3ème Chambre Commerciale
ARRÊT N°479
N° RG 20/00568 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QNO6
SA COMPAGNIE GENERALE D'AFFACTURAGE - CGA
C/
M. [X] [E]
SAS BP EPUR
SCP DOLLEY-COLLET
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me DUBREIL
Me VIGNERON
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 04 OCTOBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,
Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,
Assesseur : Monsieur Dominique GARET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Julie ROUET, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 04 Juillet 2022 devant Monsieur Dominique GARET, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 04 Octobre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
Société COMPAGNIE GENERALE D'AFFACTURAGE - CGA, Société Anonyme immatriculée au RCS de BOBIGNY sous le n° 702 016 312, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représentée par Me Cyril DUBREIL de la SCP OUEST AVOCAT CONSEILS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉS :
Monsieur [X] [E]
né le 01 Mars 1955 à [Localité 8]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Société BP EPUR, inscrite au RCS de Nantes sous le N° 789 856 135, placée en redressement judiciaire suivant jugement du tribunal de commerce de Nantes du 27 septembre 2017
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentés par Me Jean-Louis VIGNERON de la SELARL ASKE 3, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
Société DOLLEY-COLLET, prise en qualité de liquidateur de la S.A.S. BP EPUR, désignée par jugement du Tribunal de Commerce de Nantes en date du 27 septembre 2017
[Adresse 6]
[Localité 8]
Représentée par Me Jean-Louis VIGNERON de la SELARL ASKE 3, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
FAITS ET PROCEDURE
Suivant acte du 11 septembre 2015, la société BP-Epur (ci-après la société) souscrivait un contrat d'affacturage auprès de la Compagnie Générale d'Affacturage (ci-après la CGA ou le factor).
Ce contrat prévoyait la possibilité pour la société de transférer au factor ses créances payables à terme pour en être immédiatement réglée par celui-ci en contrepartie, d'une part du paiement de frais d'affacturage, d'autre part du transfert de propriété desdites créances par voie de subrogation.
Suivant acte du 21 septembre 2015, M. [X] [E] s'engageait en qualité de caution des sommes susceptibles de rester dues par la société au titre du contrat d'affacturage, et ce, dans la limite d'une somme de 50.000 €.
Selon décompte arrêté au 1er mars 2017, le compte d'affacturage de la société présentait un solde débiteur de 62.021,43 €, conséquence de deux factures transférées à la CGA mais non réglées à leur échéance.
Par lettre recommandée reçue le 23 décembre 2016, la CGA mettait en demeure la société de lui rembourser la somme restée impayée.
Par une seconde lettre recommandée également reçue le même jour, la CGA mettait en demeure M. [E] de s'acquitter de son engagement de caution.
Par jugement du 22 mars 2017, la société était placée en redressement judiciaire, et la société Dolley-Collet désignée en qualité de mandataire.
Par lettre recommandée du 3 mai 2017, la CGA déclarait sa créance auprès du mandataire judiciaire.
Elle faisait alors assigner la société et son mandataire devant le tribunal de commerce de Nantes aux fins de voir fixer sa créance au passif de la procédure collective'; elle faisait également assigner M. [E] aux fins de condamnation à paiement de la somme de 50.000 €.
Tandis que la société avait été placée en liquidation judiciaire, le tribunal, par jugement du 18 novembre 2019':
- déboutait la CGA de l'ensemble de ses demandes';
- condamnait la CGA à payer à M. [E] une somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
- déboutait M. [E] du surplus de ses demandes';
- condamnait la CGA aux dépens de l'instance.
Par jugement du 12 décembre 2019, la liquidation judiciaire était clôturée pour insuffisance d'actif et la SCP Dolley-Collet déchargée de sa mission.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 22 janvier 2020, la CGA interjetait appel du jugement du 18 novembre 2019.
Par ordonnance du 28 février 2020, la SCP Dolley-Collet était désignée en qualité de mandataire ad litem pour représenter la société dans le cadre de l'instance d'appel.
La CGA notifiait ses dernières conclusions le 18 juin 2020, M. [E] et la société Dolley-Collet ès qualités les leurs le 12 mai 2020.
La clôture de la mise en état intervenait par ordonnance du 16 juin 2022.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
La CGA demande à la cour de :
Vu les articles 1231-6 et suivants du code civil et 1346-1 et suivants du même code,
Vu les articles L 622-21, L 622-28 et L 631-14 du code de commerce,
- dire et juger les demandes, fins et conclusions de la CGA recevables et bien fondées';
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau :
- fixer la créance de la CGA au passif de la liquidation judiciaire de la société à la somme de 62.021,43 € en principal outre intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2016';
- condamner M. [E] à verser à la CGA la somme de 50.000 € en principal outre intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 2016';
- ordonner la capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil';
- condamner M. [E] à verser à la CGA une somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
- condamner M. [E] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Au contraire, M. [E] et la SCP Dolley-Collet ès qualités demandent à la cour de :
Vu les articles L 622-21 et suivants du code de commerce,
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions';
En conséquence,
- constater que la CGA ne justifie pas de l'existence de la créance qu'elle allègue';
- débouter la CGA de sa demande d'inscription au passif de la liquidation judiciaire de la société et de sa demande de condamnation de M. [E] en qualité de caution';
- condamner la CGA à payer à M. [E] la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.
Il est renvoyé à la lecture des conclusions précitées pour un plus ample exposé des demandes et moyens développés par les parties.
MOTIFS DE LA DECISION
Aux termes de l'article 1134 ancien premier alinéa du code civil, dans sa rédaction applicable à la date de la conclusion du contrat d'affacturage, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Par ailleurs, l'article 1346-1 du code civil dispose :
«La subrogation conventionnelle s'opère à l'initiative du créancier lorsque celui-ci, recevant son paiement d'une tierce personne, la subroge dans ses droits contre le débiteur.
Cette subrogation doit être expresse.
Elle doit être consentie en même temps que le paiement, à moins que, dans un acte antérieur, le subrogeant n'ait manifesté la volonté que son cocontractant lui soit subrogé lors du paiement. La concomitance de la subrogation et du paiement peut être prouvée par tous moyens. »
En l'espèce, il résulte des pièces du dossier et il est constant :
- que la société a souscrit auprès de la CGA une convention d'affacturage qui prévoyait le règlement immédiat par le factor, par crédit opéré sur un compte dédié, du montant de factures payables à terme que sa cliente lui céderait, après déduction de frais d'affacturage et sous bénéfice d'une subrogation consentie simultanément au factor ;
- que la société a ainsi transféré à la CGA deux factures qui ont été présentées à leur échéance par le factor à la cliente de la société, la subrogation ayant alors été notifiée à la débitrice cédée';
- que, toutefois, celle-ci a refusé de régler les deux factures ainsi présentées au paiement, s'étant en effet prévalue du défaut d'achèvement des travaux convenus'; au demeurant et par là même, la débitrice cédée n'a fait que se prévaloir des dispositions de l'article 1346-5 alinéa 3 du code civil qui lui permettaient d'opposer au créancier subrogé les exceptions inhérentes à la dette';
- que la CGA a alors fait application des stipulations prévues à l'article 10 du contrat d'affacturage, selon lesquelles «'dans l'hypothèse où la créance transmise à CGA par l'adhérent ne serait pas réglée par le débiteur ou par l'adhérent lui-même dans un délai de trente jours calendaires à compter de sa date d'échéance, le montant de la créance devra être immédiatement remboursé à CGA par l'adhérent'», le factor ayant ainsi réclamé à la société le remboursement de la somme restant due, soit le montant cumulé des deux factures impayées sous déduction cependant d'une retenue de garantie qui avait été prévue en vertu d'une autre stipulation du contrat d'affacturage.
A cet égard et contrairement au tribunal qui a estimé que la créance de la CGA n'était pas suffisamment démontrée, la cour dispose, au vu des pièces produites à hauteur d'appel, de tous les éléments pour se convaincre du bien-fondé de cette créance, notamment':
- des deux factures cédées';
- de la notification de la subrogation effectuée par le factor auprès de la cliente de la société';
- des explications données par cette cliente pour justifier son refus de paiement (cf un message électronique, au demeurant communiqué à la société qui n'a pas même contesté la réalité du défaut d'achèvement du chantier qu'elle avait facturé)';
- du décompte des sommes finalement impayées, déduction faite de la retenue de garantie conservée par le factor.
En toute hypothèse, il est indifférent que la cliente de la société soit ou non fondée en sa contestation, dès lors en effet que la société n'était censée céder au factor que des créances non litigieuses, l'article 6 du contrat d'affacturage stipulant en effet que «'l'adhérent remet à CGA, dès leur établissement, un exemplaire ou une copie des factures qu'il entend céder ['] ainsi que tous justificatifs du caractère certain et liquide des créances'» cédées.
En d'autres termes, il n'était nullement convenu entre les parties que la CGA supporte, du moins à titre définitif, le risque d'un impayé des factures cédées, la société s'engageant en pareil cas à en couvrir le factor.
Par suite et en l'absence d'autres moyens opposants, le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté le factor de sa demande en paiement'; statuant à nouveau, la cour fixera donc au passif de la liquidation judiciaire de la société, en faveur de la CGA, une somme restant due de 62.021,43 € et ce, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 23 décembre 2016 conformément aux dispositions de l'article 1231-6 du code civil.
De même, le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté la CGA de sa demande en paiement formée à l'encontre de M. [E] pris en sa qualité de caution de la société défaillante.
En effet et dans la mesure où la société n'a pas satisfait à son obligation de remboursement du factor, M. [E] sera condamné, dans la limite du plafond de son engagement de caution, au paiement de la somme non réglée par la débitrice principale et ce, par application des dispositions de l'article 2298 du code civil.
En conséquence, M. [E] sera condamné au paiement de la somme de 50.000 € avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 23 décembre 2016.
La capitalisation des intérêts échus sera ordonnée aux conditions et modalités prévues à l'article 1343-2 du code civil.
La CGA sera déboutée de la demande qu'elle forme au titre des frais irrépétibles.
Enfin, partie perdante, M. [E] supportera les entiers dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour :
- infirme le jugement en toutes ses dispositions ;
- statuant à nouveau et y ajoutant :
* fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société BP-Epur, en faveur de la société Compagnie Générale d'Affacturage, une créance d'un montant de 62.021,43 € avec intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2016';
* condamne M. [X] [E], au titre de son engagement de caution, à payer à la société Compagnie Générale d'Affacturage une somme de 50.000 € avec intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2016';
* ordonne la capitalisation des intérêts échus aux conditions et modalités prévues à l'article 1343-2 du code civil ;
* déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
* déboute la société Compagnie Générale d'Affacturage de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
* condamne M. [X] [E] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Le greffierLe président