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03/11/2022 | FRANCE | N°22/01911

France | France, Cour d'appel de Rennes, 4ème chambre, 03 novembre 2022, 22/01911


4ème Chambre





ARRÊT N° 364



N° RG 22/01911

N°Portalis DBVL-V-B7G-SSYR









BD / FB









Copie exécutoire délivrée



le :



à :







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 03 NOVEMBRE 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Hélène RAULINE, Présidente de chambre,

Assesseur :

Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,



GREFFIER :



Madame Françoise BERNARD, lors des débats et lors du prononcé





DÉBATS :



A l'audience publique du 22 Septembre 2022

devant Madame Hélène RA...

4ème Chambre

ARRÊT N° 364

N° RG 22/01911

N°Portalis DBVL-V-B7G-SSYR

BD / FB

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 03 NOVEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Hélène RAULINE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Françoise BERNARD, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 22 Septembre 2022

devant Madame Hélène RAULINE et Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, magistrates tenant seules l'audience en la formation rapporteur, sans opposition des représentants des parties, et qui ont rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 03 Novembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

S.A. AXA FRANCE IARD

ès-qualité d'assureur responsabilité civile décennale de la SARL ASCOT (contrat 6103720804)

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Valérie PERRIER-TEXIER de la SCP CADORET-TOUSSAINT, DENIS & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉS :

Monsieur [L] [P]

né le 20 Mai 1983 à [Localité 6] (76)

[Adresse 1]

[Localité 8]

Représenté par Me Emmanuel KIERZKOWSKI-CHATAL de la SELARL POLYTHETIS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE

Madame [U] [J]

née le 18 Mai 1981 à [Localité 5] (64)

[Adresse 1]

[Localité 8]

Représentée par Me Emmanuel KIERZKOWSKI-CHATAL de la SELARL POLYTHETIS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE

S.A.R.L. ASCOT

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représentée par Me Martine GRUBER de la SELARL ARMEN, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE

Représentée par Me Mikaël BONTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Exposé du litige :

Début 2017, Mme [U] [J] et M. [P] (les consorts [J]) ont entrepris la construction de leur résidence principale sur un terrain situé [Adresse 1] à [Localité 8] avec l'assistance de M. [E].

La construction d'un coût de 180935€ a été confiée à la société Ascot, intervenant en qualité d'entreprise tous corps d'état, assurée auprès de la société Axa France IARD.

En cours de chantier, les consorts [J] ont constaté des défauts d'exécution affectant notamment le gros-oeuvre, qui ont donné lieu à des expertises amiables, de M. [M] ([M] Expertises & Assistances) le 30 novembre 2017 et de M. [R] le 21 janvier 2018.

La réception de la maison est intervenue le 8 juin 2018 avec réserves notamment: 'la reprise du dallage sur 1,5m X 3m pour récupération pente de long, mise en oeuvre d'un caniveau longueur 3 m et évacuation dans le caniveau existant posé par le maître d'ouvrage ; remplissage de l'angle sud -ouest en gravier- 2m ; problème de stagnation de l'eau en pied de mur (pose d'un mur de clôture en parpaing par le maître d'ouvrage) angle NE.'

Les consorts [J] ont saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Saint-Nazaire qui, par une ordonnance du 6 novembre 2018, a ordonné une mesure d'expertise confiée à M. [Y].

Courant décembre 2019, ils ont constaté l'apparition de nouvelles fissures à l'intérieur et à l'extérieur de l'habitation, désordres qui ont donné lieu à une extension de la mesure d'expertise par ordonnance du 16 juin 2020.

L'expert a déposé son rapport le 13 avril 2021.

Par acte d'huissier en date du 2 septembre 2021, les consorts [J] ont fait assigner la société Ascot et son assureur Axa France IARD devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire aux fins de condamnation provisionnelle.

Par acte d'huissier du 28 septembre suivant, la société Ascot a appelé à la cause M. [E] en garantie.

Par ordonnance en date du 8 mars 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de [Localité 8] a :

- constaté que la demande de condamnation de la société Ascot à produire son attestation responsabilité civile professionnelle en vigueur est sans objet ;

- condamné in solidum la société Ascot et Axa France IARD, en qualité d'assureur décennal, au paiement aux consorts [J] de la somme de 13 913,75 euros, à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de leur préjudice matériel pour les désordres n°6, 12 et 14 ;

- condamné la société Ascot au paiement de la somme de 250 euros aux consorts [J], à titre de provision à valoir sur l'indemnisation des préjudices matériels résultant du désordre n°7 ;

- condamné la société Ascot au paiement de la somme de 3 245 euros aux consorts [J], à titre de provision à valoir sur l'indemnisation des préjudices matériels résultant des désordres n°8, 11 et 16 ;

- condamné la société Ascot au paiement de la somme de 700 euros aux consorts [J], à titre de provision à valoir sur l'indemnisation des préjudices matériels résultant du désordre n°10 ;

- condamné la société Ascot au paiement de la somme de 1 000 euros aux consorts [J], à titre de provision à valoir sur l'indemnisation des préjudices matériels résultant du désordre n°15 ;

- condamné in solidum la société Ascot et Axa France IARD, en qualité d'assureur décennal, au paiement de la somme de 3 218,37 euros aux consorts [J], à titre de provision ad litem ;

- débouté les consorts [J] de leurs demandes formulées à l'encontre d'Axa France IARD en sa qualité d'assureur responsabilité civile ;

- débouté la société Ascot de ses demandes formulées à l'encontre de M. [E] ;

- débouté la société Ascot de sa demande de provision au titre des factures impayées formulée à l'encontre des consorts [J] ;

- condamné in solidum la société Ascot et Axa France IARD, en qualité d'assureur décennal, au paiement de la somme de 1 500 euros aux consorts [J], en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens ;

- débouté les parties de toutes autres demandes, s'agissant notamment de celles formulées en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Axa France IARD a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration du 21 mars 2022, intimant la société Ascot, M. [P] et Mme [J].

Dans ses dernières conclusions transmises le 13 juin 2022, la société Axa France IARD au visa des articles 1792 et suivants du code civil, demande à la cour de :

- déclarer la société Axa France IARD, en qualité d'assureur responsabilité civile décennale de la société Ascot, recevable et bien fondée en son appel principal ;

En conséquence, réformant la décision déférée,

- dire que les désordres n°6, 12 et 14 visés au rapport de M. [Y] ont été réservés à la réception des travaux ;

- dire que ces désordres ne sauraient donc relever de la garantie décennale des constructeurs ;

- dire que la garantie décennale souscrite par la société Ascot auprès de la société Axa France IARD n'est pas mobilisable ;

- à tout le moins, constater qu'il existe une contestation sérieuse sur l'application de la garantie décennale et son obligation à garantie;

En conséquence,

- débouter les consorts [J] de leurs demandes présentées à son encontre de condamnation à leur verser une provision au titre des désordres n°6, 12 et 14, des frais d'instance,

- les débouter de leur demande formée à son encontre au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- rejeter l'appel incident formé par les consorts [J] par conclusions notifiées par RPVA le 16 mai 2022 ;

- condamner les consorts [J] à lui rembourser la somme de 18 775,16 euros, versée en exécution de l'ordonnance de référé du 8 mars 2022 ;

- confirmer pour le surplus la décision déférée en toutes ses dispositions ;

- condamner les consorts [J] à lui verser à la société Axa France IARD une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La société AXA France soutient que s'agissant les désordres numérotés dans l'expertise, 6 , 12 et14 ont été réservés à la réception de sorte qu'ils ne peuvent donner lieu à l'application de la responsabilité décennale des constructeurs et permettre la mobilisation de sa garantie.

Elle fait observer que ces désordres étaient connus dès 2017 et décrits dans les deux expertises amiables, qui avaient relevé le problème d'altimétrie de l'immeuble, le défaut d'exécution de la pente du dallage de la terrasse et sa direction pour partie vers la maison , ce qui avait conduit à préconiser la réalisation d'un caniveau.

L'appelante relève que son assurée, la société Ascot, n'a jamais sollicité sa garantie de ces désordres en raison des réserves à la réception et conteste leur aggravation alléguée par les maîtres d'ouvrage. Elle objecte que les désordres étaient connus dans leurs causes et conséquences à la date de la réception, qu'ils ont été confirmés par les relevés altimétriques précis effectués par M. [Y] et que leur caractère décennal ne peut se déduire de réparations plus importantes et plus onéreuses que celles envisagées par les experts amiables. Elle ajoute que l'expert n'a fait état d'aucune aggravation, les risques engendrés par les défauts de ces ouvrages restant les mêmes.

Elle soutient qu'à tout le moins, il existe une contestation sérieuse sur la nature des désordres qui exclut sa garantie d'une provision sur le coût des travaux de reprise et d'une provision pour frais d'instance.

Concernant le coût des travaux de reprise, elle demande le rejet de l'appel incident des maîtres d'ouvrage sur leur montant. Sans méconnaître que le partage de responsabilité entre constructeurs n'est pas opposable aux maîtres d'ouvrage, elle fait remarquer que la situation est différente quand la responsabilité de ceux-ci peut être engagée, ce qui est le cas en l'espèce, puisque les consorts [J] s'étaient réservés le lot piscine qui a contribué aux désordres. Elle estime que ce point ne peut pas de plus être tranché en référé.

Dans leurs dernières conclusions transmises le 15 juin 2022, Mme [J] et M. [P] demandent à la cour de :

A titre principal,

- réformer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a condamné in solidum la société Ascot et Axa France IARD, en qualité d'assureur décennal, au paiement de la somme de 13 913,75 euros aux consorts [J], à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de leur préjudice matériel au titre des désordres n°6, 12 et 14 et de la somme de 3 218,37 euros à titre de provision ad litem

Et, statuant à nouveau,

- condamner in solidum la société Ascot et la société Axa France IARD à verser aux consorts [J] une provision de 37 991,25 euros à valoir sur leurs préjudices matériels au titre des désordres n°6, 12 et 14 ;

- condamner in solidum la société Ascot et la société Axa France IARD à verser aux consorts [J] une provision ad litem de 12 873,50 euros ;

Subsidiairement,

- confirmer l'ordonnance entreprise sur la provision accordée au titre des désordres 6,12 et 14, ainsi que sur la provision ad litem,

En tout état de cause,

- condamner in solidum, la société Axa France IARD et la société Ascot à payer aux consorts [J] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile exposés en cause d'appel et à supporter les dépens d'appel.

Les maîtres de l'ouvrage soutiennent que les désordres présentent un caractère décennal, M. [Y] ayant conclu à l'impropriété à destination qu'ils génèrent. Ils relèvent que l'absence de mobilisation de la garantie décennale pour des désordres réservés n'est pas systématique, que celle-ci est admise en présence de désordre qui ne se sont révélés qu'ultérieurement dans leur ampleur et leur gravité.

Sans contester avoir porté ces désordres en réserves lors de la réception, ils soutiennent qu'ils ne pouvaient alors se douter de leur ampleur, ni de celle des travaux de reprise. Ils soutiennent qu'il existe une différence fondamentale entre les conclusions de l'expert judiciaire et celles des experts amiables, puisque l'intégralité du dallage doit être refait et non seulement 4,5 m² et qu'il a été révélé un désordre plus important, en ce que les eaux de débordement de la piscine s'évacuent vers la maison qui est implantée à une cote altimétrique plus basse que le dallage qui reçoit ces eaux ainsi que les eaux pluviales. Ils en déduisent que le juge des référés a considéré à juste titre que le désordre était de nature décennale.

Concernant le montant de la provision accordée au titre de la reprise des désordres, ils observent que M. [Y] a évalué les travaux nécessaires à un montant de 50655€ et soutiennent que le partage de responsabilité entre constructeurs proposé par l'expert ne pouvait leur être opposé pour réduire la provision non sérieusement contestable accordée à la part de responsabilité de la société Ascot fixée par l'expert soit 25%. Ils précisent demander une somme représentant seulement 75% du coût des travaux, conformément aux conclusions de l'expert qui a imputé une part de responsabilité aux travaux de terrassement qu'ils s'étaient réservés. Ils développent une argumentation identique s'agissant de la provision ad litem qui leur a été accordée.

Dans ses dernières conclusions transmises le 21 juin 2022, la société Ascot demande à la cour de :

- confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions ;

- débouter les parties de leurs demandes, fins et conclusions contraires ;

- condamner les consorts [J] à régler à la société Ascot la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles devant la cour et aux entiers dépens d'appel.

Le constructeur rappelle que contrairement à ce qu'indiquent les maîtres d'ouvrage, les désordres ayant été réservés, elle n'a jamais demandé la garantie de son assureur décennal la société AXA.

La société fait valoir que l'expert lui a certes imputé une part de responsabilité dans la survenance du désordre, mais qu'elle est toutefois limitée à 25%. Elle rappelle que les maîtres d'ouvrage s'étaient réservés le lot terrassement, qu'ils ont fait appel à des tiers dont ils n'ont pas fourni les coordonnées pour implanter la piscine avant qu'elle-même vienne couler les dalles. Elle observe que la piscine ayant été construite par les Consorts [J] en cours d'édification de la maison dont le dallage était déjà en place, il leur appartenait d'adapter leurs ouvrages à ce référentiel pour que puisse être respectée la pente exigée des terrasses aspectant la maison.

Elle ajoute que l'expert a imputé à M. [E] dont il a estimé qu'il avait joué un rôle de maître d'oeuvre de conception et d'exécution, point qui est discuté, 50% de responsabilité dans la survenance du sinistre. Elle en déduit que sa part incontestable de responsabilité ne peut excéder 25%, que pour le surplus, il existe une contestation sérieuse. Elle estime qu'il en est de même de la provision ad litem.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 22 septembre 2022.

Motifs :

Le litige devant la cour concerne les seuls désordres numérotés dans l'expertise, 6 : reprise du dallage sur 1,5m X 3m pour récupération de la pente, mise en oeuvre d'un caniveau longueur trois mètres et évacuation dans le caniveau existant posé par le maître d'ouvrage, 12: remplissage de l'angle sud -ouest en gravier longueur deux mètres et 14: problème de stagnation de l'eau en pied de mur (pose d'un mur de clôture en parpaing par le maître d'ouvrage) angle NE.

Selon l'article 835 al2 du code de procédure civile, le juge des référés peut accorder une provision au créancier dès lors que l'obligation du débiteur n'est pas sérieusement contestable.

-Sur la demande de provision à valoir sur le préjudice matériel des maîtres d'ouvrage:

*Contre la société AXA:

Il ne fait pas débat que la société AXA garantit uniquement la responsabilité décennale de la société Ascot suivant contrat n°6103720804 du 14 février 2014.

Selon l'article 1792 du code civil, la responsabilité de plein droit du constructeur envers le maître d'ouvrage est engagée dès lors que les dommages qui lui sont imputables compromettent la solidité des ouvrages ou l'affectant dans un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement le rendent impropre à sa destination.

Ce régime de responsabilité ne s'applique pas aux désordres réservés à la réception, sauf à ce que ceux-ci n'aient pas été alors connus dans leur ampleur et leurs conséquences par les maîtres d'ouvrage.

En l'espèce, les consorts [J] ne discutent pas que les désordres 6, 12 et 14 ont donné lieu à des réserves lors de la réception le 8 juin 2018 telles qu'énoncées plus haut.

MM [M] et [R], dans leurs rapports respectifs des 30 novembre 2017 et 21 janvier 2018, avaient en effet relevé que la dalle de la terrasse aspectant la maison devant la cuisine et le séjour (façade sud) destinée à recevoir un revêtement céramique, comme celle formant la plage de la piscine, n'étaient pas conformes au DTU et auraient dû présenter une pente de 1,5% par mètre alors qu'elles sont de niveau.

M. [R] avait de plus mis en évidence la problématique d'altimétrie de la maison par rapport aux rives de la piscine.

Il en avait déduit que les terrasses devaient être repensées et adaptées au projet de revêtement et avait évoqué une réparation par la création d'une pente transversale vers la façade et la réalisation d'un caniveau à grille la longeant ainsi que pour la partie de la zone piscine afin de répondre aux contraintes de rejaillissement en pied de mur. Il avait présenté des principes d'exécution, bases de mise en conformité de la terrasse en rappelant, cependant, la nécessité de relevés précis.

M. [Y] a confirmé la non conformité de la dalle de la terrasse comme son écoulement en partie vers la maison et, après un relevé complet de l'altimétrie de l'ouvrage, a également retenu que le niveau de la dalle brute des plages des terrasses et de la piscine était trop élevé par rapport à la maison et la coupure de capillarité. Il a conclu à une impropriété à destination de ces ouvrages extérieurs et à l'impossibilité de conserver le dallage des terrasses.

Comme le relève la société AXA, l'expert n'a pas mentionné une évolution ou une aggravation des désordres réservés tels qu'ils avaient été décrits lors de la réception. Il n'a pas non plus mentionné une aggravation des risques d'humidité identifiés avant la réception et n'a pas indiqué que ce risque s'était concertisé par des dégradations à l'intérieur de la maison. Il a défini, toutefois, des modalités réparatoires différentes de celles envisagées par les experts consultés par les consorts [J] et plus onéreuses puisque les travaux entraînent une reprise de l'altimétrie du terrassement de la piscine, ouvrage qui n'avait pas été réalisé par la société Ascot.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, doit donc être déterminé si ces désordres réservés à la réception étaient effectivement connus dès cette époque des maîtres d'ouvrage dans toute leur ampleur et leurs conséquences, ce qui permettrait de leur reconnaître, par exception, une nature décennale.

Or, cette analyse excède les pouvoirs du juge des référés et cette question ne peut être tranchée que par le juge du fond.

Est en conséquence caractérisée une contestation sérieuse sur la nature décennale des désordres, laquelle induit le régime de responsabilité applicable et la possibilité de mobiliser ou non la garantie de la société AXA.

Dans ces conditions, la demande de provision à son encontre ne peut être accueillie et l'ordonnance qui a condamné la société AXA à verser une provision aux consorts [J] à valoir sur l'indemnisation de leur préjudice matériel sera réformée.

*Contre la société Ascot:

Comme le constructeur le soutient, il ne résulte d'aucune pièce qu'il a sollicité de son assureur AXA la garantie de ces désordres réservés.

Dans ses écritures devant la cour, la société Ascot ne soulève aucune contestation sur le principe de sa responsabilité et de son obligation à indemniser les consorts [J] de leur préjudice matériel. Elle discute uniquement le montant de la provision pouvant être mise à sa charge en réponse à l'appel incident des maîtres d'ouvrage.

Or, concernant ces désordres réservés, qu'il soit retenu une nature décennale emportant une présomption de responsabilité du constructeur ou qu'ils engagent la responsabilité contractuelle de la société Ascot, alors tenue d'une obligation de résultat à l'égard des maîtres de l'ouvrage, celle-ci ne peut s'exonérer de sa responsabilité qu'en démontrant une cause étrangère ou le fait du maître d'ouvrage, cause du dommage.

Mme [J] et M. [P] demandent dans le cadre de leur appel incident une provision égale à 75% du coût des de reprise travaux évalué par l'expert, montant de réparations qui n'est pas discuté par le constructeur. Elle inclut la part de responsabilité de la société Ascot de 25% et celle de M. [E] de 50%, le surplus de 25% ayant été imputé par l'expert aux maîtres d'ouvrage qui s'étaient réservés le terrassement de la piscine.

La société invoque les conclusions de l'expert quant aux manquements de M. [E] auquel il impute un rôle de maître d'oeuvre de conception et d'exécution.

Toutefois, il est constant que la faute du maître d'oeuvre ne constitue pas pour un constructeur une cause étrangère exonératoire de sa responsabilité à l'égard du maître de l'ouvrage. La faute de M. [E], à supposer qu'il soit intervenu en qualité de maître d'oeuvre lors de la construction, ce qu'il a contesté pendant l'expertise, ne peut donc être utilement invoquée par la société Ascot à l'égard de Mme [J] et M. [P].

Ces derniers observent également à juste titre que le partage de responsabilité appliqué entre constructeurs à l'origine d'un même dommage ne leur est pas opposable.

Il s'en déduit que Mme [J] et M. [P] sont fondés en leur appel incident et que l'obligation de la société Ascot à leur verser une provision à valoir sur leur préjudice matériel de 37991,25€ n'est pas sérieusement contestable. L'ordonnance sera réformée en ce sens.

-Sur la demande de provision pour frais d'instance:

L'octroi de cette provision suppose que l'obligation principale ne soit pas sérieusement contestable, ce qui exclut, au regard de ce qui a été jugé, que la société AXA puisse être condamnée au paiement d'un provision pour frais d'instance.

S'agissant de la demande contre la société Ascot, au regard de ce qui a été jugé concernant son obligation principale à l'égard des consorts [J], la provision pour frais d'instance d'un montant total de 12873,50€ n'est pas sérieusement contestable à hauteur de 75% de cette somme, soit 9655,12€. L'ordonnance est réformée et la société Ascot sera condamnée au paiement de cette somme aux consorts [J].

-Sur les demandes annexes:

Le présent arrêt infirmatif de l'ordonnance relativement aux sommes mises à la charge de la société AXA constitue un titre permettant la restitution à l'assureur des sommes qu'il a versées. En conséquence, il n'y a pas lieu de condamner Mme [J] et M. [P] à cette restitution.

Les dispositions de l'ordonnance relatives aux frais irrépétibles et aux dépens sont réformées.

La société Ascot sera condamnée à verser à Mme [J] et M. [P] une indemnité de 3000€ au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Les autres demandes à ce titre sont rejetées faute de considération d'équité les justifiant.

La société Ascot sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Par ces motifs :

La cour,

Statuant publiquement, contradictoirement en dernier ressort, dans les limites de l'appel,

Infirme l'ordonnance en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déboute Mme [J] et M. [P] de leurs demandes contre la société AXA France IARD,

Condamne la société Ascot à verser à Mme [J] et M. [P] :

-une somme de 37991,25€ à titre de provision sur l'indemnisation de leur préjudice matériel,

-une somme de 9655,12€ à titre de provision pour frais d'instance,

-une somme de 3000€ au titre des frais irrépétibles d'appel,

Rejette le surplus des demandes,

Condamne la société Ascot aux dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22/01911
Date de la décision : 03/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-03;22.01911 ?
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