harcèlement et doit être écartée ;

-sa pause méridienne a été décalée à plusieurs reprises au dernier moment sans raison objective, dans le seul but de la désorienter, cependant les deux attestations d'amis dont elle se prévaut à l'appui de cette affirmation n'apportent aucun élément la confirmant ; au contraire le planning qu'elle produit établit que les pauses étaient fixées à l'avance et de manière à ce que tout le monde ne soit pas en pause en même temps, les horaires de pause étant fixés et décalés de manière tournante, ce qui confirme du reste la crédibilité de l'attestation de Mme [J] ; l'allégation, qui n'établit pas un élément de fait révélateur d'une situation de harcèlement, doit être écartée ;

-elle a averti dès le 24 octobre 2017 la société qu'elle lui imputait la dégradation de son état de santé sans qu'elle ne daigne réagir, cependant elle a adressé à Mme [V] un mail en même temps que son arrêt de travail peu après les avertissements reçus, d'une teneur très vague en faisant état que 'vu les conditions de travail que vous m'imposez depuis plusieurs semaines', 'je n'ai plus la force d'assumer une journée entière de travail dans ces conditions''ce n'est pas faute d'avoir essayé'; Mme [V] a répondu que bien que ne comprenant pas à quoi elle faisait allusion dans son mail elle restait, ainsi que la responsable, à sa disposition si elle souhaitait en échanger, mais Mme [O] n'a pas répondu à cette proposition ni adressé de courrier détaillant des faits circonstanciés ; son allégation précitée ne constitue par suite aucun élément de fait pouvant révéler un harcèlement ;

-l'employeur a retenu ses bulletins de salaire pendant 6 mois, cependant elle ne justifie d'aucune réclamation qu'elle aurait adressée à ce sujet avant le 19 février 2018, soit postérieurement à l'avis d'inaptitude, réclamation formulée dans un courrier de cette date en réponse à la réitération par l'employeur de sa lettre de proposition de postes de reclassement, dans lequel Mme [O] indique 'contrairement à ce que vous affirmez, je n'ai jamais reçu de courrier simple ou recommandé de votre part, ni relatif à mon inaptitude prononcée, ni relatif aux bulletins de salaire des trois derniers mois de salaire que vous ne m'avez toujours pas expédié '; s'agissant de ce courrier de Mme [O], il y a lieu de relever d'une part que l'employeur ne faisait aucune allusion aux bulletins de salaire, de sorte que la formulation est étonnante, d'autre part que, si Mme [O] affirme dans un courrier du 24 février 2018 n'avoir pas réceptionné un courrier de la société, l'employeur justifie avoir adressé à Mme [O] trois courriers recommandés en février 2018, tous réceptionnés, de sorte que les seules allégations de Mme [O] au sujet des bulletins de paie ne sauraient établir un élément de fait et doivent être écartées, étant observé en outre que l'audience de conciliation et d'orientation au cours de laquelle elle a demandé la délivrance de bulletins de salaire a eu lieu hors la présence de l'employeur dont le conseil avait demandé un renvoi en raison d'une grève des transports ;

-l'employeur n'a pas adressé l'attestation de salaire à l'organisme de sécurité sociale pour ses arrêts d'août et de septembre 2017, cependant Mme [O] ne produit pas de demande ou courrier de la sécurité sociale appuyant cette allégation, alors qu'il ressort des mails échangés avec Mme [V] que celle-ci indiquait que le nécessaire avait été fait pour le premier arrêt et qu'elle était toujours en attente, le 22 septembre, de recevoir la prolongation du 4 septembre ; elle ne justifie pas davantage d'un retard de paiement de ses indemnités par la sécurité sociale ; elle n'établit donc relativement aux attestations de salaire aucun élément de fait et son allégation doit être écartée ;

-l'employeur n'a pas organisé de visite de reprise lors de sa reprise en octobre 2017 ; cependant ce fait ne peut être mis en lien avec une situation de harcèlement, puisqu'un tel oubli, susceptible d'engendrer des conséquences sur la relation contractuelle, ne préjudicie qu'à l'employeur lui-même, non à la salariée qui avait en tout état de cause la possibilité de solliciter une visite auprès du médecin du travail, ce qu'elle s'est abstenue de faire, étant observé que, nouvellement embauchée, elle avait eu le 8 juin 2017, au vu de son planning professionnel, une visite médicale, qui ne peut être que la visite auprès du médecin du travail ;

-l'employeur ne lui a jamais remis son attestation d'aptitude à la pratique afférente à sa formation du mois de juin 2017, en dépit des sollicitations officielles en ce sens, énième façon de contraindre les salariés à demeurer en poste ; cependant elle a été déboutée de cette demande par le bureau de conciliation, qui a relevé qu'elle ne l'avait pas formulée dans sa saisine ; elle ne justifie du reste pas d'une demande écrite à cette fin pendant la relation contractuelle et, si elle entend faire grief à l'employeur de vouloir la contraindre à demeurer dans l'entreprise, c'est en contradiction avec l'ensemble des autres allégations tendant à lui reprocher de vouloir la forcer à quitter son poste ; la demande présentée en phase contentieuse après la rupture du contrat de travail ne saurait établir un grief antérieur à celle-ci ; en l'absence de présentation d'un élément de fait susceptible de révéler une situation de harcèlement, l'allégation doit être écartée ;

Elle expose encore que :

-l'employeur lui a notifié deux avertissements illicites, qu'elle produit ;

Il s'agit d'éléments de faits, répétés puisqu'au nombre de deux, dont l'employeur n'est pas en position d'invoquer le caractère fondé, puisqu'ils sont annulés par la cour au motif du non respect des formalités imposées par le règlement intérieur.

Toutefois, les faits invoqués au titre d'un harcèlement doivent être susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité de la salariée, d'altérer sa santé physique ou morale ou de compromettre son avenir professionnel, cette exigence donnant lieu à une appréciation qui doit être faite in concreto, en fonction de ce qui ressort des faits de l'espèce.

Or, en l'espèce :

-Mme [O] avait été en position d'arrêt de travail d'août à octobre 2017 alors même qu'elle ne caractérise aucun fait susceptible d'être reproché à son employeur avant cet arrêt de travail et qu'elle n'articule de faits au titre du harcèlement moral invoqué qu'à partir d'octobre 2017 ; elle explique cet arrêt de travail d'août à octobre par des 'crises d'angoisse' à l'idée de perdre son travail, tout en assurant que ses conditions de travail n'étaient pas du tout satisfaisantes, et alors même que Mme [V], son employeur, qui lui avait fait l'avance de congés payés dès lors que récemment embauchée elle ne pouvait pas prétendre à autant de jours de vacances d'été, et avait continué à lui payer ses primes d'assiduité jusqu'en septembre et de productivité jusqu'en août, ne montrait objectivement aucune intention de remettre en cause sa collaboration ;

-elle n'apporte aucun élément de fait susceptible de caractériser une situation évocatrice de harcèlement avant les avertissements précités et même à réception de ceux-ci n'a évoqué auprès de Mme [V] que les 'conditions de travail' qui lui étaient imposées, sans formuler de reproches précis ; elle a de nouveau utilisé une formulation vague dans son courrier du 24 février 2018 par lequel elle a indiqué ne pas se présenter à l'entretien préalable 'compte tenu de l'impact de votre attitude sur mon état de santé' ;

-le médecin de la sécurité sociale a pris soin de mentionner 'dixit' face aux différentes énonciations de la salariée, que ce soit au titre des troubles énoncés par Mme [O] ou des motifs des manifestations pathologiques invoquées ; cette dernière a fait état à ce titre de 'manque de reconnaissance, pression sur les objectifs excessive, problèmes relationnels avec la hiérarchie, organisation du travail(horaires, restructuration, turn over des chefs, non pérennisation des équipes)', soit des éléments qui ne sont pas des composants invoqués au titre du harcèlement moral,

-elle ne précise jamais l'identité de la personne à qui elle reproche un harcèlement, ne mettant formellement aucun nom en face des faits invoqués, alors que :

- Mme [V] n'était pas présente au salon qui était géré au quotidien par une esthéticienne faisant fonction de responsable et qu'il ressort des productions aux débats qu'elle n'a eu l'occasion de voir Mme [V] que de rares fois,

- à aucun moment elle n'évoque ni ne qualifie sa relation avec Mme [E], qui faisait fonction de responsable du salon avant son arrêt maladie d'août 2017,

-elle s'étonne elle-même dans ses écritures que Mme [J], la nouvelle responsable arrivée en septembre 2017, 'atteste de l'absence de harcèlement moral à son encontre en ce que ces deux salariées se sont cotoyées 2 semaines et demi', considération qui tend a fortiori à l'exclure comme auteur du harcèlement ;

-le médecin du travail a émis, après plusieurs échanges avec la salariée, l'employeur, la responsable de l'atelier rennais, et après consultation du médecin inspecteur du travail, un avis qui implique que Mme [O] pouvait bénéficier d'un reclassement 'sur un autre atelier', c'est à dire dans un autre établissement géré par Mme [V], puisque ces différentes consultations ne peuvent manquer d'avoir mis en évidence l'exercice de l'activité dans le cadre d'une franchise et les contours du périmètre de reclassement ;

-enfin, le turn over invoqué par Mme [O] n'est pas en soi indicatif de harcèlement moral, ni même de conditions de travail dégradées, les particularités de l'activité pouvant expliquer qu'elle s'inscrive, pour un certain nombre d'esthéticiennes, comme un passage momentané dans la perspective d'un parcours de formation leur permettant d'acquérir une bonne technicité dans un domaine spécialisé, mais qu'elles préfèrent mettre à profit ensuite, du moins pour les techniques autres que le tatouage, dans le cadre d'un institut classique, aux activités plus généralistes et plus variées.

Cette analyse conduit à exclure que les deux avertissements précités, remis dans le contexte relationnel contractuel, puissent avoir été susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale et de compromettre son avenir professionnel.

Il résulte des développements qui précèdent que tous les éléments dont se prévaut la salariée, pris dans leur ensemble, ne permettent pas de présumer une situation de harcèlement moral.

Mme [O] doit en conséquence être déboutée tant de sa demande de voir dire le licenciement nul pour harcèlement moral subi, et de ses demandes subséquentes, en infirmation du jugement entrepris, que de sa demande de dommages et intérêts spécifiques pour harcèlement moral, en confirmation du jugement entrepris.

Sur les demandes de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et manquement à l'obligation d'exécution loyale du contrat de travail

L'employeur est tenu en application de l'article L4121-1 du code du travail d' une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, et doit prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de l'assurer.

Mme [O] soutient que la société Zbd échoue à démontrer qu'elle a tout mis en oeuvre pour éviter la réalisation des risques psychosociaux et que pire encore, alors qu'elle était informée de son état de santé, a décidé d'accentuer son mal-être en lui infligeant deux avertissements et de retenir durant 6 mois ses bulletins de salaires.

La société Zbd réplique qu'elle ne démontre aucun manquement et que, comme l'a relevé le premier juge, elle n'a à aucun moment alerté son employeur.

***

Mme [O] reprend des éléments invoqués au soutien du harcèlement moral et de l'annulation des avertissements sans caractériser de préjudice spécifique ; quant aux risques psychosociaux, alors que son médecin traitant n'avait pas qualifié son arrêt de travail pour un motif d'accident ou de maladie professionnelle et qu'elle ne justifie d'aucune alerte à l'employeur, ne se prévalant que de son courrier, sybillin et dépourvu de contenu, du 24 octobre 2017, adressé alors qu'elle était déjà en arrêt de travail, elle n'apporte aucun élément factuel susceptible d'engager la responsabilité de l'employeur sur le fondement de l'obligation de sécurité, obligeant celui-ci à justifier des mesures prises pour l'assurer.

Le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté Mme [O] de sa demande indemnitaire sur ce fondement.

***

Au titre du manquement à l'obligation d'exécution loyale du contrat de travail, Mme [O] invoque l'application de clauses contractuelles illicites (clause de dédit formation, clause de non concurrence), la soumission à une pression anormale afin qu'elle rompe d'initiative le contrat de travail, l'absence d'organisation de visite de reprise après un arrêt de travail de plus de 30 jours (38).

La société Zbd fait valoir que Mme [O] , qui ne caractérise pas de préjudice lié à la visite de reprise, comme l'a jugé le conseil de prud'hommes, invoque sans pièces ni éléments une prétendue exécution déloyale du contrat de travail.

***

Mme [O] ne rapporte la preuve d'aucune pression anormale, ne caractérise pas de préjudice à l'appui du reproche d'omission de la visite de reprise, ne précise pas quelle critique elle forme au sujet de la clause de dédit formation, alors même qu'au décours de ses écritures elle indique (page 19) qu'après qu'elle ait elle-même conclu l'employeur a enfin daigné justifier de sa conformité, ne précise pas davantage en quoi la clause de non concurrence, dont l'employeur l'a dispensée le 19 mars 2018, serait illicite alors qu'elle est limitée dans le temps et l'espace et prévoit une contrepartie financière.

Elle doit donc être déboutée de sa demande indemnitaire, en confirmation du jugement pour la demande fondée sur le manquement à l'obligation de sécurité et en complément de celui-ci en ce qu'il n'a pas expressément statué sur la demande fondée sur l'exécution déloyale.

Sur l'obligation de reclassement

A titre subsidiaire, Mme [O] soutient que la société Zbd a manqué à son obligation de reclassement, ce qui rend son licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Elle fait valoir à ce titre : -que Mme [V] possède une autre société, la société ZM, qui exploite une franchise'atelier du sourcil' à [Localité 6] qu'elle n'a pas interrogé et dont elle ne produit pas le registre du personnel ; -qu'elle n'a interrogé que deux franchisés, sans interroger la société mère, et n'a ce faisant pas respecté le périmètre de reclassement ; -que les postes qui lui ont été proposés n'apparaissant pas sur le registre du personnel on peut douter de leur réalité.

L'appelante réplique que la société Zbd ne compte que deux ateliers, un à [Localité 2] où travaillait Mme [O] et un à [Localité 8], où ont été recherchés des postes susceptibles de convenir, conformément aux prescriptions du médecin du travail ; qu'elle a également, bien qu'il n'y ait pas d'obligation de reclassement au sein des réseaux de franchise lorsqu'il y a indépendance des entreprises et absence de liens capitalistiques entre elles comme c'est le cas des instituts de beauté soumis entre eux à une forte concurrence, contacté les ateliers autour de [Localité 2], en vain ; qu'elle a ainsi respecté son obligation de reclassement découlant de l'article L 1226-2-1.

***

En application de l'article L1226-1 du code du travail, l'employeur propose au salarié inapte un emploi aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformation de postes existants, ou aménagement du temps de travail.

Aux termes de l'article L1226-2-1 du code du travail dans sa version en vigueur depuis le 1 er janvier 2017, l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L1226-2, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.

La pièce relative à l'annonce pour le poste recherché le 20 juin 2017 par l'atelier du sourcil de [Localité 7] confirme l'indépendance des franchisés de l'enseigne en matière de recrutement et il est constant qu'il n'y a aucun lien capitalistique entre les propriétaires des différents salons franchisés, de sorte que le périmètre de reclassement était limité aux entreprises Zbd, et également ZM, possédées par Mme [V], entre lesquelles une permutation du personnel était possible, au vu notamment de l'objet identique de leur activité, ce que confirme la mention 'mutation' figurant sur le registre du personnel pour une salariée.

L'employeur a proposé à Mme [O] deux postes correspondant aux préconisations du médecin du travail, auprès duquel il n'est pas contesté qu'il a pris attache.

La proposition de poste d'esthéticienne qui a été faite à la salariée est compatible avec la fin de contrat d'une salariée au 23 février 2018 selon ce que révèle le registre du personnel, en tout état de cause rien n'interdit à l'employeur de créer un poste et Mme [O], qui a refusé les postes proposés et notamment le poste d'esthéticienne correspondant exactement au poste qu'elle employait antérieurement, n'est pas en position de douter de leur réalité.

L'employeur démontre en conséquence avoir satisfait à son obligation en proposant au moins un emploi dans les conditions prévues à l'article L1226-2 du code du travail, de sorte que Mme [O] doit être déboutée de sa demande subsidiaire de voir dire que le licenciement qui lui a été notifié est sans cause réelle et sérieuse, ainsi que de ses demandes subséquentes, en complément du jugement qui, ayant fait droit à la demande de contestation du licenciement sur son fondement principal(nullité), n'a pas statué sur la demande subsidiaire(absence de cause réelle et sérieuse).

Le premier juge a fait de l'article 700 du code de procédure civile une application qui doit être confirmée pour la procédure de première instance, mais il n'est pas inéquitable de laisser en cause d'appel à chacune des parties ses frais irrépétibles.

La société Zbd, qui succombe partiellement, doit être condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [P] [O] de ses demandes de dommages et intérêts pour les avertissements annulés et pour manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité, en ce qu'il a condamné la SARL Zbd à payer à Mme [P] [O] les sommes de 700 euros au titre de la prime d'assiduité et de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en sa disposition relative aux dépens,

L'infirme en ses autres dispositons,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, et y ajoutant,

Condamne la SARL Zbd à payer à Mme [P] [O] les sommes de :

-906, 24 euros au titre de la prime de performance,

-75,70 euros au titre de la prime de formation,

Rappelle que les condamnations au paiement de sommes à caractère salarial portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation

Déboute Mme [P] [O] de ses autres demandes,

Déboute les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles d'appel,

Condamne la SARL Zbd aux dépens d'appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 7ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 19/04287
Date de la décision : 10/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-10;19.04287 ?
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