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12/10/2022 | FRANCE | N°19/02950

France | France, Cour d'appel de Rennes, 5ème chambre, 12 octobre 2022, 19/02950


5ème Chambre





ARRÊT N°-294



N° RG 19/02950 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PXWD













Mme [U] [P] NEE [S]

Mme [L] [B]-[P]

M. [F] [P]

M. [O] [P]



C/



M. [J] [E]

Mme [H] [C] épouse [E]

GAEC [Y]



















Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours















Copie exéc

utoire délivrée



le :



à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 12 OCTOBRE 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie PAREN...

5ème Chambre

ARRÊT N°-294

N° RG 19/02950 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PXWD

Mme [U] [P] NEE [S]

Mme [L] [B]-[P]

M. [F] [P]

M. [O] [P]

C/

M. [J] [E]

Mme [H] [C] épouse [E]

GAEC [Y]

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 12 OCTOBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 22 Juin 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 12 Octobre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTS :

Madame [M] [T] [P] Née [S]

née le 20 Janvier 1947 à [Localité 12]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Hélène LAUDIC-BARON de la SELARL LBP AVOCAT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Madame [L] [B]-[P]

née le 07 Octobre 1970 à [Localité 6]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Hélène LAUDIC-BARON de la SELARL LBP AVOCAT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Monsieur [F] [P]

né le 05 Janvier 1972 à [Localité 6]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représenté par Me Hélène LAUDIC-BARON de la SELARL LBP AVOCAT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Monsieur [O] [P]

né le 07 Septembre 1981 à [Localité 6]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représenté par Me Hélène LAUDIC-BARON de la SELARL LBP AVOCAT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉS :

Monsieur [J] [E]

né le 02 Novembre 1962 à [Localité 10]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me David LE BLANC de la SELARL KOVALEX, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC

Madame [H] [C] épouse [E]

née le 09 Septembre 1967 à [Localité 11]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

Représentée par Me David LE BLANC de la SELARL KOVALEX, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC

GAEC [Y]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me David LE BLANC de la SELARL KOVALEX, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC

*********

Par jugement du 6 juin 2013, le tribunal paritaire des baux ruraux de Guingamp a déclaré que le bail rural daté du 15 décembre 2006 a bien été conclu entre M. [A] [P] et Mme [U] [S] épouse [P] et Mme [H] [E] et que le GAEC [D] a exploité les terres qui ont été mises à sa disposition par cette dernière. Il a déclaré nulle la cession du bail signée le 17 août 2009 par Mme [H] [E], Mme [U] [P] et M. [J] [E] et a prononcé la résiliation du bail liant Mme [H] [E], Mme [U] [P] et les héritiers de M. [P] et a ordonné l'expulsion de Mme [H] [E], M. [J] [E] et le GAEC [D] des parcelles litigieuses. Le jugement a dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Par lettre recommandée enregistrée en date du 18 juillet 2014, Mme [H] [E], M. [J] [E] et le GAEC [D] ont fait convoquer M. et Mme [B], M. [O] [P], M. [F] [P], Mme [U] [S] née [P] devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Guingamp afin d'obtenir la répétition de la somme de 152 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 15 décembre 2006.

En l'absence de conciliation à l'audience du 4 septembre 2014, l'affaire a été renvoyée à l'audience de jugement du 6 novembre 2014, date à laquelle l'affaire a été radiée en accord avec les parties.

Par courrier enregistré au greffe le 23 juillet 2015, les consorts [E] ont sollicité le rétablissement de l'affaire au rôle du tribunal paritaire des baux ruraux.

Par jugement en date du 1er septembre 2016, le tribunal paritaire des baux ruraux de Guingamp, constatant notamment que la demande de restitution du prix de vente formée par le GAEC [D], tiers au contrat de bail rural, ne ressort pas de sa compétence, s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Saint Brieuc.

Par jugement en date du 26 février 2019, le tribunal de grande instance de Saint Brieuc a :

- déclaré recevable l'action en restitution intentée par Mme [H] [E], M. [J] [E] et le GAEC [D],

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action,

- condamné Mme [L] [B], Mme [U] [P], M. [F] [P] et M. [O] [P] à payer au GAEC [D] la somme de 84 400 euros avec intérêts au taux légal majoré de trois points à compter du 15 décembre 2006,

- débouté le GAEC [D], M. [J] [E] et Mme [H] [E] du surplus de leurs demandes,

- débouté Mme [L] [B], Mme [U] [P], M. [F] [P] et M. [O] [P] de leur demande de dommages et intérêts,

- condamné in solidum Mme [L] [B], Mme [U] [P], M. [F] [P] et M. [O] [P] à payer au GAEC [D], Mme [H] [E], M. [J] [E] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Mme [L] [B], Mme [U] [P], M. [F] [P] et M. [O] [P] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum Mme [L] [B], Mme [U] [P], M. [F] [P] et M. [O] [P] aux dépens,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Le 2 mai 2019, les consorts [P] ont interjeté appel de cette décision et aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 30 mars 2022, ils demandent à la cour de :

- réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu par 1e tribunal de Saint Brieuc en date du 26 février 2019 en ce qu'i1 a :

* déclaré recevable l'action en restitution intentée par Mme [H] [E], M. [J] [E] et le GAEC [D],

* rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action,

- réformer consécutivement, en ce qu'il :

* les a condamnés à payer au GAEC [D] la somme de 84 400 euros avec intérêts au taux légal majoré de trois points à compter du 15 décembre 2006,

- réformer également le jugement en ce qu'il :

* les a déboutés de leur demande de dommages et intérêts,

- réformer en ce qu'il :

* les a condamné in solidum au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- réformer la décision dont appel,

- dire et juger que M. [J] [E] et le GAEC [D] n'ont pas été preneurs de l'exploitation décrite selon acte au rapport de Me [G], notaire à [Localité 9] en date du 15 décembre 2006,

- dire et juger que seule Mme [H] [E] était preneur dudit bien,

- constater que ce bien rural a fait l'objet d'une cession par Mme [H] [E] au profit de M. [J] [E] selon acte sous seing privé en date du 17 août 2009,

En conséquence,

- dire et juger que seule l'action telle que prévue par ce texte est ouverte au preneur en place,

En conséquence,

- dire et juger que cette action diligentée par le GAEC [D] et les époux [E] dans le cadre de la procédure qui a conduit au jugement rendu par le tribunal paritaire des baux ruraux de Guingamp en date du 6 juin 2013 n'était plus recevable pour Mme [H] [E] comme n'étant plus titulaire du bail,

- dire que 1'action était également irrecevable au visa des dispositions de ce texte, l'acte initial étant un acte au rapport de maître [G], notaire à [Localité 9], en date du 15 décembre 2006,

Subsidiairement,

- constater que l'action qui a été engagée par les consorts [E] et le GAEC [D] porte sur la cession des biens immobiliers vendus par le seul M. [A] [P] décédé le 7 décembre 2007 aux droits duquel interviennent ses trois enfants et que la cession du bien mobilier est intervenue non pas par les époux [P] mais par l'EARL de Kerverose dont M. [A] [P] et Mme [U] [P], sont les seuls associés,

- déclarer la demande des consorts [E] et du GAEC [D] en tant qu'elle porte sur les biens immobiliers, irrecevable au visa des dispositions de l'article L.411-74 du code rural et de la pêche maritime,

En conséquence,

- confirmer le jugement en ce qu'il a écarté la demande présentée par les consorts [E] et le GAEC [D] sur les biens mobiliers,

D'une façon plus générale,

- débouter les consorts [E] et le GAEC [D] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- recevoir les consorts [P] en leurs demandes reconventionnelles,

- condamner conjointement et solidairement le GAEC [D] et ses associés, M. [J] [E], Mme [V] [E] et M. [R] [E] au paiement d'une somme de 10 000 euros au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par les consorts [P],

- condamner les mêmes au versement d'une indemnité de 15 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 29 octobre 2019, les consorts [E] et le GAEC [D] demandent à la cour de:

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

En conséquence,

- dire et juger que la demande en répétition du pas de porte engagée par le GAEC [D] est parfaitement recevable en ce que le bail rural n'est pas résilié en l'absence de force exécutoire du jugement du tribunal paritaire des baux ruraux du 6 juin 2013,

Y faisant droit,

- condamner les consorts [P] à payer la restitution du pas de porte d'un

montant de 84 400 euros et les intérêts au taux légal majoré de 3 points à compter du 15 décembre 2006 au GAEC [D], à M. [J] [E] et Mme [H] [E],

- débouter les consorts [P] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner les consorts [P] aux entiers dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 juin 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre préliminaire, il est rappelé qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes de 'constater', 'donner acte', 'dire et juger' qui ne constituent pas des prétentions susceptibles d'entraîner des conséquences juridiques au sens de l'article 4 du code de procédure civile, mais uniquement la reprise de moyens développés dans le corps des conclusions qui ne doivent pas, à ce titre, figurer dans le dispositif des écritures des parties.

- Sur le recevabilité de la demande

Les consorts [P] soutiennent que les dispositions de l'article L.411-74 du code rural, qui prohibent et sanctionnent tout pas de porte lors de la conclusion ou la cession d'un bail rural, ne sont pas applicables en l'espèce dans la mesure où ils n'étaient pas preneurs sortants mais bailleurs. Ils ajoutent que les consorts [E] n'ont pas qualité à agir en ce que le GAEC [D] n'était ni preneur rentrant ni locataire et que rien ne permet d'indiquer que le GAEC a acquis pour le compte du preneur.

Les consorts [E] et le GAEC [D] rétorquent que les dispositions de l'article précité sont parfaitement applicables en l'espèce en ce que la jurisprudence constante considère, depuis un arrêt de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation du 26 janvier 2017, que l'action en répétition de l'indu n'est pas réservée au seul preneur mais est ouverte à celui, qui à l'occasion du changement d'exploitant, avait pour le compte du preneur, réglé la somme indue au bailleur. Ils font valoir que le GAEC a payé pour le compte de Mme [H] [E] qui devenait associée du GAEC en même temps qu'elle devenait titulaire du bail et le mettait à disposition du GAEC comme cela était stipulé dans le bail et qu'elle est ainsi devenue associée à l'occasion de l'opération qui a consisté pour le GAEC à payer l'indemnité litigieuse pour son compte.

Aux termes de l'article L.411-74 du code rural et de la pêche maritime 'Sera puni d'un emprisonnement de deux et d'une amende de 30 000 euros ou de l'une de ces deux peines seulement, tout bailleur, tout preneur sortant ou tout intermédiaire qui aura, directement ou indirectement, à l'occasion d'un changement d'exploitant soit obtenu ou tenté d'obtenir une remise d'argent ou de valeurs non justifiée, soit imposé ou tenté d'imposer la reprise de biens mobiliers à un prix ne correspondant pas à la valeur vénales de ceux-ci.

Les sommes indûment perçues sont sujettes à répétition. Elles sont majorées d'un intérêt calculé à compter de leur versement.

En cas de reprise de biens mobiliers à un prix ne correspondant pas à la valeur vénale de ceux-ci, l'action en répétition peut être exercée dès lors que la somme versée a excédé ladite valeur de plus de 10%.

L'action en répétition exercée à l'encontre du bailleur demeure recevable pendant toute la durée du bail initial et des baux renouvelés qui lui font suite ainsi que, en cas d'exercice du droit de reprise, pendant un délai de 18 mois à compter de la date d'effet du congé'.

Par acte au rapport de maître [G], notaire à [Localité 9], en date du 15 décembre 2006, M. [A] [P] et Mme [U] [S] épouse [P], mariés sous le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts, ont donné à bail rural à Mme [H] [E] quatre parcelles de terre situées sur la commune de [Localité 8] d'une superficie globale de 40 hectares 76 ares et 26 centiares pour un montant de fermage annuel de 7 320 euros. Le contrat a pris effet pour la période du 1er janvier 2007 au 29 septembre 2007 et pour une durée de 9 ans à compter du 29 septembre 2007 jusqu'au 29 septembre 2016. Par avis de mise à disposition des terres louées figurant dans l'acte, Mme [E] a informé M. et Mme [P], qui le reconnaissent et lui en donnent acte, de son intention de mettre les parcelles de terre présentement louées à la disposition du GAEC [D] ayant comme associés et gérants M. [K] [E], Mme [V] [Z] et M. [R] [E].

Suivant acte au rapport de maître [G] du 15 décembre 2006, M. et Mme [P] ainsi que leur société l'EARL de Kerverose, désormais dissoute, ont vendu au GAEC [D] des immeubles (un hangar agricole, une étable, les terrains sous et autour de ces bâtiments) au prix de 122 400 euros et du matériel pour 30 000 euros.

Par arrêté préfectoral du 29 mai 2006, le GAEC [D] avait été autorisé à exploiter les terres à bail sous réserve de l'installation de Mme [H] [E] en tant qu'associée à part entière dans le groupement. Mme [H] [E] justifie par la production d'un extrait Kbis avoir été nommée gérante et associée du GAEC le 20 avril 2007.

Il apparaît que l'acte de cession et le bail rural ont été conclu le même jour, le 15 décembre 2006 entre les époux [P], propriétaires mais aussi précédents exploitants des parcelles louées, et Mme [E], preneur entrant. Comme l'a relevé à bon droit le jugement entrepris, l'interdiction du pas de porte de l'article L.411-74 du code rural ne se limite pas aux rapports entre le preneur sortant et le preneur entrant mais également dans les rapports entre bailleur et preneur entrant. Ainsi les époux [P] ont tous deux la qualité de bailleur à l'égard de Mme [E] et sont ainsi soumis à l'interdiction posée par l'article L.411-74 du code rural et de la pêche maritime.

Par ailleurs, il est de jurisprudence constante que l'action en répétition de l'indu n'est pas limitée au seul preneur mais peut également être exercée par celui qui, à l'occasion du changement d'exploitant a, pour le compte du preneur, réglé la somme indue au bailleur (Civ.3è, 26 janvier 2017, n°15-12.737). En l'espèce, le GAEC [D] a réglé les sommes litigieuses pour le compte de Mme [H] [E] en même temps qu'elle devenait titulaire du bail rural et qu'elle mettait aussitôt à disposition dudit GAEC les parcelles louées comme cela était stipulé dans le bail et accepté par les consorts [P] qui l'ont même dispensée de notification ultérieure comme cela est mentionné en page 8 du bail à la rubrique 'avis de mise à disposition des terres louées'. Les consorts [P] ne peuvent, dès lors, utilement soutenir que rien ne leur permettait de savoir que le GAEC [D] avait acquis pour le compte du preneur.

Il doit en être déduit que même si le GAEC [D] n'avait effectivement pas la qualité de preneur entrant de Mme [H] [E], il est néanmoins lié à celle-ci dans le cadre de la convention de mise à disposition des biens donnés à bail et ainsi la somme qu'il a remise aux époux [P] doit être considérée comme une remise indirecte par le preneur entrant, Mme [H] [E].

Par conséquent, les actions des consorts [E] et du GAEC [D] fondées sur les dispositions de l'article L.411-74 du code rural et de la pêche maritime sont parfaitement recevables à l'encontre des consorts [P]. Le jugement sera ainsi confirmé.

- Sur la prescription de la demande en répétition

Les consorts [P] font valoir que la demande formée par les consorts [E] et le GAEC [D] est irrecevable en ce qu'elle est prescrite au visa des dispositions de l'article 2224 du code civil, les dispositions de l'article L.411-74 du code rural et de la pêche maritime n'étant pas applicables en l'espèce. Ils exposent que le GAEC [D] n'étant pas locataire, les règles de droit commun doivent s'appliquer et ils relèvent que l'acte au rapport de maître [G] portant vente de biens est en date du 15 décembre 2006 mais que les consorts [E] et le GAEC [D] n'ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux que le 16 juillet 2014 soit dans un délai de plus de cinq ans.

En réponse, les consorts [E] et le GAEC [D] leur opposent que le bail n'est pas résilié, la décision du tribunal paritaire des baux ruraux du 6 juin 2013 ayant ordonné la résiliation du bail et l'expulsion du GAEC [D] n'ayant pas force exécutoire en raison de l'appel en cours, la cour d'appel ayant sursis à statuer par arrêt du 2 avril 2015. Ils soutiennent que dans l'attente d'une décision relative à la répétition du pas de porte, l'action en répétition de l'indu n'est pas prescrite.

Il a été précédemment démontré que les dispositions de l'article L.411-74 du code rural et de la pêche maritime étaient applicables en l'espèce. Cet article prévoit notamment que l'action en répétition exercée à l'encontre du bailleur demeure recevable pendant toute la durée du bail initial et des baux renouvelés qui lui font suite ainsi que, en cas d'exercice du droit de reprise, pendant un délai de 18 mois à compter de la date d'effet du congé.

En l'espèce, la décision du tribunal paritaire des baux ruraux du 6 juin 2013 ayant ordonné la résiliation du bail et l'expulsion du GAEC [D], qui n'était pas assortie de l'exécution provisoire, a fait l'objet d'un appel. Par arrêt du 2 avril 2015, la cour d'appel a ordonné un sursis à statuer dans l'attente d'une décision relative à la répétition du pas de porte. Il en résulte que le bail n'est pas résilié et que l'action des consorts [E] et du GAEC [D] n'est pas prescrite. Le jugement qui a rejeté la fin de non recevoir soulevée par les consorts [P] sera ainsi confirmé.

- Sur la demande de restitution du pas de porte

Les parties s'accordent pour voir confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les consorts [E] et le GAEC [D] de leur demande de paiement de l'indu au titre des biens mobiliers.

S'agissant des biens immobiliers, les consorts [P] font valoir que les dispositions de l'article L.411-74 du code rural et de la pêche maritime ne sont applicables qu'aux biens mobiliers et non aux biens immobiliers. Ils indiquent que le hangar agricole sur poteaux bois et sous fibrociment était en parfait état lors de sa vente et que le bâtiment décrit comme une étable était, en réalité, une stabulation et une laiterie et doivent être considérés comme des biens immobiliers qui ont été parfaitement évalués à la somme de 122 400 euros. Ils ajoutent que ces biens ont fait l'objet de délivrance d'un permis de construire.

Les consorts [E] et le GAEC [D] rétorquent que le prix versé pour l'achat des biens correspond en réalité à la vente des quotas laitiers qui a été maquillée par une cession de biens vétustes qui ont été estimés à la somme de 27 500 euros en 2014 par l'attestation de maître [N], notaire à [I] et à la somme de 38 000 euros par l'expert M. [X] qu'ils ont mandaté pour procéder à une évaluation des biens vendus en 2006. Ils sollicitent la confirmation du jugement qui a retenu un prix indu de 84 400 euros.

Il est établi que la somme de 122 400 euros correspondant à 'un hangar poteaux bois sous fibro d'environ 10 sur 15 avec auvent d'environ 8 sur 15" et 'une étable en maçonnerie sous fibro (13,50x35), plus partie laiterie (5x6) avec appentis deux garages (5x5 chacun) et infirmerie (5x5) et les terrains sur et autour des bâtiments pour une contenance totale de 1 hectare 28 centiares a été versée par le GAEC [D] aux époux [P]. La remise des fonds par le GAEC [D] n'est pas contestée par les consorts [P].

Comme l'a relevé à juste titre le jugement entrepris, même si le texte précité vise les biens mobiliers, il n'en demeure pas moins que la somme en cause a été versée pour le compte du preneur entrant à l'occasion d'un changement d'exploitant, il appartient à la juridiction de rechercher si cette somme ou cette remise était justifiée (Civ.3ème, 10 juin 1998, n°96-15.667).

Le GAEC [D] produit une attestation de maître [I] en date du 11 juillet 2014 qui évalue les biens cédés à la somme de 27 500 euros ainsi qu'un rapport d'estimation établi à leur demande par M. [X], expert agricole et foncier qui évalue le 20 novembre 2014 les biens à la somme de 38 000 euros (10 500 euros pour le hangar, 26 000 euros pour l'étable et 1 500 euros pour le foncier).

Pour contester ces évaluations, les consorts [P] soutiennent que leurs biens ont été évalués à leur juste valeur en produisant des articles de presse sur la qualité de leur exploitation ainsi que les permis de construire du hangar de 1976 et celui de l'étable de 1980. Ils n'apportent aucun élément de nature à remettre en cause l'estimation et l'évaluation produite par les consorts [E] et le GAEC [D] qui établissent que la somme versée à l'occasion du changement d'exploitant n'était pas justifiée et que la valeur des biens acquis était excessive par rapport à la valeur réelle des biens.

C'est dès lors à bon droit que le jugement entrepris a retenu un prix indu de 84 400 euros correspondant à la différence entre le prix payé au titre des biens immobiliers et leur valeur vénale à la date de l'acquisition. Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il a dit que cette condamnation ne peut intervenir qu'au profit du GAEC [D], seul à l'origine de la remise des fonds et non aux consorts [E]. De même, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que cette somme portera intérêt au taux légal majoré de trois points à compter du 15 décembre 2006, date du versement de la somme indue au bénéfice du seul GAEC [D].

- Sur la demande de dommages-intérêts

Les consorts [P] qui sollicitent la condamnation des consorts [E] et du GAEC [D] à leur verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts seront déboutés de leur demande en l'absence de justifier d'un quelconque préjudice. Le jugement sera confirmé.

- Sur les frais irrépétibles et les dépens

Succombant en leur appel, les consorts [P] seront condamnés à verser au GAEC [D] et aux consorts [E] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ainsi qu'aux dépens d'appel, étant précisé que les dispositions du jugement entrepris relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déboute [L] [B], [U] [P], [F] [P], [O] [P] du surplus de leurs demandes, fins et conclusions ;

Condamne [L] [B], [U] [P], [F] [P], [O] [P] à payer à [J] [E], [H] [E] née [C] et au GAEC [D] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

Condamne [L] [B], [U] [P], [F] [P], [O] [P] aux dépens en cause d'appel.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19/02950
Date de la décision : 12/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-12;19.02950 ?
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