3ème Chambre Commerciale
ARRÊT N°528
N° RG 20/02360 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QTY3
S.A.S. ALTI-SERVICES
C/
M. [S] [V]
S.A.R.L. ALPI OUEST
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me BOURGES
Me BROSSARD
Me BERTHELOT
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 25 OCTOBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,
Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre, rapporteur,
Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Sandrine KERVAREC, lors des débats, et Madame Julie ROUET, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l'audience publique du 20 Septembre 2022
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 25 Octobre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
S.A.S. ALTI-SERVICES, immatriculée au RCS de Nantes sous le numéro 400 856 548, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Marc DELALANDE de la SELARL CDK AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de NANTES
Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉS :
Monsieur [S] [V]
né le 21 Avril 1966 à [Localité 9]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représenté par Me Antoine BROSSARD de la SELAS ORATIO AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de NANTES
Représenté par Me Guillaume CLOUZARD de la SELAS ORATIO AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau d'ANGERS
S.A.R.L. ALPI OUEST, (anciennement ALTI-SERVICES REGION BRETAGNE), inscrite au RCS de RENNES sous le n° 504 916 271, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 8]
[Localité 3]
Représentée par Me Jean-Marie BERTHELOT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
FAITS ET PROCEDURE
La société Alti-Services, a été crée en 1995 par M [S] [V].
Elle exerce une activité de nettoyage industriel des lieux difficiles, faisant appel à des prestations de travaux sur cordes avec techniques d'alpinisme.
La société Alti Services Région Bretagne (devenue Alpi Ouest) exerce la même activité.
Le 1er septembre 2016, les sociétés Alti-Services et Alti Services Région Bretagne ont conclu une convention de partenariat afin de mutualiser les services administratifs et financiers, partager la marque Alti-Services et réguler l'activité commerciale.
Selon protocole du 14 novembre 2016 M. [V] a cédé l'intégralité du capital social de la société Alti-Services à MM.[H] et [M].
Le 6 avril 2017 M. [V] et la société HKL Invest représentée par M. [H], ont conclu une convention de garantie.
La société Alti Services et la société Alti Services Région Bretagne se sont ensuite raprochées en début d'année 2018 pour tenter de mettre fin à leurs relations commerciales par voie amiable.
Cette tentative n'a pas abouti .
Le 12 mars 2018, la société Alti Services Région Bretagne a obtenu une ordonnance sur requête du président du tribunal de commerce de Nantes autorisant un huissier à saisir des documents de nature à démontrer la violation par la société Alti Services de la clause de concurrence stipulée selon elle à la convention de partenariat.
Par LRAR du 17 avril 2018 la société Alti-Services a notifié à la société Alti Services Région Bretagne la rupture des relations commerciales du fait de retards systématiques de paiements de la redevance.
L'huissier est intervenu dans les locaux de la société Alti Services le 15 mai 2018.
Les parties ont comparu devant le président du tribunal de commerce de Nantes le 17 juillet 2018 qui par ordonnance en date du 17 juillet 2018, a ordonné à l'huissier de communiquer aux parties les devis et factures qui auraient pu être émis par la société Alti services et qui concerneraient les sociétés ou entreprises ayant un siège ou un établissement situé dans les départements 22, 29, 35, 56, 14, 50 et 53.
Le procès verbal de constat d'huissier n'a été mis à la disposition des parties que le 20 juillet 2018.
Par acte en date du 2 août 2018, la société Alti-Services a assigné la société Alpi-Ouest (anciennement société Alti Services Région Bretagne) devant le tribunal de commerce de Nantes, puis par acte du 11 décembre 2018 a appelé en intervention forcé M.[V] aux fins de la garantir des éventuelles condamnations.
Par jugement en date du 9 mars 2020 le tribunal de commerce a :
- Débouté la société Alti-Services de toutes ses demandes, à l'égard de la société Alpi Ouest ;
- Condamné la société Alti-Services à payer la somme de 8.350,38 euros à la société Alpi Ouest au titre de la perte de chance de contracter avec les clients situés dans le secteur géographique concerné par la clause de non-concurrence ;
- Condamné la société Alti-Servicess à payer la somme de 871,59 euros à la société Alpi Ouest au titre des frais de changement de nom et de communication ;
- Condamné la société Alti-Services à payer à la société Alpi Ouest la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Débouté la société Alti-Services de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de M [S] [V] ;
-Condamné la société Alti-Services à payer à M. [V] la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Débouté la société Alpi Ouest du surplus de ses demandes ;
- Condamné la société Alti-Services aux entiers dépens de l'instance.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 20 mai 2020, la société Alti-Services a interjeté appel de cette décision.
L'ordonnance de clôture est en date du 7 juillet 2022
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par conclusions notifiées le 4 février 2021, la société Alti-Services demande à la cour de :
- Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nantes le 9 mars 2020 en toutes ses dispositions ;
- Dire et juger que la résiliation de la convention de partenariat en date du 1er septembre 2016 est intervenue aux torts exclusifs de la société Alpi Ouest.
En conséquence,
- Condamner la société Alpi Ouest à lui payer la somme de 78.118,80 euros au titre du préjudice subi en suite de la résiliation fautive de la convention de partenariat en date du 1er septembre 2016 ;
- Condamner la société Alpi Ouest à lui payer la somme de 16.098,00 euros en raison du préjudice subi du fait de la concurrence déloyale dont s'est rendue coupable la société Alpi Ouest par détournement des clients Lumen et Lumen Navale ;
- Condamner la société Alpi Ouest à payer à lui payer la somme de 100.000 euros au titre des fautes commises postérieurement à la résiliation de cette convention ;
- Condamner la société Alpi Ouest à lui payer la somme de 2.500 euros en réparation du préjudice subi au titre des opérations de constat judiciaire conduites au siège de la société Alti-Services le 15 mai 2018 ;
-Débouter la société Alpi Ouest de toutes ses demandes reconventionnelles ;
- Condamner la société Alpi Ouest à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance en accordant à la SELARL Luc Bourges le droit de recouvrer ceux des dépens dont il aura directement fait l'avance.
Subsidiairement de :
- Condamner M.[S] [V] à la garantir et relever indemne de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre au profit de la société Alpi Ouest ;
- Condamner M. [S] [V] à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance en accordant à la SELARL Luc Bourges le droit de recouvrer ceux des dépens dont il aura directement fait l'avance ;
En tout état de cause, débouter M [S] [V] de toutes ses demandes, moyens, fins et conclusions en ce qu'elles sont dirigées à son encontre ;
Au contraire, dans ses écritures du 24 septembre 2021 la société Alpi Ouest demande à la cour d'appel de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :
- Débouté la société Alti-Services de toutes ses demandes, fins et prétentions ;
- Condamné la société Alti-Services à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné la société Alti-Services aux entiers dépens ;
Elle demande d'infirmer la décision en ce qu'elle a :
- Limité la condamnation de la société Alti-Services à lui payer la somme de 8.350,38 euros au titre de la perte de chance de contracter avec les clients situés dans le secteur géographique concerné par la clause de non-concurrence ;
- Limité la condamnation de la société Alti-Services à lui payer la somme de 871,59 euros au titre des frais de changement de nom et de communication ;
- Débouté la société Alpi Ouest du surplus de ses demandes afférentes à son préjudice moral, à la conservation du fichier client et au titre de la réorganisation de la gestion et du secrétariat en urgence.
Statuer à nouveau et de :
- Condamner la société Alti-Services à lui payer la somme de 10.746,40 euros au titre de la perte de chance de contracter avec les clients situés dans le secteur géographique concerné par la clause de non-concurrence ;
- Condamner la société Alti-Services à lui la somme de 4.000 euros au titre du préjudice moral;
- Condamner la société Alti-Services à payer la somme de 30.000,00 euros au titre des frais de changement de nom et de communication ;
- Condamner la société Alti-Services à lui payer la somme de 107.258 euros au titre de la conservation de son fichier client ;
- Condamner la société Alti-Services à lui payer la somme de 20.000 euros au titre de la réorganisation de la gestion et du secrétariat en urgence ;
À titre subsidiaire, réduire à de plus juste proportion les montant des dommages-intérêts qui par impossible seraient alloués à la société Alti-Services au titre des clauses pénales.
En tout état de cause,
Condamner la société Alti-Services au paiement de la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner la société Alti-Services en tous les dépens.
M. [V] demande à la cour au visa du protocole de cession des titres de la société Alti-Services en date du 14 novembre 2016, de l'acte de cession de titres en date du 6 avril 2017, et de la convention de garantie afférente à la cession des titres de la société Alti-Services en date du 6 avril 2017 :
A titre principal de :
Dire et juger la société Alti-Services non recevable, et subsidiairement non fondée, en son appel, ainsi qu'en toutes ses demandes, fins et conclusions ;
Le déclarer recevable et bien-fondé en ses demandes, fins et conclusions.
En conséquence :
- Confirmer la décision en ce qu'elle a :
- Débouté la société Alti-Services de l'ensemble de ses demandes à son encontre
- Condamné la société Alti-Services à lui payer la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Subsidiairement, en cas d'infirmation du jugement en ce qu'il a débouté la société Alti-Services de l'ensemble de ses demandes à son encontre, de :
- Débouter la société Alti-Services de sa demande de condamnation à la garantir et la relever indemne des éventuelles condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au titre de la prétendue rupture unilatérale et brutale de la relation commerciale avec la société Alpi Ouest ;
- Réduire l'indemnisation accordée à la société Alti-Services et mise à sa charge du montant de l'impôt sur les sociétés ;
En toutes hypothèses condamner la société Alti-Services à lui payer la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Il est renvoyé à la lecture des conclusions précitées pour un plus ample exposé des demandes et moyens développés par les parties.
MOTIFS
Sur la résiliation du contrat :
La société Alti Services reproche à la société Alti Services Région Bretagne ses retards dans le règlement des redevances. Elle sollicite l'application de la clause pénale prévue au contrat en raison des fautes commises par la société Alti Services Région Bretagne.
La société Alti Services Région Bretagne fait valoir que la société Alti Services a accepté de légers retards dans le paiement, qu'elle n'a jamais réclamé d'intérêts de retard ni adressé de mise en demeure. Elle considère que la résiliation unilatérale est fautive.
La convention de partenariat signée le 1er septembre 2016 entre la société Alti Services et la société Alti Services Région prévoit :
'Le partenaire versera une redevance mensuelle égale à 6,5 % de son chiffre d'affaires mensuel hors taxe réalisé au cours de l'année comptable concernée. Ce montant sera réclamé par ALTI-SERVICES RCS 400 856 548 la première quinzaine du mois suivant, suite à la déclaration mensuelle du chiffre d'affaires de partenaire à ALTI SERVICES RCS 400 856 548"
La société Alti Services verse des courriels aux termes desquels il est réclamé le paiement des redevances à la société Alti Services Région Bretagne :
mail du 11 septembre 2017 :
recap au 31 aout 2017
redevance de juin 1 620,84 euros
redevance août 3 154,63 euros
RFA aout 1 430,81 euros
+ regul écart paiement (voir tableau ci joint) 4 euros
soit un total de 3 348,66 euros
mail du 7 novembre 2017 facture n° 35/09/2017 de 2 043,86 euros qui reste à ce jour impayée.
mail du 7 décembre 2017 facture n° 54/10/2017 d'un montant de 3 108,38 euros qui reste à ce jour impayée.
mail du 5 janvier 2018 s'agissant d'une facture impayée de septembre.
mail du 7 février 2018 facture n° 42/12/2017 d'un montant de 1 703,52 euros qui reste à ce jour impayée.
mail du 7 mars 2017 facture n° 35/01/2018 d'un montant de 1 469,52 euros qui reste à ce jour impayée.
mail du 12 mars 2018 qui réclame au plus vite le paiement de deux factures de janvier et décembre pour un total de 3 173,04 euros.
Les retards de règlement qui sont établis ne sont pas contestés par la débitrice.
La société Alti Services Région Bretagne devenue Alpi Ouest reconnait elle-même qu'elle a réglé la facture de décembre 2017 reçue le 10 janvier 2018, le 12 mars 2018 soit avec un retard de deux mois à compter de la réception.
Elle reconnaît aussi qu'elle a réglé la facture de février 2018 envoyée le 20 mars 2018, le 17 avril 2018 avec un retard d'un mois à compter de la réception.
La facture de mars 2018 envoyée le 25 avril 2018 a été réglée le 15 mai 2018 avec un retard de 3 semaines.
Pour se dédouaner elle ne peut faire valoir que des demandes ont été faites seconde quinzaine du mois suivant alors que cette situation lui laissait un délai supplémentaire pour s'honorer.
Toutefois la lettre de résiliation du 17 avril 2018 n'a été précédée d'aucune mise en demeure et la convention de partenariat du 1er septembre 2016 ne comporte de clause sur les délais butoir de règlement des redevances ni ne prévoit de clause résolutoire.
En outre bien que les retards de paiements soient récurrents, il n'est pas démontré que la société Alti Services Région Bretagne reste débitrice au moment de l'assignation devant le tribunal de commerce.
La gravité de la faute de la société Alti Services Région Bretagne qui justifierait une résiliation unilatérale de la convention de partenariat au sens de l'article 1224 du code civil n'est donc pas démontrée.
En outre la convention de partenariat du 1er septembre 2016 précise que la résiliation non justifiée et arbitraire du contrat par le partenaire avant son échéance entrainera le paiement d'une pénalité à Alti Services équivalente à la moyenne annuelle de la redevance déjà versée, multipliée par le nombre d'années restant à effectuer jusqu'au terme du contrat.
La société Alti Services ne peut se fonder sur cette clause contractuelle qui vise la situation dans laquelle la résiliation non justifiée et arbitraire provient du partenaire, alors que c'est elle qui a pris l'initiative de la résiliation de la convention sans mise en demeure préalable.
Sa demande au titre de la clause pénale pour faute de la société Alti Services Région Bretagne n'est pas justifiée.
Elle est rejetée.
La décision du tribunal de commerce de Nantes est confirmée.
Sur la concurrence déloyale
La société Alti Services reproche à la société Alti Services Région Bretagne des actes de concurrence déloyale par démarchage d'un client historique, la société Lumen Navale. Elle sollicite la réparation du préjudice subi à la suite de la perte de marge à réaliser avec les sociétés Lumen ou Lumen Navale et affirme que sa demande de dommages et intérêts au titre de la perte de marge n'est pas une nouvelle demande, mais constitue un complément.
La société Alti Services Région Bretagne devenue Alpi Ouest considère que ces actes ne sont pas démontrés et que la demande de dommages et intérêts constitue une demande nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile et comme telle doit être déclarée irrecevable.
L'artice 564 du code de procédure civile précise qu' à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Mais l'article 566 ajoute que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
Devant le tribunal de commerce la société Alti Services a invoqué la faute de la société Alti Services Région Bretagne en raison de son démarchage et sa demande de dommages et intérêts en réparation de la perte de marge qu'elle aurait subi constitue donc un complément de la demande qui a été soumise aux premiers juges.
Elle est recevable.
Pour rappel la société Alti Services ne pouvait invoquer le démarchage supposé de la société Alti Services Région Bretagne dans son courrier du 17 avril 2018 puisque les pièces versées à l'appui de ses affirmations n'ont été communiquées par le conseil de société Alti Services Région Bretagne que le 5 décembre 2018 (pièce 24 et 25 de la société Alti services).
En tout état de cause les 3 factures établies par la société Alti Services Région Bretagne devenue Alpi Ouest les 31 décembre 2017, 7 septembre 2018 et 9 novembre 2018 ne suffisent pas à établir qu'elle aurait pris elle-même l'initiative de proposer ses services à la société Lumen pour la réalisation de prestations.
Dans ces conditions, la faute de la société Alti Services Région Bretagne devenue Alpi Ouest n'est pas démontrée et la demande de dommages et intérêts de la société Alti Services est rejetée.
La décision du tribunal de commerce est confirmée.
Sur la poursuite de l'utilisation des éléments d'identification par la société Alpi Ouest
La société Alti Services reproche à la société Alpi Ouest d'avoir poursuivi l'utilisation des éléments distintifs et graphique figurant la marque Alti Services malgré la résiliation du contrat, et s'être rendue coupable d'actes de concurrence déloyale, ce qui justifie le jeu de la clause pénale prévue au contrat.
La société Alpi Ouest explique que la résiliation a été brutale, qu'il lui été impossible de changer de nom sur le champ et qu'elle n'a pas le souvenir de la date de réception du courrier du 17 avril 2018 et partant, du point de départ du délai de 15 jours qui lui a été laissé pour réagir.
La convention régularisée le 1 er septembre 2016 prévoit :
'En cas de non-renouvellement ou de rupture ou d'expiration du présent contrat, le partenaire (ALTI-SERVICES REGION BRETAGNE) s'engage à retirer tous les éléments représentant la marque ALTI-SERVICES. Une astreinte de 1.000 € par jour sera appliquée ... dans tous les cas de figure en cas de résiliation du contrat le partenaire devra cesser immédiatement l'utilisation de la marque et du logo ALTI SERVICES.'
La lettre de résiliation du 17 avril 2018 invitait la société Alti Services Région Bretagne à justifier dès que possible de la modification de sa dénomination sociale et de la suppression de tout élément de communication comportant la marque Alti Services et qu'à défaut de se conformer à cette demande dans un délai de 15 jours, la société Alti Services prendrait toutes mesures de droit y compris à titre conservatoire afin de sauvegarder ses intérêts.
Certes les publicités légales du 10 août 2018 indiquent que le 25 avril 2018, aux termes de décisions collectives unanimes, les associés ont décidé à compter du même jour de modifier la dénomination sociale de la société qui devient Alpi Ouest.
La société Alti Services Région Bretagne était donc informée du délai butoir de 15 jours qui lui était laissé au moins dès le 25 avril.
Toutefois dans la mesure où la société Alti Services a procédé à une résiliation unilatérale de la convention de partenariat alors que les simples retards de réglements de la redevance n'étaient pas suffisamment graves pour la justifier, elle ne peut solliciter une liquidation de l'astreinte.
Sa demande à ce titre est rejetée.
La décision du tribunal de commerce est confirmée.
Sur la violation de la clause de non concurrence
La société Alti Services Région Bretagne devenue la société Alpi Ouest fait valoir que le contrat du 1er septembre 2016 contient une clause de non concurrence que la société Alti Services devait respecter et que la convention de cession de titre ne lui est pas opposable. Elle ajoute que le constat d'huissier démontre que cette clause n'a pas été respectée, qu'elle a donc perdu une chance de réaliser un chiffre d'affaires avec des clients détournés et subit des préjudices.
La société Alti Services considère que la convention ne comporte pas de clause de non concurrence à sa charge, ce qui a été confirmé dans le cadre de la cession des titres et par M. [V]. Elle ajoute que les 5 devis et les 2 fatures identifiés par l'huissier ne rapportent pas la preuve d'une violation de la zone de chalandise.
La convention de partenariat du 1er septembre 2016 précise que :
'Le partenaire ALTI SERVICES REGION BRETAGNE devra
Respecter une zone de chalandise définie telle que suit :
Le partenaire aura l'assurance d'ALTI SERVICES d' être le seul à exercer son activité sur les départements: Ille et Vilaine (35), Morbihan (56), Côtes d'Armor (22), Mayenne (53), Calvados (14), Manche (50), Finistére (29)
Le Partenaire ne doit en aucun cas se retrouver en situation de concurrence avec un autre partenaire du réseau. ALTI SERVICES se charge d'espacer chaque partenaire ALTI-SERVICES les uns des autres de manière à éviter toute concurrence'
Au terme de ses écritures la société Alti Services indique qu'elle n'avait pour unique obligation que 'd'assurer à la société Alti Services Region Bretagne qu'aucun autre partenaire de la société Alti Services ne pourrait exercer ces activités sur les territoires visés dans la convention.'
Cette obligation vise aussi obligatoirement la société Alti Services, elle même puisqu'elle est destinée à éviter toute concurrence entre partenaires sur les départements réservés à l'activité de la société Alti Services Region Bretagne soit les départements Ille et Vilaine (35), Morbihan (56), Côtes d'Armor (22), Mayenne (53), Calvados (14), Manche (50), Finistère (29).
Dans ces conditions la clause litigieuse doit être interprètée comme une clause de non concurrence à la charge de la société Alti Services dans les départements susvisés.
Peu importe que le protocole de cession des titres du 14 novembre 2016 contienne une clause au terme de laquelle l'activité de la Société (Alti Services) ne peut l'objet d'une quelconque restriction en application d'un contrat stipulant une clause de non concurrence , cette convention n'étant pas opposable à la société Alti Services Région Bretagne non partie à la convention de cession de titres.
De même les déclarations postérieures de M. [V] dans le cadre de la présente procédure sur l'absence de clause de non concurrence dans le contrat de partenariat du 1er septembre 2016 ne constituent qu'une appréciation subjective servant ses propre intérêts.
Les pièces saisies dans le cadre du constat d'huissier réalisé le 15 mai 2018 ont mis en lumière la présence dans les fichiers de la société Alti Services de (détail de chaque ligne) :
-un devis accepté pour M.[C] à [Localité 7] (Calvados) le 27 octobre 2017 de 4.851 euros ;
-un devis accepté pour la société Cargill à [Localité 10] (Ille et Vilaine) le 12 décembre 2017 de 695 euros ;
-un devis rejeté pour la société Suez à [Localité 10] le 30 janvier 2018 de 695 euros ;
-un second devis, accepté, pour la société Suez à [Localité 10] le 7 février 2018 de 1.529 euros ;
-un devis pour la société Square Habitat à [Localité 6] (Ille et Vilaine) le 14 février 2018 de
1388,20 euros;
- un devis pour la société Nestlé de Quimperlé (Finistère) du 16 avril 2018 de 2.480,50 euros
- une facture à M. [F] [X] établie le 31 décembre 2017 de 181,75 euros.
Ces documents, même sans factures adossées, suffisent à prouver que la société Alti Services entendait conclure des contrats avec des clients des départements du Calvados, de l'Ille et Vilaine et du Finistère. Au demeurant elle ne démontre pas qu'elle a bien adressé à sa partenaire toutes les demandes qui auraient été orientées vers elle par erreur.
En outre la proximité du département de la Loire Atlantique où se trouverait un de ses clients historique n'est pas de nature à justifier une intervention de sa part à moins d'un km, dans le département voisin de L'Ille et Vilaine.
Cependant le constat d'huissier indique aussi qu'une seule facture a été honorée pour un montant modique de 181,75 euros.
De plus la société Alpi Ouest ne démontre pas que tous les devis visés aient été suivis de factures encaissées par la société Alti Services, et donc que les prestations ont bien été effectuées.
Dans ces conditions la société Alpi Ouest ne rapporte pas qu'elle a perdu une chance de contracter avec les clients pour lesquels des devis ont été réalisés par la société Alti Services.
Sa demande de dommages et intérêts pour perte de chance de réaliser un chiffre d'affaires est ainsi rejetée.
La décision du tribunal de commerce est infirmée sur ce point.
Sur la demande au titre du préjudice résultant des opérations de constat judiciaire du 15 mai 2018
La société Alti Services explique que les opérations de constat ont bloqué son fonctionnement normal alors que les accusations portées contre elle se sont révèlées imaginaires, de sorte que sa demande de dommages et intérêts est justifiée.
La société Alti Services Région Bretagne devenue la société Alpi Ouest réplique que ces opérations étaient nécessaires et proportionnées et que la demande de dommages et intérêts n'est pas justifiée.
Les constatations par huissier de justice qui ont été réalisées le 15 mai 2018 au sein des locaux de la société Alti Services ont été ordonnées par décision de justice sur la base de pièces que le président du tribunal de commerce a jugé suffisantes.
Par ailleurs ces opérations ont permis d'aboutir à la découverte de documents montrant que les opérations ont été fructueuses, des devis et une facture ayant été découverts permettant à la société Alti Services Région Bretagne devenue la société Alpi Ouest d'alimenter de suspicion d'actes de concurrence interdite.
Dans ces conditions la demande de dommages et intérêts à ce titre n'est pas fondée.
Elle est rejetée.
La décision du tribunal de commerce de Nantes est confirmée sur ce point.
Sur le préjudice moral
La société Alpi Ouest estime qu'elle a subi un préjudice moral en raison du comportement déloyal de la société Alti Services qui a rompu leurs relations de confiance et qui détient toutes ses informations sensibles.
La société Alpi Ouest ne démontre pas que la société Alti Services conserverait ses informations sensibles et les utiliserait et ne précise pas le détail de son préjudice moral.
La demande au titre de son préjudice moral est rejetée.
La décision du tribunal de commerce est confirmée sur ce point.
Sur la demande de dommages et intérêts pour changement de nom et de communication
La société Alpi Ouest explique que l'obligation de cesser toute référence à la marque Alti Services en urgence a généré un coût de communication.
La société Alti Services fait valoir que ces modifications sont induites par les fautes de la société Alti Services Région Bretagne et que la demande de dommages et intérêts n'est pas justifiée pour les montants réclamés.
Il n'est pas contestable que la lettre de résiliation a mis en difficulté la société Alti Services Région Bretagne qui a du effectuer en quelques semaines toutes les démarches nécessaires pour faire cesser toutes référence à la marque Alti Services.
Les factures versées à ce titre ne s'élèvent qu'à un montant total de 871,59 euros et la société Alpi Ouest ne verse aucune autre pièce de nature à démontrer un préjudice plus important.
Il convient donc de limiter sa demande à la somme de 871, 59 euros.
La décision du tribunal de commerce est confirmée sur ce point.
Sur la demande dommages et intérêts au titre de la conservation du fichier client par la société Alti Services
La société Alpi Ouest fait valoir que la société Alti Services a conservé son fichier clients et peut l'utiliser et que cette perte justifie l'allocation de dommages et intérêts correspondant à un tiers de son chiffre d'affaires.
La société Alti Services fait valoir que la société Alti Services Région Bretagne ne démontre pas qu'elle aurait contacté ses clients.
Outre qu'il a déjà été indiqué que les devis et factures identifiés par l'huissier de justice ne suffisaient pas à rapporter la preuve d'une perte de chance de réaliser une marge, l'échange de mails entre la société Foncia et la société Alti Services en mai 2018 sur lequel la société Alpi Ouest se fonde pour rapporter la preuve d'une utilisation du fichier clients, établit au contraire que la société Alti Services a renvoyé ce client sur l'adresse personnelle de M. [R] [E].
Le devis du 5 juin 2018 établi par la société Alti Services pour la société Foncia ne peut donc l'avoir été que par choix délibéré de la société Foncia de contacter Alti Services.
Dans ces conditions sa demande de dommages et intérêts est rejetée.
La décision du tribunal de commerce est confirmée sur ce point.
Sur la demande au titre du secrétariat
La société Alpi Ouest explique que la rupture des relations commerciales l'a obligée à assurer en urgence la gestion et le secrétariat ce qui a induit une charge de travail supplémentaire.
La société Alti Services rétorque que depuis la fin des relations commerciales la société Alpi Ouest ne doit plus assumer le paiement de redevances à ce titre et que sa demande n'est donc pas justifiée.
La société Alpi Ouest ne justifie pas le montant de sa demande qui est rejetée.
La décision du tribunal de commerce est confirmée sur ce point.
Sur la garantie de M. [V]
La société Alti Services réclame la garantie de M.[S] [V] au titre des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre sur les demandes formées par la société Alpi Ouest au titre de la prétendue violation d'une clause de non-concurrence contenue dans la convention de partenariat en date du 1 er septembre 2016.
Toutefois la seule condamnation financière retenue par la cour à l'encontre de la société Alti Services concerne le remboursement des frais de changement de nom et de communication sans lien direct avec les demandes formées par la société Alpi Ouest au titre de la violation de la clause de non concurrence.
Cette demande n'est donc pas fondée.
La décision du tribunal de commerce est confirmée sur ce point sauf en ce qui concerne la demande de M.[V] au titre de l'article 700 du code de procédure civile qu'il n'est pas inéquitable de rejeter.
Sur les demandes annexes
Il n'est pas inéquitable de rejeter les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Alti Services est condamnée aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispotions de l'article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour :
- Dit que la demande de dommages et intérêts de la société Alti Services en réparation de la perte de marge à réaliser avec les sociétés Lumen ou Lumen Navale est recevable.
Infirme le jugement du tribunal de commerce de Nantes en date du 9 mars 2020 en ce qu'il a :
- Condamné la société Alti-Services à payer la somme de 8.350,38 euros à la société Alpi Ouest au titre de la perte de chance de contracter avec les clients situés dans le secteur géographique concerné par la clause de non-concurrence ;
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-Condamné la société Alti-Services à payer à M [S] [V] la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Confirme le jugement du tribunal de commerce de Nantes en date du 9 mars 2020 pour le reste.
Statuant à nouveau :
- Rejette la demande de la société Alpi Ouest au titre de la perte de chance de contracter avec les clients situés dans le secteur géographique concerné par la clause de non-concurrence ;
- Rejette les autres demandes ;
- Condamne la société Alpi Ouest aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure.
LE GREFFIERLE PRESIDENT