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07/10/2022 | FRANCE | N°19/04694

France | France, Cour d'appel de Rennes, 8ème ch prud'homale, 07 octobre 2022, 19/04694


8ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°426



N° RG 19/04694 -

N° Portalis DBVL-V-B7D-P5Z4













SAS MILIBRIS



C/



M. [J] [M]

















Infirmation















Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 07 OCTOBRE 2022r>




COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé







DÉBATS :



A l'audience publique du 16 Ju...

8ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°426

N° RG 19/04694 -

N° Portalis DBVL-V-B7D-P5Z4

SAS MILIBRIS

C/

M. [J] [M]

Infirmation

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 07 OCTOBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 16 Juin 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 07 Octobre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE et intimée à titre incident :

La SAS MILIBRIS prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 1]

[Localité 5]

Ayant Me Etienne DELATTRE de la SARL NMCG AVOCATS ASSOCIES OUEST II, Avocat au Barreau de NANTES, pour postulant et représentée à l'audience par Me Laure VIRLET substituant à l'audience Me Gaëlle MERIGNAC, Avocats plaidants du Barreau de PARIS

INTIMÉ et appelant à titre incident :

Monsieur [J] [M]

né le 23 Décembre 1974 à [Localité 4] (92)

demeurant [Adresse 3]

[Localité 2]

Comparant et représenté par Me Michelle PIERRARD de la SELARL ALPHA LEGIS, Avocat au Barreau de SAINT-MALO

La SAS MILIBRIS, fondée et dirigée par M. [Y], développe des logiciels numériques et une plateforme d'intermédiation permettant la lecture des journaux, magazines et livres en version numérique.

M. [J] [M], est un graphiste designer indépendant. En 2007 et 2008, il participe à la conception et la réalisation des premières applications destinées à la future SAS MILIBRIS.

Une convention de prestation de service est signée entre les parties pour les mois de juillet, août et septembre 2009. Elle est renouvelée pour une année à compter du mois octobre 2009.

En janvier 2012, M. [Y] a adressé à M. [M] un contrat de travail qu'il n'a pas régularisé.

M. [M] a refusé de signer une nouvelle convention de prestation de service.

La collaboration des parties s'est néanmoins poursuivie jusqu'au 14 janvier 2013 puis la SAS MILIBRIS a mis un terme à sa collaboration avec M. [M].

Le 11 décembre 2017, M. [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Nantes aux fins essentiellement de juger qu'il était lié à la SAS MILIBRIS par un contrat de travail à temps plein en qualité de directeur de création depuis le 1er avril 2009, de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date du 14 janvier 2013 et de condamner la SAS MILIBRIS au paiement de diverses sommes aux titres de rappels de salaire et congés payés, d'indemnité pour travail dissimulé, d'indemnité de préavis et congés payés, d'indemnité conventionnelle de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages-intérêts en réparation du préjudice spécifique subi pendant le cours de l'exécution du contrat de travail.

La cour est saisie de l'appel formé le 11 juillet 2019 par la SAS MILIBRIS contre le jugement du 6 juin 2019, par lequel le conseil de prud'hommes de Nantes a :

' Dit que M. [M] a été lié par un contrat de travail avec la SAS MILIBRIS à compter du 1er avril 2009,

' Dit que M. [M] relevait de la position 3.1, coefficient 170, de la convention SYNTEC avec application de l'article 3, chapitre II, de l'accord du 22 juin 1999, de la convention collective dite SYNTEC,

' Prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, à la date du 14 janvier 2013,

' Condamné la SAS MILIBRIS à payer à M. [M] les sommes suivantes avec intérêts au taux légal et capitalisation :

- 67.324,59 € brut au titre du rappel de salaire,

- 6.733,46 € brut au titre des congés payés afférents,

- 11.571,64 € brut au titre de l'indemnité de préavis,

- 1.157,16 € brut au titre des congés payés afférents,

- 5.142,95 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 25.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' Ordonné à la SAS MILIBRIS de remettre à M. [M] un certificat de travail, les bulletins de salaire, une attestation Pôle Emploi conformes jugement et sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la notification et ce jusqu'à la délivrance de la totalité des documents,

' Dit que le conseil de prud'hommes se réserve expressément le pouvoir de liquider cette astreinte provisoire, charge à la partie intéressée d'en formuler la demande au greffe,

' Limité l'exécution provisoire du présent jugement à l'exécution provisoire de droit définie à l'article R.1454-28 du code du travail et fixé à 3.857,21 € brut le salaire mensuel moyen de référence,

' Débouté M. [M] du surplus de ses demandes,

' Débouté la SAS MILIBRIS de sa demande reconventionnelle formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' Condamné la SAS MILIBRIS aux entiers dépens.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 18 mai 2020, suivant lesquelles la SAS MILIBRIS demande à la cour de :

A titre principal,

' Infirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a débouté M. [M] de ses demandes d'indemnité pour travail dissimulé et de dommages-intérêts au titre du préjudice subi dans le cadre de l'exécution de son contrat,

Statuant à nouveau,

' Dire que la SAS MILIBRIS et M. [M] étaient liés par un contrat de prestation de services à l'exclusion de tout contrat de travail,

' Débouter M. [M] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire,

Si par extraordinaire la cour estimait que les parties étaient liées par un contrat de travail,

* Sur la classification conventionnelle :

' Infirmer le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

' Juger que M. [M] ne pouvait prétendre qu'à la classification conventionnelle 2.2 coefficient 130 de la convention collective,

' Juger que le salaire servant de base aux éventuelles condamnations est le salaire minimum conventionnel de cette catégorie pour chacune des années considérées, soit:

- 2.475,20 € brut par mois pour la période de juin 2009 à novembre 2010,

- 2.524,60 € brut par mois pour la période de décembre 2010 à janvier 2012,

- 2.575,30 € brut par mois pour la période de février à octobre 2012,

* Sur le rappel de salaire :

' Constater que M. [M] a perçu des revenus supérieurs au minimum prévu par la convention collective,

' Infirmer le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

' Le débouter de cette demande,

* Sur les indemnités de rupture :

' Infirmer le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

' Limiter le montant des indemnités de rupture aux sommes suivantes :

- 7.725,90 € au titre de l'indemnité de préavis,

- 3.323,58 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 9.013,55 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* Sur l'indemnité de travail dissimulé :

' Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [M] de ce chef de demande,

* Sur les dommages-intérêts au titre du préjudice subi par le salarié dans l'exécution de son contrat :

' Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [M] de ce chef,

A titre infiniment subsidiaire,

Si par extraordinaire la cour estimait que les parties étaient liées par un contrat de travail et que la classification conventionnelle applicable est 3.1, coefficient 170, avec le salaire minimum conventionnel afférent,

' Infirmer le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

' Limiter la condamnation au titre du rappel de salaire à la somme de 30.532,10 €, outre les congés payés afférents,

' Limiter le montant des indemnités de rupture aux sommes suivantes :

- 10.062,30 € au titre de l'indemnité de préavis,

- 4.328,67 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 20.124,60 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause,

' Condamner M. [M] à verser à la SAS MILIBRIS la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 24 août 2020, suivant lesquelles M. [M] demande à la cour de :

' Dire recevable mais mal fondée la SAS MILIBRIS en son appel,

' Déclarer recevable et fondé M. [M] en son appel incident,

' Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Dit que M. [M] était lié par un contrat de travail avec la SAS MILIBRIS,

- Dit que M. [M] relevait de la position 3.1, coefficient 170, de la convention SYNTEC avec application de l'article 3 chapitre II de l'accord du 22 juin 1999 de la convention collective dite SYNTEC

- Prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [M], aux torts de l'employeur, produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' Dire que l'employeur ne rapporte pas la preuve de 1'envoi d'une lettre de rupture avant le 14 janvier 2013, date à laquelle le salarié a saisi le conseil d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail,

' Dire que la date d'embauche est du 24 mars 2009, date d'immatriculation de la SAS MILIBRIS au registre du commerce,

' Dire que la rupture produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date du 16 janvier 2013,

Subsidiairement,

' Déclarer le licenciement intervenu sans cause réelle ni sérieuse, la lettre invoquée par l'employeur et datée du l4 janvier 2013 étant insuffisamment motivée, entraînant présomption irréfragable d'absence de cause réelle et sérieuse,

' Dire que la SAS MILIBRIS s'est rendue coupable de travail dissimulé par dissimulation d'emploi au sens de l'article L.8221-5 du code du travail, ouvrant droit, au profit du salarié au paiement de l'indemnité forfaitaire de l'article L.8223-l du même code,

' Dire que l'ordonnance du 22 septembre 2017 instaurant un barème des indemnités prud'homales est applicable aux licenciements prononcés après sa publication, par application de l'article 40 de ladite ordonnance,

' Confirmer les condamnations prononcées par le jugement entrepris aux titres de rappel de salaire et congés payés afférents, d'indemnité de préavis et de congés payés afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [M] de ses demandes aux titres de :

- l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

- dommages-intérêts au titre des conditions de travail dégradées et attentatoires à l'état de santé du salarié, pendant le cours du contrat et en réparation du préjudice subi par le salarié,

Statuant à nouveau à ce titre,

' Condamner la SAS MILIBRIS à payer à M. [M] :

- 23.107,26 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- 50.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice spécifique subi pendant le cours du contrat de travail,

Subsidiairement,

Si par impossible la cour accordait à M. [M] le coefficient 170 de la convention SYNTEC, sans 1'application de l'accord du 22 juin 1999,

' Condamner en ce cas l'employeur au paiement des sommes suivantes :

- 45.390,95 € à titre de rappel de salaire,

- 4.539,09 € au titre des congés payés afférents,

Encore plus subsidiairement,

Si par impossible la cour accordait à M. [M] le coefficient 130 de la convention SYNTEC,

' Condamner en ce cas l'employeur au paiement des sommes suivantes :

- 11.089,15 € à titre de rappel de salaire,

- 1.108,92 € au titre des congés payés afférents,

' Dire que les indemnités de rupture ainsi que l'indemnité pour travail dissimulé doivent être calculées sur la base du salaire réglé au salarié en dernier lieu dès lors qu'il est supérieur au minimum conventionnel,

' Condamner la SAS MILIBRIS au paiement des sommes suivantes :

- 11.250 € brut à titre d'indemnité de préavis,

- 1.125 € brut au titre des congés payés afférents,

- 5.000 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 22.500 € à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

' Ordonner à la SAS MILIBRIS de remettre à M. [M] des bulletins de paie conformes à la décision à intervenir, rétroactivement depuis le 24 mars 2009, un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle Emploi, dans le délai de 15 jours après le prononcé de la décision à intervenir et, passé ce delai, sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document concerné,

' Rappeler que le conseil des prud'hommes de Nantes s'est réservé de liquider l'astreinte ainsi ordonnée, cette disposition du jugement n'étant pas critiquée,

' Dire que les condamnations prononcées à titre salarial porteront intérêts à compter de la saisine du conseil, le 14 janvier 2013 et jusqu'à parfait réglement de la dette, tandis que celles prononcées à titre indemnitaire porteront intérêts à compter du jugement entrepris pour celles qui seront confirmées par la cour, et à compter de l'arrêt à intervenir pour les condamnations nouvellement prononcées par la cour,

' Ordonner dans tous les cas la capitalisation des intérêts par application de l'article 1343-2 du code civil,

' Dire qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [M] les frais irrépétibles qu'il a dû engager pour faire valoir ses droits devant le conseil puis devant la cour,

' Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SAS MILIBRIS au paiement de la somme de 1.500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance,

Y ajoutant,

' Condamner la même au paiement de la somme de 4.000 € sur le même fondement à hauteur d'appel,

' Condamner la SAS MILIBRIS aux entiers dépens, de première instance et d'appel, lesquels comprendront les éventuels frais d'exécution forcée.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 9 juin 2022.

Par application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties à leurs dernières conclusions sus-visées.

Vu les notes en délibéré autorisées par la Cour adressées par les parties le 20 juin 2022, le 8 juillet 2022, le 9 août 2022 et le 23 août 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'effet dévolutif de l'appel

La SAS MILBRIS a interjeté appel à l'encontre du jugement rendu le 6 juin 2019 par le conseil de prud'hommes de Nantes par déclaration d'appel du 11 juillet 2019 mentionnant: 'Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués prévus dans l'annexe à la déclaration d'appel'.

Il est constant que l'annexe jointe à la déclaration d'appel mentionne les chefs de jugement critiqués.

Les nouvelles dispositions du décret n° 2022-245 du 25 février 2022 ayant modifié l'article 901, 4°, du code de procédure civile en tant qu'il prévoit que la déclaration d'appel est faite par acte contenant, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible, en ajoutant dans ce texte, après les mots : « faite par acte », les mots: « comportant le cas échéant une annexe », et de l'arrêté du 25 février 2022 modifiant l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d'appel sont applicables aux instances en cours, introduites par des déclarations d'appel formées antérieurement à leur entrée en vigueur, pour autant qu'elles n'ont pas été annulées par une ordonnance du magistrat de la mise en état qui n'a pas fait l'objet d'un déféré dans le délai requis, ou par l'arrêt d'une cour d'appel statuant sur déféré.

L'article 901 du code de procédure civile, dans sa nouvelle rédaction, prévoit désormais que 'La déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le cinquième alinéa de l'article 57, et à peine de nullité :

1° La constitution de l'avocat de l'appelant ;

2° L'indication de la décision attaquée ;

3° L'indication de la cour devant laquelle l'appel est porté ;

4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible...'.

La déclaration d'appel de la SAS MILBRIS en date du 11 juillet 2019, qui se réfère expressément à une annexe et à laquelle est jointe cette annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués, constitue l'acte d'appel conforme aux exigences de l'article 901 du code de procédure civile, dans sa nouvelle rédaction, même en l'absence d'empêchement technique.

La déclaration d'appel est donc régulière et la Cour est valablement saisie, par l'effet dévolutif de l'appel de la SAS MILBRIS, des demandes de l'appelante.

Sur l'existence d'un contrat de travail à durée indéterminée

Pour infirmation à ce titre, la SAS MILIBRIS soutient que les relations contractuelles avec M. [M] relèvent d'un contrat de prestation de services et non d'un contrat de travail. Elle ajoute que M. [M] n'apporte pas d'éléments permettant de renverser la présomption de non-salariat. Au contraire, la SAS MILIBRIS relève plusieurs indices de non-salariat : immatriculation de M. [M] au RCS ; indépendance technique et intellectuelle dans la réalisation des prestations ; indépendance d'organisation matérielle; absence de pouvoir disciplinaire ; absence d'exclusivité et absence de subordination juridique.

Pour confirmation à ce titre, M. [M] rétorque qu'il travaillait de façon exclusive et permanente pour cette dernière, sans indépendance, recevant ses ordres et directives journellement et au fur et à mesure des besoins, moyennant une rémunération mensuelle fixée.

Suivant l'article L. 8221-6 du contrat de travail, les intervenants qui se voient confier l'exécution d'un service sont présumés ne pas être liés par un contrat de travail s'ils sont immatriculés à ce titre au Registre du Commerce et des Sociétés (R.C.S), en cas d'activité commerciale.

Le premier alinéa de l'article L. 8221-6-1 du code du travail dispose que sont présumés ne pas être liés avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription, les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux. Aux termes du second alinéa du même article, l'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées précédemment fournissent directement ou par personne interposée des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui le placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci.

Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Il appartient donc à celui qui se prévaut de la qualité de salarié de renverser la présomption de non salariat attachée à la qualité de travailleur indépendant.

En l'espèce, il est constant que M. [M] est présumé travailleur indépendant du fait de son enregistrement au registre du commerce et des sociétés de Nantes depuis 2005 en qualité de travailleur indépendant et à la Maison des artistes pour les années 2009 à 2011.

Par courrier électronique du 11 juin 2012, il confirmait ces statuts auprès de la SAS MILIBRIS :

'[B], voilà les informations demandées concernant mon activité free lance :

Forme juridique : entreprise individuelle (SIRET 48450262000038)

Type de revenus : bénéfices non commerciaux

Régime fiscal actuel : régime spécial micro-BNC (franchise en base de TVA)

Cotisations sociales : Maison des Artistes (affilié, n° d'ordre R 395846)

Mode de facturation : note d'honoraires'.

Le contrat de travail étant caractérisé lorsque trois conditions sont réunies, il convient donc de vérifier l'existence en l'espèce :

- d'un lien de subordination, critère déterminant du contrat de travail,

- d'une prestation de travail,

- d'une rémunération, contrepartie de la prestation de travail, peu importe sa nature.

S'agissant du lien de subordination, le dossier tient essentiellement dans des échanges de courriels entre les parties qui ne manifestent pas de pouvoir de contrôle de la direction sur M. [M], les seuls impératifs portant sur les demandes légitimement exprimées par le donneur d'ordre auprès de son co-contractant dans le cadre d'une prestation de service.

La réalité de la mise en oeuvre d'un pouvoir disciplinaire n'est pas davantage justifiée et ne peut résulter de la décision de rompre le contrat dès lors que cette rupture est inhérente au contrat de prestation de service auquel il peut être mis fin en cas de désaccord.

Quant aux congés, M. [M] ne verse aux débats aucune preuve de ce que la fixation de ces derniers était soumise à l'approbation de la SAS MILIBRIS, d'autant que la société a rappelé à M. [M] qu'en qualité de prestataire et non de salarié, il n'avait pas à solliciter des vacances. Précisémment, M. [Y], gérant de la SAS MILIBRIS, a écrit à M. [M], 'dans la mesure où tu n'es pas salarié de la société, la notion même de congés m'est complètement étrangère en ce qui te concerne. Cette demande n'a donc aucun sens ; tu organises ton temps comme tu le souhaites'.

En ce qui concerne la prestation effectuée pour le compte de la SAS MILIBRIS, les parties s'accordent pour indiquer que M. [M], qui disposait d'une expertise spécifique du fait de son expérience comme graphiste designer, avait pour mission l'accompagnement de la SAS MILIBRIS dans le lancement de son activité pour la conception et la réalisation des applications numériques de la plateforme.

La cour relève que cette mission était en tout point conforme à l'activité mentionnée à l'extrait Société.com versé au débat concernant l'activité commerciale exercée par M. [M] à l'époque des faits et correspond à une prestation de service.

Si M. [M] se rendait dans les locaux de la SAS MILIBRIS situés à [Localité 5], il s'agissait d'effectuer les tâches nécessaires au développement de la SAS MILIBRIS ; le fait qu'il ait pris part dans ce cadre à des réunions planifiées par les dirigeants de la SAS MILIBRIS est en conséquence sans incidence sur la nature des relations entre les parties.

Par ailleurs, la mise à disposition par la SAS MILIBRIS à M. [M] d'une adresse mail ne saurait emporter reconnaissance d'un contrat de travail salarié, mais simplement de l'existence d'une relation commerciale unissant M. [M] et la SAS MILIBRIS.

S'agissant de la rémunération, il ressort des pièces versées aux débats que M. [M] a adressé des 'note(s) d'honoraires pour une création originale' mensuelles pour ses prestations de juillet à décembre 2009, de mars et avril 2010 et de janvier à décembre 2012. M. [M] ne justifie d'aucun autre accord sur une rémunération différente que la société reconnaît comme étant celle qui avait été convenue entre les parties.

Il s'ensuit que M. [M] ne renverse dès lors pas la présomption de non salariat ; la cour écarte par infirmation du jugement l'existence d'un contrat de travail indéterminée et déboute M. [M] de l'intégralité de ses demandes.

Sur les dépens et frais irrépétibles

L'équité ne commande pas en l'espèce qu'une condamnation soit prononcée au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Les parties sont donc déboutées des demandes présentées sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

DÉCLARE la cour valablement saisie par la déclaration d'appel de la SAS MILIBRIS du 11 juillet 2019 ;

INFIRME le jugement entrepris;

Statuant à nouveau,

DÉBOUTE M. [J] [M] de l'intégralité de ses demandes ;

DIT n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [J] [M] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 8ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 19/04694
Date de la décision : 07/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-07;19.04694 ?
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