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21/10/2022 | FRANCE | N°19/04485

France | France, Cour d'appel de Rennes, 2ème chambre, 21 octobre 2022, 19/04485


2ème Chambre





ARRÊT N° 531



N° RG 19/04485 - N° Portalis DBVL-V-B7D-P456





(2)







M. [N] [Z]

Mme [R] [C] épouse [Z]



C/



CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ATLANTI QUE VENDEE



















Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée















Copie exécutoire délivrée



le :
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à :

- Me Mikaëlle LE GRAND

-Me Louis NAUX











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 21 OCTOBRE 2022



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseu...

2ème Chambre

ARRÊT N° 531

N° RG 19/04485 - N° Portalis DBVL-V-B7D-P456

(2)

M. [N] [Z]

Mme [R] [C] épouse [Z]

C/

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ATLANTI QUE VENDEE

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Mikaëlle LE GRAND

-Me Louis NAUX

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 21 OCTOBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Aichat ASSOUMANI, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 28 Juin 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 21 Octobre 2022, après prorogations, par mise à disposition au greffe

****

APPELANTS :

Monsieur [N] [Z]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Mikaëlle LE GRAND de la SELARL CABINET GOURVES, D'ABOVILLE ET ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de QUIMPER

Représenté par Me Anthony BEM , Plaidant, avocat au barreau de PARIS

Madame [R] [C] épouse [Z]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Mikaëlle LE GRAND de la SELARL CABINET GOURVES, D'ABOVILLE ET ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de QUIMPER

Représenté par Me Anthony BEM , Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ATLANTIQUE VENDEE

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par Me Louis NAUX de la SELARL LRB, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE

2

EXPOSÉ DU LITIGE :

Aux termes d'un acte sous seing privé régularisé le 15 mars 2007, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Atlantique Vendée (CRCAMAV) a consenti à la SARL Bowling Power Ball les prêts suivants :

- un prêt n°70006049417 d'un montant de 216 000 euros au taux d'intérêt annuel fixe de 4,3300% soit un TEG annuel au taux de 4,3659 %,

- un prêt n°70006069425 d'un montant de 100 000 euros au taux d'intérêt annuel fixe de 3,80% soit un TEG annuel au taux de 4,3659%.

Les époux [Z] en leur qualité de gérants de la société SARL Bowling Power Ball se sont portés caution solidaire des engagements de la société, dans la limite de la somme de 410 800 euros pour une durée de 108 mois.

La SARL Bowling Power Ball a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire à compter du 20 juillet 2011.

La CRCAMAV, a déclaré sa créance au passif de la société SARL Bowling Power ball.

Par jugement du 26 novembre 2014 la société SARL Bowling Power Ball a été placée en liquidation judiciaire.

Par exploit introductif en date du 10 décembre 2015, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Atlantique Vendée a assigné en paiement M. et Mme [Z] devant le tribunal de grande instance de Nantes.

Par jugement du 28 mai 2019, le Tribunal de grande instance de Nantes a condamné M. [N] [Z] et Mme [R] [C], épouse [Z] solidairement à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Atlantique Vendée :

- La somme de 71 280,19 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 décembre 2014 au titre du prêt n° 70006049417

- La somme de 37 706,38 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 décembre 2014 au titre du prêt n° 70006049425

- Dit que les intérêts échus pour une année entière à compter du 10 décembre 2015 produiront intérêts dans les conditions prévues à l'article 1154 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

- Condamné M. [N] [Z] et Mme [R] [C], épouse [Z] in solidum aux dépens de l'instance, avec recouvrement direct au profit de la selarl LRB Avocats conseils dans les conditions prévues à l'article 699 du code de procédure civile ;

M et Mme [Z] sont appelants du jugement et par dernières conclusions notifiées le 27 août 2019, ils demandent de :

- Infirmer le jugement rendu, le 28 mai 2019, par le Tribunal de grande instance de Nantes en ce qu'il a débouté les appelants de leurs arguments relatifs à la disproportion de leur engagement de caution.

' Déclarer inopposable à Mme [R] [Z] l'engagement de caution conclu, le 15 mars 2007, entre les parties ;

' Déclarer inopposable à M. [N] [Z] l'engagement de caution conclu, le 15 mars 2007, entre les parties ;

' Débouter le Crédit Agricole de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

A titre subsidiaire :

Si par extraordinaire, la Cour de céans devait considérer que le contrat de cautionnement souscrit par les époux [Z] n'est pas disproportionné, de sorte qu'il leur est opposable, il devra alors :

' Constater l'absence d'information annuelle de la caution depuis la conclusion de l'engagement de caution solidaire et jusqu'à ce jour ;

' Constater l'absence d'information de la caution sur les incidents de paiements intervenus depuis la conclusion de l'engagement de caution solidaire et jusqu'à ce jour ;

En conséquence :

- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la banque du droit aux intérêts conventionnels.

' Prononcer la déchéance du droit du Crédit Agricole aux intérêts échus et intérêts ou pénalités de retard, conventionnels ou légaux ;

' Débouter le Crédit Agricole de ses demandes de condamnation au paiement des intérêts échus, des pénalités et des intérêts de retard, conventionnels ou légaux ;

A titre reconventionnel :

' Condamner le Crédit Agricole à payer la somme de 50 000 euros, à chacune des cautions, à titre de dommages-intérêts pour manquement à son devoir de mise en garde.

' Condamner le Crédit Agricole à verser à la caution la somme de 10 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile;

' Condamner le Crédit Agricole aux entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 29 mars 2021, la CRCAM Atlantique Vendée demande de :

- Confirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance de Nantes du 28 mai 2019 en ce qu'il a écarté la disproportion et débouté M. et Mme [Z] de leurs demandes à ce titre,

- Réformer le jugement du Tribunal de Grande Instance de NANTES du 28 mai 2019 en ce qu'il a déchu le crédit agricole de son droit aux intérêts contractuels et cantonné le montant de sa créance aux sommes suivantes :

- Au titre du prêt n°70006049417 : 71 280,19 euros

- Au titre du prêt n°70006049425 : 37 706,38 euros

Statuant à nouveau,

- Condamner solidairement M. [N] [Z] et Mme [R] [C] épouse [Z] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Atlantique Vendée les sommes suivantes :

- au titre du prêt n° 70006049417 : la somme de 98 894,54 euros arrêtée au 7 septembre 2015 outre les intérêts au taux de 4,33% sur la somme de 89 530,10 euros à compter du 7 septembre 2015 et jusqu'au parfait règlement et les intérêts au taux légal sur la somme de 6 295,57 euros à compter du 7 septembre 2015 et ce jusqu'à parfait règlement,

- au titre du prêt n°70006049425 : la somme de 49 778,23 euros arrêtée au 7 septembre 2015 outre les intérêts au taux de 3,80% sur la somme de 44 831,23 euros, à compter du 7 septembre 2015 et jusqu'à parfait règlement et les intérêts au taux légal sur la somme de 3 156,387 euros à compter du 7 septembre 2015 et ce jusqu'à parfait règlement,

- Ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux termes des dispositions de l'article 1154 du code civil,

En tout état de cause,

- Condamner solidairement M. [N] [Z] et Mme [R] [C] épouse [Z] à payer à la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel Atlantique la somme de 5 000 euros au visa des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner les mêmes aux entiers dépens de l'instance recouvrés directement conformément aux dispositions de l'article 699, du code de procédure civile ,

- Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions visées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 avril 2022 :

MOTIFS DE LA DÉCISION :

En application des dispositions de l'article L 332-1 du code de la consommation un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement de caution était disproportionné à ses biens et revenus à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Il appartient aux cautions de faire la preuve du caractère disproportionné de leur engagement à la date de la souscription.

Mme [Z] justifie avoir antérieurement souscrit un engagement de caution auprès de la DIAC et pour lequel elle devait une garantie en principal de 13 121,46 euros au 31 décembre 2005.

Les époux [Z] justifient également avoir souscrit un emprunt d'un montant de 12 000 euros auprès de la société Carrefour suivant offre préalable acceptée le 13 avril 2004 sans précision quant au capital restant dû à la date des cautionnements critiqués.

Il ressort de l'avis d'imposition des revenus 2007 des époux [Z] que ceux-ci ont déclaré des revenus salariaux pour un total de 61 882 euros. Ils étaient redevables d'échéances de prêts immobiliers à hauteur de 1 003,03 euros et devaient assurer les charges courantes pour eux-mêmes et trois enfants à charge.

Il ressort de l'état hypothécaire levé par la banque qu'ils avaient fait l'acquisition de leur immeuble situé à [Localité 4] (44) le 8 juillet 2004 pour un prix de 180 000 euros financé par un prêt immobilier consenti par le Crédit Mutuel. Suivant le tableau d'amortissement versé aux débats, le capital restant du à la date des cautionnements s'élevait à la somme de 142 281,77 euros.

Cet immeuble a été vendu le 8 mars 2010 pour la somme de 257 800 euros.

Il pourra être ainsi retenu qu'au maximum, à la date des cautionnements, la valeur nette pouvant être tirée de l'immeuble se situait aux alentours de 115 000 euros.

La CRCAM Atlantique Vendée fait grief aux époux [Z] de ne pas justifier de leur situation au regard de diverses sociétés dont ils assurent la gérance et pour lesquelles il leur a été vainement enjoint de communiquer pour chacune les statuts, les bilans et les procès verbaux arrêtant la rémunération des gérants.

Il sera relevé suivant les avis de publication au Bodacc produits par la banque relativement à ces sociétés que s'agissant de la société Financière [Z], elle a été immatriculée le 5 juillet 2017, que la société Cache à L'Ouest a été immatriculée le 11 juillet 2017, que la société Shoes à L'Ouest a été immatriculée le 14 février 2012, que la société Tap à l'Ouest a été immatriculée le 20 janvier 2009 et que la société Super Ouest a été immatriculée le 11 juillet 2012. Il apparaît dès lors que toutes ces sociétés ont été créées postérieurement aux cautionnements attaqués et ne sauraient constituer tout ou partie des biens et revenus des cautions à la date de leur engagement.

La CRCAM Atlantique Vendée ne fournit par ailleurs aucun élément de nature à établir de lien entre les cautions et les SCI Le Général, BV et Sucré Salé.

S'il ressort d'une télécopie du 18 janvier 2007 que M et Mme [Z] ont indiqué avoir bénéficié dans le cadre du projet de bowling d'un prêt familial d'un montant de 300 000 euros il ne saurait en être déduit ainsi que soutenu par la banque que l'octroi de ce prêt constituerait l'indice de l'existence d'un important patrimoine ce qui en l'absence de tout autre élément reste de pure conjecture.

La banque ne saurait par ailleurs voir intégrer dans le patrimoine des cautions à la date des engagements en 2007, les valeurs en compte courant dont la reprise a été prévue dans le cadre de la cession d'activité intervenue au mois d'avril 2010 sans autre élément sur l'origine des fonds.

En l'absence d'éléments de nature à imputer aux époux [Z] une déclaration incomplète de leur patrimoine, il apparaît que les cautionnements donnés par eux à hauteur de la somme de 410 800 euros étaient manifestement disproportionnés à leurs biens et revenus à la date de leur engagement.

S'agissant du patrimoine des époux [Z] à la date où ils ont été appelés le 10 décembre 2015, il ressort de l'une des fiches de synthèse patrimoniales que postérieurement à la cession le 8 mars 2010 de leur immeuble situé [Adresse 7] à [Localité 4] (44) ils ont pu faire l'acquisition d'un immeuble situé [Adresse 5] à [Localité 1] d'une valeur de 345 000 euros. Il ressort des renseignements fournis que les époux [Z] dont il n'est pas contesté qu'ils sont mariés sous un régime de séparation de bien, sont propriétaires pour moitié indivise de cet immeuble.

Les cautions ne fournissent aucun élément sur leur situation financière qui soit susceptible d'affecter la valeur patrimoniale de ce bien à la date où elles ont été appelées.

Au regard de droits patrimoniaux pouvant être évalués à tout le moins pour chacun à hauteur de 172 500 euros et d'une demande en paiement formée à hauteur de la somme de 144 617,69 euros, il apparaît que le patrimoine de M et Mme [Z] permet à chacun d'eux de faire face à l'engagement de caution qu'ils ont souscrit.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu que les cautions étaient tenues de l'engagement des cautions souscrites.

Par application de l'article L. 313-22 du Code Monétaire et Financier dans sa rédaction applicable au litige, les établissements de crédit ou les sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.

Le défaut d'accomplissement de la formalité prévue à l'alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.

Pour contester la déchéance prononcée par le tribunal, la CRCAM Atlantique Vendée produit, pour chacune des années 2009, 2010, 2011, 2012, 2013, 2014, 2015, 2016, et 2017 un procès-verbal de constat aux termes duquel l'huissier de justice indique, après avoir procédé par sondage, que les courriers préparés par la banque et insérés dans les enveloppes destinées aux cautions contenaient les mentions relatives à l'information annuelle obligatoire, et que les plis ont été chargés dans un camion affrété par la Poste.

Ces constats sont complétés pour les années 2008, 2009, 2010, 2011, 2013, 2014, 2015 2016 et 2017 par les copies des lettres d'information destinées à M. [Z] et pour les années 2013, 2014, 2015, 2016 et 2017 par les copies des lettres d'information destinées à Mme [Z].

Il sera constaté s'agissant des courriers destinés à M. [Z] qu'il n'est pas produit de constat attestant de l'envoi du courrier daté du 1er mars 2008.

S'agissant des courriers d'informations datés des 1er mars 2009, 1er mars 2010, et 1er mars 2011, il sera constaté que les procès verbaux de constat produits ne peuvent concerner ces courriers puisque les constats d'huissier attestant de l'envoi des courriers sont datés des 24 février 2009, 24 février 2010 et 21 février 2011 soit à une date antérieure à l'établissement des courriers d'information.

S'agissant de l'information annuelle devant être adressée au 1er semestre 2012 sur l'état des engagements au 31 décembre 2011, la banque n'a pas produit les courriers permettant de vérifier l'accomplissement des formalités et le contenu de l'information devant être adressée aux cautions. Il en va de même des courriers d'informations qui auraient du être adressés à Mme [Z] pour les années 2008, 2009, 2010 et 2011.

Il apparaît en revanche que par la production des courriers d'information et des constats attestant de leur envoi, le prêteur justifie de l'accomplissement des formalités d'information à sa charge à compter du 20 mars 2013 date du constat de l'envoi de l'état des engagements des cautions au 31 décembre 2012 et pour les années postérieures jusqu'au mois de mars 2017.

Il en résulte que la CRCAM Atlantique Vendée est déchue des intérêts et pénalités contractuels de l'origine du prêt jusqu'au 20 mars 2013.

C'est en conséquence par de justes motifs que les premiers juges ont retenu que pour le prêt 70006049425 et suivant la déclaration de créance du 26 juillet 2011, il apparaît que la société Bowling Power Ball a honoré les échéances jusqu'à celle du mois d'avril 2011, soit un total de 62 293,62 euros si bien qu'il peut être réclamé aux cautions à cette date la somme de 37 706,38 euros ; que pour le prêt 70006049417, il résulte de la déclaration de créance 26 juillet 2011, que la société Bowling Power Ball a honoré les échéances jusqu'à celle du mois d'avril 2011, soit un total de 144 719,81 euros si bien qu'il peut être réclamé aux cautions en principal à cette date la somme de 71 280,19 euros.

Dans la mesure où il n'est pas justifié de paiements postérieurs, le jugement sera confirmé sur ces fixations mais réformé sur les intérêts, la banque pouvant réclamer aux cautions les paiements des intérêts contractuels postérieurement au 20 mars 2013 jusqu'au 31 décembre 2017 suivant les pièces produites.

S'agissant de la demande reconventionnelle au titre du devoir de mise en garde de la banque, la CRCAM Atlantique Vendée soutient que M et Mme [Z] sont des cautions averties et qu'elle n'était tenue d'aucun devoir de mise en garde à leur égard.

S'il ressort du projet des époux [Z] que ces derniers se sont engagés dans la création du bowling aux fins d'exercer la gérance de la société d'exploitation de l'équipement, il n'en résulte pas qu'ils disposaient d'une compétence financière particulière. Suivant les explications fournies par la banque Mme [Z] était responsable d'une agence d'intérim et M. [Z] était directeur commercial d'une société et qu'ils étaient en conséquence tous deux salariés.

Au regard de ces éléments, il n'est pas établi qu'à la date des cautionnements, M et Mme [Z] avaient une compétence ou expérience de la vie des affaires permettant de retenir qu'ils avaient la qualité de caution avertie dispensant la banque de son devoir de mise en garde.

Du fait de la qualité de caution profane de M et Mme [Z], la CRCAM Atlantique Vendée était débitrice à leur égard d'un devoir de mise en garde en cas de risque excessif d'endettement du débiteur principal et d'insuffisance de leurs capacités de remboursement.

S'agissant du risque d'endettement excessif du débiteur principal, l'obligation cautionnée portait sur deux prêts, consentis le 15 mars 2007, à la SARL Bowling Power Ball pour un montant total de 316 000 euros pour une durée de 7 ans au taux de 4,36% pour l'un et 3,8 % pour l'autre générant des remboursements mensuels de 4 343,08 euros.

Les époux [Z] font valoir que ces engagements étaient manifestement inadaptés aux capacités financières d'une SARL au capital de 5 000 euros créée dans les jours précédents sur la base d'une étude prévisionnelle dépourvue de conviction quant à la viabilité économique de la société.

Il sera cependant constaté que les époux [Z] n'expliquent pas en quoi les engagements auraient été manifestement inadaptés aux capacités financières de la SARL. Il sera sur ce point relevé qu'au moment de la reprise d'activité par le nouveau gérant au mois d'avril 2010, il était retenu que le caractère décevant de l'exercice de l'année 2009 était imputé à un manque de présence et de dynamisme des gérants dans l'animation commerciale le prévisionnel de chiffre d'affaires de 500 000 euros par an permettant de viabiliser l'activité étant estimée tout à fait réalisable ; Il sera par ailleurs relevé que les échéances des prêts ont pu être acquittées jusqu'au mois d'avril 2011 soit pendant près de 4 ans ce qui tend à confirmer le caractère adapté des échéances de ce prêt.

Il n'apparaît pas dès lors que les engagements cautionnés exposaient le débiteur principal à un risque excessif d'endettement justifiant la mise en garde des cautions.

Il a en revanche été vu plus avant que les cautionnements donnés excédaient les capacités de remboursement des cautions ce qui justifiait que le prêteur les mettent en garde en raison de l'inadaptation des cautionnements à leur situation financière.

Le préjudice des époux [Z] à raison du manquement de la banque à son obligation de mise en garde ne résulte jamais que dans une perte de chance de ne pas s'engager.

En l'espèce, il sera retenu que les cautionnements avaient vocation à permettre le financement d'un bâtiment à usage de commercial destiné à une activité de sport de loisirs dont les époux [Z] devaient exercer la co-gérance et en percevoir les revenus.

Il apparaît en conséquence que les époux [Z] avaient tous deux un intérêt personnel important à la réalisation de l'opération qu'ils devaient personnellement conduire.

Au regard de ces éléments, la perte de chance de chacun de ne pas contracter si la banque les avaient mis en garde sur l'inadaptation de leur cautionnement à leur situation financière telle qu'elle a plus haut été rappelée sera intégralement et complètement indemnisée par l'allocation d'une somme de 10 000 euros à chacun.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Le jugement sera confirmé sera confirmé en ces autres dispositions non querellées.

Les époux [Z] qui succombent pour l'essentiel seront condamnés aux dépens sans qu'il y ait lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la CRCAM Atlantique Vendée.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Infirme partiellement le jugement rendu le 28 mai 2019 par le tribunal de grande instance de Nantes et statuant à nouveau sur l'entier litige.

Condamne M. [N] [Z] et Mme [R] [C], épouse [Z] solidairement à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Atlantique Vendée :

- La somme de 71 280,19 euros outre les intérêts au taux contractuel de 4,33 % à compter du 20 mars 2013 jusqu'au 31 décembre 2017 au titre du prêt n° 70006049417

- La somme de 37 706,38 euros les intérêts au taux contractuel de 3,80 % à compter du 20 mars 2013 jusqu'au 31 décembre 2017 au titre du prêt n° 70006049425

- Dit que les intérêts échus pour une année entière à compter du 10 décembre 2015 produiront intérêts dans les conditions prévues à l'article 1154 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Atlantique Vendée à payer à M. [N] [Z] la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Atlantique Vendée à payer à Mme [R] [C] épouse [Z] la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne M. [N] [Z] et Mme [R] [C], épouse [Z] in solidum aux dépens de première instance et d'appel.

Accorde le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19/04485
Date de la décision : 21/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-21;19.04485 ?
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