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25/10/2022 | FRANCE | N°20/02492

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 25 octobre 2022, 20/02492


1ère Chambre





ARRÊT N°331/2022



N° RG 20/02492 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QUYI













M. [W] [O]



C/



M. [A] [O]

Mme [T] [O] épouse [I]

M. [U] [O]



















Copie exécutoire délivrée



le :



à :







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 25 OCTOBRE 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,



GREFFIER :



Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé



DÉBATS ...

1ère Chambre

ARRÊT N°331/2022

N° RG 20/02492 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QUYI

M. [W] [O]

C/

M. [A] [O]

Mme [T] [O] épouse [I]

M. [U] [O]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 25 OCTOBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 23 Mai 2022 devant Madame Aline DELIÈRE, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

rendu par défaut, prononcé publiquement le 25 Octobre 2022 par mise à disposition au greffe, après prorogation du délibéré annoncé au 13 septembre 2022 à l'issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [W] [O]

né le 27 Avril 1964 à [Localité 3] (35)

[Adresse 10]

[Localité 1]

Représenté par Me Isabelle GERARD de la SELARL GERARD REHEL - GARNIER, avocat au barreau de SAINT-MALO

INTIMÉS :

Monsieur [A] [O]

né le 15 Décembre 1958 à [Localité 3] (35)

[Adresse 12]

[Localité 4]

Représenté par Me Pierre-Guillaume KERJEAN de la SELARL KERJEAN-LE GOFF-NADREAU-BARON-NEYROUD, avocat au barreau de SAINT-MALO

Madame [T] [O] épouse [I]

née le 02 Septembre 1951 à [Localité 3] (35)

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Pierre-Guillaume KERJEAN de la SELARL KERJEAN-LE GOFF-NADREAU-BARON-NEYROUD, avocat au barreau de SAINT-MALO

Monsieur [U] [O]

né le 10 Février 1950 à [Localité 3]

chez Mme [T] [I]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Régulièrement assigné à une ancienne adresse par acte d'huissier du 10 septembre 2020 en l'étude, n'a pas constitué

FAITS ET PROCÉDURE

[S] [K] veuve [O] est décédée le 17 mai 2012, laissant comme héritiers ses quatre enfants :

-M. [U] [O],

-Mme [T] [O] épouse [I],

-M. [A] [O],

-M. [W] [O].

Les 12 juin et 12 août 2013, Mme [T] [O] et M. [A] [O] ont assigné devant le tribunal de grande instance de Saint Malo leurs co-héritiers en partage.

Par jugement du 17 septembre 2014, le tribunal de grande instance a :

-ordonné l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de Mme [K] épouse [O],

-désigné le président de la chambre des notaires avec possibilité de délégation pour y procéder,

-commis un juge du tribunal pour surveiller les opérations,

-débouté les parties de leurs demandes de frais irrépétibles,

-dit que les dépens seront employés en frais de partage.

Me [H] [D] a été déléguée par le président de la chambre des notaires le 4 novembre 2014.

Le 28 septembre 2016, M. [W] [O] a assigné ses frères et s'ur devant le tribunal de grande instance de Saint Malo afin qu'il fixe le montant du rapport à la succession de la donation dont il a bénéficié à la somme de 73 000 euros et désigne un expert pour évaluer la valeur des travaux effectués par M. [A] [O] sur la maison de La Gouesnière.

Saisi par Mme [T] [O] et M. [A] [O], par ordonnance du 27 avril 2017, le juge de la mise en état a :

-ordonné à Me [D] d'établir dans un délai de deux mois suivant l'ordonnance un projet d'état liquidatif de la succession de Mme [K],

-dit qu'elle devra communiquer le projet et recevoir, dans le délai d'un mois, les dires de chacune des parties,

-dit qu'elle devra consigner les dires des parties dans un procès-verbal de difficulté qui sera transmis au greffe de la juridiction et à chacune des parties.

Me [D] a dressé un projet d'état liquidatif le 26 octobre 2017 et un procès-verbal de difficulté le 16 mars 2018.

Par jugement du 27 avril 2020 le tribunal judiciaire de Saint Malo a :

-débouté M. [W] [O] de ses demandes liées aux rapports à succession,

-constaté l'irrecevabilité des autres demandes,

-homologué le projet d'acte de liquidation-partage de la succession de [S] [O]-[K] du 16 mars 2018 dressé par Me [H] [D], notaire à [Localité 8],

-dit que cet acte sera annexé au jugement et aura force exécutoire,

-condamné M. [W] [O] aux entiers dépens et à payer à Mme [T] [O] et à M. [A] [O], chacun, la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [W] [O] a fait appel le 4 juin 2020 de l'ensemble des chefs du jugement.

Il expose ses moyens et ses demandes dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées le 21 juillet 2021, auxquelles il est renvoyé.

Il demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions.

Il demande à la cour, statuant à nouveau, de :

-avant dire droit,

*enjoindre à M. [A] [O], dans le délai qu'il plaira au «'tribunal'» d'ordonner, de justifier de la somme reçue par chèque de banque le 2 décembre 1982 et de produire les factures des travaux effectués sur la maison de la Gouesnière,

*désigner un expert avec la mission suivante :

-se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission, notamment les factures de travaux effectués par M. [A] [O] sur sa maison d'habitation située [Adresse 18],

-chiffrer la valeur des travaux effectués par M. [A] [O] sur cet immeuble,

-dire en quelle proportion les améliorations effectuées par M. [A] [O] ont eu une incidence sur le prix de cession de la maison le 2 septembre 2010,

-mettre les frais d'expertise à la charge de la succession, ainsi que les frais d'expertise de M. [F], du 7 mai 2013,

-sur le fond,

-ne pas homologuer le projet d'état liquidatif dressé par Me [D] le 26 octobre 2017,

-désigner Me [N], notaire à Saint Malo, ou tout autre notaire qu'il plaira au «'tribunal'», aux fins de réaliser un projet d'état liquidatif,

-fixer à la somme de 73 000 euros le montant du rapport à la succession de la donation dont il a bénéficié,

-dire que devra être mise à la charge de Mme [T] [O] épouse [I] une indemnité d'occupation du terrain cadastré section DC n°[Cadastre 6], à [Localité 3], à compter du 1er janvier 1978, la prescription quinquennale s'appliquant à compter de la demande faite par conclusions du 23 novembre 2018,

-dire que la donation reçue par M. [A] [O] le 2 décembre 1982 a été effectuée par [S] [K] et non par la communauté [O]-[K].

-subsidiairement, si l'expertise n'était pas ordonnée, fixer le rapport de M. [A] [O] à la somme de 25 000 euros,

-condamner solidairement Mme[T] [O] et M. [A] [O] à lui payer la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-dire que les dépens seront mis à la charge de la succession.

Mme [T] [O] et M. [A] [O] exposent leurs moyens et leurs demandes dans leurs dernières conclusions déposées au greffe et notifiées le 18 juin 2021, auxquelles il est renvoyé.

Ils demandent à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de condamner M. [W] [O] aux dépens d'appel et à leur payer la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [U] [O], à qui la déclaration d'appel et les conclusions de M. [W] [O] ont été signifiées le 10 septembre 2020, n'a pas constitué avocat.

MOTIFS DE L'ARRÊT

1) Sur la recevabilité des demandes de M. [W] [O] autres que celles portant sur les rapports à succession

Le tribunal judiciaire a retenu qu'une parties des demandes de M. [W] [O] étaient irrecevables parce que le procès-verbal de difficultés ne mentionne que des dires sur les rapports de donation et que les autres demandes qui ne sont pas liées aux rapports sont irrecevables.

L'article 1373 du code de procédure civile dispose : «'En cas de désaccord des copartageants sur le projet d'état liquidatif dressé par le notaire, ce dernier transmet au juge commis un procès-verbal reprenant les dires respectifs des parties ainsi que le projet d'état liquidatif.

Le greffe invite les parties non représentées à constituer avocat.

Le juge commis peut entendre les parties ou leurs représentants et le notaire et tenter une conciliation.

Il fait rapport au tribunal des points de désaccord subsistants.

Il est, le cas échéant, juge de la mise en état. »

L'article 1374 du code de procédure civile dispose : «'Toutes les demandes faites en application de l'article 1373 entre les mêmes parties, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, ne constituent qu'une seule instance. Toute demande distincte est irrecevable à moins que le fondement des prétentions ne soit né ou ne soit révélé que postérieurement à l'établissement du rapport par le juge commis. »

Il ressort de la combinaison de ces deux articles que ne sont pas recevables devant le tribunal, saisi sur procès-verbal de difficultés, que les demandes qui n'ont pas été actées dans le procès-verbal de difficultés et qui n'ont pas de lien avec celles-ci.

En l'espèce, toutes les demandes en lien avec les rapports dûs par M. [W] [O] et M. [A] [O] sont donc nécessairement recevables et le tribunal a statué sur ces demandes.

S'agissant des autres demandes, il convient d'examiner à la fois le courrier de l'avocat de M. [W] [O] du 7 novembre 2017, visé dans le procès-verbal de difficultés, qui contient les dires de M. [W] [O], et les demandes qu'il a formées devant le tribunal et qui ont été déclarées irrecevables.

Demande de désignation de Me [N], notaire à [Localité 3], ou tout autre notaire, aux fins de réaliser un projet d'état liquidatif : cette demande n'a aucun lien avec le montant des rapports et est indépendante du procès-verbal de difficultés. Elle est bien recevable, les dispositions des articles 1373 et 1374 ne s'appliquant pas. Le tribunal a retenu, «'à titre surabondant'» que cette demande se heurtait à l'autorité de la chose jugée le 17 septembre 2014, le jugement rendu à cette date ayant désigné le président de la chambre des notaires d'Ille et Vilaine, qui a délégué Me [D]. Mais à tout moment de la procédure de partage il peut être demandé le remplacement du notaire désigné initialement, ainsi qu'il ressort de l'article 1371 du code de procédure civile. Si la demande doit être faite devant le juge commis, aucune disposition légale n'interdit de saisir le tribunal d'une telle demande. Le jugement sera donc infirmé pour avoir déclaré la demande de remplacement du notaire irrecevable.

Demande au titre d'une indemnité d'occupation due par Mme [T] [O] pour l'occupation du terrain cadastré section DC n°[Cadastre 6], à [Localité 3], à compter du 1er janvier 2018, dans la limite de la prescription quinquennale interrompue par les conclusions du 23 novembre 2018 : cette demande est bien mentionnée en page 4 du courrier du 7 novembre 2017 et est recevable. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Demande de «'dire'» que la donation reçue par M. [A] [O] le 2 décembre 1982 a été effectuée par Mme [S] [K] épouse [O] et non par la communauté des époux [O]-[K] : il ne s'agit pas d'une demande mais d'un moyen à l'appui de la demande relative au montant du rapport dû par M. [A] [O]. Il n'a donc pas été statué sur la recevabilité de ce moyen, auquel le tribunal a d'ailleurs répondu en retenant que la donation a été faite par la communauté des époux [O]-[K].

Demande d'enjoindre à M. [A] [O] de justifier de la somme reçue par chèque de banque le 2 décembre 1982 : cette demande est bien recevable car elle concerne le montant du rapport dû par M. [A] [O]. Le tribunal y a répondu en retenant que la somme donnée était de 60 000 euros par virement.

Demande d'enjoindre à M. [A] [O] de produire les factures des travaux effectués sur la maison de [Localité 11] : cette demande est recevable car elle concerne le rapport dû par M. [A] [O]. Le tribunal y a répondu en fixant le montant du rapport à la somme de 11 875 euros, sans faire état des travaux qu'aurait réalisés M. [A] [O].

Demande de désignation d'un expert pour se faire remettre les factures des travaux effectués par M. [A] [O] sur sa maison de [Localité 11], chiffrer la valeur de ces travaux et dire en quelle proportion les améliorations effectuées ont eu une incidence sur le prix de cession de la maison, le 2 septembre 2010, et demande subsidiaire de fixation du montant du rapport dû par M. [A] [O] à la somme de 25 000 euros : cette demande est recevable car elle concerne le rapport dû par M. [A] [O]. Le tribunal y a répondu en fixant le montant du rapport à la somme de 11 875 euros, sans ordonner d'expertise.

2) Sur la demande de remplacement du notaire

Ainsi qu'il est dit ci-dessus la demande de remplacement du notaire est recevable. Elle est également recevable même si M. [W] [O] n'a pas fait appel de la décision du 17 septembre 2014, qui d'ailleurs désignait non pas Me [D] mais le président de la chambre des notaires d'Ille et Vilaine, car il est fait état de manquements à son obligation de diligences par le notaire, après sa désignation.

Ceci étant, à ce stade de la procédure de partage et au regard des dispositions du présent arrêt, qui vont permettre au notaire, après règlement du litige, d'établir l'acte définitif de partage, il n'y a pas lieu de désigner un autre notaire.

3) Sur le montant du rapport dû par M. [W] [O]

Le 11 mai 1989, [S] [K] épouse [O] a donné à M. [W] [O] un terrain lui appartenant en propre situé [Adresse 15], section D n°[Cadastre 7], pour une contenance de 1200 m², au [Adresse 17], en avancement d'hoirie. L'évaluation pour l'enregistrement a été fixée à 90 000 francs.

M. [W] [O] soutient que le montant de son rapport doit être fixé à la somme de 73 000 euros (valeur du terrain au 2 décembre 2002).

Mme [T] [O] et M. [A] [O] demandent la confirmation du jugement. Le tribunal a homologué le projet d'acte de liquidation partage dressé par Me [D], qui fixe le montant du rapport dû par M. [W] [O] à la somme de 167 000 euros, soit 117 000 euros au titre de la subrogation réelle et 50 000 euros, donnés par les époux [O]-[K], au titre du financement des travaux de construction sur le terrain.

L'acte de donation du 11 mai 1989 stipule : « Il (le donateur) ajoute que par dérogation aux articles 860 alinéas 1 et 2 du code civil, le rapport sera dû de la valeur du bien donné au jour de l'ouverture de la succession, d'après son état à l'époque de la donation.

Toutefois si le bien donné a été aliéné, on tiendra compte de la valeur qu'il avait à l'époque de l'aliénation et, si un nouveau bien a été subrogé au bien aliéné, de la valeur de ce nouveau bien, à l'époque de l'ouverture de la succession»

Le jour de l'ouverture de la succession est le 17 mai 2012. En page 18 de ses conclusions, M. [W] [O] critique à juste titre le fait que le notaire a calculé le montant du rapport à la date de son projet, soit à l'époque du partage, conformément aux dispositions de l'article 860 alinéa 2 du code civil, alors que l'acte de donation prévoit que la valeur du nouveau bien à prendre en compte est celle à l'époque de l'ouverture de la succession.

M. [W] [O] a fait construire une maison sur le terrain donné le 11 mai 1989, puis a revendu sa propriété au prix de 247 730 euros le 2 décembre 2002.

Le 23 août 2003, lui et son épouse ont acquis un terrain à bâtir, [Adresse 13] (35), d'une contenance de 3515 m² au prix de 31 000 euros.

Ils ont fait construire une maison d'habitation sur ce terrain puis ont revendu leur propriété au prix de 262 000 euros le 2 juin 2010.

Le 21 septembre 2009 M. [W] [O] avait acquis, à concurrence de 50 % en pleine propriété, une maison d'habitation située [Adresse 14] (35), au prix de 225 000 euros. Sa quote-part s'élève à 135 000 euros.

Le 11 mai 2017, M. [W] [O] a revendu ce bien au prix de 215 000 euros. Sa quote-part s'élève à 129 000 euros.

M. [W] [O] soutient que toutes les parties étaient d'accord lors d'une réunion du 29 mai 2015 pour ne retenir que la valeur du terrain de [Localité 3] ([Localité 9]) en 2002, soit 73 000 euros, et ne pas appliquer la règle de la subrogation prévue par l'article 860 alinéa 2 du code civil. Cependant un tel accord est contesté par les intimés et il n'en justifie pas.

Il conteste le fait que le notaire a appliqué la règle de la subrogation en considération de toutes les opérations d'acquisition et de cession, jusqu'en 2017, et soutient que la subrogation n'est pas possible entre le prix de la cession du 2 décembre 2002 et l'achat du terrain le 23 août 2003 parce que le prix de 247 000 euros, qui représente le prix du terrain et le prix de la construction, est indivisible.

Mais dans son projet, le notaire a bien distingué la valeur rapportable du terrain, soit 75 000 euros en 2010, sans tenir compte de la valeur de la construction. La jurisprudence citée par M. [W] [O] s'applique à des dons manuels en espèces, alors que le bien donné en 1989 est un terrain et que le bien acquis en 2003 et revendu en 2010 est aussi un terrain, dont la valeur est prise en compte sans la construction qui y est édifiée.

S'agissant de la seconde critique, dans la mesure où la valeur du nouveau bien à prendre en compte est celle à l'époque de l'ouverture de la succession, il n'y a pas lieu, contrairement à ce que le notaire a fait, de tenir compte de la dernière aliénation du 11 mai 2017.

Dans la mesure où le bien donné a été vendu le 2 décembre 2002, où un autre bien a été acquis le 23 août 2003, où le prix de vente du premier bien était suffisant pour payer le prix d'achat du second bien, où M. [W] [O] ne justifie pas que le prix d'achat a été acquitté par des fonds ayant une autre provenance, c'est à juste titre qu'il a été considéré que le nouveau bien a été subrogé au bien aliéné. Le fait que l'acte d'acquisition par M. [W] [O] et son épouse ne comporte pas de clause de remploi, ce que fait valoir M. [W] [O], sans toutefois verser cet acte aux débats, n'est pas opposable aux co-héritiers de M. [W] [O]. L'article 860 du code civil n'exige pas que, s'agissant d'un bien immobilier, l'acte d'acquisition du bien subrogé mentionne l'origine des fonds.

Eu égard à ces éléments, le montant du rapport peut être calculé ainsi :

-le bien donné est un terrain qui a été revendu, construit, le 2 décembre 2002,

-la valeur du terrain au 2 décembre 2002 était de 73 000 euros (accord des parties sur ce point, au vu d'un rapport du 7 mai 2013 de M. [F], expert mandaté par M. [W] [O], accepté par toutes les parties),

-avec une partie de ces fonds, M. [W] [O] et son épouse ont acquis un terrain à bâtir le 23 août 2003 au prix de 31 000 euros,

-ce terrain s'est subrogé au terrain donné et vendu pour la moitié de sa valeur car il ressort de la convention de divorce des époux [O]-[E], homologuée le 1er septembre 2009, qu'ils étaient mariés sous le régime de la participation aux acquêts et qu'ils possédaient le terrain et sa maison en indivision,

-à défaut d'éléments sur la situation des époux [O]-[E] et sur d'autres sources possibles de financement du prix, la cour estime que M. [W] [O], seul, a payé le prix du terrain,

-avec l'autre partie de ces fonds, soit 57 500 euros, la cour estime qu'il a financé pour partie les travaux de construction de la maison sur le terrain. A ce titre, il n'y a pas eu subrogation réelle d'un bien par un autre bien. En effet, le financement de travaux de construction n'est pas une acquisition au sens de l'article 860 alinéa 2 du code civil et aucun nouveau bien, au sens de la clause de l'acte de donation sur le rapport de la donation, n'a été subrogé au bien donné et vendu,

-le notaire a retenu que cette somme a servi à financer l'acquisition en indivision d'une maison le 21 septembre 2009 mais M. [W] [O] conteste ce fait et les intimés ne rapportent pas la preuve, dont ils ont la charge, que la somme de 57 500 euros a servi à financer l'acquisition d'un autre bien et notamment de ce bien, acquis, en tout état de cause, plusieurs mois avant la vente du bien immobilier de [Localité 16],

-à ce stade, il sera donc retenu que M. [W] [O] doit le rapport de la somme de 57 500 euros (valeur du bien, qui n'a pas servi à acquérir un autre bien, à l'époque de l'aliénation),

-les époux [O]-[E] ont revendu leur propriété, après construction d'une maison, le 2 juin 2010, au prix total de 262 000 euros, comprenant le terrain qui avait une valeur de 31 000 euros en 2003,

-M. [W] [O] doit donc le rapport de la moitié de la valeur du terrain à l'époque de l'ouverture de la succession, soit au 17 mai 2012,

-le rapport d'expertise de M. [F], qui explique qu'entre 2002 et 2009 la hausse des prix des terrains à bâtir en Bretagne a été de 63,7 % (moyenne de 9,1 % par année) permet de fixer le montant du rapport à la somme de 25 373,50 euros (31 000 / 2 + 63,7 %).

Le montant total du rapport dû par M. [W] [O] au titre de la donation consentie le 11 mai 1989 sera donc fixé à la somme totale de 82 873,50 euros (57 500 + 25 370,50 euros).

Le notaire a également retenu dans son projet que M. [W] [O] devait rapporter la somme de 50 000 euros au titre du financement des travaux de construction de la maison sur le terrain donné le 11 mai 1989 par ses parents, affirmant qu'il a ainsi bénéficié d'une donation de 100 000 euros.

M. [W] [O] conteste ce fait et les intimés, sur lesquels pèse la charge de la preuve, ne rapportent pas la preuve que les époux [O]-[K] ont donné, directement ou indirectement, à leur frère la somme de 100 000 euros. Les attestations, qui sont toutes rédigées dans les mêmes termes, qu'ils versent à la procédure, établissent seulement que [V] [O], leur père, a participé aux travaux de construction de la maison de M. [W] [O] dans les années 1990 à 1994. S'agissant, à défaut de précision, d'entraide familiale et aucune pièce n'étant produite sur l'existence de dons manuels ou de factures payées par les époux [O]-[K], il n'y a pas lieu d'ajouter au montant du rapport fixé ci-dessus la somme de 50 000 euros.

Le jugement qui a débouté M. [W] [O] de sa demande de fixation à hauteur de 73 000 euros et retenu, en homologuant le projet de partage dressé par Me [D], que le montant du rapport est de 167 000 euros, sera infirmé.

4) Sur le montant du rapport dû par M. [A] [O]

Le tribunal, en homologant le projet de partage dressé par Me [D], a fixé le montant du rapport dû par M. [A] [O] à la somme de 13 720,41 euros, ce qu'il accepte, et ce qui est contesté par M. [W] [O].

Le 2 décembre 1982, M. [A] [O] a acquis, au prix de 36 587,76 euros, une maison d'habitation à [Localité 11], au moyen, notamment, d'une donation de 60 000 francs faite par ses parents le 27 septembre 1982.

M. [W] [O] soutient qu'en réalité son frère a reçu la somme de 120 000 francs, comme leur mère le lui a dit. Il ne rapporte cependant pas la preuve que la donation faite à son frère s'élevait à ce montant. Dans son projet de partage du 10 janvier 2013, Me [N] mentionne bien un don manuel de 60 000 francs sous la forme d'un virement. Seul ce montant doit être retenu et il n'y a pas lieu d'enjoindre à M. [A] [O] de produire le justificatif du versement des fonds.

M. [W] [O] conteste également le fait que le notaire n'a tenu compte que de la moitié de la somme de 60 000 francs (soit 4573,47 euros rapportables). En effet la donation a été faite par les parents des parties, mariés sous le régime de la communauté légale, et c'est à juste titre que le rapport à la succession de [S] [K] épouse [O] n'est dû par M. [A] [O] qu'à hauteur de la moitié de la somme donnée.

Quant à la valeur du bien de [Localité 11] au moment de la revente du 2 septembre 2010, selon son état en 1982, Me [G] l'a fixée à 100 000 euros et Me [D] à 95 000 euros. Compte-tenu de la proximité de ces estimations, par deux notaires différents, il sera retenu que la valeur du bien, selon son état en 1982, était de 95 000 euros au 2 septembre 2010.

Enfin M. [A] [O] justifie, par la production d'attestations, de factures et de photographies, de l'état d'origine de la maison de [Localité 11] et des travaux importants qu'il y a entrepris pour la rénover.

Il a revendu cette maison le 2 septembre 2010 au prix de 205 000 euros, après avoir acquis un terrain à [Localité 4] le 6 juin 2008 sur lequel il a construit une maison.

Le montant du prix de vente, comprenant la somme de 11 875 euros, en remploi de la somme donnée en 1982, a été affecté au paiement du terrain de [Localité 4] et des travaux de construction de la maison, la valeur actuelle du bien étant de 280 000 euros.

M. [A] [O] accepte les modalités de calcul du montant du rapport dû à la succession de sa mère, montant fixé à 13 314,10 euros par Me [D].

Les éléments dont la cour dispose sont suffisants pour apprécier le montant du rapport dû par M. [A] [O] et il n'y a pas lieu d'ordonner une expertise, comme le réclame M. [W] [O], sur les travaux réalisés sur la maison de [Localité 11], leur valeur et leur influence sur le prix de vente de la maison en 2010.

M. [W] [O] demande à titre subsidiaire que le montant du rapport soit fixé à la somme de 25 000 euros au motif que son frère avait accepté le projet de partage de Me [N], qui fixait, en 2013, le montant du rapport à cette hauteur. Mais il ne s'agit que d'un projet, non accepté, dans le cadre des discussions entre les co-héritiers, et qui ne tenait pas compte du fait que la donation était faite par la communauté [O]-[K]. Sa demande sera donc rejetée.

5) Sur la demande d'indemnité d'occupation à l'encontre de Mme [T] [O] pour l'occupation du terrain cadastré section DC n°[Cadastre 6], à [Localité 3]

M. [W] [O] affirme, puisqu'il forme une demande à ce titre, que sa soeur occupe depuis le 1er janvier 1978 le terrain cadastré section DC n°[Cadastre 6], à [Localité 3], mais ne produit aucune pièce justificative et ne développe pas sa demande dans ses conclusions, alors que ce terrain a été donné à sa soeur le 9 juin 1978.

Sa demande, qui n'est pas fondée sera rejetée.

6) Sur la demande d'homologation du projet de partage dressé par Me [D]

Compte-tenu de la présente décision, qui a pour effet de modifier les termes du projet de partage dressé par Me [D], le jugement sera infirmé pour avoir homologué ce projet.

Les parties seront renvoyées devant le notaire, qui devra établir l'acte constatant le partage en fonction du présent arrêt.

7) Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

La décision du tribunal sera confirmée de ces deux chefs.

Les frais de l'avis donné le 7 mai 2013 par M [F], mandaté par M. [W] [O], qui ont été utiles dans le cadre du règlement de la succession, seront mis à la charge de celle-ci.

Les dépens de la procédure d'appel seront compris dans les frais communs de partage et les demandes respectives des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a :

-déclaré irrecevable la demande de remplacement du notaire désigné le 17 septembre 2014,

-déclaré irrecevable la demande au titre d'une indemnité d'occupation due par Mme [T] [O] pour l'occupation du terrain cadastré section DC n°[Cadastre 6], à [Localité 3], à compter du 1er janvier 2018,

-débouté M. [W] [O] de sa demande liée au rapport qu'il doit à la succession,

-homologué le projet d'acte de liquidation partage de la succession de [S] [K] épouse [O], du 16 mars 2018, dressé par Me [H] [D], notaire à [Localité 8],

Confirme le jugement de ses autres chefs,

Statuant à nouveau,

Déclare recevables les demandes de remplacement du notaire et au titre d'une indemnité d'occupation due par Mme [T] [O],

Déboute M. [W] [O] de sa demande aux fins de fixer le montant du rapport qu'il doit à la succession de [S] [K] épouse [O] à la somme de 73 000 euros,

Fixe le montant de ce rapport à la somme de 82 873,50 euros,

Fixe le montant du rapport dû par M. [A] [O] à la succession de [S] [K] épouse [O] à la somme de 13 314,10 euros,

Déboute M. [W] [O] de sa demande au titre d'une indemnité d'occupation à l'encontre de Mme [T] [O],

Déboute M. [W] [O] de ses demandes de désignation de Me [N], notaire à [Localité 3], pour réaliser un projet d'état liquidatif et de sa demande d'expertise,

Renvoie les parties devant Me [H] [D], notaire à [Localité 8], afin de dresser l'acte définitif de partage, en tenant compte du présent arrêt,

Dit que les frais exposés par M. [W] [O] au titre de l'avis donné le 7 mai 2013 par M. [F] seront inclus dans les frais communs de partage,

Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens exposés en appel seront inclus dans les frais de partage.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20/02492
Date de la décision : 25/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-25;20.02492 ?
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