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12/10/2022 | FRANCE | N°20/03522

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 12 octobre 2022, 20/03522


9ème Ch Sécurité Sociale





ARRÊT N°



N° RG 20/03522 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QZ2J













Société [6]



C/



[E] [C]

CPAM DU [Localité 4]































Copie exécutoire délivrée

le :



à :











Copie certifiée conforme délivrée

le:



à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 12 OCTOBRE 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Aurélie GUEROULT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Philippe LE...

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 20/03522 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QZ2J

Société [6]

C/

[E] [C]

CPAM DU [Localité 4]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 12 OCTOBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Aurélie GUEROULT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe LE BOUDEC, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 15 Juin 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 12 Octobre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats ;

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 06 Juillet 2020

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal Judiciaire de VANNES - Pôle Social

Références : 19/00292

****

APPELANTE :

La Société [6], anciennement dénommé [3]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Loïc TERTRAIS, avocat au barreau de RENNES substitué par Me Elodie KONG, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉS :

Monsieur [E] [C]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me David LE RESTE, avocat au barreau de VANNES substitué par Me Mathilde DEOTTE, avocat au barreau de VANNES

LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU [Localité 4]

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Adresse 8]

représentée par Madame [T] [V] en vertu d'un pouvoir spécial

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 22 novembre 2013, la société [6], anciennement dénommée [3] (la société) a déclaré un accident du travail du même jour concernant l'un de ses salariés, M. [E] [C], laveur de vitres.

Le certificat médical initial, établi le jour même, fait état d'une 'fracture de T12, fracture du poignet droit'.

Le 10 décembre 2013, la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 4] (la caisse) a pris en charge l'accident au titre de la législation professionnelle.

La date de consolidation de l'état de santé du salarié a été fixée au 1er mai 2015 avec un taux d'incapacité permanente partielle (IPP) de 10%, porté à 18% dont 8% à titre professionnel par jugement du tribunal du contentieux de l'incapacité de Vannes du 4 mars 2016.

Par jugement du 23 septembre 2015, le tribunal correctionnel de Vannes a reconnu la société coupable des faits suivants :

- mise à disposition pour des travaux temporaires en hauteur d'équipement de travail ne préservant pas la sécurité du travailleur ;

- emploi de travailleur sans organisation de formation pratique et appropriée en matière de sécurité ;

- blessures involontaires par personne morale avec incapacité n'excédant pas 3 mois dans le cadre du travail.

Par arrêt devenu irrévocable en date du 3 avril 2019, la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Rennes a confirmé ce jugement s'agissant du premier chef de prévention ci-dessus, a constaté la prescription de l'action publique en ce qui concerne le troisième et relaxé la société du deuxième.

Suite à un procès-verbal de non-conciliation du 30 août 2016, M. [C] a, le 2 novembre 2016, saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Vannes d'une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.

Par jugement du 16 septembre 2019 devenu irrévocable, ce tribunal, devenu le pôle social du tribunal de grande instance de Vannes, a :

- déclaré recevable et bien fondé le recours formé par M. [C] ;

- dit que l'accident dont ce dernier a été victime le 22 novembre 2013 est dû à la faute inexcusable de la société ;

- ordonné la majoration maximale de la rente allouée à M. [C] conformément à l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale outre les intérêts au taux légal à compter de la date du jugement ;

- dit que cette majoration suivra l'éventuelle évolution du taux d'IPP ;

- dit que seul le taux d'IPP initialement fixé à 10 % est opposable à l'employeur ;

- ordonné une expertise médicale pour évaluer les préjudices subis par M.[C] aux frais avancés par la caisse ;

- condamné la société à rembourser celle-ci les frais d'expertise ;

- fixé la provision devant être versée à M. [C] à la somme de 3 000 euros ;

- dit que la caisse sera tenue de faire l'avance de la somme de 3 000 euros à titre de provision à M. [C] ;

- condamné la société à rembourser à la caisse l'ensemble des sommes dont cette dernière sera tenue de faire l'avance avec intérêts au taux légal à compter de la date du jugement en application de 1231-7 du code civil ;

- condamné la société à verser à M. [C] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la même aux dépens.

L'expert a déposé son rapport le 7 janvier 2020.

Par jugement du 6 juillet 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Vannes a :

- dit M. [C] bien fondé à demander l'indemnisation de ses préjudices ;

- fixé comme suit la réparation de ces préjudices :

*déficit fonctionnel temporaire : 4 014 euros ;

* souffrances morales et physiques : 7 000 euros ;

*préjudice d'agrément : 1 000 euros ;

*préjudice esthétique temporaire : 1 700 euros ;

*préjudice sexuel : 1 000 euros ;

*assistance tierce personne avant consolidation : 22 650 euros ;

- rejeté la demande de réparation au titre d'un syndrome dépressif réactionnel ;

- condamné la société à verser à M. [C] la somme de 2 227 euros au titre de ses frais de trajet ;

- dit que la caisse sera tenue de verser les sommes ainsi fixées avec intérêts au taux légal à compter du jour du jugement, la provision de 3 000 euros déjà perçue par M. [C] venant en déduction de ces sommes ;

- condamné la société à rembourser à la caisse l'ensemble des sommes avancées par elle ;

- condamné la société à verser à M. [C] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

- ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration faite par le RPVA le 3 août 2020, la société a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 7 juillet 2020. Ce recours a été enregistré sous le numéro RG 20/03522.

Par déclaration adressée le 3 août 2020, la société a renouvelé son appel. Ce recours a été enregistré sous le numéro RG 20/03547.

Par ordonnance du 4 novembre 2020, le magistrat chargé de l'instruction de l'affaire a ordonné la jonction de ces recours sous le numéro RG 20/03522.

Par ses écritures n°2 parvenues par le RPVA le 9 décembre 2021 auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, la société demande à la cour, au visa des articles L. 452-1 et suivants et L. 431-1 et suivants du code de la sécurité sociale et 283 du code de procédure civile, de :

- réformer le jugement entrepris comme suit :

'débouter M. [C] de sa demande au titre des frais de trajet ;

'Assistance par tierce personne (ATP) avant consolidation :

A titre principal,

- juger que l'ATP pour la période du 21mai 2014 au 1er mai 2015 est de trois heures par semaine et non de trois heures par jour comme précisé par erreur dans le rapport d'expertise médical du docteur [O] ;

- indemniser l'ATP sur la base horaire de 14 euros par jour ;

A titre subsidiaire,

- réserver cette demande et interroger avant dire droit l'expert judiciaire sur l'évaluation réelle de l'ATP avant consolidation pour la période du 21 mai 2014 au 1er mai 2015 ;

'Déficit fonctionnel temporaire :

A titre principal,

- indemniser ce poste de préjudice sur la base d'un taux journalier de 23 euros par jour ;

A titre subsidiaire,

- confirmer le jugement entrepris ;

'Souffrances endurées :

- confirmer le jugement entrepris ayant indemnisé M. [C] à hauteur de la somme de 7 000 euros ;

'Préjudice esthétique temporaire :

-confirmer le jugement entrepris l'ayant indemnisé à hauteur de la somme de 1 700 euros ;

'Préjudice d'agrément :

- confirmer le jugement entrepris l'ayant indemnisé à hauteur de la somme de 1 000 euros ;

'Préjudice sexuel :

- confirmer le jugement entrepris l'ayant indemnisé à hauteur de la somme de 1 000 euros ;

'Troubles annexes :

- confirmer le jugement entrepris ;

- débouter en conséquence M. [C] de toute demande qui serait présentée en cause d'appel au titre des troubles annexes ;

'Provisions allouées :

- déduire des indemnités allouées à M. [C] en réparation de ses préjudices la provision de 3 000 euros payée en exécution du jugement du pôle social du tribunal de grande instance de Vannes du 16 septembre 2019 ;

'Frais irrépétibles :

- réduire à de plus justes proportions la demande de M. [C] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Au surplus :

- débouter toutes parties de toutes demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires aux présentes ;

- laisser les dépens à la charge de chaque partie à l'instance.

Par ses écritures parvenues par le RPVA le 22 février 2022 auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, M. [C] demande à la cour, au visa de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, de :

- le dire et juger bien fondé à demander l'indemnisation de ses préjudices ;

- confirmer le jugement entrepris concernant la réparation :

* des frais de trajet à hauteur de 2 227 euros ;

* du préjudice lié à l'assistance par tierce personne à 22 650 euros ;

* du préjudice de déficit fonctionnel temporaire à 4 059 euros ;

* du préjudice esthétique temporaire à 1 700 euros ;

* l'octroi de la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles ; ;

- l'infirmer en ce qu'il a :

* fixé la réparation des souffrances morales et physiques à la somme de 7 000 euros et celle du préjudice d'agrément et du préjudice sexuel à la somme chacun de 1000 euros ;

* rejeté la demande formulée au titre d'un syndrome dépressif réactionnel;

En conséquence,

- fixer comme suit son indemnisation :

*préjudice d'agrément : 3000 euros ;

*préjudice sexuel : 4 000 euros ;

*préjudices annexes liés notamment au syndrome dépressif réactionnel à l'accident de travail : 5 000 euros ;

En tout état de cause,

- dire et juger que ces sommes lui seront directement versées par la caisse, avec intérêts au taux légal à compter du jugement (sic) à intervenir, la provision déjà perçue venant en déduction de ces sommes ;

- dire que la caisse pourra en récupérer le montant auprès de l'employeur juridiquement responsable ;

- condamner la société à lui verser 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

- condamner la société aux dépens.

Par ses écritures parvenues au greffe le 30 mai 2022 auxquelles s'est référé et qu'a développées son représentant à l'audience, la caisse demande à la cour de :

A titre principal :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et la condamnation de la société à lui rembourser l'ensemble des sommes mises à sa charge dans le cadre de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur :

* majoration de la rente ;

* provision de 3 000 euros ;

* frais d'expertise de 1 320 euros ;

- indemnisation des préjudices en exécution du jugement dont appel, soit 34 434,27 euros ;

A titre subsidiaire, si la cour devait faire droit aux demandes de la société et minorer en conséquence le montant des sommes dues à l'assuré, au titre de l'indemnisation des préjudices, la caisse demande que M. [C] soit condamné à lui rembourser les sommes qui auraient été versées à tort, après réévaluation desdits préjudices.

La caisse ajoute que si la cour devait faire droit aux demandes de M.[C], la société devra être condamnée à lui rembourser les sommes qui seraient réévaluées et dont elle serait tenue de faire l'avance.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I- Sur l'indemnisation de M. [C]

1-Sur le déficit fonctionnel temporaire

La réparation du déficit fonctionnel temporaire inclut, pour la période antérieure à la consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que les temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique.

L'expert a en l'espèce estimé comme suit ce déficit :

- total du 22 au 27 novembre 2013 (hospitalisation),

- partiel classe 4 (75%) du 28 novembre 2013 au 6 janvier 2014,

- partiel classe 3 (50%) du 7 janvier au 20 février 2014,

- partiel classe 2 (25%) du 21 février 2014 au 1er mai 2015.

Compte tenu des temps et des taux de déficit, sur la base, comme demandé, d'une indemnité journalière de 24 euros pour un déficit fonctionnel total, les premiers juges ont fait une exacte appréciation du préjudice subi par M. [C] en retenant une indemnité de 4 014 euros.

2-Sur les souffrances endurées

Il résulte des articles L. 434-1, L. 434-2 et L. 452-2 du code de la sécurité sociale que la rente versée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent subi après consolidation.

Sont donc réparables en application de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale les souffrances physiques et morales non indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent, soit les souffrances physiques et morales antérieures à la consolidation (2e Civ., 8 octobre 2020, n°19-13.126).

Sur ce :

La consolidation de l'état de santé de M. [C] est intervenue 18 mois après l'accident. Outre les souffrances endurées lors du choc (chute de 3 mètres), M. [C] a subi au cours de cette période pré-consolidation une hospitalisation, des contraintes thérapeutiques d'immobilisation orthopédique, des soins de kinésithérapie et des douleurs comme le relève l'expert qui retient une évaluation de 3 sur 7.

La cour trouve dans la cause des éléments suffisants pour fixer, par voie d'infirmation, cette indemnité à la somme demandée soit 8 000 euros (pour une offre de 7 000 euros).

3-Sur le préjudice d'agrément

Le préjudice d'agrément réparable en application de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale est constitué par l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs. Ce poste de préjudice inclut la limitation de la pratique antérieure. Il appartient à la victime ou à ses ayants droit de rapporter la preuve de la pratique régulière, antérieure à l'accident du travail ou à la maladie, d'une telle activité.

L'existence d'un préjudice d'agrément n'est pas contestée par la société qui demande sur ce point la confirmation de l'indemnité retenue par les premiers juges alors que M. [C] la considère comme sous-évaluée.

L'expert déconseillant fortement la pratique du motocyclisme à laquelle M.[C] s'adonnait notamment avec son fils mineur, ce qui n'est pas discuté, la cour considère que les premiers juges ont fait une exacte appréciation du préjudice subi par la victime en fixant une indemnité de 1.000 euros.

4-Sur le préjudice esthétique temporaire

L'expert retient une évaluation de 2 sur 7 au regard du port d'un corset du 22 novembre 2013 au 20 février 2014.

Les parties s'accordent sur l'évaluation retenue par les premiers juges pour un montant de 1 700 euros.

5-Sur le préjudice sexuel

M. [C] fait état d'un préjudice sexuel depuis son accident au regard de son immobilisation et d'une gène positionnelle, à laquelle s'ajoute une diminution de libido depuis qu'il est en dépression.

L'existence d'un tel préjudice n'est pas discutée, seule l'étant son évaluation, M. [C] estimant que l'indemnité de 1 000 euros allouée par les premiers juges et proposée en cause d'appel par la société est insuffisante.

Le préjudice sexuel subi pendant la période traumatique est intégré dans le poste déficit fonctionnel temporaire.

La cour trouve dans la cause des éléments suffisants pour fixer, par voie d'infirmation, cette indemnité à la somme de 2 000 euros.

6-Sur les besoins en aide humaine (tierce personne temporaire)

L'expert a retenu ce poste de préjudice sur la base suivante :

- 4 heures par jour du 28 novembre 2013 au 6 janvier 2014

- 3 heures par jour du 7 janvier au 20 février 2014

- 2 heures par jour du 21 février au 20 mai 2014

- 3 heures par jour du 21 mai 2014 au 1er mai 2015.

C'est sur cette base-là que les premiers juges ont alloué la somme demandée, d'un montant de 22 650 euros.

La société fait valoir que le rapport d'expertise est sur ce point entaché d'une erreur matérielle manifeste s'agissant de la période du 21 mai 2014 au 1er mai 2015 dès lors que l'état de santé de M. [C], aux dires-mêmes de l'expert, s'était amélioré entre la période du 21 février 2014 au 20 mai 2014 et la suivante comme en attestent les indications portées dans ledit rapport quant au déficit fonctionnel temporaire ; qu'il conviendrait de retenir plutôt 3 heures par semaine ou de demander à l'expert de s'expliquer sur cette difficulté concernant cette dernière période.

M. [C] fait valoir que la société n'a pas formulé de dire sur ce point auprès de l'expert, dont le rapport est aujourd'hui définitif.

Sur ce :

La victime d'un accident du travail est recevable à demander une indemnité destinée à réparer le préjudice résultant du besoin d'assistance avant consolidation (2e Civ., 20 juin 2013, n° 12-21.548).

Le montant de l'indemnité allouée au titre de cette assistance ne saurait être subordonné à la production de justifications des dépenses effectives (même arrêt), ni réduit en cas d'assistance d'un membre de la famille (2e Civ., 7 mai 2014, n° 13-16.204).

La victime a droit à une indemnité correspondant à ce qu'elle aurait payé si elle avait fait appel à un salarié extérieur et cette indemnité doit être calculée sur une base horaire, charges comprises.

Il s'agit d'indemniser un besoin et non une dépense.

Compte tenu de la nature des blessures de M. [C] (fractures d'une vertèbre et du poignet droit et tendinopathie de l'épaule droite) et de l'immobilisation qui s'en est suivie avec une forte gêne dorsale en rapport avec des contractures paravertébrales, le besoin d'assistance dans les actes de la vie quotidienne à tout le moins dans les premiers mois de la convalescence ne peut être sérieusement discuté et ne l'est du reste pas jusqu'en mai 2014 ; la cour entérine le nombre d'heures retenu par l'expert et non discuté par la société jusqu'au 20 mai 2014.

Sur la base d'un taux horaire de 15 euros comme demandé, la cour trouve dans la cause les éléments suffisants pour fixer ce préjudice à 7 125 euros.

Pour la période à compter du 21 mai 2014, l'évaluation à hauteur de 3 heures par jour paraît en revanche en discordance avec l'évaluation du déficit fonctionnel temporaire faite par le même expert, laquelle passe de la classe 3 à la classe 2 à compter du mois de février 2014 jusqu'à la consolidation en mai 2015.

La société, qui reconnaît n'avoir formulé aucun dire auprès de l'expert au motif que son conseil n'avait pas été destinataire du pré-rapport, verse aux débats une note technique du docteur [J] datée du 1er juin 2021 indiquant notamment que 'l'augmentation des besoins d'aide ne parait pas justifiée alors que l'expert note par ailleurs que la situation du blessé s'est progressivement améliorée pendant cette période sans aucun événement médical d'aggravation à partir du 21/05/2014. Il semble s'agir d'une erreur de plume et il conviendrait de demander à l'expert de préciser ce point. A la lecture attentive du rapport du Dr [O], la tierce personne ne me paraît pas justifiée au-delà du 21/05/2014".

Sans entériner l'avis du docteur [J] qui ne retient aucune aide à compter du 21 mai 2014, conclusion à laquelle du reste la société ne souscrit pas elle-même puisqu'elle admet le principe d'une telle aide, il y a lieu, au regard des éléments d'appréciation soumis à l'examen de la cour et de l'évolution favorable de l'état de santé de M.[C] attestée par celle du déficit fonctionnel temporaire, de retenir une aide d'une heure par jour.

Sur la base d'un taux horaire de 15 euros comme demandé, la cour trouve dans la cause les éléments suffisants pour fixer ce préjudice à 5 175 euros.

7-Sur les frais de trajet

La société reproche aux premiers juges d'avoir fait droit à la demande de M. [C] alors que les frais de transport sollicités par ce dernier sont couverts par le Livre IV du code de la sécurité sociale et, partant, ne sont pas indemnisables par l'employeur au titre de la faute inexcusable.

M. [C] conclut à la confirmation du jugement entrepris en indiquant avoir, suite à l'accident du travail, exposé un certain nombre de frais de transport pour se rendre auprès de son médecin généraliste, de médecins spécialistes, de kinésithérapeutes et de l'expert en ajoutant ne pas avoir bénéficié d'une prise en charge de ces frais par la caisse.

Sur ce :

Il résulte de l'article L. 431-1 du code de la sécurité sociale figurant au chapitre I du titre III du livre IV de ce code qu'en cas d'accident du travail, les frais de transport et d'une façon générale, les frais nécessités par le traitement, la réadaptation fonctionnelle, la rééducation professionnelle et le reclassement de la victime sont pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie, de sorte qu'ils figurent parmi les chefs de préjudices expressément couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale dont la victime ne peut demander réparation à l'employeur en application de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, tel qu'interprété à la lumière de la décision n° 2010-8 QPC du Conseil constitutionnel du 18 juin 2010. (Civ. 2ème, 4 avril 2012, n°11- 18.014)

Si M. [C] ne peut pas dans ces conditions demander, au visa de l'article L. 452-3 précité, l'indemnisation de ses frais de déplacement pour se rendre chez divers médecins et praticiens, il n'en est pas de même en revanche des dépenses engagées pour se rendre à l'expertise ordonnée par la juridiction, lesquelles ne figurent pas parmi les chefs de préjudice expressément couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale. (Civ 2e, 4 avril 2019, n°18-13.704)

Sur la base d'une distance de 17,2 kilomètres (aller-retour) séparant le lieu où s'est déroulé l'expertise à [Localité 7] et le domicile de M. [C] situé à [Localité 5] et d'une indemnité kilométrique de 0,595 euros, l'une comme l'autre non discutées par la société, il y a lieu de fixer l'indemnisation due à ce titre à M. [C] à la somme de 10,23 euros.

8-Sur le syndrome dépressif

Les premiers juges ont débouté M. [C] de sa demande en l'absence de lien entre l'accident du travail et la dépression documentée à compter du 1er mars 2016.

M. [C] fait valoir que sa dépression, qui s'est manifestée en mars 2016, est liée à son placement en invalidité, laquelle faisait suite à son accident du travail ; qu'avant ce dernier, il n'avait pas d'antécédent dépressif.

La société réplique que l'expert a expressément exclu l'imputabilité du syndrome allégué à l'accident du travail et qu'en toute hypothèse, les souffrances invoquées par M. [C] après consolidation relèvent du déficit fonctionnel permanent couvert par la rente majorée.

Sur ce :

Il ressort du rapport d'expertise qu'à compter de mars 2016, M. [C] s'est vu prescrire par son médecin généraliste un traitement médicamenteux en lien avec une situation de stress et un syndrome dépressif, traitement qui s'est poursuivi au moins jusqu'en septembre 2019.

M. [C] verse un certificat médical de son médecin généraliste du 1er mars 2016 évoquant un 'stress très important' ainsi qu'un 'syndrome dépressif réactionnel me dit-il à une procédure correctionnelle avec son ancien employeur'.

Ces constatations ont été faites plus de deux ans après l'accident et presqu'un an après la consolidation de l'état de santé de M. [C] fixée au 1er mai 2015.

M. [C] ne démontrant pas que ce poste de préjudice n'est pas couvert par le Livre IV précité ni en tout état de cause le lien de causalité entre ledit syndrome et cet accident, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de cette demande.

L'ensemble des sommes ci-dessus, dont il devra être déduit la provision de 3 000 euros comme indiqué par le jugement, seront versées à M. [C] par la caisse, avec intérêts au taux légal à compter du jugement puis intérêts au taux légal à compter de l'arrêt pour le surplus alloué par la cour.

Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a condamné la société à rembourser à la caisse les sommes avancées par celle-ci.

II- Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il n'apparaît pas équitable de laisser à la charge de M. [C] ses frais irrépétibles.

La société sera en conséquence condamnée à lui verser à ce titre la somme de 3 000 euros en sus de l'indemnité allouée en première instance.

S'agissant des dépens, l'article R.144-10 du code de la sécurité sociale disposant que la procédure est gratuite et sans frais en matière de sécurité sociale est abrogé depuis le 1er janvier 2019.

Il s'ensuit que l'article R.144-10 précité reste applicable aux procédures en cours jusqu'à la date du 31 décembre 2018 et qu'à partir du 1er janvier 2019 s'appliquent les dispositions des articles 695 et 696 du code de procédure civile relatives à la charge des dépens.

En conséquence, les dépens de la présente procédure exposés postérieurement au 31 décembre 2018 seront laissés à la charge de la société qui succombe à l'instance.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement sauf en ce qui concerne la réparation des préjudices liées aux souffrances endurées, les frais de trajet, le préjudice sexuel et les besoins en aide humaine ;

Statuant à nouveau sur ces points et y ajoutant :

Fixe la réparation des souffrances endurées à la somme de 8 000 euros ;

Fixe le préjudice sexuel à la somme de 2 000 euros ;

Fixe le préjudice de besoins en aide humaine à la somme de 12 300 euros ;

Fixe la réparation des frais de trajet à la somme de 10,23 euros ;

Dit que les intérêts au taux légal courront à compter du jugement sur toutes les sommes allouées par ce dernier puis au taux légal à compter de l'arrêt pour le surplus alloué par la cour ;

Condamne la société [6] à verser à M. [C] une indemnité de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société [6] aux dépens, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 20/03522
Date de la décision : 12/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-12;20.03522 ?
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