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12/10/2022 | FRANCE | N°22/00006

France | France, Cour d'appel de Rennes, 5ème chambre, 12 octobre 2022, 22/00006


5ème Chambre





ARRÊT N°-297



N° RG 22/00006 - N° Portalis DBVL-V-B7G-SK75













S.A.R.L. NICOLINE



C/



S.A. HMC



















Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée















Copie exécutoire délivrée



le :



à :











RÉPUBLIQUE FRANÇ

AISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 12 OCTOBRE 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,





GREFFIER :



Madame Cath...

5ème Chambre

ARRÊT N°-297

N° RG 22/00006 - N° Portalis DBVL-V-B7G-SK75

S.A.R.L. NICOLINE

C/

S.A. HMC

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 12 OCTOBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 22 Juin 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 12 Octobre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

S.A.R.L. NICOLINE prise en la personne de Monsieur [X] gérant en exercice, domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me Sophie DELON de la SELARL IDEOJ AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de VIENNE

Représentée par Me Marceline OUAIRY JALLAIS, Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

S.A. HMC prise en la personne de ses représentants légaux pour ce domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Edouard-jean COURANT de la SELARL ANDRÉ SALLIOU, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Par actes sous seing privé du 5 février 2015, la SARL Nicoline a donné à bail commercial à la SA HMC des locaux situés au sein de la résidence [Adresse 4], moyennant un loyer annuel de 23 227,20 euros hors charges et hors taxes, payables semestriellement à terme échu le mois qui suit l'échéance de chaque semestre civil.

Ce bail, donné pour une durée de 9 ans (du 1er novembre 2014 au 31 octobre 2023) porte sur quatre unités d'hébergement et quatre places de parking à usage de résidence hôtelière.

Des loyers sont impayés à compter du 30 juin 2020.

Le 7 octobre 2020, la SARL Nicoline a fait délivrer à la SA HMC un premier commandement de payer la somme de 6 472,66 euros en principal pour solde du 1er semestre 2020 avec rappel de la clause résolutoire.

Le 30 novembre 2020, la SA HMC a payé à la SARL Nicoline une somme de 6 348,46 euros. La SA HMC y a associé la référence suivante : ' Loy 31/12/20 Ker- Loy Covid 2S20", sans mention de facture associée.

Par courrier recommandé avec avis de réception du 10 décembre 2020 (retiré le 14 décembre), la SARL Nicoline a mis en demeure la SA HMC d'avoir, avant le 31 décembre 2020, à préciser à quoi correspondait son règlement et le cas échéant de payer l'intégralité des causes du commandement du 7 octobre 2020, en ce compris les frais d'huissier.

La SARL Nicoline a adressé un dernier avis avant poursuite à la SA HMC par courrier recommandé le 6 janvier 2021 (retiré le 11 janvier).

Le 24 mars 2021 la SARL Nicoline a fait délivrer à la SA HMC un second commandement de payer la somme de 13 560,44 euros en principal pour solde du 1er semestre 2020, frais du premier commandement de payer, loyer du second semestre 2020 et frais du second commandement de payer, avec rappel de la clause résolutoire.

La SA HMC n'a pas répondu pas et n'a procédé à aucun règlement.

Par acte d'huissier du 20 juillet 2021, la SARL Nicoline a fait assigner la SA HMC devant la juridiction des référés du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire.

Par ordonnance en date du 30 novembre 2021, le juge a :

- déclaré irrecevables les demandes de la société SARL Nicoline au regard du régime de protection instauré par l'article 14 de la loi du 14 novembre 2020, prorogé par la loi du 31 mai 2021 puis de loi du 5 août 2021,

- condamné la SARL Nicoline aux entiers dépens,

- condamné la SARL Nicoline à payer à la SA HMC la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toutes les autres demandes des parties,

- rappelé que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.

Le 3 janvier 2022, la SARL Nicoline a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 23 mai 2022, elle demande à la cour de :

- juger que les loyers antérieurs au 17 octobre 2020 ne sont pas concernés par l'article 14 de la loi du 14 novembre 2020,

- juger que la société HMC ne justifie pas être bénéficiaire de la protection de la loi du 14 novembre 2020,

- juger qu'en tout état de cause la société HMC ne démontre pas que son activité a été impactée par l'article 41-I du décret du 29 octobre 2020 modifié par le décret du 14 décembre 2020 et qu'il n'existe plus de mesure de police affectant les résidences de tourisme,

- dire que la seule sanction prévue par l'article 14 de la loi du 14 Novembre 2020 était la suspension de l'action relative aux loyers concernés et non l'irrecevabilité,

- constater que la cause de la suspension éventuelle avait cessé au jour de la saisine du juge des référés,

En conséquence :

- infirmer l'ordonnance de référé en ce qu'elle a jugé irrecevables ses demandes au regard des dispositions de l'article 14 de la loi du 14 novembre 2020,

Et, statuant à nouveau :

- déclarer recevables ses demandes,

A titre principal :

- juger l'obligation de paiement de la société HMC non sérieusement contestable,

- juger que les loyers et charges dus par la société HMC sont exigibles en totalité,

En conséquence :

- condamner la SA HMC, à titre provisionnel, à lui payer et porter la somme de 32 167,61 euros arrêtée au 31 décembre 2021 en deniers ou quittances, pour les locaux sis [Adresse 4] (locaux n°88, 89, 96, 97, 169, 170, 179 et 180),

- condamner la société HMC, à titre provisionnel, à lui payer et porter les intérêts de la banque centrale européenne majorés de 10 points calculés sur chaque terme impayé à compte de la date de son échéance et jusqu'à complet paiement,

A titre subsidiaire :

- renvoyer les parties à mieux se pourvoir au fond sur la contestation de l'obligation de payer les loyers du 15 mars au 30 juin 2020 et du 30 octobre au 31 décembre 2020,

Pour le surplus :

- condamner la SA HMC, à titre provisionnel, à lui payer et porter la somme de 19 743,66 euros arrêtée au 31 décembre 2021 en deniers ou quittances, pour les locaux sis [Adresse 4] (locaux n°88, 89, 96, 97, 169, 170, 179 et 180) ;

- condamner la société HMC, à titre provisionnel, à lui payer et porter les intérêts de la banque centrale européenne majorés de 10 points calculés sur chaque terme impayé à compte de la date de son échéance et jusqu'à complet paiement,

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

- infirmer l'ordonnance de référé en ce qu'elle a rejeté ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens, comprenant le remboursement au bailleur des frais d'huissier et des frais de poursuite,

- infirmer l'ordonnance de référé en ce qu'elle l'a condamnée à régler la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- infirmer l'ordonnance de référé en ce qu'elle l'a condamnée aux dépens de première instance,

- condamner la SA HMC à lui payer et porter la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SA HMC aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel qui comprendront les frais des deux commandements.

Par dernières conclusions notifiées le 21 juin 2022, la société HMC demande à la cour de :

- confirmer l'ordonnance du président du tribunal judiciaire de Saint- Nazaire du 30 novembre 2021 soit de :

- dire et juger irrecevables les demandes de la société Nicoline telles que formulées à son encontre,

Au surplus, à titre subsidiaire, il est demandé à la cour de bien vouloir :

- dire que les demandes de la société Nicoline se heurtent à une ou plusieurs

contestations sérieuses et la débouter de toutes ses demandes fins et conclusions tant en principal, qu'en intérêts, dommages et intérêts, frais et dépens,

- renvoyer la société Nicoline à mieux se pourvoir,

En tout état de cause,

- condamner la société Nicoline à lui payer à la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner la société Nicoline aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 juin 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La SARL Nicoline précise que la loi du 14 novembre 2020 ne suspend pas l'exigibilité des loyers et qu'elle ne s'applique pas pour les loyers antérieurs au 17 octobre 2020. Elle évalue à 8 064,02 euros la somme due au 17 octobre 2020.

Pour les loyers et charges dus à compter du 17 octobre 2020, la SARL Nicoline soutient qu'il appartient à l'entreprise qui demande à bénéficier de l'article 14 de la loi du 14 novembre 2020 de justifier qu'elle remplit les conditions. Elle signale que la veille de l'audience, la société HMC a produit une déclaration sur l'honneur de son dirigeant ainsi qu'une attestation du commissaire aux comptes, éléments insuffisants selon la bailleresse. Elle souligne que la société HMC n'a pas déposé ses comptes pour l'exercice clos le 31 octobre 2020.

La SARL Nicoline reprend les différents textes visés par la société HMC pour indiquer qu'ils ne justifient pas la protection de l'article 14 de la loi du 14 novembre 2020. Elle estime que l'activité des résidences de tourisme n'a été restreinte que pendant un mois et demi, du 30 octobre au 15 décembre 2020. Elle conteste le fait que le port du masque et le pass sanitaire constituent des mesures de police administrative affectant l'activité économique du preneur.

Elle soutient que les sanctions prévues par l'article 14 précité ne sont pas l'irrecevabilité mais la suspension des procédures d'exécution.

En réponse, la société HMC entend se prévaloir des discussions contractuelles entre le syndicat national des résidences de tourisme et la fédération nationale des propriétaires en résidence de tourisme qui ont prévu les accords suivants notamment :

- du 14 mars 2020 jusqu'à la date de fin de la crise sanitaire : versement de 10% des loyers et paiement des charges locatives,

- pour la période de reprise de 12 mois qui suit la période de crise sanitaire : versement d'un loyer correspondant au pourcentage du chiffre d'affaires réalisé certifié par les commissaires aux comptes ou experts-comptables rapporté au chiffre d'affaires sur la même période de l'année 2019,

- ce pourcentage de loyer étant de 30 % le premier mois et 50 % les onze mois suivants.

La société HMC estime que l'assignation en référé est irrecevable comme délivrée en contravention avec la loi du 14 novembre 2020.

Elle affirme que l'article 14 de la loi précitée s'applique à toute action relative au paiement des loyers introduite à compter du 17 octobre 2020 et s'applique aux loyers et charges pour la période au cours de laquelle l'activité est affectée par une mesure de police mentionnée au I, notamment les mesures de police administrative objets du décret du 23 mars 2020.

Elle indique que la loi du 14 novembre 2020 s'applique aux situations en cours ou futures et que la protection prévue par cette loi porte sur les conséquences des mesures de police affectant l'activité de l'entreprise pour la période ouverte à compter de la première mesure de police, soit à compter de l'arrêté du 14 mars 2020.

Elle soutient avoir justifié de son éligibilité aux dispositions protectrices de l'article 14 de la loi du 14 novembre 2020.

La société HMC avance que la protection de l'article 14 est ouverte à toutes les mesures de police administratives, telles que l'accès limité aux seules personnes titulaires d'un pass sanitaire ou le port du masque.

En préliminaire, il convient de signaler que les discussions contractuelles entre le syndicat national des résidences de tourisme et la fédération nationale des propriétaires en résidence de tourisme ne s'appliquent pas dans le cas présent, aucune des parties présentes n'ayant été signataires de ces dispositions.

Ensuite il est rappelé qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes de, 'dire et juger' qui ne constituent pas des prétentions susceptibles d'entraîner des conséquences juridiques au sens de l'article 4 du code de procédure civile, mais uniquement la reprise de moyens développés dans le corps des conclusions qui ne doivent pas, à ce titre, figurer dans le dispositif des écritures des parties.

L'article 14 VII de la loi du 14 novembre 2020 précise que ' le présent article s'applique à compter du 17 octobre 2020".

L'article 14 de la loi du 14 novembre 2020 prévoit :

I. - Le présent article est applicable aux personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique affectée par une mesure de police administrative prise en application des 2° ou 3° du I de l'article 1er de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire ou du 5° du I de l'article L 3131-15 du code de la santé publique, y compris lorsqu'elle est prise par le représentant de l'Etat dans le département en application du second alinéa du I de l'article L 3131-17 du même code. Les critères d'éligibilité sont précisés par décret, lequel détermine les seuils d'effectifs et de chiffre d'affaires des personnes concernées ainsi que le seuil de perte de chiffre d'affaires constatée du fait de la mesure de police administrative.

II. - Jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle leur activité cesse d'être affectée par une mesure de police mentionnée au I, les personnes mentionnées au même I ne peuvent encourir d'intérêts, de pénalités ou toute mesure financière ou encourir toute action, sanction ou voie d'exécution forcée à leur encontre pour retard ou non-paiement des loyers ou charges locatives afférents aux locaux professionnels ou commerciaux où leur activité est ou était ainsi affectée.

Pendant cette même période, les sûretés réelles et personnelles garantissant le paiement des loyers et charges locatives concernés ne peuvent être mises en 'uvre et le bailleur ne peut pas pratiquer de mesures conservatoires.

Toute stipulation contraire, notamment toute clause résolutoire ou prévoyant une déchéance en raison du non-paiement ou retard de paiement de loyers ou charges, est réputée non écrite.

III. - Le II ne fait pas obstacle à la compensation au sens de l'article 1347 du code civil.

IV. - Le II s'applique aux loyers et charges locatives dus pour la période au cours de laquelle l'activité de l'entreprise est affectée par une mesure de police mentionnée au I.

Les intérêts ou pénalités financières ne peuvent être dus et calculés qu'à compter de l'expiration du délai mentionné au premier alinéa du II.

En outre, les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le bailleur à l'encontre du locataire pour non-paiement de loyers ou de charges locatives exigibles sont suspendues jusqu'à la date mentionnée au même premier alinéa. (...)

Le décret n° 2020-1766 du 30 décembre 2020 précise en son article 1 :

'I- Pour l'application de l'article 14 de la loi du 14 novembre 2020, les personnes physiques et morales de droit privé mentionnées au I du même article sont celles remplissant les critères d'éligibilité suivants :

1° leur effectif salarié est inférieur à 250 salariés,

2° le montant de leur chiffre d'affaires constaté lors du dernier exercice clos est inférieur à 50 millions d'euros, ou pour les activités n'ayant pas d'exercice clos, le montant de leur chiffre d'affaires mensuel moyen est inférieur à 4,17 millions d'euros,

3° leur perte de chiffre d'affaires est d'au moins 50 % appréciés selon les modalités fixées au II.

II- Pour les mesures de police administrative prises dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire déclaré le 17 octobre 2020, le critère de perte de chiffre d'affaires mentionné au 3° du I du présent article correspond à une perte de chiffre d'affaires d'au moins 50 % durant la période comprise entre le 1er novembre 2020 et le 30 novembre 2020, laquelle est définie comme la différence entre, d'une part, le chiffre d'affaires au cours du mois de novembre 2020 et, d'autre part :

- le chiffre d'affaires durant la même période de l'année précédente,

- ou, si l'entreprise le souhaite, le chiffre d'affaires mensuel moyen de l'année 2019,

- ou, pour les entreprises créées entre le 1er juin 2019 et le 31 janvier 2020, le chiffre d'affaires mensuel moyen sur la période comprise entre la date de création de l'entreprise et le 29 février 2020,

- pour les entreprises créées entre le 1er février 2020 et le 29 février 2020, le chiffre d'affaires réalisé en février 2020 et ramené sur un mois,

- ou, pour les entreprises créées après le 1er mars 2020, le chiffre d'affaires mensuel moyen réalisé entre le 1er juillet 2020, ou à défaut la date de création de l'entreprise, et le 30 septembre 2020.

La recevabilité de l'action du bailleur doit s'apprécier non pas en fonction de la date à laquelle l'assignation a été délivrée mais en fonction de la date d'exigibilité des loyers et charges qu'elle mentionne.

Dans son assignation, la SARL Nicoline poursuit notamment le solde du premier semestre 2020 pour 281,28 euros et la somme de 13 259,48 euros au titre du second semestre 2020 (soit un solde de 8 064,02 euros au 17 octobre 2020).

La période de protection prévue par l'article 14 n'a pas suspendu l'exigibilité des loyers et charges locatives mais a suspendu temporairement les diligences du bailleur à l'encontre de son locataire, les intérêts ou pénalités de retard et les voies d'exécution.

Contrairement aux affirmations du preneur l'article 14 ne vise pas les actions du bailleur antérieures au 17 octobre 2020.

Les demandes de la société Nicoline sont recevables pour ces loyers et charges antérieurs au 17 octobre 2020.

Pour bénéficier de la protection de l'article 14, le preneur doit réunir les critères du décret du 30 décembre 2020.

La société HMC s'est vue accorder, par le président du tribunal de commerce de Bayonne, un délai supplémentaire jusqu'au 31 août 2021 pour organiser l'assemblée générale ordinaire de la société pour statuer sur les comptes de l'exercice clos le 31 octobre 2020.

Le preneur doit justifier d'une perte de chiffre d'affaires de 50 % entre novembre 2019 et novembre 2020.

Aujourd'hui, la société HMC n'a pas déposé ses comptes empêchant ainsi un droit de regard sur lesdits comptes. Le chiffre d'affaires de novembre 2019 doit être justifié dans les comptes clos au 31 octobre 2020, comptes qui n'ont pas été approuvés et le chiffre d'affaire de novembre 2020 doit être justifié dans les comptes clos au 31 octobre 2021 qui n'ont pas été plus approuvés.

La société HMC communique une attestation sur l'honneur du 13 octobre 2021 de son dirigeant pour indiquer qu'elle réunit les conditions prévues par le décret du 30 décembre 2020 ainsi qu'une attestation d'un commissaire aux comptes du 14 octobre 2021.

À ces deux dates, les comptes pour l'année 2020 n'ont pas été approuvés.

Si l'article 2 du décret du 30 décembre 2020 prévoit que les personnes morales mentionnées au I de l'article 14 de la loi du 14 novembre 2010 'attestent' des conditions fixées à l'article 1er du décret, il prévoit également que cette attestation doit être accompagnée de 'tout document comptable, fiscal ou social permettant de justifier les conditions fixées au 1° et 2° au I de l'article 1er.

Force est de constater que la société HMC n'a pas produit ces derniers documents permettant au bailleur comme à la présente juridiction de vérifier le respect des dispositions légales et réglementaires.

À défaut de justifier du régime de l'article 14 de la loi du 14 novembre 2020, sans qu'il ne soit besoin de statuer sur la durée de la protection ou ses modalités, il convient de juger recevable l'action de la société Nicoline pour les loyers et charges postérieurs au 17 octobre 2020.

L'ordonnance entreprise est infirmée à ce titre.

- Sur le paiement.

En application de l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

La société HMC entend se prévaloir de contestations sérieuses au titre de l'impossibilité de jouir des lieux conformément à leur destination contractuelle pendant la période Covid, sur la perte de la chose louée au visa de l'article 1722 du code civil, de l'interdépendance des activités de l'ensemble immobilier ou au titre de l'article V du bail.

La société Nicoline considère qu'il n'y a pas de contestation sérieuse à l'exigibilité des loyers et charges.

* En application des dispositions de l'article 1719 1° et 3° du code civil, le bailleur est tenu, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière :

1° de délivrer au preneur la chose louée et, s'il s'agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux à usage d'habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l'expulsion de l'occupant (...)

3° d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.

Il n'est pas contesté que depuis la signature des différents baux, la société HMC est entrée en possession des lieux loués et en a joui paisiblement.

Certes les décisions administratives liées à l'état d'urgence sanitaire ont empêché une exploitation normale des locaux mais ces décisions n'ont pas fait cesser leur mise à disposition par le bailleur, ni la possibilité pour le locataire d'en jouir puisqu'il pouvait y accéder physiquement.

En outre, le bail commercial n'a pas subordonné le paiement des loyers à une occupation particulière ni à un taux de remplissage, ni n'oblige le bailleur à garantir au preneur l'occupation des lieux loués.

Le trouble de jouissance résultant de la fermeture administrative de certains sites ou des restrictions de circulation ne résulte que de décisions administratives indépendantes de la volonté des bailleurs. Il ne peut en être fait reproche au bailleur et ce d'autant plus que la société HMC a toujours exploité les logements de la société Nicoline en dehors de la période du premier confinement si l'on en croit les chiffres d'affaires du preneur pour les années 2020 et 2021.

* Au visa de l'article 1722 du code civil, si, pendant la durée du bail, la chose est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n'est détruite qu'en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l'un ou l'autre cas, il n'y a lieu à aucun dédommagement.

Le bien loué n'a pas été détruit ne serait-ce que partiellement ; il ne souffre d'aucune non-conformité. L'impossibilité d'exploiter s'explique par l'état d'urgence sanitaire qui ne vise que l'activité économique exercée et non pas les locaux. Les mesures de police administrative sont sans lien avec la destination contractuelle du bien loué et leur effet ne peut être assimilée à la perte de la chose.

Le moyen tiré de la destruction partielle n'est pas retenu.

* Sur les dispositions contractuelles.

- Le bail prévoit au point 4 de son II intitulé Destination des lieux :

4. Les parties réputent les biens objet du présent bail comme l'accessoire indispensable à l'exploitation de la résidence hôtelière et aux autres activités commerciales auxquelles l'ensemble de le l'immeuble est destiné.

Cette disposition met en évidence l'interdépendance des activités de l'ensemble résidence de tourisme dont une partie a été fermée ou avait un accès limité, comme le restaurant.

- Le bail prévoit au point 4 du paragraphe V du bail :

Dans le cas où l'exploitation de la clientèle du preneur dans les lieux loués serait entravée :

- soit du fait ou d'une faute du bailleur,

- soit de l'apparition de désordres de nature décennale incompatibles avec l'utilisation para-hôtelière du bien,

- soit de la survenance de circonstances exceptionnelles et graves affectant le bien, et ne permettant pas une occupation effective normale, après la date de livraison, le loyer ci-dessus ne sera pas payé jusqu'au mois suivant la fin du trouble de jouissance.

Le juge des référés doit appliquer les dispositions contractuelles claires et précises ne nécessitant pas une interprétation.

Il ne peut être contesté que l'épidémie a affecté les conditions d'exploitation des biens loués. Cette pandémie de Covid-19 constitue-t-elle une circonstance grave et exceptionnelle telle que prévue dans la clause précitée ' Dans l'affirmative, cette clause s'applique-t-elle aux seules périodes de fermeture ou de confinement '

Les termes 'circonstances exceptionnelles et graves' sont sujets à discussion, et ce d'autant plus que la clause n'énumère pas les causes susceptibles d'être des circonstances exceptionnelles. Il en est de même du terme 'bien' dont on ne sait pas s'il s'agit du bâtiment matériel et physique ou son exploitation. La 'fin du trouble de jouissance' constitue une acception peu claire tant dans sa définition que dans sa datation.

L'application de cette clause à la pandémie de la Covid-19 n'est pas en soi évidente et relève d'un débat devant le juge du fond. Le juge des référés ne peut pas plus l'écarter sans excéder ses pouvoirs.

À défaut de déterminer le sens exact de cette clause, les interrogations, auxquelles le juge des référés ne peut répondre, constituent des contestations sérieuses empêchant de faire droit aux demandes en paiement des bailleurs.

En conséquence, il n'y a pas lieu à référé. Il convient de débouter la société Nicoline de ses demandes.

Il n'y a pas lieu à inviter la société Nicoline à mieux se pourvoir.

Succombant en son appel, la société est déboutée de sa demande en frais irrépétibles et est condamnée à payer à la SA HMC la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens, étant par ailleurs précisé que les dispositions de l'ordonnance sont confirmées pour les frais irrépétibles et les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe :

Infirme l'ordonnance entreprise sauf en ses dispositions sur les frais irrépétibles et les dépens ;

Statuant à nouveau,

Juge recevables les demandes de la société Nicoline ;

Déboute la société Nicoline de ses demandes ;

Y ajoutant,

Condamne la société Nicoline à payer à la SA HMC la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

Condamne la société Nicoline aux dépens.

La greffièreLa présidente

:


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22/00006
Date de la décision : 12/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-12;22.00006 ?
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