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10/10/2022 | FRANCE | N°22/02810

France | France, Cour d'appel de Rennes, Contestations honoraires, 10 octobre 2022, 22/02810


Contestations Honoraires





ORDONNANCE N° 84



N° RG 22/02810

N° Portalis DBVL-V-B7G-SWSH













Me [B] [H]



C/



M. [V] [S]

Mme [L] [Y] épouse [S]































Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES



ORD

ONNANCE DE TAXE

DU 10 OCTOBRE 2022







Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre,

délégué par ordonnance de Monsieur le Premier Président,



GREFFIER :



Madame Françoise BERNARD, lors des débats et lors du prononcé



DÉBATS :



A l'audience publique du 12 Septembre 2022



ORDONNANCE :



Contradictoire,

...

Contestations Honoraires

ORDONNANCE N° 84

N° RG 22/02810

N° Portalis DBVL-V-B7G-SWSH

Me [B] [H]

C/

M. [V] [S]

Mme [L] [Y] épouse [S]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ORDONNANCE DE TAXE

DU 10 OCTOBRE 2022

Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre,

délégué par ordonnance de Monsieur le Premier Président,

GREFFIER :

Madame Françoise BERNARD, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 12 Septembre 2022

ORDONNANCE :

Contradictoire,

prononcée à l'audience publique du 10 Octobre 2022, date indiquée à l'issue des débats

****

ENTRE :

Maître [B] [H]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

comparant en personne

ET :

Monsieur [V] [S]

[Adresse 3]

[Localité 1]

comparant en personne

Madame [L] [Y] épouse [S]

[Adresse 3]

[Localité 1]

comparante en personne

****

EXPOSE DU LITIGE :

M. [V] [S] et Mme [L] [Y] épouse [S] qui avaient vendu à M. [K] et à Mme [P] un bien immobilier, ont chargé Me [B] [H], avocat au barreau de Quimper, de la défense de leur intérêts dans le cadre d'une procédure de référé expertise engagée par les acquéreurs à leur encontre en raison de désordres.

Les parties ont signé le 18 mars 2020 une convention d'honoraires au temps passé.

Me [H] a assisté ses clients devant le juge des référés puis lors de la première réunion d'expertise. L'avocat s'est déchargé du dossier le 19 décembre 2021 à 22h33, veille de la seconde réunion.

Le 27 décembre 2021, l'avocat a établi la facture récapitulative et pour solde de tous comptes de ses honoraires d'un montant de 8 147 euros HT, soit 9 756,40 euros TTC.

Contestant la facture de leur conseil, les époux [S] ont, par requête du 28 décembre 2021, saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Quimper.

Par décision du 30 mars 2022, le bâtonnier fixé à la somme de 3 595,20 euros TTC les frais et honoraires dus à Me [B] [H] et l'a condamné à restituer aux époux [S] une somme de 3 595,20 euros TTC compte tenu de la provision de 7 756,40 euros TTC déjà versée.

Par lettre recommandée avec accusé de réception envoyée le 27 avril 2022, Me [B] [H] a formé un recours contre cette ordonnance.

Il a précisé qu'il développerait son argumentation ultérieurement.

Me [H] a été invité à conclure pour le 20 mai 2022 ce qu'il n'a pas fait.

Ces conclusions n'ayant été adressées que le 1er juillet pour l'audience du 4, l'affaire a été renvoyée, afin de permettre aux époux [S] d'y répondre éventuellement.

Aux termes de ses écritures, Me [H] sollicite que ses honoraires soient taxés à la somme de 9 756,40 euros et les époux [S] condamnés à lui verser un solde de 2 000 euros outre une somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il précise qu'il a mis à fin à son mandat en raison de la dégradation constante de ses relations avec son client.

Il ajoute que la première mission (référé) a été conduite à son terme et a donné lieu à une facture récapitulative de 2 524,60 euros TTC, que la seconde (expertise), non achevée, a donné lieu à une facture de 1 057,20 euros et qu'il a été chargé d'une troisième mission, concernant la procédure au fond, a été engagée puisqu'une assignation a été délivrée et qu'il s'est constitué.

Il conteste la décision du bâtonnier qui a fait comme si aucune convention n'avait été conclue. Il estime qu'à tort, le bâtonnier a réduit le nombre de ses heures de travail et a omis de tenir compte des frais d'ouverture, de conservation et d'archivage du dossier.

Avec la pénalité légale de 40 euros comprise dans son décompte, il sollicite que ses frais soient taxés à la somme de 9 756,40 euros TTC et réclame, compte tenu des provisions versées, un solde de 2 000 euros.

Les époux [S] nous ont adressé des observations écrites le 18 août 2022. Celles-ci n'ont pas été transmises à Me [H] qui a sollicité qu'elles soient écartées des débats.

Lors de l'audience, les époux [S] ont sollicité la confirmation de l'ordonnance du bâtonnier, rappelant que l'avocat avait méconnu la clause de sa propre convention qui prévoyait un préavis de quinze jours en cas de dessaisissement. Ils ont rappelé qu'une seule convention avait été signée et que la mission n'avait pas été menée à son terme. Ils ont ajouté que deux factures pour solde de tous comptes leur avaient été adressées les 22 et 27 décembre, la seconde d'un montant supérieur de 400 euros.

Ils ont estimé très excessifs les honoraires réclamés et ont cité, pour exemple, le temps facturé pour parcourir 35 km en campagne.

Ils ont ajouté que l'avocat avait fait preuve d'un manque de professionnalisme évident et commis une faute grave en se dessaisissant la veille d'une réunion d'expertise.

Me [H] qui a eu la parole après afin de pouvoir répondre à ses adversaires, a estimé justifiée sa demande d'honoraires, faisant état d'une précédente décision du bâtonnier de Quimper qui lui avait accordé une somme supérieure pour une procédure de référé plus simple.

Les parties ont été invitées à s'expliquer sur la caducité de la convention d'honoraire, la mission n'ayant pas été conduite à son terme et sur l'exigibilité de la pénalité prévue par l'article D 441-5 du code de commerce, les époux [S] n'étant pas professionnels.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il convient d'écarter des débats les observations écrites des époux [S], faute par ces derniers de les avoir adressées à leur adversaire.

La procédure étant orale, il sera, en revanche, tenu compte des observations qu'ils ont faites à l'audience, Me [H] ayant eu la possibilité d'y répondre.

Le recours de Me [H], ayant été effectué dans les forme et délai de l'article 176 du décret du 27 novembre 1991, est recevable.

Il sera tout d'abord rappelé que, dans le cadre limité de leur intervention en matière de fixation d'honoraires d'avocats, le bâtonnier et, sur recours, le premier président (ou son délégué) n'ont pas le pouvoir de statuer, même à titre incident, sur la responsabilité éventuelle de l'avocat vis à vis de son client, un tel litige relevant de la juridiction de droit commun. Il s'ensuit que les époux [S] ne peuvent utilement arguer du manque de professionnalisme et des fautes qu'ils reprochent à leur conseil dans l'accomplissement de son mandat (notamment son dessaisissement sans respecter le préavis convenu) pour s'opposer au payement des honoraires ou prétendre à une minoration de ceux-ci.

Il convient de rappeler que les parties ont signé le 18 mars 2020 une convention d'honoraires définissant ainsi la mission de l'avocat :

- ' défendre M. et Mme [S] dans le cadre d'une demande de désignation judiciaire d'un expert auprès du tribunal judiciaire de Quimper, en référé (article 145 du CPC) afin d'établir ces désordres,

- si possible éviter cette expertise qui n'a pas d'intérêt en raison de l'existence d'éléments suffisants pour permettre à M. [K] et Mme [P] d'engager immédiatement une action au fond,

- dans l'hypothèse où une expertise serait décidée par le tribunal, défendre les intérêts de M. et Mme [S]dans le cadre de cette/ces expertises ou contre-expertise(s) judiciaires,

- en conséquence du rapport d'expertise, ou en cas d'action au fond conjointe à celle en demande d'expertise, de défendre les intérêts de M. et Mme [S] à l'occasion de toutes actions juridictionnelles qui seraient engagées par M. et/ou Mme [K]...

Par exception... la présente mission ne comprend pas les procédures d'appel...'.

La convention stipule que les honoraires sont dus au temps passé que si Me [H] agit dans ses domaines de spécialité (droit de l'environnement, droit de l'urbanisme/immobilier, ou droit public) le taux horaire appliqué est de 350 euros HT/heure et s'il agit en dehors le taux est de 250 euros HT/heure, sauf intervention urgente auquel cas il est porté à 400 euros HT/heure.

Il est également prévu un honoraire de représentation pour la présence devant les juridictions (150 euros HT/heure) et un honoraire pour la présence sur les lieux (visite, expertise,...) fixé à 175 euros /heure.

Enfin, il a été prévu que les clients rembourseront à Me [H] les frais dont certains sont précisés à la convention (ouverture de dossier, archivage, indemnités kilométriques, temps de déplacement), les autres frais étant calculés forfaitairement au taux de 8 % HT du montant HT des honoraires facturés.

Les parties ont convenu du versement d'une provision de 4 214,60 euros TTC payable en trois fois.

La convention ne prévoit aucune disposition en cas de résiliation, si ce n'est le respect par les parties d'un préavis de 15 jours.

Me [H] a mis un terme à sa mission par courriel adressé à ses clients le 19 décembre 2021 à 22h33.

Le 22 décembre 2021, il leur a adressé une facture qualifiée de ' récapitulative et pour solde de tous comptes ' leur réclamant une somme de 1 350 euros HT (1 250 euros au titre des honoraires et 100 euros au titre des frais forfaitaires suivant convention), puis le 27 décembre 2021 une seconde facture également qualifiée de ' récapitulative et pour solde de tous comptes ' se présentant ainsi :

- honoraires diligences suivant facture détaillée du 24 juin 2020 : 5 616 euros HT,

- honoraires diligences suivant facture détaillée du 2 novembre 2020 : 881 euros HT,

- honoraires correspondances et étude de l'assurance de protection juridique : facture du 22 décembre 2021 : 1 350 euros HT

total honoraires : 7 847 euros HT,

- frais : ouverture du dossier : 83,33 euros HT,

- archivage du dossier : 200 euros HT,

total frais : 283,33 euros HT,

total HT : 8 147 euros, total TTC : 9 756,40 euros dont à déduire sommes versées 7 756,40 euros TTC, solde dû : 1 960 euros TTC, pénalité article D 441-5 du code de commerce : 40 euros, total à payer : 2 000 euros TTC.

Sur la procédure de référé :

L'ordonnance de référé a été rendue par le président du tribunal judiciaire de Quimper le 17 juin 2020. Me [H] a adressé à ses clients le 24 juin 2020 une ' facture récapitulative ' afférents à la procédure de référé, détaillant les prestations effectuées et les montants réclamés pour chacune d'elles. Au terme de cette facture, d'un montant de 6 739,20 euros TTC, l'avocat a réclamé à ses clients un solde de 2 524,60 euros, après déduction de la provision réclamée lors de la signature de la convention (4 214,60 euros).

Cette facture récapitulative a été acceptée par les époux [S] qui ont réglé le solde qui leur était réclamé (2 524,60 euros). Ce payement est intervenu librement, en connaissance de cause, après service rendu.

Or, si le bâtonnier et le premier président apprécient souverainement, d'après les conventions des parties et les circonstances de la cause, le montant de l'honoraire dû à l'avocat, il ne leur appartient pas de le réduire dès lors que le principe et le montant de l'honoraire ont été acceptés par le client après service rendu (2e Civ., 18 septembre 2003, pourvoi n° 01-16.013, Bull. 2003, II, n° 279 ; 2e Civ., 6 mars 2014, pourvoi n° 13-14.922, Bull. 2014, II, n° 62), cette acceptation résultant du payement effectué dans les conditions précitées.

L'ordonnance du bâtonnier en ce qu'elle a réduit le montant des honoraires afférents au référé, honoraires que les clients avaient acceptés, ne peut être qu'infirmée, ces honoraires étant taxés à la somme de 6 739,20 euros TTC.

Sur les honoraires afférents à la première réunion d'expertise :

Après la première réunion d'expertise qui s'est tenue le 28 octobre 2020, Me [H] a adressé, le 2 novembre 2020, à ses clients une facture intitulée ' facture de déplacement sur les lieux ' détaillant les prestations suivantes :

- honoraires de présence sur site : 4h à 175 euros HT : 700 euros HT,

- frais forfaitaires : 56 euros HT,

- temps de déplacement : 90 euros HT,

- indemnités kilométriques : 358 euros HT,

total 881 euros HT soit 1 057,20 euros TTC.

Il est constant que cette somme a été librement réglée par les clients après service rendue. Elle ne peut donc être remise en cause pour les motifs exposés ci-dessus. L'ordonnance sera donc infirmée de ce chef.

Sur les factures des 22 et 27 décembre 2021 :

La facture du 27 décembre 2021 reprend la facture du 22 décembre précédent ajoutant trois postes : frais d'ouverture de dossier, frais d'archivage et pénalité de retard.

Dans sa facture du 22 décembre 2021, Me [H] facture quatre heures de travail correspondant à des relations avec le client (38 mails dont préparation d'un dossier photographique) à 250 euros HT de l'heure et une heure de travail intitulée 'relations avec l'adversaire et le tribunal'.

Le dossier remis par l'avocat ne comporte pas ni les 38 courriels dont il est fait état ni le dossier photographique qui aurait été préparé. Seuls y figurent les courriels afférents à la rupture des relations lesquels ne peuvent donner lieu à facturation ne s'agissant pas de prestations effectuées au bénéfice du client.

De même, il n'est aucunement justifié des relations avec le tribunal ou ni apporté la moindre précision (date durée) quant aux échanges prétendus avec l'adversaire.

Les cinq heures ainsi facturées seront donc rejetée de même et, par voie de conséquence, que les frais forfaitaires subséquents.

Aucune somme n'est donc due au titre de la facture du 22 décembre 2021.

Dans sa facture du 27 décembre 2021, Me [H] réclame des frais d'ouverture de dossier. Cependant, cette demande doit également être rejetée. En effet, ces frais auraient dû figurer dans la facture récapitulative de la procédure de référé à l'occasion de laquelle la procédure a été ouverte. Les ayant omis (sciemment compte tenu du montant de la facture, ou non), Me [H] ne peut les réclamer à ce stade. Il en sera débouté.

Enfin et s'agissant des frais d'archivage, Me [H] ne peut non plus les réclamer puisqu'ayant mis un terme à sa mission avant qu'elle ne soit achevée, il lui appartient de transférer le dossier au nouveau conseil de ses anciens clients, pour peu qu'ils en aient désigné un, et à défaut, de le leur remettre.

L'ordonnance du bâtonnier sera, en conséquence, infirmée et les honoraires de l'avocat fixés à la somme de 7 796,40 euros TTC (6 739,20 + 1 057,20), somme que les époux [S] ont intégralement réglée (le décompte de l'avocat comportant une erreur en ce qu'il indique que les clients ont versé une somme de 7 756,40 TTC).

Aucune somme n'étant due par les époux [S], c'est à tort que Me [H] réclame l'application d'une pénalité de retard (au demeurant due par le seul professionnel).

Chaque partie échouant partiellement en ses prétentions conservera à sa charge les frais compris ou non dans les dépens par elle exposés.

La demande de Me [H] fondée sur l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement,

Ecartons des débats les observations écrites que les époux [S] nous ont adressées le 18 août 2022.

Infirmons l'ordonnance du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Quimper du 30 mars 2022.

Statuant à nouveau :

Fixons le montant des frais et honoraires dus par les époux [S] à Me [H] à la somme de 7 796,40 euros TTC.

Constatons que cette somme a été intégralement payée par les époux [S].

Déboutons Me [H] de ses demandes en payement.

Disons que chaque partie supportera la charge des frais compris ou non dans les dépens par elle exposés.

Rejetons la demande de Me [H] fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Contestations honoraires
Numéro d'arrêt : 22/02810
Date de la décision : 10/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-10;22.02810 ?
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