3ème Chambre Commerciale
ARRÊT N°526
N° RG 20/00961 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QO6E
SARL ASF PATRIMOINE
SARL NEMTYS COURTAGE
C/
SA SURAVENIR
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me VERRANDO
Me LHERMITTE
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 25 OCTOBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,
Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère, rapporteur,
GREFFIER :
Madame Sandrine KERVAREC, lors des débats, et Madame Julie ROUET, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l'audience publique du 20 Septembre 2022
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 25 Octobre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTES :
SARL ASF PATRIMOINE, immatriculée au RCS de Bordeaux sous le numéro 443 385 927, représentée par son gérant, Monsieur [P] [Z], domicilié en cette qualité au siège ;
[Adresse 4]
[Localité 3]
SARL NEMTYS COURTAGE, immatriculée au RCS de Bordeaux sous le numéro 527 718 274, représentée par son gérant, Monsieur [P] [Z], domicilié en cette qualité au siège ;
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentées par Me Marie VERRANDO de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, Postlant, avocat au barreau de RENNES,
et Me Lionel LEFEBVRE de la SELARL ORID AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Sébastien BAUHARDT, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE :
SA SURAVENIR, immatriculée au RCS de Brest sous le N° 330 033 127, représentée par son dirigeant domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES,
et Me Hélène MOISAND FLORAND de la SELARL MOISAND BOUTIN & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Romain PERRIER, avocat au barreau de PARIS
Monsieur [P] [Z] a créé la société de courtage d'assurance ASF Patrimoine en 2002.
L'activité d'ASF Patrimoine consiste notamment dans la distribution de produits d'assurance-vie et de capitalisation, qu'elle effectue soit directement soit en qualité de courtier « grossiste », via l'intervention d'intermédiaires en assurance affiliés (courtiers directs notamment).
Ainsi, ASF Patrimoine distribue des produits d'assurance-vie ou de capitalisation, directement à ses clients, ou par l'intermédiaire d'un « courtier direct » qui fait lui-même appel à sa propre clientèle.
La société Vie Plus est une filiale de Suravenir, elle-même filiale du Crédit Mutuel, et s'est spécialisée dans la conception de contrats d'assurance-vie et d'épargne retraite.
Le 15 octobre 2002, ASF Patrimoine a conclu avec Vie Plus une convention de distribution d'opérations d'assurance.
Au titre de cette convention de distribution, ASF Patrimoine distribuait donc les produits d'assurance de Vie Plus.
Une deuxième convention de distribution a été conclue le 24 décembre 2008, cette fois-ci entre ASF Patrimoine et Suravenir.
Monsieur [Z] a créé la société de courtage d'assurance Nemtys Courtage en 2010. Son activité consiste en la distribution de contrats d'assurance, à l'instar d'ASF Patrimoine.
La franchise Nemtys a été créée concomitamment ; elle devait opérer comme un réseau et réunir plusieurs intermédiaires qui, ensemble, distribueraient les produits d'assurance.
Le 26 juillet 2011, une nouvelle convention de distribution était conclue, parallèlement aux précédentes, cette fois-ci entre Nemtys Courtage et Suravenir.
Aux termes de ce nouveau protocole, les contrats d'assurance Suravenir étaient désormais référencés auprès de Nemtys Courtage et leur distribution était confiée aux franchisés de Nemtys Courtage, comme ASF Patrimoine.
ASF Patrimoine, désormais franchisé Nemtys, continuait de placer des contrats Suravenir, mais désormais par l'intermédiaire de Nemtys Courtage.
En contrepartie, les commissions étaient désormais versées par Suravenir à Nemtys Courtage, qui se chargeait d'en rétrocéder une partie au franchisé à l'origine de la souscription du contrat Suravenir.
La SARL BJM est une société d'intermédiation en assurance créée par Monsieur [O] [J] et sa compagne, Madame [D] [F].
En 2007, la société BJM est devenue mandataire de la société ASF Patrimoine. Elle apportait ainsi des affaires à ASF Patrimoine et prenait en charge le conseil et le suivi de la clientèle apportée par l'intermédiaire de ses associés : Monsieur [J] et Madame [F].
En 2009, BJM est devenue intermédiaire d'assurance et Conseiller en Investissement Financier (CIF). Elle prenait ensuite le statut de courtier d'assurance.
Elle est ainsi devenue un « courtier d'assurance direct » de la société ASF Patrimoine et a donc distribué les produits Suravenir directement à sa clientèle pour ASF Patrimoine, puis Nemtys Courtage.
La relation de confiance entre Monsieur [Z] et BJM aurait dû se conclure par l'entrée de BJM dans le réseau Nemtys en qualité de franchisé.
Nemtys Courtage et ASF Patrimoine (ci-après, ensemble, « Nemtys ») ont découvert que la société BJM n'avait en réalité pas le droit de placer des contrats d'assurance, Mme [F], associée dans la société BJM ayant été condamnée le 2 décembre 2010 par le Tribunal correctionnel de Saintes, pour avoir notamment falsifié des fichiers clients et s'étant vue interdire d'exercer l'activité professionnelle à l'occasion de laquelle l'infraction avait été commise, à savoir le placement de contrats d'assurance, le placement de capitaux et l'emploi dans un établissement financier.
M. [Z] a mis fin au partenariat entre NEMTYS et BJM et a mise en demeure cette dernière, par courrier du 29 décembre 2011, de cesser la distribution de ses produits à compter du 1er janvier 2012.
Cependant, au cours de l'année 2012, soit juste après la rupture par NEMTYS de sa collaboration avec BJM, les sociétés ASF PATRIMOINE et NEMTYS étaient informées par leurs clients que BJM avait rejoint le réseau XENYT, réseau comparable au réseau NEMTYS dont elle était devenue franchisée et qu'elle envoyait aux clients de NEMTYS « des ordres de remplacement type» à signer au profit de BJM elle-même.
NEMTYS a donc immédiatement informé les assureurs, et notamment SURAVENIR, de ce que BJM ne pouvait pas placer de contrat d'assurance ni en recevoir la gestion.
Dans sa lettre à SURAVENIR, Monsieur [Z] prenait soin de préciser que Madame [F] avait fait l'objet d'une interdiction d'exercer l'activité de placement de contrats d'assurance, notamment pour des faits de falsification de documents.
Il rappelait également à SURAVENIR que plusieurs réclamations au sujet de BJM lui avaient été transmises et qu'il avait alors mené son enquête, aux termes de laquelle un certain nombre de « faits susceptibles de constituer une infraction pénale et de porter atteinte aux intérêts des clients de la société ASF Patrimoine ainsi qu'à l'image de celle-ci » lui avaient été révélés.
Pour autant, à la demande de clients, 125 contrats ont été transférés par SURAVENIR de NEMTYS vers BJM, jusqu'à ce qu'au mois de mars 2013 la société SURAVENIR informe ses asurés de la résiliation par la société XENYT de son contrat de franchise avec la société BJM et de la dénonciation par ses soins de son propre partenariat avec la société BJM.
Une information judiciaire a été ouverte le 27 février 2013 et par jugement du tribunal correctionnel de Bordeaux du 07 novembre 2019, M. [J] et Mme [F], les associés de BJM, ont été condamnés pour abus de confiance, escroquerie, blanchiment du produit d'un délit, faux et usage de faux.
Le 19 juin 2014, la société ASF PATRIMOINE a fait délivrer assignation à la société SURAVENIR afin d'obtenir le paiement de commissions qui lui auraient été dues mais seraient restées impayées depuis juillet 2012.
En substance, les sociétés ASF PATRIMOINE et NEMTYS exposaient que la société SURAVENIR, bien qu'informée de l'incapacité de la société BJM d'exercer l'activité de courtage d'assurances, lui aurait frauduleusement transféré des contrats pour supprimer leur droit à commission; ensuite, la société SURAVENIR aurait dénoncé la convention avec BJM pour se retrouver ne plus avoir à payer une quelconque commission à un quelconque courtier.
Par jugement du 20 décembre 2019, le tribunal de commerce de Brest a:
- débouté les sociétés ASF PATRIMOINE et NEMTYS COURTAGE de l'intégralité de leurs demandes,
- condamné solidairement les sociétés ASF PATRIMOINE et NEMTYS COURTAGE à payer à la société SURAVENIR la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- condamné solidairement les sociétés ASF PATRIMOINE et NEMTYS COURTAGE aux dépens,
- condamné solidairement les sociétés ASF PATRIMOINE et NEMTYS COURTAGE à payer à la société SURAVENIR la somme de 20.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Les sociétés ASF PATRIMOINE et NEMTYS COURTAGE sont appelantes de ce jugement.
Par ordonnance du 28 janvier 2021, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables comme nouvelles en appel les demandes formées par la société NEMTYS et visant à voir prononcer à son bénéfice des condamnations contre la société SURAVENIR.
Par conclusions du 05 juillet 2022, les sociétés ASF PATRIMOINE et NEMTYS COURTAGE ont demandé que la Cour:
- infirme le jugement déféré,
A titre principal :
- condamne avant dire droit Suravenir à produire tous les éléments permettant d'établir le montant des commissions dues à Nemtys Courtage et ASF Patrimoine au titre dudit portefeuille de contrats d'assurance-vie ;
- condamne Suravenir, à titre de provision, à payer à ASF Patrimoine, la somme à parfaire de 158.761,18 euros au titre des commissions dues et non versées depuis le mois de juillet 2012 ;
- juge que les sommes dues par Suravenir à ASF Patrimoine porteront intérêts moratoires au taux d'intérêt appliqué par la Banque Centrale Européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage, à compter de la date d'exigibilité des commissions au titre des exercices 2012, 2013, 2014, 2015 et 2016, et ce jusqu'à complet paiement ;
- ordonne la capitalisation des intérêts par année ;
A titre subsidiaire :
- condamne Suravenir à produire tous les éléments permettant d'établir la valeur du portefeuille de contrats d'assurance-vie litigieux ;
- condamne Suravenir, à titre de provision, à payer à ASF Patrimoine, la somme à parfaire de 124.248,12 euros en réparation du préjudice subi ;
En tout état de cause :
- rejette toutes prétentions contraires, comme irrecevables et en tout cas non fondées;
- déboute Suravenir de sa nouvelle demande indemnitaire au titre d'un prétendu abus de droit d'agir ;
- condamne Suravenir à payer à ASF Patrimoine la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice subi ;
- condamne Suravenir à payer à Nemtys Courtage et ASF Patrimoine, la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la présente procédure d'appel, et à la somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la procédure de première instance ;
- condamne Suravenir aux entiers dépens de la procédure avec distraction au profit de l'avocat soussigné aux offres de droit.
Par conclusions du 05 octobre 2021, la société SURAVENIR a demandé que la Cour:
- confirme le jugement déféré,
- y ajoutant, condamne solidairement les appelantes au paiement de la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts pour appel abusif,
- les condamne solidairement au paiement de la somme de 20.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamne aux dépens.
MOTIFS DE LA DECISION:
La société ASF PATRIMOINE n'a pas versé aux débats la ou les conventions qu'elle avait pu conclure avec la société BJM, mais la lecture de l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel de ses dirigeants et associés en reprend l'historique.
Le seul contrat était un contrat de 2004 aux termes duquel la société BJM était rémunérée comme apporteur d'affaires par la société ASF PATRIMOINE, c'est à dire que si la société BJM lui apportait un client susceptible de souscrire par son intermédiaire un contrat d'assurance vie, la société ASF PATRIMOINE versait à la société BJM une commission.
A partir de 2007, sans qu'une convention soit établie, la société BJM sera chargée du conseil et du suivi des clients apportés à la société ASF PATRIMOINE.
A partir de 2009, la société BJF est devenue intermédiaire d'assurance et CIF et à partir de 2010, elle a obtenu un statut de courtier en assurance lui permettant, soit de continuer à être apporteur d'affaire pour un courtier, soit de placer directement elle-même les contrats si elle devenait directement mandataire d'une compagnie.
Ce nouveau statut la destinait à devenir franchisée du nouveau réseau NEMTYS quand la société ASF PATRIMOINE a pris connaissances des condamnations ayant frappé Mme [F] et de l'interdiction d'exercer en étant résulté pour elle.
Or, M. [Z], dirigeant de la société NEMTYS, connaissait Mme [F] et savait par ses clients qu'elle les démarchait personnellement et gérait leurs dossiers.
Cette information a conduit la société ASF PATRIMOINE, le 29 décembre 2011, à rompre ses relations contractuelles avec la société BJM et à la mettre en demeure de cesser toute distribution de ses produits à compter du 1er janver suivant.
Par courrier du 23 juillet 2012, soit six mois plus tard, la société ASF PATRIMOINE va informer de cette situation la société SURAVENIR, affirmant dans son courrier que l'enquête qu'elle a elle-même diligentée 'révèlerait un certain nombre de faits susceptibles de constituer une infraction pénale et de porter atteinte aux intérêts des clients de la société ASF PATRIMOINE ainsi qu'à l'image de celle-ci et de ses fournisseurs'; elle en fournissait quelques exemples, dont la poursuite d'activité de Mme [F] malgré son interdiction judiciaire, la promesse de rendements égaux à 10%, la perception de sommes en espèces.
La société ASF PATRIMOINE exposait alors que la société BJM venait de rejoindre un réseau concurrent XENYT et qu'elle pouvait 'être tentée d'organiser un pillage éventuel du portefeuille de la société ASF PATRIMOINE'.
La société ASF PATRIMOINE terminait en demandant à la société SURAVENIR de 'l'alerter et de bloquer tout ordre de remplacement et de demande d'intervention que vous recevriez directement par la société BJM'.
Ce courrier conduira la société SURAVENIR à répondre quelques jours plus tard (le 30 juillet) en rappelant qu'aux termes des conventions signées avec les sociétés NEMTYS et ASF PATRIMOINE, les commissions sont versées au courtier tant que celui-ci sera le mandataire du souscripteur et qu'en cas de nouveau mandat donné par le souscripteur, les commissions seront versées au nouveau courtier 'sous réserve de son agrément par l'assureur et à compter de la date à laquelle l'assureur aura été avisé'.
La société SURAVENIR terminait son courrier par la phrase suivante 'Au delà des termes de votre alerte, une action concrète est-elle diligentée par vos soins à l'encontre de la société BJM ''.
Par la suite, la société ASF PATRIMOINE a donné son accord au transfert de trente et un contrats.
Elle estime avoir donné cet accord sous la contrainte, la société SURAVENIR l'ayant menacé de 'geler les opérations de gestion' sans expliciter ce que cette menace, pour autant qu'elle en soit une, aurait impliqué.
Il est certain que la société SURAVENIR, compte tenu des informations portées à sa connaissance, a commis une faute d'imprudence en transférant les contrats à la société BJM, d'autant qu'elle n'y était pas obligée, ce transfert, quoique demandé par le souscripteur, ne devant avoir lieu que 'sous réserve de son agrément par l'assureur' du nouveau courtier.
A cet égard, quelques recherches par l'un des enquêteurs privés dont dispose toute compagnie d'assurance aurait conduit à un refus d'agrément, d'autant plus aisément que la société ASF PATRIMOINE avait transmis dans son courrier les références exactes du jugement de condamnation relatif à Mme [F].
Pour autant, la société ASF PATRIMOINE n'a pas pris elle-même les mesures qui s'imposaient.
Aux termes des conventions conclues entre ASF PATRIMOINE et SURAVENIR, et NEMTYS et SURAVENIR, ASF PATRIMOINE et NEMTYS étaient propriétaires de leur clientèle et étaient débitrices d'une obligation de conseil et d'information envers leurs clients (article 4 du protocole).
L'article 8 prévoyait notamment que le courtier engageait sa responsabilité envers ses clients et l'assureur en cas de détournement de fonds par ses mandataires, ses préposés, ses indicateurs.
Or, à aucun moment, la société ASF PATRIMOINE, quoique se prévalant d'avoir mené une enquête menant à la découverte de faits susceptibles de qualification pénale, n'indique dans son courrier du 23 juillet 2012 qu'elle a porté plainte, ou effectué un signalement auprès des autorités judiciaires, ou auprès des autorités de régulation de la profession ou même adressé une lettre circulaire à ses clients pour les mettre en garde.
Ce comportement est à comparer avec celui d'un autre assureur, qui immédiatement après avoir procédé à quelques vérifications, a porté plainte contre BJM (selon l'ordonnance de renvoi).
En l'espèce, six mois après avoir découvert que Mme [F] a été condamnée pour des faits d'abus de confiance et continue d'exercer l'activité qui lui a permis la commission de cette infraction malgré une interdiction judiciaire, la société ASF PATRIMOINE n'a prévenu ni les autorités judiciaires ni même l'autorité de régulation du secteur des assurances.
Elle est intervenue auprès de la société SURAVENIR lorsqu'elle a commencé à craindre la concurrence déloyale et frauduleuse de la société BJM.
Cette carence a conduit la société SURAVENIR en une appréciation erronée des faits de l'espèce, qu'elle a envisagé à tort comme un simple litige entre la société ASF PATRIMOINE et la société BJM comme en témoigne son courrier du 30 juillet dans lequel elle évoque 'la situation litigieuse que vous rencontrez avec votre partenaire courtier'.
La société SURAVENIR a alors choisi de respecter la lettre des conventions conclues avec les sociétés ASF PATRIMOINE et NEMTYS en demandant à la fin de son courrier du 30 juillet ce que la société NEMTYS escomptait entreprendre comme action: il s'agissait en effet de sa clientèle et elle était débitrice envers elle d'un devoir d'information, engageant sa responsabilité envers elle et envers l'assureur en cas de détournement par un de ses partenaires.
La société ASF PATRIMOINE ne peut donc reprocher à la société SURAVENIR de ne pas avoir mis en oeuvre les mesures qu'elle-même n'avait pas prises et d'avoir durant neuf mois entretenu des relations avec la société BJM et procédé au transfert des mandats, qui au demeurant, étaient justifiées par les demandes émanant des souscripteurs.
Lorsque la société SURAVENIR en ensuite pris la mesure des difficultés posées par la société BJM, elle a mis fin aux conventions passées avec cette dernière et ceci avant même l'ouverture de l'information judiciaire.
Lorsque la société SURAVENIR a adressé des courriers aux clients de la société BJM pour leur demander de choisir un autre courtier, ceux-ci n'étaient plus les clients des sociétés ASF PATRIMOINE et NEMTYS, ce dont il résulte qu'aucune clause contractuelle ne s'opposait à l'envoi de ces courriers.
D'autre part, la société SURAVENIR n'a pas fait l'objet de poursuite et les demandes de transfert des mandats n'ont pas été annulées par les clients, ou a tout le moins, pas auprès de SURAVENIR.
Par ailleurs, les attestations des anciens clients des sociétés ASF PATRIMOINE et NEMTYS, rédigées après l'ouverture de l'information et la découverte des faits d'escroquerie et d'abus de confiance, ne peuvent être lues qu'avec circonspection.
Au demeurant, seules les sociétés ASF PATRIMOINE et NEMTYS, dont les victimes étaient les clients, étaient à même d'informer ces derniers de la nécessité de cesser les relations de confiance qu'ils entretenaient avec les associés et dirigeants de la société BJM, l'ordonnance de renvoi, rappelant les propos des parties civiles, ayant mis en exergue combien cette relation comme ayant facilité les infractions.
Enfin, un signalement rapide à l'autorité judiciaire ou à l'autorité de tutelle aurait permis d'éviter le transfert des mandats.
En tout état de cause, les sociétés ASF PATRIMOINE et NEMTYS ne disposent plus de droits sur ces contrats et le jugement ne peut qu'être confirmé en ce qu'il les a déboutées de leurs prétentions, la perte du commissionnement sur ces contrats n'étant pas imputable à la société SURAVENIR.
Le jugement sera en revanche infirmé quant à la condamnation des appelantes au paiement de dommages et intérêts indemnisant une procédure qui aurait été abusive, l'action n'ayant pas été introduite pour d'autre motif que celui de faire valoir leurs droits.
Pour le même motif, il ne sera pas fait droit à la demande supplémentaire présentée devant la Cour.
Les sociétés ASF PATRIMOINE et NEMTYS, qui succombent, sont condamnées aux dépens d'appel.
Les demandes formées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile devant la Cour sont rejetées.
PAR CES MOTIFS:
La Cour,
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné les sociétés ASF PATRIMOINE et NEMTYS à payer à la société SURAVENIR des dommages et intérêts.
Statuant à nouveau:
Déboute la société SURAVENIR de sa demande de dommages et intérêts.
Confirme pour le solde le jugement déféré.
Y ajoutant:
Déboute la société SURAVENIR de sa demande de dommages et intérêts en cause d'appel.
Rejette le surplus des demandes.
Condamne solidairement les sociétés ASF PATRIMOINE et NEMTYS aux dépens.
Rejette les demandes formées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile devant la Cour.
LE GREFFIERLE PRESIDENT