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12/10/2022 | FRANCE | N°20/06456

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 12 octobre 2022, 20/06456


9ème Ch Sécurité Sociale





ARRÊT N°



N° RG 20/06456 - N° Portalis DBVL-V-B7E-RGSY













[K] [F]



C/



CPAM DU MORBIHAN































Copie exécutoire délivrée

le :



à :











Copie certifiée conforme délivrée

le:



à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇ

AIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 12 OCTOBRE 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Aurélie GUEROULT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Philippe LE BOUDEC, lors des ...

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 20/06456 - N° Portalis DBVL-V-B7E-RGSY

[K] [F]

C/

CPAM DU MORBIHAN

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 12 OCTOBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Aurélie GUEROULT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe LE BOUDEC, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 15 Juin 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 12 Octobre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats ;

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 30 Avril 2018

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du MORBIHAN

Références : 21600795

****

APPELANT :

Monsieur [K] [F]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Dominique DECAMPS MINI, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me Aya BULAID, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMÉE :

LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU MORBIHAN

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Mme [T] [H] en vertu d'un pouvoir spécial

EXPOSÉ DU LITIGE

A la suite d'un contrôle de l'activité de M. [K] [F], médecin ophtalmologue, concernant des anomalies de facturation sur la période du 1er mars 2012 au 11 juin 2015, la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan (la caisse) lui a notifié le 10 juillet 2015 un indu s'élevant à 177. 283 euros.

Le 7 septembre 2015, M. [F] a saisi la commission de recours amiable de la caisse, laquelle par décision du 24 juin 2016, a confirmé le bien-fondé de l'indu réclamé.

Contestant cette décision explicite de rejet, il a saisi, le 23 août 2016, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Vannes, lequel par jugement du 30 avril 2018, a :

- déclaré le recours du docteur [F] recevable, mais mal fondé ;

- constaté le bien-fondé de l'indu notifié par la caisse le 10 juillet 2015 ;

- condamné le docteur [F] à verser 177. 283 euros à la caisse ;

- rejeté la demande d'expertise médicale ;

- rejeté toutes les autres demandes.

Par déclaration adressée le 2 juillet 2018, M. [F] a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 11 juin 2018.

Par ordonnance du 10 septembre 2020, le magistrat chargé d'instruire l'affaire a prononcé la radiation de l'affaire pour défaut de diligences.

Le 15 décembre 2020, la caisse a sollicité la réinscription de ce dossier au rang des affaires en cours devant la cour. (recours enregistré sous le n° 2100452 mais également sous le n°2006456).

Ces dossiers ont fait l'objet d'une jonction le 15 mars 2021 sous le RG n°2006456.

Par ses écritures parvenues au greffe le 28 février 2022 auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, M. [F] demande, au visa des articles R.142-22 2° du code de la sécurité sociale et 700 du code de procédure civile, à la cour de :

- déclarer l'appel recevable en la forme ;

- réformer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

Et statuant à nouveau,

- recevoir les écritures du docteur [F], les disant bien fondées ;

A titre principal,

- prononcer la nullité de la procédure de contrôle de l'activité médicale dont le docteur [F] a fait l'objet et subséquemment, la notification d'indu qui en est le support, en raison du non respect du contradictoire et des droits de la défense ;

A titre subsidiaire,

- ordonner la désignation d'un expert sur le fondement de l'article R. 142-22 2° du code de la sécurité sociale avec pour mission notamment de déterminer si les cotations des actes facturés par le docteur [F] sont conformes à la NGAP et à la CCAM et plus généralement aux dispositions du code de la sécurité sociale, et dans la négative, préciser la cotation à appliquer ;

A titre infiniment subsidiaire :

- juger que les griefs reprochés par la caisse ne sont pas justifiés ;

- juger que le montant de l'indu n'est manifestement pas fondé ;

En tout état de cause,

- débouter la caisse de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner caisse à verser au docteur [F] une somme de 4 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par ses écritures parvenues au greffe le 25 mai 2022 auxquelles s'est référé et qu'a développées son représentant à l'audience en les complétant d'une demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la caisse demande à la cour de :

- confirmer dans toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

- condamner le docteur [F] à payer à la caisse l'indu de 177. 283 euros ;

- rejeter l'ensemble des prétentions du docteur [F] ;

- condamner le docteur [F] à lui verser la somme de 2000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

- condamner le docteur [F] aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I- Sur l' irrégularité de la procédure de contrôle

A- pour non respect allégué de la Charte du contrôle de l'activité des personnels de santé

M. [F] soutient que le médecin conseil en charge de la procédure de contrôle est le docteur [O] qui a été son patient, que les critères posés par la Charte du contrôle de l'activité des professionnels de santé par l'assurance maladie s'agissant du contrôle ne sont pas respectés, dès lors que les personnes qui en sont chargées sont soumises à une exigence d'objectivité, d'impartialité et de neutralité ; que le docteur [O] s'est rendu à 14 reprises à son cabinet et s'est à chaque fois montré menaçant vis à vis des médecins présents.

La caisse a répondu oralement à l'audience que cette charte n'a aucune valeur normative.

M. [F] ne produit pas ladite charte.

Outre le fait que la Charte du contrôle de l'activité des professionnels de santé par l'assurance maladie du 16 mars 2012 n'a aucune valeur normative, M.[F] ne justifie ni que le médecin contrôleur se soit rendu à 14 reprises à son cabinet, ni même qu'il ait été son patient. La chambre disciplinaire dans sa décision du 2 juin 2016 (cf infra) rapporte cependant que selon les termes du mémoire du service médical du Morbihan, le docteur [O] n'a pas été un patient habituel de M. [F] mais l'a vu en urgence le 2 décembre 2011, puis à deux reprises pour examen ou contrôle, 10 jours et 6 mois plus tard avant de reprendre son suivi régulier auprès de son ophtalmologiste. La chambre disciplinaire ajoute qu'il n'est survenu aucun conflit ni ne se sont développés ensuite des relations personnelles ou d'intérêts entre eux.

En toute hypothèse, il n'est nullement rapporté que la qualité de patient du médecin contrôleur pourrait avoir une quelconque incidence sur l'objectivité et l'impartialité de celui-ci dans une procédure de contrôle sur la tarification laquelle n'a pas de lien avec l'activité strictement médicale de M. [F].

Ce moyen sera donc rejeté.

B- pour violation du principe du contradictoire

M. [F] soutient que l'indu chiffré par la caisse porte sur plusieurs centaines de patients alors que seuls 79 dossiers étaient visés au départ ; que cette dernière a procédé par extrapolation, par analogie avec les contrôles opérés par l'URSSAF en matière de contrôle comptable d'assiette; que ce raisonnement ne peut être admis car ne respectant pas le principe fondamental du contradictoire ; qu'il existe une violation manifeste du droit fondamental au procès équitable reconnu par l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'il n'a pas été en mesure de préparer une défense efficace quand il s'agit de se justifier sur plusieurs centaines de patients, ce qui constitue une violation de l'article 6-1 et 6- 3 de la CEDH ; que dès lors la procédure est irrégulière et doit être annulée.

La caisse réplique que M. [F] opère une confusion entre les deux procédures exercées à son encontre, lesquelles comportent des fondements juridiques distincts : l'une a été engagée sur le fondement de l'article L. 145-1 du code de la sécurité sociale, objet de la saisine conseil régional de l'ordre des médecins, l'autre sur le fondement de l'article L. 133-4 du même code, objet du présent litige ; que les 79 dossiers évoqués par M.[F] sont ceux qui ont fait l'objet de l'analyse d'activité et sont à l'origine de la plainte devant la juridiction ordinale ; que l'indu notifié porte quant à lui sur l'inobservation des règles de facturation édictées par la CCAM, pour l'ensemble des actes où il n'a pas apporté de justificatifs ; que la procédure est parfaitement régulière.

Sur ce,

L'article R 315-1 III du code de la sécurité sociale dispose que :

Lorsque, à l'occasion de l'analyse de l'activité d'un professionnel de santé effectuée en application du IV de l'article L. 315-1, le service du contrôle médical constate le non-respect de dispositions législatives ou réglementaires régissant la prise en charge des frais médicaux au titre des risques maladie, maternité, invalidité, accidents du travail et maladies professionnelles, ou de règles de nature législative, réglementaire ou conventionnelle que les professionnels sont tenus d'appliquer dans leur exercice, les procédures prévues notamment aux articles L. 133-4 et L. 145-1, au 4° du deuxième alinéa de l'article L. 162-9, à l'article L. 162-12-6, au 6° du deuxième alinéa de l'article L. 162-12-9 et aux articles L. 162-12-16 et L. 315-3 sont mises en oeuvre.

Il est constant que :

1- En premier lieu M. [F] a fait l'objet d'un contrôle médical consistant en l'étude d'une partie de son activité, sur la période du 1er janvier 2011 au 30 juin 2013.

Ce contrôle a été initié le 30 juillet 2013 suite d'une part à l'analyse de son relevé individuel d'activité et de prescription (RIAP) pour l'année 2012 duquel est ressorti des atypies de facturations par rapport à la moyenne régionale, et d'autre part à des signalements d'assurés.

Dans ce cadre, selon les parties qui s'accordent sur ces points, il lui a été demandé le 7 avril 2014 de transmettre au service du contrôle médical des comptes rendus d'actes techniques et des dossiers de suivi médical, ainsi que d'indiquer les circonstances habituelles pour lesquelles il réalisait les actes techniques les plus fréquents et le contenu de ces actes. M. [F] a répondu à cette demande le 11 avril 2014.

Le 9 septembre 2014, le docteur [O], médecin responsable de l'activité et le docteur [F] se sont rencontrés pour un entretien technique sur les conditions pratiques de réalisation des actes et l'examen des dossiers concernant 79 patients.

Par lettre datée du 30 janvier 2015, avec accusé de réception du 3 février 2015 le service médical a adressé à M. [F] la lettre suivante :

Cher confrère,

Le service du Contrôle médical a procédé à l'étude d'une partie de votre activité dans le cadre de l'article L 315-1-IV en application des articles R.315-1 et suivants du code de la sécurité sociale, sur la période du 1er janvier 2011 au 30 juin 2013.

A l'issue de cette analyse et pour les dossiers qui ont été étudiés, un certain nombre d'anomalies ont été mises en évidence.

L'article R 315-1-2 du code de la sécurité sociale prévoit que le Service du Contrôle Médical avise la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des anomalies constatées. Il transmettra donc à la caisse le constat des faits reprochés à l'exclusion de toute information médicale nominative, et cette dernière vous notifiera les griefs par lettre recommandée avec accusé de réception.

Vous pourrez demander à être entendu par le Service du Contrôle Médical dans un délai d'un mois suivant la notification des griefs par la caisse.

Lors de cet entretien, conformément à l'article D 315-1 du code de la sécurité sociale, vous pouvez vous faire assister par un membre de votre profession.

Pour vous aider à préparer cet entretien, et conformément à l'article D. 315-2 du code de la sécurité sociale, vous trouverez :

- la liste des différents types d'anomalies relevées,

- la liste nominative des dossiers analysés,

- le tableau anonymisé des anomalies relevées sur chaque dossier.

Vous pouvez compléter ce document, dossier par dossier, par vos remarques. Ce document ainsi complété servira de base de discussion lors de l'entretien sollicité.

M. [F] a sollicité un entretien a ainsi a rencontré le 3 avril 2015, assisté de son conseil et d'un médecin conseil, le docteur [O], médecin conseil responsable de l'analyse d'activité.

Un compte rendu a été adressé à M. [F] le 16 avril 2015 avec la mention suivante :

Je vous informe que vous disposez d'un délai de 15 jours pour me renvoyer l'un de ces deux exemplaires signés, accompagnés d'éventuelles observations de votre part, au moyen de l'enveloppe ci-jointe.

A défaut, ce compte rendu sera réputé approuvé (article D.315-2 du code de la sécurité sociale).

Neuf griefs figurent dans ce compte rendu d'entretien avec pour certains la référence à des dossiers concernés parmi ceux étudiés avec leur numéro d'ordre.

Par lettre du 4 mai 2015 adressée au médecin conseil, M. [F] a formulé des observations sur les griefs stricto sensu, précision apportée qu'il avait transmis le 27 mars 2015 préalablement à l'entretien des observations sur les 79 dossiers concernés.

Par lettre du 7 juillet 2015, le directeur de la caisse adressait à M. [F] la lettre suivante :

OBJET : analyse d'activité au titre de l'article L 315-1-IV du code de la sécurité sociale : suites contentieuses.

Docteur,

Le service du contrôle médical a procédé à l'étude d'une partie de votre activité dans le cadre de l'article L 315-1-IV et en application des articles R 316-1 et suivants du code de la sécurité sociale.

Dans ce cadre, par lettre du 06 février 2015, je vous notifiais les griefs retenus.

Au terme de la procédure contradictoire, considérant les anomalies retenues à l'issue de l'entretien du 03 avril 2015 :

(...figurent 7 anomalies)

et conformément à l'article D 315-3 du code de la sécurité sociale, je vous informe des suites que j'entends donner au contrôle de votre activité :

'' récupération des sommes indûment perçues,

'' saisine de la section des assurances sociales de la chambre disciplinaire de 1ère instance.

A cet effet, je joins au présent courrier une notification de payer les sommes indûment perçues.

La chambre disciplinaire de 1ère instance du conseil régional de l'ordre des médecins de Bretagne a par décision du 2 juin 2016 prononcé à l'encontre de M. [F] l'interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux pendant 6 mois dont 2 avec sursis, avec publication, pour des faits qualifiés de faute, abus et fraudes. Statuant sur contestation de M. [F], la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des médecins a rejeté son recours et dit que la sanction prononcée en première instance prendra effet le 15 octobre 2017 à 0 heure et cessera de porter effet le 31 octobre 2017 à minuit.

2- en second lieu, par lettre du 10 juillet 2015, le responsable du service de la caisse a notifié à M. [F] un indu en ces termes :

Objet : notification d'indus - Articles L 133-4 et R.133-9-1 du code de la sécurité sociale.

Docteur,

Le service du contrôle médical a procédé à l'étude d'une partie de votre activité dans le cadre de l'article L. 315-1-IV et en application des articles R. 315-1 et suivants du code de la sécurité sociale.

L'étude a révélé des manquements au regard des dispositions réglementaires, à savoir :

'' cotation de deux actes techniques systématiquement associés sans qu'il soit fourni au contrôle médical de compte-rendus écrits et détaillés conformément aux exigences de l'article L 1-5 des dispositions générales de la Classification Commune des Actes médicaux (CCAM).

'' cotation inexacte d'un acte de chirurgie BDGA sans rédaction d'un compte rendu détaillé conformément aux exigences de l'article 1-5 des dispositions générales de la Classification Commune des Actes médicaux (CCAM).

'' cotation inexacte d'un acte d'adaptation de dispositif médical externe, seule sa pose étant réalisée sans rédaction d'un compte rendu détaillé conformément aux exigences de l'article 1-5 des dispositions générales de la Classification Commune des Actes médicaux (CCAM).

Vous trouverez en annexe les tableaux récapitulatifs mentionnant pour chaque assuré concerné, la nature et la date des prestations, le motif et la date du paiement indu, le montant des sommes versées à tort et la somme due au total. (...)

Cette procédure est fondée sur l'article L 133-4 du code de la sécurité sociale lequel dispose dans ses versions en vigueur applicables à l'espèce que :

En cas d'inobservation des règles de tarification ou de facturation :

1° Des actes, prestations et produits figurant sur les listes mentionnées aux articles L. 162-1-7, L. 162-17, L. 165-1, L. 162-22-7 ou relevant des dispositions des articles L. 162-22-1 et L. 162-22-6 ;

2° Des frais de transports mentionnés à l'article L. 321-1,

l'organisme de prise en charge recouvre l'indu correspondant auprès du professionnel ou de l'établissement à l'origine du non-respect de ces règles et ce, que le paiement ait été effectué à l'assuré, à un autre professionnel de santé ou à un établissement.

Il en est de même en cas de facturation en vue du remboursement, par les organismes d'assurance maladie, d'un acte non effectué ou de prestations et produits non délivrés.

Lorsque le professionnel ou l'établissement faisant l'objet de la notification d'indu est également débiteur à l'égard de l'assuré ou de son organisme complémentaire, l'organisme de prise en charge peut récupérer la totalité de l'indu. Il restitue à l'assuré et, le cas échéant, à son organisme complémentaire les montants qu'ils ont versés à tort.

L'action en recouvrement, qui se prescrit par trois ans, sauf en cas de fraude, à compter de la date de paiement de la somme indue, s'ouvre par l'envoi au professionnel ou à l'établissement d'une notification de payer le montant réclamé ou de produire, le cas échéant, leurs observations.

En cas de rejet total ou partiel des observations de l'intéressé, le directeur de l'organisme d'assurance maladie adresse, par lettre recommandée, une mise en demeure à l'intéressé de payer dans le délai d'un mois. La mise en demeure ne peut concerner que des sommes portées sur la notification.

La mise en demeure ne peut concerner que des sommes portées sur la notification.

Elle comporte une majoration de 10 % du montant des sommes réclamées non réglées à la date de son envoi ; ces majorations peuvent faire l'objet d'une remise.(Version applicable seulement du 22 décembre 2007 au 23 décembre 2017).

Sont également précisées dans la lettre de notification d'indu du 10 juillet 2015 les voies de recours contre la décision (saisine de la commission de recours amiable dans le délai de deux mois à compter de la réception du courrier et possibilité de présenter des observations écrites ou orales auprès du service gestionnaire de la caisse).

En annexe, sont joints 4 tableaux :

- un de 463 pages

- un de 67 pages

- un de 4 pages

- un d'une seule page,

Soit un total 535 pages

Ces tableaux comportent, par type de grief retenu, le numéro de sécurité sociale du patient, la date des actes concernés, leur code, le montant facturé, le montant remboursé et la date de remboursement, les actes facturables, le montant remboursable, le montant indu et la date du remboursement. Le nombre de patients listé est très important et en tout état de cause, très supérieur aux 79 dossiers étudiés dans le cadre du contrôle médical.

1- S'agissant du premier grief fondant l'indu concernant le non respect de la classification commune des actes médicaux (CCAM) par facturation de 2 actes techniques systématiquement associés sans qu'il soit fourni au contrôle médical de compte-rendus écrits et détaillés conformément aux exigences de l'article 1-5 des dispositions générales de la CCAM.

$gt; facturation acte BJQP002 injustifiée.

BLQP010 (examen de la vision binoculaire) et BJQP002 (examen de motricité oculaire), seul l'acte BLQP010 étant réalisé, la caisse indique que l'article I-5 des dispositions générales de la CCAM subordonne la prise en charge des actes facturés à la production d'un compte-rendu par le médecin; que le manquement reproché à M. [F] est le fait de ne pas avoir justifié de la réalisation de l'acte de motricité oculaire par la rédaction d'un compte-rendu décrivant la technique utilisée à la place du test de Lancaster.

L'article I-5 sus-visé prévoit en effet que :

Pour l'application de l'article I-4 (prise en charge), chaque acte doit faire l'objet d'un compte-rendu écrit et détaillé qui sert de document de liaison afin de faciliter la continuité des soins.

Le compte-rendu doit comporter notamment : les renseignements d'ordre administratif, les renseignements d'ordre médical, l'indication de l'acte, les modalités techniques précises quand cela est nécessaire, les résultats quantitatifs et qualitatifs pertinents, les conclusions motivées. Il est accompagné éventuellement d'un tracé ou d'une iconographie approprié.

Il est réalisé et signé par le médecin ou la sage-femme ayant pratiqué l'acte et peut être adressé au contrôle médical sur sa demande.

$gt; facturation injustifiée de l'acte BZQ002 seul ou associé.

L'acte BZQP002 est une fluoroscopie, l'acte BGQP002 correspond à l'examen du fond d'oeil, l'acte BGQP001 à un examen des fonds lacrymaux, figurant au tableau des indus.

La caisse précise à titre préliminaire que l'indu porte sur la cotation BZQP002 lorsqu'elle est associée aux cotations de fond d'oeil ou de flux lacrymaux, seules celles-ci étant admises; que M. [F] soutient qu'il a réalisé une fluoroscopie pour chaque patient, attestée par des comptes rendus conformes aux dispositions de l'article I-5 des dispositions générales de la CCAM, argument qui ne saurait être admis.

Elle indique en outre qu'il est ressorti de l'analyse du service médical que:

$gt; d'une part, l'acte facturé sous la cotation fluoroscopie est en réalité un acte d'examen clinique sensibilisé par l'instillation du fluorescéine.

Elle fait référence à la décision de la chambre du conseil régional de l'ordre des médecins du 2 juin 2016, laquelle indique en son point 9 que si le praticien soutient qu'il a réalisé pour chaque patient visé par le contrôle une fluoroscopie, dès lors qu'il instille une goutte de fluorescéine avant d'examiner la face antérieure de l'oeil avec un biomicroscope ou lampe à fente, il résulte toutefois de l'instruction qu'il a facturé ce geste en sus de la facturation de l'examen principal du fond d'oeil ou des flux lacrymaux, alors qu'il est systématiquement inclus dans la procédure habituelle de ces actes; qu'en procédant ainsi, le praticien a méconnu les dispositions de l'article 1-12 des dispositions générales de la CCAM relatives aux règles d'incompatibilité d'associations d'actes.

$gt; d'autre part les fiches médicales présentées ne décrivent pas un compte rendu d'acte de fluoroscopie conforme à l'article 1-5 des dispositions générales de la CCAM. Elle se fonde là encore sur la décision du 16 mars 2017 du conseil national de l'ordre des médecins qui indique que le docteur [F] a indûment facturé des actes en utilisant la cotation BZQP002 correspondant à une fluoroscopie alors que les fiches médicales ne décrivent pas cet acte technique.

Il ressort ainsi de la formulation des deux griefs servant de fondement à l'indu à ce titre que fait défaut la justification de la rédaction d'un compte-rendu médical écrit et détaillé.

2- S'agissant du second grief concernant le non respect de la CCAM dans l'utilisation du code BDGA (BDGA004 et BDGA005) la caisse reproche à M.[F] d'avoir utilisé la cotation BDGA, classée comme acte de chirurgie dans la CCAM, là encore sans avoir produit de compte-rendu médical écrit détaillé, en violation de l'article I-5 des dispositions générales de la CCAM précité.

La chambre disciplinaire de première instance du conseil régional de l'ordre des médecins de Bretagne indique que :

M. [F] a utilisé la cotation BDGA correspondant à l'ablation d'un corps étranger profond de la cornée, alors qu'aucun des dossiers ne comporte un compte-rendu d'examen, comme l'exige l'article I-5 des dispositions générales de la CCAM, et qu'il est constaté qu'il n'y a pas eu d'ablation chirurgicale d'un corps étranger, soit qu'il n'en ait pas existé, soit qu'il se soit agi d'un corps étranger non profond ou accessible à la lancette.

La section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des médecins indique aussi que le défaut de précision dans l'acte effectivement réalisé dans le dossier des patients concernés, ne permet pas de justifier du bien-fondé de la cotation utilisée (...).

3- Cotation inexacte d'adaptation de dispositif médical externe (BDMP002), seule sa pose étant réalisée, sans rédaction d'un compte rendu détaillé. La caisse formule le même reproche.

Si les procédures disciplinaires et de recouvrement d'indu sont indépendantes, il demeure cependant qu'elles procèdent de l'analyse de l'activité opérée par le service du contrôle médical.

Seul le service du contrôle médical est en droit de prendre connaissance du contenu des dossiers médicaux des patients et donc de ces compte-rendus détaillés.

Le contrôle médical réalisé n'a porté que sur 79 dossiers, qu'il n'est pas possible d'individualiser dans les tableaux joints à la notification d'indu.

Il n'est pas établi qu'ont été réclamés à M. [F], dans les très nombreux autres dossiers objet de la notification d'indu, lesdits compte-rendus.

Comme le soutient à juste titre M. [F], la caisse a ainsi manifestement extrapolé les résultats de l'échantillon des 79 dossiers objets du contrôle médical pour les étendre à l'ensemble des actes cotés de manière identique sur la période contrôlée.

La caisse ne justifie d'aucune disposition légale l'autorisant à procéder ainsi.

Ce faisant, elle a manifestement porté atteinte au principe du contradictoire dans la mesure où M. [F] n'a pas été mesure de se défendre en ce qui concerne l'ensemble des dossiers objets de l'indu.

Un manquement à la loyauté dans l'administration de la preuve est en outre établi en ce qu'il ne peut être reproché à M. [F] de ne pas avoir produit des pièces justificatives que le service du contrôle médical ne lui a pas demandées.

De l'ensemble de ces éléments, il s'évince que la procédure d'indu dans son ensemble est irrégulière et ne pourra qu'être annulée.

Le jugement sera infirmé sauf en ce qu'il a déclaré le recours de M. [F] recevable.

2 - Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de M. [F] ses frais irrépétibles.

S'agissant des dépens, l'article R.144-10 du code de la sécurité sociale disposant que la procédure est gratuite et sans frais en matière de sécurité sociale est abrogé depuis le 1er janvier 2019.

Il s'ensuit que l'article R.144-10 précité reste applicable aux procédures en cours jusqu'à la date du 31 décembre 2018 et qu'à partir du 1er janvier 2019 s'appliquent les dispositions des articles 695 et 696 du code de procédure civile relatives à la charge des dépens.

En conséquence, les dépens de la présente procédure exposés postérieurement au 31 décembre 2018 seront laissés à la charge de la caisse qui succombe à l'instance.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement sauf en ce qu'il a déclaré recevable le recours de M. [F] ;

Statuant à nouveau :

PRONONCE la nullité de la procédure d'indu ;

DÉBOUTE M. [F] de sa demande d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan aux dépens, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 20/06456
Date de la décision : 12/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-12;20.06456 ?
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