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08/11/2022 | FRANCE | N°20/03129

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 08 novembre 2022, 20/03129


1ère Chambre





ARRÊT N°358/2022



N° RG 20/03129 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QX67













DIRECTION REGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES ILEDEFRANCE PARIS



C/



Mme [Z] [B]

















Copie exécutoire délivrée



le :



à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 08 NOVEMBRE 2022






COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère entendue en son rapport,





GREFFIER :



Madame Marie-Clau...

1ère Chambre

ARRÊT N°358/2022

N° RG 20/03129 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QX67

DIRECTION REGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES ILEDEFRANCE PARIS

C/

Mme [Z] [B]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 08 NOVEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère entendue en son rapport,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 06 Septembre 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 08 Novembre 2022 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré annoncé au 25 octobre 2022 à l'issue des débats

****

APPELANTE :

La Direction Régionale des finances publiques d'Ile de France et du département de Paris, représentée par M. le Directeur général des finances publiques, poursuites et diligences du Directeur régional des finances publiques d'Ile de France et de Paris, Pôle Contrôle fiscal et Affaires juridiques, Pôle Juridictionnel Judiciaire, dont les bureaux sont situés

[Adresse 2]

[Localité 14]

Représenté par Me Anne DENIS de la SELARL ANNE DENIS, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Jean-Yves BENOIST de la SCP HAUTEMAINE AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau du MANS

INTIMÉE :

Madame [Z] [B]

née le [Date naissance 9] 1962 à [Localité 16] (44)

[Adresse 4]

[Localité 20]

Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Guillaume DE MONTGOLFIER, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte notarié du 21 novembre 2012, Mme [P] [E] a fait donation à sa nièce, Mme [Z] [B], de la nue-propriété d'un ensemble immobilier situé à [Adresse 19], cadastré section AV, n°[Cadastre 11], lots 17, 18 (deux appartements de 69 m² et 53 m²), 28, 34 (deux caves), 49 (un garage) et 54 (un parking).

Au moment de la donation, cet ensemble immobilier a été évalué en pleine propriété à la somme de 494 000 € soit 395 200 € pour la nue-propriété.

Considérant que ce bien avait été sous-évalué, le Pôle de contrôle et d'expertise de [Localité 20]-[Localité 17] a fait parvenir à Mme [Z] [B] une proposition de rectification le 9 décembre 2015.

L'administration fiscale estimait que la valeur de ce bien en pleine propriété était de 871 202 euros. L'insuffisance taxable globale était retenue à hauteur de 356 000 euros et la majoration de 40% pour manquement délibéré était appliquée.

Par courrier du 27 janvier 2016, Mme [Z] [B] a fait part de ses observations.

Par courrier du 22 mars 2016, l'administration 'scale a conclu au maintien du rehaussement envisagé.

Dans son avis du 7 avril 2017, la Commission départementale de conciliation a estimé la valeur de l'ensemble immobilier en pleine propriété à 850 000 €.

L'administration 'scale s'est rangée à la position de la commission de conciliation relativement à la valeur de l'ensemble immobilier et a maintenu les majorations de 40% pour manquement délibéré.

Elle a émis un avis de mise en recouvrement le 31 juillet 2017, et a appelé Mme [Z] [B] à régler la somme de 243 213 €, ventilés comme suit :

-frais d'assiette et de recouvrement : 40 €

-droits d'enregistrement donation : 156 640 €

-taxe de publicité foncière : 1 709 €

-majorations : 62 656 €

-intérêts de retard article 1727 du code général des impôts : 22.168 €

-intérêts de retard article 1727 du code général des impôts : mémoire.

Le ler mars 2018, Mme [Z] [B] a formé une réclamation contentieuse contre les avis de mise en recouvrement du 31 juillet 2017 et du 8 août 2017, laquelle a été rejetée par l'administration fiscale le 31 août 2018.

Par acte d'huissier du 29 octobre 2018, Mme [Z] [B] a assigné la Direction régionale des finances publiques sur le fondement des articles 666, 750 ter, 761 et 1729 du code général des impôts, L199 du livre des procédures 'scales et R 199-1 du livre des procédures 'scales devant le tribunal judiciaire de Saint-Nazaire, aux 'ns de voir :

-annuler la décision en date du 31 août 2018,

-juger que la valeur du bien en cause au jour de la donation était de 764 836 € en pleine propriété et de 611 868 € en nue-propriété et en conséquence, ordonner le dégrèvement des suppléments d'impôt correspondant à une évaluation supérieure de 1'ensemble immobilier,

-juger que le contribuable n'a opéré aucun manquement délibéré et en conséquence, ordonner le dégrèvement des majorations de 40% appliquées,

-condamner la partie adverse à rembourser au requérant les dépens mentionnés à l'article R207-1 du livre des procédures 'scales et à lui verser la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 28 mai 2020, le tribunal judiciaire de Saint-Nazaire a :

-Dit que Mme [Z] [B] n'a pas opéré de manquements délibérés au sens de l'article 1729 du Code Général des Impôts ;

-Ordonné le dégrèvement des majorations de 40% appliquées par l'administration 'scale dans sa décision du 31 août 2018 au titre des manquements délibérés ;

-Rejeté les autres et plus amples demandes de Mme [Z] [B] ;

-Dit que chaque partie supportera la charge des dépens exposés dans l'instance et la charge de ses frais irrépétibles ;

-Dit ne pas y avoir lieu au prononcé de 1'exécution provisoire de la décision.

Suivant déclaration du 10 juillet 2020, la Direction Régionale des Finances Publiques d'Ile-de-France et de Paris a relevé appel de ce jugement, en ce qu'il a

-dit que Mme [B] n'avait pas opéré de manquements délibérés,

-ordonné le dégrèvement des majorations de 40% appliquées dans sa décision du 31 août 2018 au titre des manquements délibérés,

-dit que chaque partie devra supporter la charge de ses dépens et frais irrépétibles.

Par conclusions du 22 décembre 2020, Mme [B] s'est portée appelante incidente de ce jugement en ce qu'il a confirmé la valeur vénale de l'immeuble litigieux et rejeté par conséquent la demande de dégrèvement des suppléments d'impôt correspondant à une évaluation supérieure de 1'ensemble immobilier.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 22 mars 2021, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens et prétentions, la Direction Régionale des Finances Publiques d'Ile-de-France et de Paris demande à la cour de :

-Recevoir le Directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris en son appel et l'y déclarer fondé ;

-Infirmer le jugement du Tribunal judiciaire de Saint-Nazaire du 28 mai 2020 en ce qu'il a dit que Mme [B] n'a pas opéré de manquements délibérés au sens de l'article 1729 du Code Général des Impôts et ordonné le dégrèvement des majorations de 40 % appliquées par l'administration fiscale ;

-Confirmer le jugement précité en ce qu'il a rejeté les autres et plus amples demandes de Mme [Z] [B] ;

-Rejeter toutes les demandes, fins et conclusions de Mme [B], et particulièrement son appel incident ;

Et statuant à nouveau :

-Déclarer bien fondée les rectifications opérées par l'administration ;

-Déclarer bien fondée la majoration de 40 % appliquée par l'administration

-Confirmer la décision contentieuse de rejet de l'administration du 31 août 2018 ;

-Condamner Mme [B] au paiement des entiers dépens de première instance et d'appel.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 9 août 2021, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens et prétentions, Mme [Z] [B] demande à la cour de :

-Déclarer l'appel incident de Mme [Z] [B] recevable et bien fondé,

-Infirmer le jugement du tribunal Judiciaire de Saint-Nazaire du 28 mai 2020 en ce qu'il a confirmé la valeur vénale de l'immeuble litigieux sur la base de termes de comparaison qui n'étaient pas similaires en fait,

-En déduire que la proposition de rectification du 19 décembre 2015 est entachée de nullité pour défaut de motivation quant à la désignation de biens similaires en droit au bien litigieux du 102 avenue bonne source situé à [Localité 18],

-Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que l'Administration démontrait que l'évaluation de l'appartement situé à [Adresse 19], cadastré section AV, n°[Cadastre 11], lots 17, 18 (deux appartements de 69 m² et 53 m²), 28, 34 (deux caves), 49 (un garage) et 54 (un parking), dans le cadre de la donation du 21 novembre 2012, est inférieure à la valeur vénale réelle du bien transmis,

-Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que l'Administration ne démontrait pas les manquements délibérés de Mme [Z] [B] relativement aux droits de mutation à titre gratuit résultant de la donation du 21 novembre 2012,

-Débouter l'Administration des Finances Publiques de toutes ses demandes, fins et conclusions.

Et statuant à nouveau :

-Annuler l'avis de mise en recouvrement du 31 juillet 2017 ' 4400501 2 16350 31/07/2017 05092, tant pour les droits, que l'intérêt de retard et les majorations,

-Voir l'Administration des Finances Publiques condamnée au règlement des entiers dépens et à la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile .

MOTIFS DE L'ARRÊT

1°/ Sur la valeur vénale du bien litigieux

Mme [Z] [B] estime que la valeur retenue par l'administration dans son contrôle est trop élevée par rapport au marché local. Elle critique les termes de comparaison retenus par l'administration fiscale. Elle fait en outre valoir que Mme [E] avait fait l'objet d'une procédure de vérification en matière d'ISF par les services fiscaux au titre de l'année 2009 et que l'administration n'avait alors procédé à aucune procédure de rectification des valeurs concernant les biens litigieux. Elle souligne que la méthode retenue par l'administration conduit à retenir une augmentation de prix de 170% en quatre ans, ce qui ne correspond pas à l'évolution du marché. Elle expose en effet que les prix immobiliers ont baissé entre 2011 (valeurs retenues par l'administration fiscale) et 2012 ( date de la donation).

L'article 666 du code général des impôts dispose que les droits proportionnels ou progressifs d'enregistrement et la taxe de publicité foncière sont assis sur les valeurs.

Il résulte des dispositions de l'article 761 du code général des impôts que, pour la liquidation des droits de mutation à titre gratuit, les immeubles, quelle que soit leur nature, sont estimés d'après leur valeur vénale réelle à la date de la transmission, d'après une déclaration détaillée et estimative des parties.

De plus, en vertu de l'article L. 17 du LPF, l'administration des impôts peut rectifier le prix ou l'évaluation d'un bien ayant servi de base à la perception d'une imposition lorsque ce prix ou cette évaluation paraît inférieure à la valeur vénale réelle des biens transmis ou désignés dans les actes ou déclarations.

La valeur vénale d'un immeuble est déterminée par le libre jeu de l'offre et de la demande dans un marché réel qui seul fait ressortir le prix que le propriétaire pourrait obtenir du bien considéré compte tenu de l'état dans lequel il se trouve au moment de la mutation.

Selon une jurisprudence constante de la cour de cassation, la détermination de la valeur vénale se fait exclusivement, sauf cas exceptionnels non justifiés en l'espèce, selon une méthode consistant à rechercher des termes de comparaison constitués par des cessions d'immeubles de nature identique ou du moins similaire, antérieures au fait générateur de l'impôt.

La Cour de cassation a précisé que l'obligation de procéder à des comparaisons tirées de la cession de biens intrinsèquement similaires pour déterminer la valeur vénale réelle d'un immeuble n'implique pas que les biens pris en compte soient strictement identiques au bien à évaluer.

En l'espèce, l'ensemble immobilier litigieux regroupe deux appartements de 69 et 53 m² (lots 17 et 18) avec deux caves (lots 28 et 34), un garage (lot 49), un parking (lot 54), dans un immeuble donnant sur le bord de mer, dans une zone urbanisée, située en périphérie immédiate du centre.

Il s'agit de deux appartements dans une construction de 1961, au 4ème étage, composés d'une entrée, un séjour, deux chambres, une cuisine, deux salles de bains, une buanderie, WC, des placards et un balcon-terrasse face à la mer, avec cave et garage.

L'[Adresse 15] longe le littoral. L'immeuble dispose d' un accès direct à la plage.

Mme [B] peut difficilement contester que la valeur réelle du bien est sans rapport avec celle mentionnée dans l'acte de donation à hauteur de 494 000 € puisque devant le tribunal judiciaire, elle s'était prévalue d'une expertise amiable (qu'elle a faite réaliser en 2018) d'après laquelle l'ensemble immobilier était estimé à 764 000 € au jour de la donation.

En cause d'appel, Mme [B] continue à contester la valorisation de l'immeuble retenue par l'administration fiscale.

Il est cependant observé que devant la cour, celle-ci ne produit pas l'expertise amiable dont elle s'était prévalue et qu'elle n'apporte aucun élément nouveau.

* sur la pertinence des éléments de comparaison retenus par l'administration fiscale

En effet, pour contester la valeur vénale retenue in fine par l'administration fiscale, Mme [B] se réfère aux trois éléments de comparaison qu'elle avait proposés dans le cadre de la phase contradictoire préalable au redressement, à savoir :

- la vente du 13 décembre 2012 d'un appartement de 41 m2 situé [Adresse 5], au prix de 262 000 € soit 6 390 €/ m²

Cependant, conformément à la jurisprudence de la cour de cassation, cet élément de comparaison ne peut être retenu s'agissant d'une mutation postérieure au fait générateur de l'impôt, la donation-partage étant intervenue le 21 novembre 2012.

- la vente du 30 août 2012 d'un appartement de 110 m² situé [Adresse 12] au prix de 474 000 € soit 4 309 €/ m²

Cependant, la cour ne dispose d'aucun élément pour apprécier la pertinence de cet élément de comparaison avec le bien à évaluer, s'agissant d'un immeuble construit en 2011. Il est observé que l'administration fiscale avait écarté cette valeur de comparaison pour ce motif mais également en soulignant qu'il s'agissait d'un prix de vente atypique pour des appartements de cet immeuble. A cet égard, elle citait deux exemples de mutations intervenues dans le même immeuble en 2011 aux prix de 7 563 €/ m² et 7 483 €/ m² après décote liée à la surface de appartement.

Il y a lieu de considérer que Mme [B] ne démontre pas la pertinence de cet élément de comparaison qui doit être écarté.

- reste la vente du 4 avril 2012 d'un appartement de 89 m² situé [Adresse 13] au prix de 570 000 € soit 6 390 €/ m²

Or, cet élément de comparaison a bien été retenu par la commission départementale de conciliation.

Pour retenir la valeur de 850 000 € ( acceptée par l'administration fiscale), la commission départementale de conciliation a considéré comme probants les trois éléments de comparaison retenus par l'administration fiscale dans sa proposition de rectification (soit les mutations des 14 octobre 2011, 14 décembre 2011 et 30 mai 2011) s'agissant d'appartements aux surfaces comparables, situés dans des immeubles anciens, dans la même rue voire le même immeuble que les biens à évaluer.

De fait, les éléments de comparaison retenus par l'administration fiscale s'avéraient particulièrement pertinents. Le premier juge a d'ailleurs rappelé qu'ils n'avaient pas été contestés par Mme [B].

Par ailleurs, comme précédemment indiqué, la commission de conciliation a également pris en compte le seul élément de comparaison pertinent proposé par Mme [B], à savoir la mutation du 4 avril 2012.

Il y a lieu de considérer que c'est à juste titre, sur la base des éléments de comparaison suivants, que la commission de conciliation puis l'administration fiscale ont retenu un prix moyen de 6 957 € / m² :

Date de la vente

Adresse bien vendu

Surface en m² bien vendu

prix

Année construction immeuble

Prix au m²

14/10/11

(administration fiscale)

[Adresse 1]

69

500 000 €

1961

7 246 €

14/12/11

(administration fiscale)

[Adresse 1]

53

409 000 €

1961

7 716 €

30/05/12

(administration fiscale)

[Adresse 8]

65

420 000 €

1970

6 461 €

04/04/12

(Mme

[B])

[Adresse 13]

89

570 000 €

1970

6 404 €

Mme [B] soutient vainement qu'en violation des prescriptions de l'article L 57 du livre des procédures fiscales, la proposition de rectification ne serait pas suffisamment motivée en droit, en ce qu'elle ne préciserait pas si les termes de comparaison retenus concernaient des biens libres ou loués.

La décision de l'administration est toutefois suffisamment motivée en fait et en droit.

Le défaut de précision du statut juridique des immeubles vendus pourrait éventuellement être critiqué sous l'angle du défaut de pertinence des éléments de comparaison proposés par l'administration fiscale. Or, comme précédemment indiqué, ceux-ci ont été jugés pertinents. Mme [B] est d'autant plus mal fondée qu'elle-même a proposé des éléments de comparaison sans préciser le statut juridique des immeubles vendus. En tout état de cause, ce moyen est inopérant dans la mesure où le statut juridique des appartements litigieux, au moment de la donation, n'est pas connu. Il y a donc lieu de retenir la valeur vénale d'un immeuble libre de toute occupation. Dès lors, si parmi les transactions retenues par l'administration fiscale, certains appartements étaient loués, cela ne pouvait que profiter à Mme [B] puisque le prix de vente était nécessairement moindre que le prix du marché afin de tenir compte de cette occupation. Il en résulte que le prix moyen au m² du bien à évaluer s'en trouvait également minoré.

* sur la baisse de prix alléguée entre 2011 et 2012

C'est également à tort que Mme [B] fait grief à l'administration fiscale de s'être fondée sur des transactions intervenues en 2011, soit juste avant le déclin du marché de l'immobilier dans le secteur, entre 2011 et 2012.

D'une part, la tendance baissière alléguée entre l'année 2011 et l'année 2012 n'est corroborée par aucun élément. Elle est même contredite par les éléments de comparaison avancés par Mme [B].

En effet, dans sa décision de rejet de la réclamation contentieuse en date du 31 août 2018, l'administration fiscale a relevé avec pertinence que pour deux biens situés dans le même immeuble, ([Adresse 13]), dont les surfaces habitables étaient très similaires ( 82 et 92 m²), la vente du 25 mars 2011 s'est faite au prix de 7 232 € / m² tandis que la vente du 4 avril 2012 est intervenue à un prix supérieur de 7 403 € / m².

Les deux valeurs de comparaison proposées par Mme [B] devant la commission de conciliation contredisent également la baisse alléguée. Il s'agissait de deux appartement d'une superficie similaire de 64 et 60 m², situés au [Adresse 3] et [Adresse 7]. Le premier a été vendu le 20 octobre 2011 au prix de 6 250 € / m² tandis que le second a été vendu le 13 janvier 2012 au prix de 6 850 € / m².

D'autre part, la valeur de l'ensemble immobilier litigieux a été calculée d'après la moyenne des prix de vente de quatre transactions concernant des biens similaires, dont deux intervenues en fin d'année 2011 et les deux autres au cours du premier semestre 2012, ce qui permet de considérer que la valeur retenue est le reflet du marché et de son évolution au moment de la donation.

* sur le caractère inopérant du contrôle de Mme [E] au titre de l'ISF

Rappelant que les donations reprenaient les valeurs déclarées par Mme [E] dans ses déclarations ISF, Mme [B] ne s'explique pas qu'à la suite du contrôle fiscal subi par la donatrice en 2009, l'administration n'ait procédé à aucune procédure de rectification, pour considérer quatre ans plus tard que les biens devaient être réévalués à plus de 170 %.

Toutefois, ce moyen est inopérant dès lors que Mme [B] ne conteste pas que la valeur déclarée du bien (494 000 €) était sans rapport avec sa valeur réelle au moment de la donation, puisqu'elle s'est elle-même prévalue en première instance d'une expertise immobilière dont il ressort que l'ensemble immobilier avait une valeur de 764 000 € au jour de la donation.

Ce moyen est d'autant plus inopérant que la valeur vénale à retenir est celle du bien au jour du fait générateur de l'impôt, donc au jour de la donation le 21 novembre 2012 et non au jour du fait générateur de l'ISF, soit au 1er janvier 2005, 2006, 2007 et 2008. A cet égard, l'administration fiscale a relevé à juste titre que les estimations faites dans des déclarations antérieures de 5 à 9 ans au fait générateur de l'impôt sont impropres à déterminer la valeur vénale de l'immeuble au jour de la donation.

* sur la validité et le bien-fondé du redressement

Au bénéfice de l'ensemble ces observations, la proposition de rectification n'est entachée d'aucune nullité pour défaut de motivation et au regard de la comparaison avec des biens similaires, c'est à juste titre que le premier juge a retenu la valeur vénale des biens litigieux au moment de la donation telle que retenue par la commission départementale de conciliation et acceptée par l'administration fiscale, c'est à dire au prix de 6.957 € / m² soit 850 000 €.

2°/ Sur le bien-fondé de la majoration de 40% pour manquement délibéré

L'article 1729-a du code général des impôts prévoit que les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de 40 % en cas de manquement délibéré (...).

Aux termes de l'article 195 A du livre des procédures fiscales, en cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des man'uvres frauduleuses incombe à l'administration.

Il est constant que pour caractériser l'existence d'un manquement délibéré, l'administration doit établir d'une part, l'insuffisance ou l'inexactitude des déclarations (élément objectif) et d'autre part, l'intention du contribuable de se soustraire au paiement de l'impôt ( élément intentionnel).

En l'espèce, dans sa proposition de rectification, l'administration fiscale a motivé l'application des pénalités pour manquement délibéré par l'importance de la sous-évaluation et des droits éludés.

Il est exact que ce motif n'est pas suffisant en soi pour caractériser le manquement délibéré et qu'il doit être corroboré par d'autres éléments.

Contrairement à ce que soutient Mme [B], l'administration fiscale peut dans le cadre du débat contradictoire, développer des arguments qui ne figuraient pas explicitement dans la proposition de rectification étant précisé que ceux-ci ne font qu'étayer le motif avancé pour justifier les majorations.

Il est incontestable que les deux appartements situés à [Localité 18] reçus en donation de sa tante par Mme [B] suivant acte reçu le 21 novembre 2012, ont été largement sous évalués puisque leur valeur totale déclarée à hauteur de 495 000 € s'est avérée sans aucun rapport avec la réalité du marché lors de la donation, la valeur vénale du bien ayant été retenue à hauteur de 850 000 €, soit un écart de valeur de 72 %.

Or, Mme [B] a bénéficié de deux autres donations en 2012 et 2013 pour lesquelles il n'est pas contesté que la commission de conciliation a confirmé la sous-évaluation des valeurs déclarées.

Par acte notarié du 7 mai 2012, elle a reçu de ses parents et indivisément avec son frère, M. [K] [B], notaire, la nue-propriété d'une maison d'habitation située [Adresse 6]. La valeur déclarée de ce bien était de 500 000 €. La commission de conciliation a retenu une valeur de 600 000 €, soit un écart de valeur de 20%.

Par acte notarié du 26 décembre 2013, Mme [B] a reçu de Mme [P] [E] un appartement dans un immeuble situé [Adresse 10]. La valeur déclarée de ce bien était de 212 000 €. La commission de conciliation a retenu une valeur de 327 000 €, soit un écart de valeur de 54,25 %.

Mme [B] ne justifie d'ailleurs d'aucune démarche entreprise pour connaître la valeur réelle des biens reçus.

A cet égard, elle ne pouvait de bonne foi se référer aux valeurs déclarées par la donatrice dans ses déclarations ISF lesquelles ne sont d'ailleurs pas produites. Par ailleurs, en l'absence de toute pièce relative au contrôle fiscal qui aurait été opéré en 2009, il ne peut être considéré que la valeur du bien telle que reportée dans l'acte de donation aurait été validée par l'administration fiscale.

Surtout, il est observé que le notaire instrumentaire de toutes ces donations (par ailleurs bénéficiaire de l'une d'entre elle) n'est autre que le frère de Mme [B], notaire à [Localité 20]. La cour considère que la sous-estimation réitérée, flagrante et importante des biens reçus en donation n'a pu échapper à ce professionnel de l'immobilier.

Par conséquent, les sous-évaluations des biens objets de donations ne peuvent s'analyser en des erreurs involontaires, isolées, procédant d'une mauvaise appréciation ou d'une méconnaissance du marché de l'immobilier. Elles témoignent au contraire d'une stratégie consciente visant à éluder l'impôt.

Mme [B] soutient encore qu'elle n'avait aucun intérêt à voir minorer la valeur vénale des biens donnés par Mme [E] dès lors que la donatrice s'était engagée dans l'acte à prendre en charge les droits de mutation, en ce compris les éventuels redressements, d'une part, et qu'elle n'était pas héritière ( mais seulement légataire particulier) de la donatrice, d'autre part.

Il y a cependant lieu de considérer que c'est bien grâce à l'économie de droits résultant de la sous-évaluation des biens donnés que la donatrice a pu stipuler en faveur de la donataire qu'elle prendrait en charge les droits de mutation. Cette opération de sous-évaluation a en effet permis à la donataire d'échapper au règlement des droits dont elle était légalement redevable sans pour autant appauvrir davantage le patrimoine de la donatrice. De ce seul fait, le moyen est inopérant.

Au bénéfice de ces observations, la cour retient l'existence d'un manquement délibéré justifiant l'application de la majoration de 40% par l'administration fiscale.

Au total, il n'y pas lieu d'annuler la proposition de rectification du 19 décembre 2015 ni l'avis de mise en recouvrement du 31 juillet 2017 pas plus que la décision de rejet de la réclamation contentieuse du 31 août 2018.

3°/ Sur les demandes accessoires

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens.

Il sera en revanche confirmé en ce qu'il a débouté Mme [B] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Succombant intégralement en cause d'appel, Mme [Z] [B] sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et sera déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déboute Mme [Z] [B] de ses demandes tendant à l'annulation de la proposition de rectification du 19 décembre 2015 et de l'avis de mise en recouvrement du 31 juillet 2017 ;

Confirme le jugement rendu le 28 mai 2020 par le tribunal judiciaire de Saint-Nazaire en ce qu'il a :

*débouté Mme [Z] [B] de sa demande d'annulation de la décision contentieuse du 31 août 2018 ayant rejeté sa réclamation,

* débouté Mme [Z] [B] de sa demande de dégrèvement des suppléments d'impôts correspondant à une évaluation supérieure de l'ensemble immobilier,

*débouté Mme [Z] [B] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a :

* dit que Mme [B] n'a pas opéré de manquements délibérés au sens de l'article 1729 du Code général des impôts,

* ordonné le dégrèvement des majorations de 40% appliquées par l'administration fiscale dans sa décision du 31 août 2018 au titre des manquements délibérés,

*dit que chacune des parties supportera la charge de ses dépens,

Statuant de nouveau des chefs du jugement infirmé et y ajoutant :

Dit n'y avoir lieu d'ordonner le dégrèvement des majorations de 40% appliquées par l'administration fiscale dans sa décision du 31 août 2018 au titre des manquements délibérés ;

Déboute Mme [Z] [B] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile :

Condamne Mme [Z] [B] aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20/03129
Date de la décision : 08/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-08;20.03129 ?
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