3ème Chambre Commerciale
ARRÊT N°527
N° RG 20/02114 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QS2X
S.A.S. IVEBAT
C/
Société CETCO POLAND CETCO SP ZOO SPOLKA
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me BOIS
Me BERTHELOT
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 25 OCTOBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,
Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère, rapporteur,
GREFFIER :
Madame Sandrine KERVAREC, lors des débats, et Madame Julie ROUET, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l'audience publique du 20 Septembre 2022
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 25 Octobre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
S.A.S. IVEBAT, immatriculée sous le N° B 349 007 773 du registre du commerce et des sociétés de La Roche sur Yon, agissant poursuite et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Jacques SIRET de la SELARL SIRET ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON
Représentée par Me Arnaud BOIS, Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
Société CETCO POLAND CETCO SP ZOO SPOLKA, Société en commandite par actions de droit polonais, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 3]
[Localité 7] (Pologne)
Représentée par Me Julien LE GALL substituant Me Jean-Marie BERTHELOT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
La Société de droit polonais CETCO POLAND CETCO SP ZOO SPOLKA, dont la société de droit français CETCO France a été la filiale, fabrique des matériaux d'isolation.
La societe IVEBAT est spécialisée dans le gros oeuvre en bâtiment et possède une expertise en matière de pose de produits d'étanchéité.
La societe CETCO France a conclu avec la sociéte IVEBAT un contrat d'approvisionnement exclusif de rouleaux VOLTEX - joint RX et procédé VOLCLAY, d'une durée de 5 ans à effet du 1er janvier 2010.
Ce contrat synallagmatique, prévoyait notamment les obligations suivantes :
- IVEBAT s'engageait à s'approvisionner exclusivement auprès de CETCO pour tous ses besoins sur ses chantiers d'étanchéité situés sur le Poitou Charente, Bretagne, Pays de Loire et Normandie et pour un montant minimal de 100.000 € de produits, avec indice annuel à la hausse de 5%.
- CETCO s'engageait à assurer une assistance technique et de coopération.
Le Voltex est le nom commercial d'une membrane d'étanchéité composée de bentonite, argile naturel asséché naturellement ou artificiellement pouvant gonfler plus de 30 fois son volume, contenue dans un film de protection et se présentant sous forme de rouleaux.
Ce matériau est destiné à être posé sous les bâtiments construits sur un sous-sol traversé par une nappe phréatique.
Comprimé entre le béton de structure et le remblai compacté, il assure l'étanchéité du bâtiment.
Il est défini par un avis technique 7/11-1494 qui détermine un cahier des prescriptions techniques et qui exige que pour chaque chantier, un test spécifique soit réalisé par un laboratoire indépendant, après prélèvement d'eau souterraine, afin de vérifier la réaction du matériau relativement à l'eau spécifique du chantier.
Une réorganisation ayant conduit à la dissolution-liquidation de la societé CETCO France, les parties ont convenu de transférer le contrat d'approvisionnement à la société CETCO POLOGNE, avec effet au 3 octobre 2013 et maintien de toutes les clauses prévues au contrat initial.
Le contrat est arrivé à son terme au 31 décembre 2014 et les parties n'ont pas souhaité le renouveler.
La société CETCO a accepté d'assurer jusqu'en avril 2015 des livraisons de produits commandés fin 2014.
Les marchandises livrées en avril 2015 par CETCO POLAND pour un montant total de 99.268 € TTC ont été réglées partiellement par IVEBAT, le montant restant dû s'élevant à 37.556 €.
Malgré les relances, la débitrice s'est refusée à son paiement, demandant une compensation tenant compte de frais engendrés par un défaut d'assistance technique, par le non-remboursement de factures fournisseurs et par des surcoûts de transport ainsi que de manutention.
La sociéte CETCO POLAND a assigné la société IVEBAT par acte du 11 janvier 2017 devant le tribunal de commerce de LA ROCHE SUR YON, qui s'est déclaré incompétent sur le fondement des dispositions de l'article 47 du code de procédure civile et a renvoyé le dossier devant le tribunal de commerce de Nantes.
Par jugement du 14 février 2020, le tribunal de commerce de Nantes a:
- condamné la société IVEBAT à payer à la société CETCO POLAND CETCO SP ZOO SPOLKA la somme principale de 37 556 €, outre les intéréts de retard au taux de 3 fois le taux de l'intérêt légal à compter de leur date d'exigibilité soit le 30 juin 2015 ;
- ordonné la capitalisation des intérêts en application de l'ancien article 1154 du Code civil, dès lors que les intérêts seront dus pour au moins une année, soit à compter du 30 juin 2016 ;
- condamné la société IVEBAT à payer à la société CETCO POLAND CETCO SP ZOO SPOLKA la somme de 160 €, correspondant à l'indemnité forfaitaire de 40 € par facture impayée prévue à l'article L441-6 du Code de commerce ;
- condamné la société CETCO POLAND CETCO SP ZOO SPOLKA à payer à la société IVEBAT la somme de 1 723,20 € outre intéréts légaux à compter de la signification du jugement, à titre de dommages et intérêts pour inexécution contractuelle ;
- prononcé la compensation entre les créances réciproques des sociétés CETCO POLAND CETCO SP ZOO SPOLKA et IVEBAT :
- débouté la société IVEBAT du surplus de ses demandes, fins et prétentions,
- condamné la société IVEBAT à payer à la société CETCO POLAND la somme de 1 500 € au titre de l'artic1e 700 du Code de procédure civile ;
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné la société IVEBAT aux dépens.
Appelante de ce jugement, la société IVEBAT, par conclusions du 06 juillet 2022, a demandé que la Cour:
- déclare l'appel interjeté par IVEBAT recevable et bien fondé.
- infirme le jugement dont appel et, statuant à nouveau :
- dise que IVEBAT est créancière d'une indemnité délictuelle de 34.676,20 €
à l'encontre de CETCO POLAND SP ZOO SPOLKA société en commandite par action et d'une indemnité article 700 du code de procédure civile de 5.000 € et, après compensation, condamner CETCO POLAND SP ZOO SPOLKA à verser 2.120,20 € à IVEBAT.
- subsidiairement, rejette ou réduise les intérêts ou pénalités de retard,
- condamne CETCO POLAND SP ZOO SPOLKA société en commandite par action en tous les dépens, notamment au profit de Me [M] pour ceux dont il aura fait l'avance.
Par conclusions du 08 octobre 2020, la société CETCO POLAND a demandé que la Cour:
- infirme le jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société IVEBAT la somme de 1.723,20 euros avec intérêts au titre de l'inexécution contractuelle,
- déboute la société IVEBAT de ses demandes,
- confirme pour le solde le jugement déféré,
- condamne la société IVEBAT au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamne aux dépens.
MOTIFS DE LA DECISION:
A titre liminaire, la Cour constate que ne font l'objet d'aucune critique les dispositions ayant condamné la société IVEBAT au paiement de la somme de 37.556 euros, outre intérêts fixés à trois fois le taux d'intérêt légal à compter de la date d'exigibilité des factures, avec capitalisation et condamnation au paiement d'une indemnité forfaitaire de 40 euros par facture impayée.
Les relations contractuelles entre les parties sont régies par le contrat signé le 1er janvier 2010 entre les sociétés CETCO FRANCE et IVEBAT et l'avenant signé au mois de mars 2014, transférant ce contrat à la société CETCO POLAND, reprenant les obligations de la société CETCO FRANCE.
Il doit être noté que le courrier par lequel la société CETCO POLAND proposait l'avenant faisait état de 'l'abandon des revendications réciproques' des sociétés IVEBAT et CETCO, témoignant de relations contractuelles devenues difficiles et qu'aucune des parties n'a souhaité renouveler le contrat à sa date d'échéance, le 31 décembre 2014.
Les commandes relatives au chantier des JACOBINS à [Localité 6] ont été passées au mois d'Octobre 2014.
Elles n'ont fait l'objet d'aucune réserve de la part de la société CETCO POLAND et il n'est pas justifié par la société IVEBAT que celle-ci ait avisé la société CETCO POLAND de ce que les livraisons devraient se poursuivre durant tout le cours de l'année 2015, étant tributaire de l'avancée du chantier.
Les conditions tarifaires étaient prévues au contrat.
Le transport des marchandises était organisé par la société CETCO POLAND et refacturé à la société IVEBAT, le transfert de risques ayant lieu 'aux portes de son chantier'.
Par courrier recommandé du 10 décembre 2014, la société CETCO POLAND a avisé la société IVEBAT que toutes les commandes en cours devaient être livrées avant le 31 décembre et qu'à compter de cette date aucune livraison n'aurait plus lieu.
Par courriel du 03 février 2015, la société CETCO POLAND a avisé la société IVEBAT, suite à une réclamation de cette dernière:
- qu'elle acceptait de prendre en charge le surcoût des transports de trois livraisons effectuées en 2014 et que des avoirs lui seraient accordés en conséquence,
- que pour les livraisons qui auraient lieu en 2015, elle appliquerait les nouveaux tarifs de son transporteur, soit 2.389 euros pour un camion complet (à comparer avec les 1.930 euros du tarif antérieur)
- que les livaisons devraient avoir lieu avant la fin du mois d'avril 2015,
- qu'aucune autre commande ne serait acceptée.
Ces positions ne caractérisent pas la violence économique alléguée par la société IVEBAT.
D'une part, la société CETCO POLAND a accepté de négocier, en ce qu'après avoir affirmé ne plus livrer après le 31 décembre, elle a accepté de reporter cette date au 30 avril 2015. Sur ce point, la société IVEBAT ne justifie par aucune pièce qu'il était d'usage que les commandes passées à une date N puisse faire l'objet de livraisons plusieurs mois plus tard sans qu'aucune précision n'ait été donnée à la commande sur cette circonstance inhabituelle.
Surtout, le contrat prévoit expréssement que la société CETCO doit livrer dans le mois de la commande et que si un mois après la date prévue initialement pour la livraison, celle-ci n'a pu avoir lieu, l'annulation de la commande peut être demandée par l'une ou l'autre des parties.
Dès lors, et sauf accord préalable dont il n'est pas justifié pour le chantier des JACOBINS, la société IVEBAT ne pouvait différer la date des livraisons au gré de l'avancement du chantier.
D'autre part, la société CETCO POLAND a accepté d'établir des avoirs pour les livraisons effectuées en 2014, revenant là encore sur sa position antérieure, ce qui apparaît exclusif de toute violence économique.
Ensuite les surcoûts exigés quant au transport n'étaient pas d'une importance telle qu'ils mettaient en péril l'économie du contrat.
Enfin, les prochaines livraisons étant prévues pour le mois d'avril, la société IVEBAT aurait pu organiser elle-même le transport à un coût moindre si elle le désirait.
La société IVEBAT demande la prise en charge par la société CETCO de différents coûts.
Elle sollicite le remboursement de coûts de laboratoires (INSA) ayant été nécessités pour vérifier l'adéquation du produit VOLTEX à l'eau se trouvant en sous-sol du chantier des JACOBINS.
Ainsi qu'il a été précisé plus haut, ces tests en laboratoires sont exigés pour chaque chantier par l'avis technique du CSTB.
Le premier juge, qui a cité les articles formalisant les obligations contractuelles mises à la charge de la société CETCO a pertinemment relevé qu'il ne résultait d'aucune disposition contractuelle que la société CETCO ait à prendre en charge ces frais, celle-ci devant en substance, selon les articles 2 et 6 du contrat:
- pouvoir fournir un avis technique du CSTB durant toute la durée du contrat, ce qui a été le cas,
- fournir à la société IVEBAT une assistance en cas de litige judiciaire ou amiable, ce qui ne concerne pas le présent litige,
- fournir à la société IVEBAT la documentation technique et le matériel technique nécessaires à l'application du produit conformément aux règles de l'art,
- mettre à sa disposition, si nécessaire, un technicien agréé CETCO.
La société IVEBAT ne justifie par aucun document que la société CETCO ait pris en charge pour des chantiers antérieurs les frais de laboratoire, l'attestation de M. [I] - Laboratoire METEDK- selon laquelle 'le coût de l'essai en laboratoire est pris en charge par le titulaire de l'avis technique' étant à cet égard insuffisante, ne citant pas nommément la société CETCO et ne témoignant pas de sa connaissance personnelle d'usages que cette dernière aurait suivis.
Le jugement est confirmé en ce que la société IVEBAT a été déboutée de cette demande (3.168 euros).
La société IVEBAT demande ensuite le remboursement des frais d'ingénierie exposé pour le chantier des JACOBINS (12.480 euros).
La société IVEBAT a dû exposer des frais d'ingénierie spécifiques pour le chantier des JACOBINS en raison de sa complexité et reproche à la société CETCO de ne pas lui avoir apporter l'assistance contractuellement prévue.
Ainsi que l'a conclu le premier juge, l'assistance envisagée au contrat est une assistance d'exécution et de mise en oeuvre, ou une assistance en cas de litige, mais non une assistance d'ingénierie pour un chantier.
Au surplus, ce reproche est infondé dans la mesure où un représentant de la société CETCO s'est rendu en France à une réunion organisée entre les locateurs d'ouvrage et les bureaux de contrôle, pour constater que l'usage qui allait être fait de son produit ne rentrait pas dans le champs d'application de l'avis technique du CSTB, et que celui-ci était expressément donné sous réserve de l'utilisation d'un pourcentage maximal de micro-pieux en fondations, pourcentage qui devait être dépassé pour le chantier des JACOBINS.
La société CETCO a alors recommandé la mise en place d'un 'AVIS DE CHANTIER' c'est à dire d'une étude d'ingénierie spécifique.
Pour autant, aucune clause contractuelle ne justifie que le fabricant d'un produit ait à prendre en charge les frais d'ingénierie nécessaires à l'utilisation de son produit en dehors des usages pour lesquels il a été autorisé par l'avis technique du CSTB, cet avis ressortant du cadre contractuel entre le fabricant et le locateur d'ouvrage en ce qu'il est destiné, justement, à préciser les usages possibles et les conditions de mise en oeuvre du produit.
La société IVEBAT est déboutée des demandes émises à ce titre.
Elle demande aussi des dommages et intérêts correspondant aux surcoûts de transports lui ayant été facturés sur les livraisons d'avril 2015 (2.489,80 euros)
Il a été dit plus haut que ces surcoûts ne lui avaient pas été imposés par violence, et qu'elle aurait pu organiser elle-même les transports.
Elle a validé ses coûts à la demande de la société CETCO.
Ses prétentions sont rejetées.
La société IVEBAT demande enfin la condamnation de la société CETCO à lui payer la somme de 16.598,40 euros représentant les coûts engendrés par une erreur de livraison.
Par courrier du 13 avril 2015, la société IVEBAT a demandé à la société CETCO:
- la livraison de deux camions de 48 rouleaux de VOLTEX chez un tiers à [Localité 5],
- la livraison de trois camions (deux camions de 48 rouleaux de VOLTEX et un camion de 24 palettes de bentonite) sur le site de [Localité 4].
Il est justifié par les lettres de voiture que l'une des livraisons destinées au site de [Localité 5] a été livrée à [Localité 4].
La société IVEBAT fait valoir qu'elle s'est trouvée dans l'obligation de déplacer les rouleaux livrés de [Localité 4] à [Localité 5], et fait état état d'un coût total de 16.576,60 euros engendrés par cette erreur.
Les rouleaux étaient en tout état de cause destinés à être déplacés puisqu'ils devaient être stockés à [Localité 5] puis livrés sur le chantier de [Localité 6].
Les factures versées aux débats sont relatives à des livraisons entre [Localité 4] et [Localité 6] qui auraient au demeurant été exposées entre [Localité 5] et [Localité 6].
Le préjudice réel a consisté à déplacer les rouleaux entre [Localité 4] et [Localité 5], selon des modalités qui ne font l'objet d'aucun justificatif et qui ont fait l'objet d'une évaluation pertinente par le premier juge à partir de tarifs émanant d'un courrier de la société IVEBAT.
Le jugement est confirmé.
La société IVEBAT, qui succombe, supportera la charge des dépens d'appel et paiera à la société CETCO POLAND la somme de 2.000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS:
La Cour,
Confirme le jugement déféré.
Condamne la société IVEBAT aux dépens d'appel.
Condamne la société IVEBAT à payer à la société CETCO POLAND la somme de 2.000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT