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09/11/2022 | FRANCE | N°19/04731

France | France, Cour d'appel de Rennes, 5ème chambre, 09 novembre 2022, 19/04731


5ème Chambre





ARRÊT N°-334



N° RG 19/04731 - N° Portalis DBVL-V-B7D-P554













Mme [V] [R]

M. [X] [R]

M. [B] [R]

M. [T] [R]



C/



M. [W] [C] [J] [H]

Mme [Z] [Y] [S] épouse [H]

M. [A] [E]

SA AXA FRANCE IARD

Compagnie d'assurances CAISSE REGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES BRETAGNE PAYS-DE-LOIRE (CRAMAB-PL)



















Confirme la décision déférée dans to

utes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours















Copie exécutoire délivrée



le :



à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 09 NOVEMBRE 2022





COMPOSITION DE...

5ème Chambre

ARRÊT N°-334

N° RG 19/04731 - N° Portalis DBVL-V-B7D-P554

Mme [V] [R]

M. [X] [R]

M. [B] [R]

M. [T] [R]

C/

M. [W] [C] [J] [H]

Mme [Z] [Y] [S] épouse [H]

M. [A] [E]

SA AXA FRANCE IARD

Compagnie d'assurances CAISSE REGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES BRETAGNE PAYS-DE-LOIRE (CRAMAB-PL)

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 09 NOVEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Virginie PARENT, Présidente,

Assesseur : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 14 Septembre 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 09 Novembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTS :

Madame [V] [R]

née le 01 Avril 1958 à [Localité 13]

[Adresse 11]

[Localité 5]

Représentée par Me Jacques GOAOC de la SELARL CABINET GOAOC, Plaidant, avocat au barreau de QUIMPER

Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Monsieur [X] [R]

né le 17 Décembre 1951 à [Localité 6]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Me Jacques GOAOC de la SELARL CABINET GOAOC, Plaidant, avocat au barreau de QUIMPER

Représenté par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Monsieur [B] [R]

né le 02 Mars 1956 à [Localité 13]

[Adresse 11]

[Localité 5]

Représenté par Me Jacques GOAOC de la SELARL CABINET GOAOC, Plaidant, avocat au barreau de QUIMPER

Représenté par Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Monsieur [T] [R]

né le 03 Mai 1963 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représenté par Me Jacques GOAOC de la SELARL CABINET GOAOC, Plaidant, avocat au barreau de QUIMPER

Représenté par Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉS :

Monsieur [W] [C] [J] [H]

né le 01 Octobre 1964 à [Localité 6]

[Adresse 7]

[Localité 6]

Représenté par Me René GLOAGUEN de la SCP GLOAGUEN & PHILY, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST

Madame [Z] [Y] [S] épouse [H]

née le 30 Avril 1965 à [Localité 6]

[Adresse 7]

[Localité 6]

Représentée par Me René GLOAGUEN de la SCP GLOAGUEN & PHILY, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST

Monsieur [A] [E] pris en sa qualité de Courtier en Assurance

[Adresse 10]

[Localité 6]

Représenté par Me Sylvie PELOIS de la SELARL AB LITIS / PÉLOIS & AMOYEL-VICQUELIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Caroline DESCHASEAUX de la SELARL VENDOME SOCIETE D'AVOCAT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

SA AXA FRANCE IARD

[Adresse 8]

[Localité 12]

Représentée par Me Bruno HALLOUET de la SELARL CHEVALLIER ET ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST

CAISSE REGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES BRETAGNE PAYS-DE-LOIRE (CRAMAB-PL)

[Adresse 3]

[Localité 9]

Représentée par Me René GLOAGUEN de la SCP GLOAGUEN & PHILY, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST

Les époux [H] sont propriétaires d'une maison située [Adresse 4] à [Localité 6] qu'ils ont donnée en location par acte sous seing privé du 22 juin 2009.

Les consorts [R] sont propriétaires indivis de la propriété voisine.

Le 9 mars 2016, vers 11h45, un peuplier situé sur la propriété de l'indivision [R] s'est abattu sur la toiture de l'habitation [H], provoquant d'importants dommages comme l'éventrement de la toiture et l'intervention des sapeurs-pompiers.

Le sinistre a été déclaré à l'assureur des époux [H], la société Caisse Régionale d'Assurance Mutuelle Agricole Bretagne Pays de Loire - Groupama Loire Bretagne (ci-après dénommée CRAMAB-PL) qui a fait intervenir son expert suivant rapport du 11 mars 2016.

L'expert a chiffré les dommages le 1er septembre 2016 à la somme de 39 204,93 euros outre 6 155,80 euros de pertes de loyers.

Suivant courrier du 30 août 2016, Mme [V] [R], pour l'indivision [R], a indiqué qu'ils refusaient la prise en charge du sinistre, considérant qu'il était la cause d'une tempête.

Les époux [H] ont été indemnisés par leur assureur.

Par acte d'huissier en date du 13 février, du 2 et du 6 mars 2017, les époux [H] ainsi que leur assureur ont fait assigner les consorts [R] devant le tribunal de grande instance de Brest en réparation de leurs préjudices.

Par acte d'huissier en date du 4 octobre 2017, les consorts [R] ont appelé en garantie la société AXA France Iard, assureur de leur bien immobilier.

Par acte d'huissier en date du 11 janvier 2018, les consorts [R] ont appelé en garantie l'agent d'assurance, M. [A] [E].

Les instances ont été jointes par décision du juge de la mise en état du 13 mars 2018.

Par jugement en date du 19 juin 2019, le tribunal de grande instance de Brest a :

- déclaré irrecevables les conclusions déposées par les consorts [R] le 26 mars 2019,

- condamné M.M. [X], [T] et [B] [R] et Mme [V] [R] solidairement à payer à la CRAMAB-PL une somme de 45 360,73 euros,

- condamné M.M. [X], [T] et [B] [R] et Mme [V] [R] solidairement à payer aux époux [H] la somme de 5 977,94 euros ;

- condamné M.M. [X], [T] et [B] [R] et Mme [V] [R] solidairement à payer à la CRAMAB-PL et aux époux [H] la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M.M. [X], [T] et [B] [R] et Mme [V] [R] solidairement à payer à M. [A] [E] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de toutes leurs autres demandes,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné solidairement M.M. [X], [T] et [B] [R] et Mme [V] [R] aux entiers dépens avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit des avocats en ayant fait la demande.

Le 12 juillet 2019, les consorts [R] ont interjeté appel de cette décision et aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 4 juillet 2022, ils demandent à la cour de :

- dire et juger que l'événement météorologique du 9 mars 2016 qui a provoqué la chute de l'arbre en cause constitue un cas de force majeure exonérant les consorts [R] de toute responsabilité,

- débouter en conséquence les époux [H] et la CRAMAB-PL de toutes leurs demandes dirigées contre les consorts [R],

- les condamner à payer aux consorts [R] la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner aux entiers dépens,

Subsidiairement,

- condamner la société AXA France Iard à garantir les consorts [R] de toutes les condamnations prononcées contre eux au profit de la CRAMA-PL et des époux [H],

- la condamner à payer aux consorts [R] la somme de 8 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens,

A titre infiniment subsidiaire,

- dire et juger que M. [A] [E] a manqué à ses obligations d'information et de conseil envers les consorts [R],

- le condamner en conséquence à garantir les consorts [R] de toutes les condamnations prononcées contre eux au profit de la CRAMAB-PL et des époux [H],

- condamner M. [A] [E] pris en sa qualité d'agent général de la société AXA France Iard à payer aux consorts [R], la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner le même aux entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 28 juin 2021, la société AXA France Iard demande à la cour de :

- dire et juger que la cour n'est pas saisie des chefs de jugement relatifs à la garantie de la société AXA France Iard,

- débouter les consorts [R] de l'ensemble de leurs demandes, fins et

prétentions formulées à son encontre,

A défaut,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Brest le 19 juin 2019,

- débouter les consorts [R] de l'ensemble de leurs demandes, fins et

prétentions formulées à son encontre,

- condamner les consorts [R] à lui verser la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- réserver les dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 15 juillet 2021, M. [A] [E] demande à la cour de :

- juger qu'elle n'est pas saisie des chefs du jugement relatifs à la responsabilité de M. [A] [E],

En conséquence,

- débouter l'indivision [R] de l'ensemble de ses demandes telles que dirigées à son encontre,

A défaut,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- juger que M. [A] [E] n'est pas l'agent général par l'intermédiaire duquel le contrat a été souscrit,

- juger qu'il n'a commis aucune faute,

- débouter l'indivision [R] de l'ensemble de ses demandes telles que dirigées à son encontre,

A titre subsidiaire,

- juger que le préjudice subi par les consorts [R] ne peut s'entendre que comme une perte de chance,

- juger que la perte de chance est nécessairement nulle,

- débouter l'indivision [R] de l'ensemble de ses demandes telles que dirigées à son encontre,

En toute hypothèse,

- la condamner à lui payer la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux dépens.

- autoriser la SCP Ab Litis- maître Sylvie Pelois - Maître Amélie Amoyel Vicquelin Avocats postulants à les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 20 décembre 2019, les époux [H] et la CRAMAB-PL demandent à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- en conséquence, écarter la force majeure alléguée et dire que les époux [H] ont subi un trouble anormal de voisinage,

- condamner M.M. [X], [T] et [B] [R] et Mme [V] [R] solidairement au règlement à la CRAMAB-PL d'une somme de 45 360,73 euros,

- condamner les mêmes solidairement au règlement d'une somme de 5 977,94 euros aux époux [H],

- les condamner solidairement au règlement d'une somme de 4 500 euros pour les frais de première instance en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- additant au jugement, condamner les consorts [R] au règlement d'une somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais d'appel,

- condamner solidairement M.M. [X], [T] et [B] [R] et Mme [V] [R] aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Gloaguen Phily en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- Sur l'effet dévolutif de l'appel

La société AXA France Iard fait valoir que comme la déclaration d'appel des consorts [R] est limitée et comme ils n'ont pas visé dans ladite déclaration le chef de jugement qui ' a débouté les parties de toutes leurs autres demandes', ils ne peuvent contester le refus de garantie de la société AXA France Iard faute d'avoir réalisé une nouvelle déclaration d'appel dans le délai de trois mois après la première déclaration d'appel, l'extension de l'effet dévolutif ne pouvant résulter de conclusions. Elle considère que la cour n'est saisie d'aucune demande faite à son encontre en se fondant sur les dispositions de l'article 901 du code de procédure civile.

M. [E] soutient également que l'appel des consorts [R] est dépourvu d'effet dévolutif à son égard pour les mêmes motifs que ceux invoqués par la société AXA France Iard.

Les consorts [R] n'ont pas conclu sur ce point.

Les articles 561 et 562 du code de procédure civile issus du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 posent le principe de la limitation de l'appel, en énonçant pour le premier de ces textes en son alinéa 2 que l'appel ne produit un effet dévolutif que 'dans les conditions et limites déterminées aux livres premier et deuxième' du code de procédure civile et pour le second que 'l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible'. Parallèlement, un alinéa 4 a été ajouté par le décret précité à l'article 901 du code de procédure civile, qui dispose que la déclaration d'appel doit mentionner, à peine de nullité de cette déclaration les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Désormais, l'appelant a l'obligation d'énoncer dans l'acte d'appel, aussi précisément qu'il lui est possible, chacun des chefs du dispositif du jugement qu'il entend voir remettre en discussion devant la cour.

En l'espèce, la déclaration d'appel des consorts [R] formule un 'appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués :

- en ce qu'il a condamné M.M. [X], [T] et [B] [R] et Mme [V] [R] solidairement à payer à la CRAMAB-PL une somme de 45 360,73 euros et aux époux [H] la somme de 5 977,94 euros ;

- en ce qu'il a condamné M.M. [X], [T] et [B] [R] et Mme [V] [R] solidairement à payer à la CRAMAB-PL et aux époux [H] la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-en ce qu'il a condamné M.M. [X], [T] et [B] [R] et Mme [V] [R] aux entiers dépens et qu'il a ordonné l'exécution provisoire,

- le tribunal a procédé à une mauvaise appréciation des faits de l'espèce et a par ailleurs mal appliqué tant les textes que la jurisprudence sur les obligations qui pèsent sur l'intermédiaire en opération d'assurance'.

La mention dans la déclaration d'appel selon laquelle 'le tribunal a procédé à une mauvaise appréciation des faits de l'espèce et a par ailleurs mal appliqué tant les textes que la jurisprudence sur les obligations qui pèsent sur l'intermédiaire en opération d'assurance' ne constitue pas un chef de jugement mais une critique des appelants sur la décision entreprise. Comme le relève à juste titre la société AXA France Iard et M. [E], les consorts [R] n'ont pas sollicité la réformation du jugement en ce qu'il a 'débouté les parties de toutes leurs autres demandes' comme indiqué dans le dispositif s'agissant notamment des chefs de jugement relatifs à la garantie de la société AXA France Iard et à la responsabilité de M.[E].

De plus, aux termes du même article, seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement. Il est constant que les consorts [R] n'ont déposé aucune nouvelle déclaration d'appel énonçant expressément ce chef critiqué de jugement et que cette régularisation ne peut résulter des conclusions au fond prises dans le délai requis précisant les chefs critiqués du jugement (2è Civ. 30 janvier 2020, n°18-22.528).

Il s'ensuit que la société AXA France Iard et M. [E] sont bien fondés à soutenir que la déclaration d'appel déposée par les consorts [R] est dépourvue d'effet dévolutif à leur égard. Par conséquent, Par conséquent, il y a lieu d'en déduire que le jugement attaqué doit être confirmé en ce qu'il a débouté les consorts [R] de leurs demandes à l'encontre de la société AXA France Iard et de M. [E].

- Sur la responsabilité des consorts [R]

Les consorts [R] ne contestent pas que le fait de voir tomber un arbre, de grande hauteur, sur la propriété de son voisin constitue un trouble anormal de voisinage mais ils soutiennent que leur responsabilité n'est pas engagée en raison d'un événement climatique, auquel leur propriété a été confrontée, qui était constitutif de la force majeure. Ils font valoir que le jour du sinistre la ville de [Localité 6] a été confrontée à une tempête exceptionnelle, dénommée [U], avec des vitesses de vent rarement atteintes correspondant à un ouragan et dépassant les prévisions de météo France. Ils indiquent que l'arbre de grande taille qui est tombé était en parfaite santé et avait résisté à de nombreuses tempêtes par le passé. Ils ajoutent que leur propriété est classée en espace boisé au plan local d'urbanisme de la commune, ce qui a pour conséquence d'interdire au propriétaire de défricher ou de couper des arbres sans autorisation préalable. Ils précisent que l'arbre en question était situé à 24 mètres de la propriété voisine. Ils contestent enfin que les arbres présents sur leur parcelle étaient en état de ruine comme l'a indiqué le jugement entrepris.

Les consorts [H] et la CRAMAB-PL rétorquent que la chute d'un arbre sur la toiture d'un immeuble d'habitation constitue un dommage anormal qui ne peut être allégué comme résultant d'un cas de force majeure alors même d'une part qu'il n'est pas établi que les vents sur le site du sinistre ont excédé 100km/heure et que d'autre part le risque de chute préexistait au 9 mars 2016 en raison notamment du défaut d'entretien des arbres implantés dans la propriété de telle sorte que le dommage survenu n'était ni imprévisible ni irrésistible. Ils ajoutent que le fait que l'arbre litigieux se trouve dans un espace boisé classé au plan local d'urbanisme est sans incidence sur les obligations d'entretien du propriétaire puisqu'ils indiquent que ce classement n'interdit pas toute coupe mais est seulement soumis à une déclaration et non à une autorisation.

Les parties s'accordent pour admettre que la chute d'un arbre de grande hauteur sur la maison d'habitation des voisins constitue un trouble anormal de voisinage au sens de l'interprétation jurisprudentielle des dispositions des articles 544 et 545 du code civil. Il appartient, dès lors, aux consorts [R] d'établir la preuve du caractère imprévisible, irrésistible et insurmontable constitutif de la force majeure de l'événement climatique auquel leur propriété a été confrontée.

Les consorts [R] produisent un tableau de l'échelle de Beaufort, un certificat d'intempérie, un document 'info climat', un extrait du site du journal 20 minutes et une photographie satellite du site 'earthscool.net' intégrée dans le bulletin météo du 8 mars 2016 relatif à la survenance de la tempête dénommée [U] sur la région Bretagne. Toutefois, la seule pièce relative à la vitesse des vents à [Localité 6], commune du sinistre, est le certificat intempérie sollicité auprès de Météo France qui indique que le jour du sinistre, la vitesse du vent a atteint et dépassé 100km/heures. Les autres pièces relatives à la vitesse des vents sur les communes de la côte bretonne sont sans incidence sur la vitesse des vents dans la commune où est survenue la chute de l'arbre et seront écartées.

Les consorts [H] produisent un relevé des vents qui atteste qu'il a atteint une vitesse de 94,68 km/heure le jour du sinistre. Ils versent également aux débats l'extrait de la réglementation dite 'NV 65 neiges et vents' incluse dans le DTU P06-002 qui classe le département du Finistère en zone 3, ce qui signifie que pour un site normal, la vitesse maximale du vent est de 126 km/heure et extrême de 166,6 km/heure. Au vu de ces éléments, il ne peut être soutenu que le vent survenu le jour du sinistre a été imprévisible en ce que sa violence n'a pas présenté une intensité insolite dans la région Bretagne.

De plus, si les consorts [R] contestent désormais avoir évoqué une 'ruine' et l'abandon des lieux en cause d'appel et soutiennent que l'arbre était en bonne santé, il n'en demeure pas moins que le mauvais état du terrain est établi par la copie du mail de M. [E] produit par les appelants en pièce n°12 qui évoque 'l'état de délabrement tant de l'édifice que du terrain attenant'. Les consorts [R] admettent d'ailleurs que la croissance de l'arbre n'a pas été interrompue et qu'il a été laissé libre de grandir de sorte que sa chute ne peut être considérée comme imprévisible.

Comme l'a relevé à bon droit le jugement entrepris, le classement du terrain en espace boisé est sans incidence sur la survenue du sinistre puisque l'autorisation des autorités pour la coupe n'est pas utile en cas de danger.

Les consorts [R] échouent, ainsi, à démontrer la force majeure qu'ils invoquent. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu leur responsabilité. Il sera également confirmé sur les sommes allouées dont le montant n'est pas contesté en cause d'appel.

- Sur les frais irrépétibles et les dépens

Succombant en leur appel, les consorts [R] seront tenus de verser solidairement la somme de 1 500 euros aux consorts [H] et à la CRAMAB-PL au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ainsi que la somme de 1 000 euros à la société AXA France Iard et la somme de 1 000 euros à M. [E]. Les consorts [R] seront condamnés solidairement aux dépens en cause d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,

Dit que la déclaration d'appel déposée par M.M. [X], [T] et [B] [R] et Mme [V] [R] ne dévolue à la cour aucun chef critiqué du jugement attaqué à l'encontre de la société AXA France Iard et de M. [A] [E] et que la cour n'est, par suite, saisie d'aucune demande à leur encontre ;

Constate l'absence de régularisation par nouvelle déclaration d'appel dans le délai imparti aux appelants pour conclure ;

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne M.M. [X], [T] et [B] [R] et Mme [V] [R] solidairement à payer à M. [W] [H], Mme [Z] [S] épouse [H] et la CRAMAB-PL la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ;

Condamne M.M. [X], [T] et [B] [R] et Mme [V] [R] solidairement à payer à la société AXA France Iard la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ;

Condamne M.M. [X], [T] et [B] [R] et Mme [V] [R] solidairement à M. [A] [E] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ;

Condamne M.M. [X], [T] et [B] [R] et Mme [V] [R] solidairement eux entiers dépens en cause d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes, fins et conclusions.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19/04731
Date de la décision : 09/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-09;19.04731 ?
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