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09/11/2022 | FRANCE | N°18/04200

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 09 novembre 2022, 18/04200


9ème Ch Sécurité Sociale





ARRÊT N°



N° RG 18/04200 - N° Portalis DBVL-V-B7C-O6K4













Société [4]



C/



URSSAF DE BRETAGNE































Copie exécutoire délivrée

le :



à :











Copie certifiée conforme délivrée

le:



à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPL

E FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 09 NOVEMBRE 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Philippe LE BOUDEC, lo...

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 18/04200 - N° Portalis DBVL-V-B7C-O6K4

Société [4]

C/

URSSAF DE BRETAGNE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 09 NOVEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe LE BOUDEC, lors des débats, et Monsieur Séraphin LARUELLE, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 14 Septembre 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 09 Novembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats ;

Arrêt signé par Madame Véronique PUJES, pour la présidente empêchée, conformément à l'article 456 du code de procédure civile ;

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 26 Avril 2018

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de SAINT-BRIEUC

Références : 21500273

****

APPELANTE :

Société [4]

[Adresse 5]

[Localité 1]

représentée par Me Christelle GUILLEMAIN, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

L'UNION DE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES BRETAGNE

[Adresse 6]

[Localité 2]

représentée par Mme [R] [C] en vertu d'un pouvoir spécial

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par arrêt avant dire droit du 23 juin 2021, auquel il est renvoyé pour l'exposé de la procédure antérieure, la cour d'appel de Rennes a :

- invité les parties à conclure sur le caractère définitif de la mise en demeure du 24 mars 2015 et sur l'application au présent litige des dispositions de l'article L. 133-4-2 du code de la sécurité sociale dans sa version en vigueur, selon le calendrier suivant :

* avant le 15 octobre 2021 pour la société [4] ;

* avant le 15 décembre 2021 pour l'URSSAF Bretagne ;

- renvoyé le dossier devant le magistrat chargé de l'instruction des affaires pour contrôle et fixation.

Il sera simplement rappelé que par jugement du 26 avril 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Saint-Brieuc a :

- confirmé la décision de la commission de recours amiable du 10 décembre  2015 ;

- validé le redressement opéré par l'URSSAF à l'encontre de la société [4] par lettre d'observations du 18 novembre 2014 et mise en demeure du 20 février 2015 ;

- condamné la société [4] à payer à la caisse la somme de 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté la société de son recours.

Par ses écritures parvenues par le RPVA le 6 juillet 2022 auxquelles s'est référé et qu'a développées son représentant à l'audience, la société demande à la cour de :

A titre principal :

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* considéré que la société ne peut demander l'annulation du redressement pour non-respect des dispositions des articles L. 8222-1 et L. 8222-2 du code du travail ;

* considéré que la société sera déboutée de l'intégralité de ses demandes ;

* considéré que le redressement opéré par lettre d'observations du 18 novembre 2014 et mise en demeure du 20 février 2015 sera validé ;

* confirmé la décision de la commission de recours amiable en date du 10 décembre 2015 ;

* alloué à l'URSSAF Bretagne la somme de 700 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- statuer à nouveau en :

* infirmant la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de l'URSSAF Bretagne saisie par la société, acquise le 21 avril 2015 ;

* infirmant la décision explicite de rejet rendue le 10 décembre 2015 par la commission de recours amiable de l'URSSAF Bretagne saisie par la société ;

* annulant la mise en demeure notifiée à la société en date du 20 février 2015 ;

* condamnant l'URSSAF Bretagne à payer à la société une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* condamnant l'URSSAF Bretagne aux entiers dépens ;

A titre subsidiaire :

- statuer à nouveau en :

* infirmant la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de l'URSSAF Bretagne saisie par la société, acquise le 21 avril 2015 ;

* infirmant la décision explicite de rejet rendue le 10 décembre 2015 par la commission de recours amiable de l'URSSAF Bretagne saisie par la société ;

* réduisant le redressement opéré par la mise en demeure du 20 février 2015 à 1 879,39 euros ;

* condamnant l'URSSAF Bretagne à lui payer une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* condamnant l'URSSAF Bretagne aux entiers dépens ;

A titre infiniment subsidiaire :

- statuer à nouveau en :

* infirmant la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de l'URSSAF Bretagne saisie par la société, acquise le 21 avril 2015 ;

* infirmant la décision explicite de rejet rendue le 10 décembre 2015 par la commission de recours amiable de l'URSSAF Bretagne saisie par la société ;

* enjoignant l'URSSAF Bretagne de justifier les rémunérations éludées par le sous-traitant, la société [3], sur la période du 1er mars au 31 décembre 2013 ;

* réduisant le redressement opéré par la mise en demeure du 20 février 2015 à plus justes proportions, en appliquant la formule suivante :

(Rémunérations éludées par le sous traitant

sur la période redressée) x 2 x Montant des annulations = Montant modulé

Rémunérations des salariés du donneur

d'ordre sur la période redressée)

* condamnant l'URSSAF Bretagne à lui payer une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* condamnant l'URSSAF Bretagne aux entiers dépens.

Par ses écritures parvenues au greffe le 16 décembre 2021, auxquelles s'est référé et qu'a développées son représentant à l'audience, l'URSSAF demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris ;

- valider le redressement opéré par lettre d'observations du 16 octobre 2014 qui a été mis en recouvrement par mise en demeure du 20 février 2015 ;

- confirmer la décision prise par la commission de recours amiable du 10 décembre 2015 ;

- condamner la société au paiement de la somme de 85 221 euros ;

- acter que la société a payé la somme de 85 042 euros à titre conservatoire ;

- acter que la société reste à devoir 179 euros ;

- acter que la mise en demeure du 24 mars 2015 n'est pas contestée et a un caractère définitif ;

- acter que la société ne peut se voir appliquer la proratisation de la reprise de ses exonérations Fillon au titre de l'article L. 133-4-2 du code de la sécurité sociale ;

- condamner la société à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeter la demande d'article 700 code de procédure civile, formulée par la partie adverse ;

- délivrer un jugement revêtu de la formule exécutoire ;

- débouter la société de l'ensemble de ses demandes.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1 - Sur le caractère définitif du redressement au titre de la solidarité financière et de la mise en demeure du 24 mars 2015 :

Il est constant que la société [4] s'est vu notifier une première lettre d'observations le 16 octobre 2014, au titre de la mise en oeuvre de la solidarité financière, pour un montant de 2 392 euros s'agissant des années 2013 et 2014.

Elle a réglé cette somme par chèque du 4 novembre 2014 porté à l'encaissement le 18 novembre 2014. Il n'est pas allégué que cette somme a été payée à titre conservatoire, étant relevé que la mise en demeure subséquente n'avait pas encore été délivrée.

Une seconde lettre d'observations lui a été adressée le 18 novembre 2014 relative à l'annulation des exonérations du donneur d'ordre non vigilant, pour un montant de 75 000 euros au titre de l'année 2013, suivie d'une mise en demeure du 20 février 2015 réclamant le paiement de la somme totale de 82 650 euros, soit 75 000 euros de cotisations et 7 560 euros de majorations de retard.

La société a saisi la commission de recours amiable par lettre datée du 19 mars 2015 en indiquant ceci :

"En ma qualité de président de la société [4], j'ai l'honneur, par la présente, de saisir votre commission de recours amiable d'un recours en contestation du redressement notifié par l'URSSAF au terme d'une mise en demeure en date du 20 février 2015.

En effet, à la suite du contrôle et de la lettre d'observations en date du 18 novembre 2015, la société a reçu une mise en demeure correspondant à 75 000 euros de rappel de cotisations au titre de la période vérifiée, outre 7 650 euros de majorations de retard, pièces que vous trouverez ci-joint.

La société entend contester au fond l'unique chef de redressement [...]".

Par suite, l'URSSAF a notifié à la société le 24 mars 2015 une mise en demeure de payer la somme de 2 392 euros au titre des cotisations dues et celle de 179 euros au titre des majorations de retard, sous déduction du versement de 2 392 euros intervenu en novembre 2014. Celle-ci fait référence à la lettre d'observations du 16 octobre 2014 et mentionne le motif suivant : "mise en oeuvre de la solidarité financière en vertu des articles L. 8222-1 à 6, R. 8222-1 à 3 du code du travail suite au contrôle de l'entreprise SARL [3]".

Cette mise en demeure du 24 mars 2015 n'a pas été contestée par la société.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le principe du redressement consécutif à la mise en jeu de la solidarité financière, détaillé dans la première lettre d'observations du 16 octobre 2014, n'a jamais été discuté par la société, laquelle a immédiatement réglé le principal sans même attendre l'envoi de la mise en demeure. Cette dernière n'a pas davantage formé de recours contre la mise en demeure du 24 mars 2015.

Est indifférent le fait que la commission de recours amiable a "décidé de maintenir la mise en oeuvre de la solidarité financière et la reprise des allégements et exonérations" après avoir tenu des développements sur la régularité de la mise en demeure du 24 mars 2015 et le bien-fondé de la mise en oeuvre de la solidarité financière.

Dès lors, les moyens élevés par la société s'agissant de la régularité d'une part des opérations de contrôle et d'autre part de la lettre d'observations du 16 octobre 2014, ainsi que des conditions de mise en oeuvre de la solidarité financière sont inopérants. Du reste, elle n'en tire aucune conséquence juridique directe dans le dispositif de ses écritures.

Seuls les moyens relatifs à la régularité de la mise en demeure du 20 février 2015 et au bien-fondé du redressement fondé sur l'annulation des exonérations du donneur d'ordre non vigilant seront examinés.

2 - Sur la signature de la lettre d'observations :

La société fait valoir que la lettre d'observations doit impérativement être signée par l'ensemble des agents ayant participé au contrôle en application de l'article R. 249-59 du code de la sécurité sociale ; que lorsque plusieurs inspecteurs participent aux opérations d'un même contrôle, la lettre d'observations doit comporter la signature de chacun d'entre eux (Cass. 2e civ., 6 nov. 2014, n°13-23.990) et qu'à défaut, celle-ci est irrégulière ; qu'en l'espèce, le procès-verbal de travail dissimulé à l'encontre du sous-traitant est signé par deux inspecteurs de recouvrement ; que les lettres d'observations adressées au donneur d'ordre, qui reposent sur ce procès-verbal de travail dissimulé, auraient dû être signées des deux mêmes inspecteurs alors qu'elles n'ont été signées que par l'un d'entre eux.

L'URSSAF réplique qu'il s'agit de deux contrôles distincts ; qu'aucun texte ne prévoit qu'en cas de solidarité financière la lettre d'observations adressée au donneur d'ordre doive être faite par les inspecteurs qui ont procédé à la signature du procès-verbal pénal adressé au sous-traitant dans le cadre du constat de faits de travail dissimulé ; que la société ajoute à l'article R.243-59 du code de la sécurité sociale.

Sur ce :

L'article R. 243-59 alinéa 5 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable en l'espèce dispose que :

« A l'issue du contrôle, les inspecteurs du recouvrement communiquent à l'employeur ou au travailleur indépendant un document daté et signé par eux mentionnant l'objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle. Ce document mentionne, s'il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle, assorties de l'indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements et des éventuelles majorations et pénalités définies aux articles L. 243-7-2, L. 243-7-6 et L. 243-7-7 envisagés ».

Aucun texte ne prévoit spécifiquement, dans les suites de la mise en jeu de la solidarité financière, la signature de la lettre d'observations adressée au donneur d'ordre, au titre des annulations des exonérations, par les inspecteurs ayant rédigé le procès-verbal de travail dissimulé à l'encontre du sous-traitant.

Comme l'indique à juste titre l'URSSAF, la solidarité financière et l'annulation des réductions qui en découle relèvent de contrôles distincts de sorte que la lettre d'observations du 18 novembre 2014 qui mentionne le nom d'un seul inspecteur, à l'instar de celle du 16 octobre 2014, et qui est signée par lui est régulière.

Ce moyen sera écarté.

3 - Sur la régularité de la mise en demeure du 20 février 2015 :

Il convient de relever que la mise en demeure du 20 février 2015 mentionne, outre le délai d'un mois pour s'acquitter des sommes réclamées :

le motif de recouvrement ("Contrôle. Chefs de redressement notifiés le 18 novembre 2014 article R. 243-59 du code de la sécurité sociale ") ;

la nature des cotisations (régime général) ;

la période de référence (année 2013) ;

- le montant total dû, soit 82 650 euros, dont 75 000 euros en cotisations et 7 650 euros en majorations de retard.

Elle fait référence à la lettre d'observations du 18 novembre 2014 laquelle rappelle les règles applicables, mentionne l'assiette des exonérations redressées (Réductions Fillon), l'année (2013), la base plafonnée (75 000 euros) et le montant mis à la charge de la société (75 000 euros).

Cette lettre d'observations qui concerne l'annulation des exonérations du donneur d'ordre non vigilant n'avait à mentionner ni les factures prises en compte par l'URSSAF, ni les mois au cours desquels la société aurait manqué à son obligation de vigilance vis-à-vis de la société [3].

Force est de constater que ces mentions précises et complètes permettent à la société de connaître la cause, la nature et l'étendue de ses obligations.

La mise en demeure et la lettre d'observations répondent ainsi aux exigences légales.

4 - Sur le montant de l'annulation des exonérations :

L'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable du 1er janvier 2013 au 1er janvier 2017, dispose que :

" Lorsqu'il est constaté que le donneur d'ordre n'a pas rempli l'une des obligations définies à l'article L. 8222-1 du code du travail et que son cocontractant a, au cours de la même période, exercé un travail dissimulé par dissimulation d'activité ou d'emploi salarié, l'organisme de recouvrement procède à l'annulation des réductions ou exonérations des cotisations ou contributions dont le donneur d'ordre a bénéficié au titre des rémunérations versées à ses salariés. Le donneur d'ordre ou le maître d'ouvrage encourt la même sanction, dans les mêmes conditions, lorsqu'il est constaté qu'il a manqué à l'obligation mentionnée à l'article L. 8222-5 du code du travail.

L'annulation s'applique pour chacun des mois au cours desquels les conditions mentionnées au premier alinéa du présent article sont vérifiées. Elle est calculée selon les modalités prévues aux deux derniers alinéas de l'article L. 133-4-2, sans que son montant global puisse excéder 15 000 € pour une personne physique et 75 000 € pour une personne morale.

Les modalités d'application du présent article, en particulier la manière dont est assuré le respect du principe du contradictoire, sont déterminées par décret en Conseil d'Etat". 

L'article L. 133-4-2 du code de la sécurité sociale dans sa version issue de la loi 2020-1576 du 14 décembre 2020 applicable à toute annulation de réductions ou d'exonérations de cotisations de sécurité sociale ou de contributions n'ayant pas donné lieu à une décision de justice ayant un caractère irrévocable dispose :

« I.-Le bénéfice de toute mesure de réduction ou d'exonération, totale ou partielle, de cotisations de sécurité sociale, de contributions dues aux organismes de sécurité sociale ou de cotisations ou contributions mentionnées au I de l'article L. 241-13 est supprimé en cas de constat des infractions mentionnées aux 1° à 4° de l'article L. 8211-1 du code du travail.

II.-Lorsque l'infraction est constatée par procès-verbal dans les conditions déterminées aux articles L. 8271-1 à L. 8271-19 du même code, l'organisme de recouvrement procède, dans la limite de la prescription applicable à l'infraction, à l'annulation des réductions et exonérations des cotisations ou contributions mentionnées au I du présent article.

III.-Par dérogation aux I et II du présent article et sauf lorsque les faits concernent un mineur soumis à l'obligation scolaire ou une personne vulnérable ou dépendante mentionnés respectivement aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 8224-2 du code du travail ou quand les faits de travail dissimulé sont commis en bande organisée, lorsque la dissimulation d'activité ou de salarié résulte uniquement de l'application du II de l'article L. 8221-6 du code du travail ou qu'elle représente une proportion limitée de l'activité ou des salariés régulièrement déclarés, l'annulation des réductions et exonérations de cotisations de sécurité sociale ou de contributions est partielle.

Dans ce cas, la proportion des réductions et exonérations annulées est égale au rapport entre le double des rémunérations éludées et le montant des rémunérations, soumises à cotisations de sécurité sociale, versées à l'ensemble du personnel par l'employeur, sur la période concernée, dans la limite de 100 %.

IV.-Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles la dissimulation peut, au regard des obligations mentionnées aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 du code du travail, être considérée comme limitée pour l'application du III du présent article, sans que la proportion de l'activité dissimulée puisse excéder 10 % de l'activité. Le plafond de la dissimulation partielle de salariés s'apprécie au regard de l'activité.

V.-Le III est applicable au donneur d'ordre ».

La nouvelle version de l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale applicable depuis le 28 décembre 2019 précise :

" Lorsqu'il est fait application du III du même article L. 133-4-2, pour le calcul de la proportion des réductions et exonérations annulées prévu au second alinéa du même III, les rémunérations des salariés du donneur d'ordre sont substituées à celles des salariés de la personne contrôlée."

Enfin, selon l'article R. 133-8 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable depuis le 1er janvier 2020 :

"L'annulation partielle des réductions et exonérations de cotisations de sécurité sociale ou contribution mentionnée aux III et IV de l'article L. 133-4-2 est applicable lorsque les sommes assujetties à la suite du constat d'une infraction mentionnée aux 1° à 4° de l'article L. 8211-1 du code du travail n'excèdent pas 10 % des rémunérations déclarées au titre de la période d'emploi faisant l'objet du redressement pour les employeurs de moins de vingt salariés et 5 % dans les autres cas".

L'URSSAF indique que l'appréciation de l'ampleur de l'infraction se fait logiquement à partir des agissements de l'auteur de celle-ci, le sous-traitant ; que pour que les modalités dérogatoires s'appliquent, il faut regarder si l'infraction est limitée par rapport au sous-traitant ; que si tel est le cas, la modulation peut être faite pour le donneur d'ordre et dans ce cas on remplace pour le chiffrage de l'annulation les rémunérations des salariés du sous-traitant par celles du donneur d'ordre et on applique la formule suivante :

Montant de la réduction Fillon déclarée chez le donneur d'ordre sur la période verbalisée x [ (Rémunérations éludées par le sous-traitant sur la période verbalisée x 2) / Montant de la masse salariale déclarée par le donneur d'ordre sur la période verbalisée]

L'URSSAF ajoute qu'elle a vérifié en premier lieu si la société [3] pouvait prétendre à la modulation en calculant le ratio entre la masse salariale non-déclarée du sous-traitant sur la période verbalisée et la masse salariale déclarée du sous-traitant sur la même période, soit en l'espèce : 293 511 € /76 504 € = 383,70 % ; qu'elle a vérifié ensuite que la proratisation était applicable en tenant compte de l'effectif du dernier mois/trimestre de la période verbalisée ( moins de 20 salariés : pas de prorata si le ratio est supérieur à 10 % ; plus de 20 salariés, pas de prorata si le ratio est supérieur à 5 %) ; que l'effectif de la société [3] au 1er trimestre 2014 est de 88 ; que le ratio est supérieur à 5 % de sorte que la proratisation n'est pas applicable ; que si la modulation n'est pas possible pour le sous-traitant, le donneur d'ordre n'y a pas droit non plus ; que le montant de la reprise des exonérations doit être maintenu à 75 000 euros.

A titre subsidiaire, elle propose la formule suivante :

Montant de la réduction Fillon déclarée chez le donneur d'ordre sur la période verbalisée x [ (Rémunérations éludées par le sous-traitant sur la période verbalisée x 2) / Montant de la masse salariale déclarée par le donneur d'ordre sur la période verbalisée]

La société fait valoir quant à elle que la formule de calcul retenue à titre principal par l'URSSAF n'est pas conforme à la lettre des textes en ce qu'elle ne tient pas compte du plafond d'annulation des exonérations de 75 000 euros et en ce qu'elle ne retient que des données déconnectées entre elles, les notions de "rémunération éludée par le sous-traitant" et "masse salariale déclarée par le donneur d'ordre" n'ayant pas de lien ; que cette formule de calcul renvoie à des données extérieures au redressement qu'elle-même et les juges ne peuvent vérifier.

La société propose la formule de calcul suivante :

Chiffre d'affaires HT réalisé avec

le donneur d'ordre x 2

x 75 000 = Montant modulé

Chiffre d'affaires HT du sous-traitant

Cela donne avec les données chiffrées :

4415 x 2 x 75 000 = 1 879,39 euros.

352 375

A titre subsidiaire, elle indique que si la cour décide de suivre dans le principe la formule présentée par l'URSSAF, elle devra l'appliquer comme suit :

Rémunérations éludées sur la période redressée x 2

x 75 000 = Montant modulé.

Rémunérations des salariés du donneur d'ordre sur

la période redressée

Sur ce :

Dès lors qu'il est acquis que la société [4] n'a pas rempli l'une des obligations définies à l'article L. 8222-1 du code du travail et que la société [3] a, au cours de la même période, exercé un travail dissimulé par dissimulation d'activité ou d'emploi salarié constaté dans un procès-verbal du 7 février 2014 dont la société [4] a eu connaissance, l'URSSAF est bien fondée à procéder à l'annulation des réductions ou exonérations des cotisations ou contributions dont le donneur d'ordre a bénéficié au titre des rémunérations versées à ses salariés.

S'agissant de la modulation des annulations, il découle de la lecture combinée des textes précités que le donneur d'ordre bénéficie du mécanisme de modulation de la sanction seulement si son sous-traitant y est éligible.

Cela implique au préalable de déterminer si la dissimulation d'activité ou de salarié représente une proportion limitée de l'activité ou des salariés régulièrement déclarés chez le sous-traitant, en tenant compte des données chiffrées collectées par l'URSSAF au terme du contrôle, qu'aucun élément ne justifie de remettre en cause.

Pour la société [3], le calcul du ratio est le suivant :

masse salariale non déclarée = 293 511 = 383,70 %

masse salariale déclarée sur la période 76 504

Il n'est pas contesté que la société [3] disposait d'un effectif de 88 salariés de sorte que pour pouvoir bénéficier d'une annulation partielle des réductions et exonérations, le ratio doit être inférieur à 5 % en application de l'article R. 133-8 du code de la sécurité sociale sus rappelé.

Dès lors que ce ratio calculé pour la société [3] est très supérieur à 5 %, la société [4] ne peut se voir appliquer de modulation de la sanction.

Le redressement à hauteur de 75 000 euros est dès lors justifié au regard des textes applicables.

Le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.

Il y a lieu de condamner la société au paiement de la somme de 85 221 euros, étant précisé que la société a déjà réglé la somme de 85 042 euros à titre conservatoire.

5 - Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de l'URSSAF ses frais irrépétibles.

S'agissant des dépens, l'article R.144-10 du code de la sécurité sociale disposant que la procédure est gratuite et sans frais en matière de sécurité sociale est abrogé depuis le 1er janvier 2019.

Il s'ensuit que l'article R.144-10 précité reste applicable aux procédures en cours jusqu'à la date du 31 décembre 2018 et qu'à partir du 1er janvier 2019 s'appliquent les dispositions des articles 695 et 696 du code de procédure civile relatives à la charge des dépens.

En conséquence, les dépens de la présente procédure exposés postérieurement au 31 décembre 2018 seront laissés à la charge de la société qui succombe à l'instance.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement dans toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

CONDAMNE la société [4] à payer à l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Bretagne la somme de 85 221 euros, dont à déduire la somme de 85 042 euros réglée par la société [4] à titre conservatoire ;

DÉBOUTE l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Bretagne de sa demande d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société [4] aux dépens, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 18/04200
Date de la décision : 09/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-09;18.04200 ?
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