La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/10/2022 | FRANCE | N°21/07945

France | France, Cour d'appel de Rennes, 5ème chambre, 19 octobre 2022, 21/07945


5ème Chambre





ARRÊT N°-305



N° RG 21/07945 - N° Portalis DBVL-V-B7F-SKE4













JSR SAS



C/



S.C.I. VANESS



















Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée















Copie exécutoire délivrée



le :



à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE<

br>
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 19 OCTOBRE 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,





GREFFIER :



Madame Catherine...

5ème Chambre

ARRÊT N°-305

N° RG 21/07945 - N° Portalis DBVL-V-B7F-SKE4

JSR SAS

C/

S.C.I. VANESS

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 19 OCTOBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 29 Juin 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 19 Octobre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

JSR SAS Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au dit siège

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Chantal ASTRUC, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

S.C.I. VANESS

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Jean-marc LEON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

Par acte sous seing privé en date du 21 novembre 2016, la Société JSR a loué auprès de la SCI Vaness un local commercial sis [Adresse 3].

Ce bail a été consenti pour une durée de dix années entières et consécutives à compter du 5 janvier 2017 jusqu'au 4 janvier 2027. Le loyer initial a été fixé à la somme de 90 000 euros hors charges et hors taxes par an.

Selon exploit en date du 5 mai 2021, la SCI Vaness a fait délivrer au locataire une sommation de payer visant un principal de 50 986,93 euros correspondant aux loyers dus au titre des premiers et deuxième trimestre de l'année 2021 et à une régularisation de charges au titre des années 2018, 2019 et 2020. Cette sommation de payer est demeurée infructueuse.

Selon acte en date du 4 juin 2021, la SCI Vaness a saisi en référé le président du tribunal judiciaire de Nantes.

Par ordonnance en date du 2 décembre 2021, le juge de référés du tribunal judiciaire de Nantes, dans sa formation collégiale, a :

- condamné la SAS JSR à payer à la SCI Vaness une provision de 45 000 euros au titre des loyers et charges échus, avec intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2021, date de la sommation de payer et une somme de

4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté la demande de délais,

- condamné la SAS JSR aux dépens.

Le 21 décembre 2021, la société JRS a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 8 avril 2022, elle demande à la cour de :

- la recevoir en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Y faisant droit,

- infirmer l'ordonnance rendue le 2 décembre 2021 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Nantes,

Statuant de nouveau :

In limine litis :

- renvoyer la SCI Vaness à mieux se pourvoir au fond devant le tribunal judiciaire de Nantes déjà saisi par l'opposition avec assignation de la société JSR,

- condamner en conséquence la SCI Vaness à rembourser à la société JSR la somme de 49 558,20 euros versée en exécution des condamnations prononcées par l'ordonnance de référé du 2 décembre 2021,

Sur le fond, si par extraordinaire il n'était pas fait droit à l'exception d'incompétence,

A titre principal :

- la juger bien fondée à se prévaloir de la suspension de son obligation de paiement du loyer en raison de la crise sanitaire liée à la Covid-19 qui constitue un cas de force majeure ainsi qu'au regard de l'attitude exempte de bonne foi du bailleur qui l'autorise à invoquer l'exception d'inexécution,

A titre subsidiaire :

- la juger recevable et bien fondée à se prévaloir de la perte partielle de la chose louée et de l'imprévision afin de solliciter une remise du loyer depuis le début de la crise sanitaire,

A titre infiniment subsidiaire pour le cas où par impossible une condamnation était prononcée à l'encontre de la société JSR :

- lui accorder des délais de paiement pour régler toute condamnation qui pourrait être mise à sa charge,

En tout état de cause :

- juger qu'il existe des contestations sérieuses quant à l'obligation de paiement du loyer et des charges telle que visée dans la sommation du 5 mai 2021,

- juger sans cause les appels de provisions sur charges de 2017 à 2020 inclus,

- ordonner par provision leur remboursement pour un montant de 22 100 euros HT soit 26 250 euros TTC ou, à tout le moins, condamner par provision la SCI Vaness à lui rembourser une somme de 5 616 euros correspondant aux charges non exigibles et/ou injustifiées de 2018 à 2020,

- débouter la SCI Vaness de toutes demandes fins et conclusions contraires aux présentes,

- condamner la SCI Vaness à lui rembourser la somme de 49 558,20 euros versée en exécution des condamnations prononcées par l'ordonnance de référé du 2 décembre 2021,

- condamner la SCI Vaness à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 14 mars 2022, la SCI Vaness demande à la cour de :

- confirmer l'ordonnance de référé rendue en ce qu'elle a considéré que sa créance n'était pas affectée d'une contestation sérieuse au sens des dispositions de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile,

- confirmer l'ordonnance de référé en ce qu'elle a condamné la société JSR à lui payer une somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- réformer l'ordonnance de référé quant au quantum des sommes allouées à la SCI Vaness, à savoir une somme de 45 000 euros au titre de l'arriéré de loyers et au titre de l'arriéré de charges,

- déclarer irrecevable en application de l'article 564 du code de procédure civile l'exception d'incompétence soulevée par la SAS JSR fondée sur les dispositions de l'article 771 du code de procédure civile,

- en tout état de cause rejeter cette exception d'incompétence,

Statuant de nouveau,

- condamner par provision la société JSR à lui payer la somme de 49 177,70 euros TTC au titre de l'arriéré de loyers et de l'arriéré de charges, outre intérêts au taux légal à compter de la sommation de payer en date du 5 mai 2021,

- condamner la société JSR à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, outre aux entiers dépens, qui comprendront le coût de la sommation de payer en date du 5 mai 2021.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 juin 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'exception d'incompétence

La société JSR soulève l'incompétence du juge des référés au profit du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nantes qu'il indique saisi antérieurement au juge des référés.

Elle rappelle que devant le juge des référés, l'incompétence de ce dernier avait été soulevée au motif de contestations sérieuses, qu'il ne peut donc être prétendu qu'elle présente là une demande nouvelle.

La SCI Vaness s'oppose à cette exception d'incompétence objectant que cette demande est nouvelle et qu'en outre, une telle antériorité n'est pas démontrée.

Aux termes de l'article 771 ancien du code de procédure civile invoqué par l'appelante devenu l'article 789 du code de procédure civile suite au décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent à l'exclusion de toute autre formation du tribunal pour :

...

2° allouer une provision pour le procès.

Le juge des référés a été saisi le 4 juin 2021.

Il est justifié par l'intimée, en l'espèce, que le juge de la mise en état dans l'affaire opposant les parties devant le tribunal judiciaire, n'a été désigné que le 14 décembre 2021, soit postérieurement à l'ordonnance rendue par le juge des référés.

Ce dernier était donc compétent pour statuer sur le présent litige.

Sur la demande de provision

La société JSR rappelle que le gouvernement par arrêtés des 14 et 15 mars 2020, complétés par d'autres textes réglementaires, a ordonné la fermeture des lieux accueillant du public, considérés comme non indispensables à la vie de la nation, que le confinement a été ordonné par décret du 17 mars 2020, qu'elle a donc été dans l'impossibilité d'exploiter le local loué, à trois reprises du 15 mars 2020 au 10 mai 2020, puis du 30 octobre 2020 au 27 novembre 2020, puis du 4 avril 2021 au 18 mai 2021.

Elle oppose diverses contestations à la bailleresse, qu'elle considère ne pouvoir être tranchées que par le seul juge du fond, arguant que :

- ces mesures sont constitutives d'une force majeure, justifiant la suspension de son obligation à paiement des loyers,

- la bailleresse a manqué à ses obligations d'une part d'exécution de bonne foi du bail et d'autre part de délivrance, lui permettant de prétendre à une exception d'inexécution,

- l'impossibilité d'exploiter équivaut à une perte partielle de la chose louée, de nature à justifier une remise du loyer durant les périodes de fermeture soit 4 mois et demi,

- la crise sanitaire constitue une cause d'imprévision dans les termes de l'article 1195 du code civil, justifiant une remise des loyers.

S'agissant plus particulièrement des sommes réclamées au titre de charges, elle oppose également diverses contestations et prétend à un remboursement des charges qu'elle estime indues et/ou injustifiées.

La SCI Vaness conteste toute force majeure. Elle souligne d'ailleurs que la capacité financière de la locataire était meilleure au 31 mars 2021 qu'à pareille date, l'année précédente, et ce malgré la crise sanitaire.

Elle conteste toute mauvaise foi, rappelant avoir consenti des concessions importantes dans le cadre d'un protocole transactionnel en date du 4 juin 2020, avoir accepté de ne pas percevoir le loyer de novembre 2020 d'un montant de 7 855,22 euros HT en régularisant un avoir du 4 février 2021. Elle ajoute que le trouble de jouissance constitué par l'obligation de fermeture administrative du commerce n'est pas garanti par le bailleur.

Pas davantage, la fermeture administrative du commerce ne constitue, selon elle, une perte partielle de la chose louée.

Enfin, elle considère que la locataire n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions de l'article 1195 du code civil, observant qu'en l'espèce, elle ne peut reprocher à son bailleur d'être de mauvaise foi.

Elle invoque en conséquence une créance de 40 105,40 euros au titre des loyers restant dus au 4ème trimestre 2021, observe d'ailleurs que les loyers des 3ème et 4ème trimestre 2021 ont été réglés par la locataire sans difficultés.

Elle fait valoir que l'arriéré de charges s'élève à la somme de 9 072,25 euros et par voie d'infirmation entend obtenir la condamnation de la société JSR au paiement d'une provision de 49 177,70 euros au titre des loyers et charges.

En application de l'article 835 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution d'une obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

La société JSR exerce une activité de commerce de vêtements et de chaussures pour hommes, par l'intermédiaire d'un réseau de distribution, et au sein de 70 boutiques en propre, sous le nom commercial et la marque IZAC. Son dernier effectif est de 368 salariés.

Selon le bail consenti pour les lieux situés [Adresse 3], l'activité commerciale prévue est la vente de tout article concernant l'équipement de la personne.

Les périodes de fermeture de ce commerce en application des diverses mesures gouvernementales prises dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire pour lutter contre la pandémie de Covid-19, affectant son commerce, ne sont pas contestées.

Il n'est pas contesté qu'en application des clauses contractuelles, le loyer pour le 2ème trimestre 2021 s'élève à 30 078,79 euros, ni que ce montant n'a pas été réglé au bailleur, comme partie du loyer du 1er trimestre 2021 à hauteur de 10 026,66 euros représentant le mois de mars 2021.

- sur la force majeure

L'appelante se fonde sur l'article 1218 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, relatif à la force majeure en matière contractuelle, estimant que la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 doit être qualifiée d'événement de force majeure.

La force majeure se caractérise par la survenance d'un événement extérieur au débiteur, imprévisible et irrésistible, rendant impossible l'exécution de l'obligation.

Or, l'obligation de paiement d'une somme d'argent est toujours susceptible d'exécution, le cas échéant forcée, sur le patrimoine du débiteur. Elle n'est, par nature, pas impossible : elle est seulement plus difficile ou plus onéreuse.

La jurisprudence considère ainsi qu'un débiteur d'une obligation contractuelle de somme d'argent (telle qu'une société preneuse) ne peut s'exonérer de cette obligation en invoquant un cas de force majeure.

La société JSR ne peut en particulier prétendre n'avoir bénéficié que de très peu d'aides de l'Etat en contre partie de ces mesures de fermeture administrative, alors que les éléments du bilan produits pour la période du 1er avril 2020 au 31mars 2021 font ressortir qu'elle a perçu 262 210,96 euros de subventions d'exploitations, dont notamment 10 000 euros du fonds de solidarité, et 200 000 euros d'aide de l'Etat.

Si la société JSR justifie avoir clôturé son bilan au 31 mars 2021 avec une perte de 3 203 980 euros, il est aussi justement relevé par l'intimée que sa trésorerie n'était pas, ainsi qu'elle le prétend, fragilisée, le document comptable produit aux débats faisant ressortir des disponibilités d'un montant de 33 612 120 euros au 31 mars 2021, alors qu'elles étaient d'un montant de 11 250 270 euros au 31 mars 2020.

Ainsi le juge des référés, à raison, a écarté la contestation tirée de la force majeure.

- sur le manquement du bailleur à ses obligations d'exécuter le contrat de bonne foi et de délivrance

La société JSR entend se prévaloir de l'exception d'inexécution en application des articles 1219 et 1220 du code civil et fait grief à son bailleur, qui avait reconnu ses difficultés dans le cadre d'un protocole transactionnel le 4 juin 2020, d'avoir de mauvaise foi délivré sommation de payer dès le 5 mai 2021, alors qu'elle avait accepté que les paiements soient arrêtés au 28 février 2021.

Elle soutient aussi que la SCI Vaness, si elle n'est pas responsable de la fermeture du magasin, n'a cependant pas été en mesure de délivrer le local contractuellement prévu au locataire, et objecte que l'obligation à paiement du loyer est le corollaire de la jouissance des lieux.

Il est tout d'abord inexact, aux fins de caractériser une mauvaise foi du bailleur, de prétendre que le protocole transactionnel intervenu entre les parties le 4 juin 2020 l'a été à l'initiative de la seule société locataire.

En effet, si ce document mentionne que la société JSR a souhaité attirer l'attention de son bailleur en vue de trouver une solution amiable pour le règlement des loyers du 2ème trimestre 2020 au regard de difficultés financières rencontrées par cette dernière, cet accord précise qu'un tel courrier n'a jamais été remis au bailleur et que celui-ci, concomitamment est entré en relation avec le preneur en vue de trouver une solution amiable tenant compte du contexte économique.

Au terme de ce protocole, le bailleur a consenti début juin 2020 à une franchise de deux mois de loyers (avril et mai 2020) et le locataire s'est engagé à régler dans les 72 heures le loyer de juin 2020 et de manière anticipée les loyers du 3ème trimestre 2020.

Le bailleur a donc pris en compte la situation du preneur. Les affirmations d'appelante selon lesquelles il aurait été convenu d'arrêter les paiements au 28 février 2021 dans l'attente de la réouverture de la boutique le 19 mai 2021 ne sont corroborées par aucune pièce, ne ressortant que d'un seul courrier de sa part au bailleur en faisant état.

Il n'est donc nullement établi que la SCI Vaness a délivré de mauvaise foi, le 5 mai 2021, la sommation de payer les loyers dus de mars 2021 à juin 2021.

À juste titre, la bailleresse souligne que le défaut de jouissance des lieux en raison des mesures gouvernementales qui ont considéré l'activité du preneur comme non essentielle, ne lui est pas imputable, et que, pour sa part, elle n'a pas entravé la jouissance des lieux.

A défaut de tout manquement du bailleur à ses obligations, le moyen tiré de l'exception d'inexécution n'est pas retenu.

- sur la destruction partielle de la chose louée

L'article 1722 du code civil dispose :

Si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n'est détruite qu'en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail.

Le bien loué n'a pas été détruit ne serait-ce que partiellement ; il ne souffre d'aucune non-conformité. L'impossibilité d'exploiter s'explique par l'état d'urgence sanitaire qui ne vise que l'activité économique exercée et non pas les locaux, lesquels sont demeurés accessibles au preneur.

Le moyen tiré de la destruction partielle n'est pas retenu. La cour partage l'analyse des premiers juges qui ont écarté cette contestation.

- sur l'imprévision

La société JSR fait grief à son bailleur de n'avoir pas renégocié les conditions contractuelles, au motif que la crise sanitaire mondiale du Covid-19, qualifiée d'urgence de santé publique de portée internationale par l'Organisation Mondiale de la Santé le 30 janvier 2020, constitue une cause d'imprévision telle que prévue par l'article 1195 du code civil, celle-ci ayant entraîné la fermeture administrative du local loué pendant 4 mois et demi.

L'article 1195 du code civil, issu de l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016, en vigueur depuis le 1er octobre 2016 dispose :

Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l'exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n'avait pas accepté d'en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation.

En cas de refus ou d'échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu'elles déterminent, ou demander d'un commun accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut d'accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d'une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu'il fixe.

Il est relevé justement par la SCI Vaness que la renégociation du contrat prévue par ces dispositions est une illustration de l'obligation d'exécuter de bonne foi les conventions.

La cour a précédemment écarté tout manquement du bailleur à son obligation de bonne foi, a relevé que le protocole transactionnel du 4 juin 2020 avait été initié par la bailleresse et souligné qu'il n'était nullement démontré que les parties avaient convenu à la demande de la société JSR d'arrêter les paiements des loyers au 28 février 2021.

C'est donc par une juste appréciation que les premiers juges ont considéré que, dans ces circonstances, le bailleur n'était pas tenu d'accorder à la société JSR une remise partielle de la dette ou des délais de grâce au titre des loyers de mars à juin 2021.

En conséquence, il y a lieu de considérer que l'obligation de la société JSR de payer les loyers réclamés (mars à juin 2021 pour un total de 40 105,40 euros) n'est pas sérieusement contestable.

S'agissant de la somme réclamée devant la cour au titre des charges ramenée à 9 072,25 euros par la SCI Vaness, cette dernière verse aux débats un décompte des charges 2018, 2019, 2020 listant les charges annuellement dues au titre des charges de copropriété (10 234,77 euros), de l'assurance

(593,48 euros) et de la taxe foncière (12 744 euros).

La bailleresse indique également dans ce décompte que la société JSR a versé au titre des charges des provisions de 6 000 euros en 2018, 6 800 euros en 2019, et 1 700 euros en 2019 soit pour les trois années, une somme de 14 500 euros. Il n'est établi par l'appelante qu'elle a versé davantage à ce titre.

La société JSR n'entend pas contester les sommes réclamées au titre des impôts fonciers, qu'au demeurant la SCI Vaness justifie par la production des avis délivrés.

Le bail prévoit le remboursement par la locataire des charges communes à l'ensemble immobilier dont dépendent les lieux loués, y compris.. les primes d'assurances de l'immeuble. La cour considère que les sommes réclamées au titre des primes d'assurances sont ici sujettes à discussion, en ce que la clause précitée mérite interprétation afin de déterminer s'il s'agit des seules primes d'assurance de l'immeuble ou des primes d'assurance du local (ici réclamé) ; or, il n'entre pas dans les pouvoirs du juge des référés de procéder à cette interprétation, de sorte que sur ce point la société JSR élève une constatation sérieuse.

Le bail prévoit le remboursement par le locataire des coûts de fourniture et de consommations individuelles du preneur, outre celles relatives à la quote part des parties communes, d'eau, d'électricité, de gaz, de chauffage et de climatisation, ainsi que de divers coûts des services et prestations liés à l'immeuble ou aux lieux loués. A ce titre les charges réclamées pour les années 2018 et 2019, conformes aux relevés de charges de copropriété dont il est établi qu'ils correspondent bien aux locaux donnés à bail, justifient l'existence de l'obligation de la société JSR, soit pour la somme de 5 013,77 euros.

Il est constant que les charges que le locataire soit supporter excluent celles liées aux grosses réparations. Il est d'ailleurs clairement mentionné dans le bail la nature des dépenses restant à la charge du bailleur, conformément à l'article R 145-35 du code de commerce.

S'agissant de la demande relative aux charges 2020 portant sur les seuls appels de fonds relatifs à des dépenses de réfection des parties boiseries escaliers pour un total de 2105,71 euros, il sera retenu qu'elle fait l'objet d'une contestation sérieuse, en l'absence d'inventaire précis de la répartition des charges entre bailleur et preneur, comme pourtant prévu par le bail, dans la mesure où il y a lieu, sur ce point, à interprétation de la mention du bail mettant à la charge du locataire, les charges liées à la réparation partielle des murs et des voûtes.

Il résulte de ces développements que les charges dues par la société JSR sont en tout état de cause supérieures aux provisions versées par elle en cours de bail. Elle sera donc déboutée de sa demande en paiement formée à titre reconventionnel.

L'obligation à paiement étant contestable sur partie des charges réclamées, la provision à valoir sur les sommes restant dues au bailleur sera fixée à

43 000 euros.

L'ordonnance entreprise sera donc infirmée.

Sur les délais de paiement

Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Dans le cas présent, la provision de 45 000 euros fixée par les premiers juges a été réglée, de sorte que la société JSR en sollicite le remboursement pour lui permettre de bénéficier des délais de deux ans qu'elle sollicite.

Si le chiffre d'affaires de la société JSR est passé de 79 120 643 euros au 31 mars 2020 à 56 148 514 euros au 31 mars 2021, celle-ci a perçu un total d'aides de l'Etat de 262 211 euros. Elle expose sans le justifier avoir été contrainte de solliciter un prêt garanti par l'Etat (PGE) de 17 562 837 euros.

Elle ne justifie pas que sa trésorerie a été fragilisée, ainsi qu'il a été relevé précédemment.

Par ailleurs, il n'est pas contesté que la société JSR a payé sans difficulté les loyers dus pour les 3ème et 4ème trimestre 2021 (soit 2 x 30 078,79 euros).

La demande de délais n'apparaît pas fondée et l'ordonnance entreprise est confirmée à ce titre.

Sur les autres demandes

Les dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.

Les dépens, qui comprendront le coût de la sommation de payer en date du 5 mai 2021, seront mis à la charge de la société JSR, qui sera, en outre, condamnée à payer à la SCI Vaness une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

Infirme l'ordonnance en ce qu'elle condamné la SAS JSR à payer à la SCI Vaness une provision de 45 000 euros au titre des loyers et charges échus, avec intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2021, date de la sommation de payer ;

La confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau sur les chefs de jugement infirmés,

Condamne la société JSR à payer à la SCI Vaness une provision de 43 000 euros au titre des loyers et charges échus, avec intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2021 ;

Y ajoutant,

Déboute la société JSR de ses demandes reconventionnelles ;

Condamne la société JSR à payer à la SCI Vaness une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société JSR aux dépens d'appel qui comprendront le coût de la sommation de payer en date du 5 mai 2021.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21/07945
Date de la décision : 19/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-19;21.07945 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award