1ère Chambre
ARRÊT N°329/2022
N° RG 20/02442 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QUOK
M. [P] [Y]
C/
Mme [W] [E] épouse [J]
Mme [R] [E] épouse [G]
Mme [C] [E] épouse [Z]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 25 OCTOBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre entendue en son rapport,
Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 21 Juin 2022
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 25 Octobre 2022 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré annoncé au 04 octobre 2022 à l'issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [P] [Y]
né le 19 Février 1944 à [Localité 22] (35)
[Adresse 3]
[Adresse 20]
[Adresse 44] ( CANADA)
Représenté par Me Arnaud COUSIN, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉES :
Madame [W] [E] épouse [J]
née le 23 Mars 1969 à [Localité 45] (35)
[Adresse 27]
[Localité 15]
Représentée par Me Julien DERVILLERS de la SELARL PROXIMA, avocat au barreau de RENNES
Madame [R] [E] épouse [G]
née le 03 Juin 1964 à [Localité 45] (35)
[Adresse 23]
[Localité 14]
Représentée par Me Julien DERVILLERS de la SELARL PROXIMA, avocat au barreau de RENNES
Madame [C] [E] épouse [Z]
née le 16 Janvier 1976 à [Localité 45] (35)
[Adresse 25]
[Localité 22]
Représentée par Me Julien DERVILLERS de la SELARL PROXIMA, avocat au barreau de RENNES
FAITS ET PROCÉDURE
Les époux [H] [Y] et [B] [K] sont décédés respectivement les 3 novembre 1995 et 29 mars 2000, laissant comme héritiers leurs deux enfants :
-M. [P] [Y],
[W] [Y] épouse [E].
Les époux [Y]-[K] avaient, le 20 décembre 1977, donné plusieurs biens à [W] [Y] épouse [E], en avancement d'hoirie.
Celle-ci est décédée le 21 septembre 2000, laissant comme héritiers son époux [M] [E] et leurs trois enfants :
-Mme [R] [E],
-Mme [W] [E],
-Mme [C] [E].
Les 23 et 26 décembre 2005 et 6 janvier 2006, M. [P] [Y] a assigné devant le tribunal de grande instance de Rennes ses cohéritiers en partage en partage de la succession des époux [Y]-[K].
Par jugement du 19 décembre 2006, le tribunal de grande instance a, notamment :
-ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage des successions et de la communauté ayant existé entre les époux [Y],
-désigné M. le président de la chambre des notaires d'Ille et Vilaine, ou son délégataire, pour y procéder, à l'exclusion de Me [U], notaire à [Localité 21], ainsi qu'un juge commis,
-dit que M. [P] [Y] bénéficie d'une créance de salaire différé pour la période allant du 19 octobre 1962 au 27 mars 1971, à l'exclusion de la période allant du 26 janvier au 3 juin 1966,
-dit que Mme [W] [E] bénéficie d'une créance de salaire différé pour la période allant du 31 mars 1960 au 14 décembre 1963,
-ordonné une expertise et désigné pour y procéder M. [T] [O] avec la mission d'estimer les biens meubles corporels et la valeur des biens immobiliers donnés à [W] [E] d'après leur état au moment de la donation du 20 décembre 1977.
M. [N] [L], expert désigné pour remplacer M. [O] le 18 janvier 2007, a déposé son rapport le 5 avril 2013.
[M] [E] est décédé le 27 juillet 2019.
Le 31 juin 2015, Mme [R] [E], Mme [W] [E] et Mme [C] [E] ont assigné M. [Y] devant le tribunal de grande instance de Rennes en poursuite des opérations de partage.
Par jugement du 29 mai 2018, le tribunal de grande instance de Rennes a :
-ordonné la poursuite des opérations de compte, liquidation, partage des successions de [H] [Y], décédé en 1995, et de [B] [K], décédée le 29 mars 2000, pour lesquelles Me [A], notaire à [Localité 19], est d'ores et déjà désigné,
-homologué le rapport d'expertise déposé le 5 avril 2013 par M. [N] [L], en ce qu'il a évalué les biens suivants comme suit :
I - Biens hors donation en avancement d'hoirie en date du 20 décembre 1977
*maison et bâtiments situés lieu dit '[Adresse 26]' objets des parcelles [Cadastre 40] et [Cadastre 5]
Valeur 1995 : 25 000 euros
Valeur 2000 : 40 000 euros
Valeur 2012/2013 : 95 000 euros
*parcelle de terre [Cadastre 30] située à [Localité 22]
Valeur 1995 : 1 329 euros
Valeur 2000 : 1 375 euros
Valeur 2012/2013 : 1 684 euros
*parcelle de terre [Cadastre 33] située à [Localité 22]
Valeur 1995 : 894 euros
Valeur 2000 : 1 073 euros
Va1eur 2012/2013 : 1 370 euros
*parcelles de terre n°s [Cadastre 13]-[Cadastre 16]-[Cadastre 6]-[Cadastre 7] situées à [Localité 22]
Valeur 1995 : 28 930 euros
Valeur 2000 : 29 893 euros
Valeur 2012/2013: 36 643 euros
II - Biens suivant donation en avancement d'hoirie en date du 20 décembre 1977
*parcelles situées à [Localité 21], n°[Cadastre 41] et [Cadastre 8]
Valeur 1995 : l000 euros
Valeur 2000 : 1500 euros
Valeur 2012/2013 : 2 000 euros
*parcelle situées à [Localité 21] [Cadastre 36]
Valeur 1995 : 1 378,28 euros
Valeur 2000 : 1 531,40 euros
Valeur 2012/2013 : 1 937,33 euros
*parcelle située à [Localité 21] [Cadastre 29]
Valeur 1995 : 1 134 euros
Valeur 2000 : 1 260 euros
Valeur 2012/2013 : 1 450 euros
*parcelle située à [Localité 21] [Cadastre 31]
Valeur 1995 : 1 926 euros
Valeur 2000 : 2 140 euros
Valeur 2012/2013 : 2 568 euros
*parcelles situées à [Localité 21] n°[Cadastre 43]-[Cadastre 11]-[Cadastre 12]
Valeur 1995 : 2 600 euros
Valeur 2000 : 2 952 euros
Valeur 2012/2013 : 3 557,18 euros
*parcelle située à [Localité 21] [Cadastre 38]
Valeur 1995 : 507,60 euros
Valeur 2000 : 564 euros
Valeur 2012/2013 : 648,60 euros
*parcelles situées à [Localité 21] n°[Cadastre 42]-[Cadastre 9]-[Cadastre 10],
Valeur 1995 : 702,90 euros
Valeur 2000 : 781 euros
Valeur 2012/2013 : 898,15 euros
*parcelle situées à [Localité 21] [Cadastre 32]
Valeur 1995 : 1 098 euros
Valeur 2000 : 1 220 euros
Valeur 2012/2013 : 1 403 euros
*parcelle située à [Localité 21] [Cadastre 35]
Valeur 1995 : 954 euros
Valeur 2000 : 1 145 euros
Valeur 2012/2013 : 1 335,60 euros
*maison sise à '[Adresse 24]' à [Localité 21] cadastrée [Cadastre 37]
Valeur 1995 : 12 000 euros
Valeur 2000 : 15 000 euros
Valeur 2012/2013 : 65 000 euros
*maison sise à '[Adresse 24]' à [Localité 21] cadastrée [Cadastre 39] (devenue [Cadastre 1]), [Cadastre 4] et [Cadastre 18] (devenue [Cadastre 2])
Valeur 1995 : 6 000 euros
Valeur 2000 : 9 000 euros
Valeur 2012/2013 : 15 000 euros
-s'agissant du bâtiment d'exploitation au lieu-dit '[Adresse 26]' à [Localité 22] et son terrain de 360 m, parcelle cadastrée [Cadastre 34] :
-dit que le notaire devra vérifier la possibilité de réaliser l'assainissement,
-dit que dans l'hypothèse où la réalisation de l'assainissement est possible, seront retenues les évaluations suivantes :
Valeur 1995 : 4 000 euros
Valeur 2000 : 6 500 euros
Valeur 2012/2013 : 16 000 euros
-dit que dans l'hypothèse où la réalisation de l'assainissement est impossible, sera retenu l'unique montant de 4000 euros,
-s'agissant des parcelles [Cadastre 28] et [Cadastre 17] situées sur la commune de [Localité 22],
-dit que le notaire devra vérifier la date à laquelle la partie désormais constructible de la parcelle [Cadastre 28], l'est devenue,
-dit que dans l'hypothèse où la partie de la parcelle est devenue constructible après le 29 mars 2000, seront retenues les évaluations suivantes :
Valeur 1995 : 15 281,40 euros
Va1eur 2000 : 15 790,78 euros
Valeur 2012/2013 : 19 356,44 euros
-dit que dans l'hypothèse où la partie de la parcelle est devenue constructible avant le 29 mars 2000, l'évaluation actuelle du bien devra intégrer le coût de la viabilisation, qui sera lui-même évalué sur la base de deux devis de viabilisation à établir par les consorts [E],
-homologue le rapport d'expertise déposé le 5 avril 2013 par M. [L] en ce qui concerne l'évaluation des biens meubles corporels, au montant total de 7660 euros (selon détails aux motifs) sous réserve d'une décote de 30 % à y appliquer,
-renvoie les parties à procéder à la vente des dits meubles selon ces évaluations,
-déboute les parties de leurs demandes d'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
-dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage.
[M] [E] est décédé le 27 juillet 2019, laissant pour lui succéder ses enfants, déjà présents à la procédure.
Le 28 mai 2020, M. [P] [Y] a fait appel des chefs du jugement suivants :
-dit que le notaire devra vérifier la date à laquelle la partie désormais constructible de la parcelle [Cadastre 28], l'est devenue,
-dit que dans l'hypothèse où la partie de la parcelle est devenue constructible après le 29 mars 2000, seront retenues les évaluations suivantes :
Valeur 1995 : 15 281,40 euros
Va1eur 2000 : 15 790,78 euros
Valeur 2012/2013 : 19 356,44 euros
-dit que dans l'hypothèse où la partie de la parcelle est devenue constructible avant le 29 mars 2000, l'évaluation actuelle du bien devra intégrer le coût de la viabilisation, qui sera lui-même évalué sur la base de deux devis de viabilisation à établir par les consorts [E],
-homologue le rapport d'expertise déposé le 5 avril 2013 par M. [L] en ce qui concerne l'évaluation des biens meubles corporels, au montant total de 7660 euros (selon détails aux motifs) sous réserve d'une décote de 30% à y appliquer,
-renvoie les parties à procéder à la vente les dits meubles selon ces évaluations.
Il expose ses moyens et ses demandes dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées le 3 juin 2022, auxquelles il est renvoyé.
Il demande à la cour de :
-infirmer partiellement le jugement des chefs dont il a été fait appel,
-dire que le rapport à la masse à partager de la parcelle [Cadastre 28] se fera selon sa valeur à la date actuelle, et dans son état à la date de la donation, c'est-à-dire en fonction des règles d'urbanisme applicables à la date actuelle, nonobstant la date à laquelle la parcelle est devenue constructible ,
-en fixer la valeur en 2013 à hauteur de 150 euros du mètre carré pour la surface classée en zone UEA d'une surface de 4000 m² soit environ 600 000 euros,
-dire qu'il appartiendra au notaire d'actualiser cette valeur à la date actuelle,
-fixer le coût de viabilisation à la somme de 115 000 euros,
-vu l'accord des parties, dire que les meubles seront débarrassés aux frais communs de la succession,
-renvoyer les parties devant le notaire liquidateur,
-dire que les dépens seront employés en frais de partage privilégiés,
-rejeter toutes autres demandes, notamment au titre des frais irrépétibles.
Les consorts [E] exposent leurs moyens et leurs demandes dans leurs dernières conclusions déposées au greffe et notifiées le 20 avril 2022, auxquelles il est renvoyé.
Ils demandent à la cour de :
-fixer la valeur 2013 de la parcelle cadastrée section [Cadastre 28] à hauteur de 89 euros du mètre carré pour la surface classée en zone UEA d'une surface de 4000 m² soit environ 356 000 euros,
-fixer le coût de la viabilisation à 122 500 euros,
-juger que l'évaluation de la parcelle cadastrée section [Cadastre 28] devra intégrer le coût de la viabilisation, lequel viendra en déduction,
-fixer la valeur des biens meubles corporels dépendant des successions et de la communauté ayant existé entre les époux [Y] à 0 euro,
-dire que les biens meubles corporels dépendant des successions et de la communauté ayant existé entre les époux [Y] devront être évacués aux frais de la succession,
-débouter M. [Y] de toutes ses demandes,
-dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage.
La clôture de l'instruction de l'affaire a été ordonnée le 7 juin 2022 et l'audience a eu lieu le 21 juin 2022.
MOTIFS DE L'ARRÊT
1) Sur la révocation de l'ordonnance de clôture
M. [Y] a notifié de nouvelles conclusions et une pièce n°1 aux intimés le 3 juin 2022.
Les consorts [E] ont conclu en réponse le 20 juin 2022.
M. [Y] a notifié ses conclusions en réponse le 21 juin 2022, avant l'audience.
Par conclusions notifiées le 17 juin 2022, les consorts [E] demandent à la cour de rejeter des débats les conclusions et les pièces de M. [Y] notifiées le 3 juin 2022 et à titre subsidiaire, d'ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture afin de recevoir leurs propres conclusions notifiées le 20 juin 2022.
Par conclusions notifiées le 17 juin 2022, M. [Y] demande à la cour de rejeter la demande des consorts [E] d'écarter ses conclusions et sa pièce du 7 juin 2022, et de révoquer l'ordonnance de clôture à l'audience.
Les consorts [E] ont été en mesure de prendre connaissance et de répondre aux conclusions de M. [Y] du 3 juin 2021, et de prendre connaissance de la pièce relative aux prix des cessions immobilières à [Localité 22], section cadastrale E.
Les conclusions de M. [Y] notifiées le 21 juin 2022 n'apportent pas d'éléments déterminants supplémentaires par rapport à ses conclusions notifiées le 3 juin 2022 et sa pièce n°1.
Aucune des conclusions des parties et de leurs pièces ne seront donc écartées des débats et il y a lieu, après révocation de l'ordonnance de clôture, de clôture l'affaire à nouveau à la date du 21 juin 2022.
2) Sur la valeur de la parcelle cadastrée section [Cadastre 28]
Le litige ne porte plus que sur la valeur de la parcelle [Cadastre 28], d'une surface de 3 ha 34 a 84 ca. Une maison y est construite depuis 2002.
Depuis la modification du PLU de [Localité 22], une partie de cette parcelle est en zone Uea (constructible suivant les conditions fixées au PLU), soit environ 4000 m² selon le rapport d'expertise.
L'expert a retenu une valeur de 3000 euros par hectare (terres labourables, classes 2 et 3) en 1995, 3100 euros en 2000 et 3800 euros en 2012-2013 (date de son rapport). Pour la partie désormais située en zone constructible, il estime que la valeur en 2012-2013 est de 50 euros par m² non viabilisé, et 89 euros par m² viabilisé.
Le tribunal a décidé que le notaire devra vérifier la date à laquelle la partie désormais constructible de la parcelle [Cadastre 28], l'est devenue, que dans l'hypothèse où la partie de la parcelle est devenue constructible après le 29 mars 2000, seront retenues les évaluations faites par l'expert (valeur 1995 : 15 281,40 euros ; va1eur 2000 : 15 790,78 euros ; valeur 2012/2013 19 356,44 euros), que dans l'hypothèse où la partie de la parcelle est devenue constructible avant le 29 mars 2000, l'évaluation actuelle du bien devra intégrer le coût de la viabilisation, qui sera lui-même évalué sur la base de deux devis de viabilisation à établir par les consorts [E].
Ces derniers demandent à la cour de fixer la valeur des 4000 m² constructibles à 89 euros par m² en 2013, et d'en déduire le coût de la viabilisation, fixé à 122 500 euros.
M. [Y] demande à la cour de fixer la valeur des 4000 m² constructibles à 150 euros par m² en 2013, et d'en déduire le coût de la viabilisation, fixé à 115 000 euros.
L'article 860 alinéa 1 du code civil dispose : «'Le rapport est dû de la valeur du bien à l'époque du partage, d'après son état à l'époque de la donation.'»
La constructibilité du terrain s'apprécie au jour du partage si le changement de destination n'est pas le fait de l'industrie du donataire. En cas de changement dans l'état du bien depuis la date de la donation, il doit donc en être tenu compte si ce changement résulte d'une cause fortuite ou étrangère à l'industrie du gratifié, ce qui est le cas en l'espèce, s'agissant de la constructibilité du terrain après la modification du PLU.
La date du décès du de cujus n'a aucune incidence sur la valeur du bien, contrairement à ce que le tribunal a retenu. Seule la valeur du bien au moment du partage, selon son état au moment de la donation et compte-tenu de sa constructibilité à cette date, doit être retenue.
Le jugement sera donc réformé du chef qui concerne la parcelle [Cadastre 28], dans sa partie constructible, étant précisé que s'agissant de la parcelle [Cadastre 17], non constructible, les parties sont d'accord sur les estimations faites par l'expert.
Le prix de 89 euros est celui estimé par l'expert pour l'année 2013. A ce jour, le partage n'a pas encore été réalisé et il y a lieu de fixer la valeur du bien au jour où la cour statue.
Les consorts [E] opposent à M. [Y] son accord sur le prix de 89 euros, résultant de ses conclusions n°2 du 16 février 2021 et d'un courrier envoyé par son avocat le 30 septembre 2021 à Me [A].
Cependant, d'une part, les conclusions de M. [Y] indiquent que la valeur de 89 euros correspond à la valeur en 2013 et que le notaire devra actualiser la valeur à la date actuelle, et d'autre part, le courrier du 30 septembre 2021 mentionne le prix «'sans décote pour viabilisation'», ce qui signifie que M. [Y] ne voulait pas, alors, déduire le coût de la viabilisation. Par ailleurs, tant que l'acte de partage n'a pas été signé, il ne peut être soutenu que l'accord de M. [Y] sur le prix de 89 euros, exprimé en 2021, était définitif. Il n'en sera donc pas tenu compte.
M. [Y] produit un relevé des ventes de la section E de la commune de [Localité 22] entre 2017 et 2021, publié par le site DVF (demandes de valeurs foncières, application proposée par Etalab, données téléchargeables sur le site https://www.data.gouv.fr depuis le 24 avril 2019, produites par la direction générale des finances publiques).
Il en tire plusieurs exemples de cession, dans le même secteur que la parcelle [Cadastre 28], dont il ressort qu'à la fin de l'année 2021 les prix de cession, pour des terrains à bâtir, se situaient en moyenne environ entre 144 et 165 euros par m².
Ces prix correspondent manifestement à des terrains viabilisés vendus à des particuliers et ne correspondent pas à la valeur actuelle du bien, même en déduisant le coût de viabilisation.
Les consorts [E] font valoir que le terrain n'est pas situé le long de la voie publique et que la surface constructible sera réduite de la surface des voies d'accès aux lots. Ils observent également qu'il existe déjà une construction sur la partie constructible de la parcelle [Cadastre 28].
Ils produisent une estimation, non datée, de la société Viabilis, à hauteur de 200 000 euros, valeur à l'achat, pour 4000 m² sans la construction existante, précisant qu'il est possible de réaliser 6 lots. Ils produisent également une estimation de la société C2R habitat, du 26 mars 2022, dont il ressort que pour une surface de 4207 m² (il n'est pas précisé où sont situés les 207 m² supplémentaires) 6 lots peuvent être créés, commercialisables, après viabilisation, à des prix compris entre 140 et 160 euros et que le coût de viabilisation (réseau, voirie, maîtrise d'oeuvre, bornage, reversement de la TVA ) serait d'environ 296 000 euros.
Il y a lieu de relever d'une part, que ces estimations sont nécessairement peu élevées, car données par de potentiels acquéreurs, d'autre part, que le prix des lots viabilisés à commercialiser correspond aux prix publiés par le site DVF et que le coût de viabilisation est plus élevé que celui qui ressort des devis versés à la procédure. Ces devis précisent d'ailleurs qu'ils concernent la création de 4 lots et que les estimations y sont sommaires.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, des prix récents des cessions dans le secteur de la parcelle [Cadastre 28], du fait qu'elle est en partie déjà construite (sur 1314 m² selon les intimés), ce qui la rend moins attractive, et que le prix de 89 euros a été fixé en 2013 et doit être actualisé, il y a lieu de fixer la valeur moyenne au m² de cette parcelle à la somme de 110 euros, soit une valeur totale de 440 000 euros.
Les estimations du coût de la viabilisation datent de 2019 et 2020. Les coûts à ce jour sont plus élevés. Le coût proposé par les consorts [E] sera donc retenu, soit 122 500 euros.
3) Sur les biens meubles corporels
Les parties sont d'accord sur le fait que le mobilier et le matériel agricole dépendant de la succession sont désormais hors d'usage, n'ont plus de valeur et doivent être jetés, aux frais de la succession
Le jugement sera infirmé pour avoir homologué le rapport d'expertise en ce qui concerne la valeur des meubles corporels, sous réserve d'une décote de 30 %, et renvoyé les parties à vendre les biens meubles.
La valeur des meubles, étant nulle, ne sera pas fixée et compte-tenu de l'accord des parties, le coût de leur enlèvement sera inscrit au passif de la succession.
4) Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens
Le jugement sera confirmé de ces deux chefs.
Les dépens exposés en appel seront inclus dans les frais de partage.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Rejette la demande de Mme [R] [E], Mme [W] [E] et Mme [C] [E] de rejeter des débats les conclusions et les pièces de M. [P] [Y] notifiées le 3 juin 2022,
Ordonne la révocation de l'ordonnance de clôture,
Ordonne la clôture de l'instruction à la date du 21 juin 2022,
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a :
-s'agissant de la parcelle [Cadastre 28] située sur la commune de [Localité 22],
-dit que le notaire devra vérifier la date à laquelle la partie désormais constructible de la parcelle [Cadastre 28], l'est devenue,
-dit que dans l'hypothèse où la partie de la parcelle est devenue constructible après le 29 mars 2000, seront retenues les évaluations suivantes :
Valeur 1995 : 15 281,40 euros
Va1eur 2000 : 15 790,78 euros
Valeur 2012/2013 : 19 356,44 euros
-dit que dans l'hypothèse où la partie de la parcelle est devenue constructible avant le 29 mars 2000, l'évaluation actuelle du bien devra intégrer le coût de la viabilisation, qui sera lui-même évalué sur la base de deux devis de viabilisation à établir par les consorts [E],
-homologue le rapport d'expertise déposé le 5 avril 2013 par M. [L] en ce qui concerne l'évaluation des biens meubles corporels, au montant total de 7.660 euros sous réserve d'une décote de 30 % à y appliquer,
-renvoie les parties à procéder à la vente des dits meubles selon ces évaluations,
Statuant à nouveau,
Fixe la valeur, à ce jour, de la partie constructible, classée en zone UEA, de la parcelle [Cadastre 28], commune de [Localité 22], soit une surface de 4000 m², à la somme de 440 000 euros,
Fixe le coût de viabilisation à la somme de 122 500 euros,
Dit que les biens meubles corporels dépendant de la succession seront débarrassés aux frais de la succession,
Dit que les dépens exposés en appel seront inclus dans les frais de partage.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE