1ère Chambre
ARRÊT N°316/2022
N° RG 19/02471 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PV7S
Mme [N] [A] veuve [J]
Mme [K] [V] [J]
C/
Mme [X] [T] [V] [J] épouse [Y]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 04 OCTOBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats, et Madame Aïchat ASSOUMANI, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l'audience publique du 13 Juin 2022 devant Madame Caroline BRISSIAUD, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 04 Octobre 2022 par mise à disposition au greffe, après prorogation du délibéré annoncé au 27 septembre 2022 à l'issue des débats
****
APPELANTES :
Madame [N] [A] veuve [J]
née le 31 Janvier 1961 à [Localité 8] (62)
[Adresse 12]
[Localité 2]
Représentée par Me Florence BELOEIL-BENOIST, avocat au barreau de BREST
Madame [K] [V] [J]
née le 31 Janvier 1998 à [Localité 9] (29)
[Adresse 12]
[Localité 2]
Représentée par Me Florence BELOEIL-BENOIST, avocat au barreau de BREST
INTIMÉE :
Madame [X] [T] [V] [J] épouse [Y]
née le 30 Avril 1965 à [Localité 16] (54)
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Katell LE GUEN, postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Stéphanie GERARD, plaidant, avocat au barreau de NANCY
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [E] [J], né le 14 avril 1942 à [Localité 15], est décédé à [Localité 9] le 4 octobre 2013. Il laisse à sa succession :
- Mme [N] [A] son épouse. Les époux s'étaient mariés le 29 août 2013 sous le régime de la séparation de biens par contrat de mariage reçu le 27 août 2013 par Me [B] [D], notaire à [Localité 14].
- Mme [X] [J], née le 30 avril 1965 à [Localité 15], enfant née d'une précédente union de M. [J],
- Mme [K] [J], née le 31 janvier 1998 à [Localité 9], enfant née de son union avec Mme [A], mineure au moment du décès.
M. [J] a laissé un testament reçu en la forme authentique par Me [B] [D] le 17 avril 2012 aux termes duquel le défunt a pris les dispositions testamentaires suivantes littéralement reproduites :
« révoque toutes dispositions testamentaires antérieures,
Lègue à Mme [N] [A], née à [Localité 8] le 31 janvier 1961 et demeurant à [Localité 11], [Localité 13], la pleine propriété des droits m'appartenant dans la maison dont je suis propriétaire indivis à [Localité 11], [Localité 13], avec toutes ses dépendances, l'ensemble cadastré section A, sous les numéros [Cadastre 6] et [Cadastre 7], pour une superficie totale de 32 ares et 40 centiares.
Lui lègue également l'ensemble des meubles meublants qui garniront ladite maison lors de mon décès, c'est-à-dire l'ensemble des biens meubles qui, à cette date, auront pour destination l'usage et l'ornement de cette maison, le compte joint ouvert à nos deux noms, ainsi que tout véhicule automobile qui serait à mon nom.
Le cas où ce legs n'excèderait pas la quotité disponible de mes biens, Mme [A] pourra le compléter jusqu'à ladite quotité au moyen de tout ou partie de mes avoirs financiers.
Lègue à ma fille [X], les droits m'appartenant dans les biens situés à [Adresse 17], cadastrés section AE n° [Cadastre 4] pour 2 ares et 10 centiares,
En cas de prédécès de Mme [A], je lègue la quotité disponible de mes biens à ma fille [K].
Désire de surcroît que les parts de mes filles soient notamment composées de la façon suivante :
A ma fille, [K], les droits m'appartenant dans les biens ci-dessus désignés situés à [Localité 11], [Localité 13],
A ma fille [X], les droits m'appartenant dans les biens situés à [Adresse 17], cadastrés section AE n° [Cadastre 4] pour 2 ares et 10 centiares».
Me [D] est le notaire en charge de la succession. Mme [X] [J] épouse [Y] a sollicité pour l'assister son propre notaire, Me [M].
Aux termes de la déclaration de succession établie par Me [D], l'actif net de la succession de M. [J] s'établit à hauteur de 251.032,26 €.
Selon le projet d'attestation immobilière, les droits des parties ont été déterminés de la manière suivante :
-Pour Mme [A] : le quart en pleine propriété et les ¿ en usufruit, soit: 156.895,16 €
-Pour Melle [K] [J] : les 3/8e en nue propriété, soit : 47.068 € 55
-Pour Mme [X] [J] : les 3/8e en nue propriété, soit : 47. 068 € 55
Les parties se sont opposées sur la qualification et l'imputation des legs consentis par voie testamentaire à Mme [N] [A] et Mme [X] [J] ainsi que sur l'étendue des droits de Mme [A] dans la succession.
Faute d'être parvenues à un accord sur le règlement de la succession, Mme [X] [J] a suivant acte d'huissier du 10 janvier 2017, fait assigner Mme [N] [A] veuve [J] et Mme [K] [J] devant le tribunal de grande instance de Brest aux fins de voir ordonner l'ouverture des opérations de liquidation partage et déterminer les droits de chacun dans la succession.
Par jugement du 10 octobre 2018, le tribunal de grande instance de Brest a :
-Ordonné les opérations de compte liquidation et partage de la succession de M. [E] [J] né le 14 avril 1942 à [Localité 15] et décédé le 4 octobre 2013 à [Localité 9],
-Commis pour y procéder Me [W] [C], notaire à [Localité 14],
-Désigné Mme la présidente de la chambre civile avec faculté de délégation enqualité de juge chargée du contrôle des opérations de liquidation-partage,
-Dit que les droits de Mme [N] [A] veuve [J] dans la succession de M. [E] [J] sont d'un quart en pleine propriété,
-Dit que les droits de Mme [X] [J] dans la succession de M. [E] [J] sont de trois huitièmes en pleine propriété,
-Dit que les droits de Mme [K] [J] dans la succession de M. [E] [J] sont de trois huitièmes en pleine propriété,
-Débouté Mme [N] [A] veuve [J] et Mme [K] [J] du surplus de leurs demandes,
-Débouté Mme [X] [J] du surplus de ses demandes,
-Dit que les frais de la procédure seront employés en frais privilégiés de partage.
Suivant déclaration du 11 avril 2019, Mmes [A] et [K] [J] ont interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions, à l'exception de celle ayant ordonné les opérations de compte liquidation et partage de la succession de M. [E] [J].
Aux termes de ses premières conclusions d'intimée, Mme [X] [J] épouse [P] a relevé appel incident du jugement.
Les appelantes ont conclu le 11 juillet 2019. Leur avocate a été omise du barreau pour raisons médicales à compter du 1er janvier 2020. Il n'a pas été constitué de nouvel avocat.
L'intimée a conclu le 9 octobre 2019 et a sollicité la clôture de l'affaire et sa fixation à l'audience.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 mai 2022.
Par arrêt du 23 novembre 2021, la cour a constaté l'interruption de l'instance sur le fondement de l'article 369 du code de procédure civile, ainsi que la révocation de l'ordonnance de clôture en invitant les appelantes à justifier de la constitution d'un nouvel avocat.
Mme [X] [J] a signifié ses dernières conclusions à l'avocat constitué par Mmes [A] et [K] [J] le 5 janvier 2022 auxquelles il a été répondu par des conclusions du 28 janvier 2022.
Aux termes de leurs dernières conclusions transmises le 28 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens et prétentions, Mmes [A] et [K] [J] demandent à la cour de :
-Recevoir leur appel et le dire bien-fondé,
-Réformer le jugement entrepris,
-Ordonner les opérations de compte liquidation de partage de M. [E] [J] et désigner Maitre [D] Notaire à [Localité 14] pour y procéder,
-Dire et juger que les droits des parties dans la succession de M. [J] sont :
* Pour Mme [A], de 156.895 € (1/4 en pleine propriété et 3/4 en usufruit)
* Pour Mme [X] [J], de 47 069€
* Pour Mme [K] [J] de, 47 069€
-Décerner acte aux appelantes qu'e1les n'ont pas de moyen opposant à toute mesure d'instruction dont l'audition de Me [D], Notaire,
-Débouter Mme [X] [J] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,
-Condamner Mme [X] [J] à régler à Mme [A] la somme de 3500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-Condamner la même aux entiers dépens de la procédure qui seront employés en frais privilégiés de partage.
Mme [A] considère que son statut de conjoint survivant, acquis après la rédaction du testament, lui ouvre l'option offerte par l'article 1094-1 du code civil. Elle était donc en droit de revendiquer la quotité disponible spéciale à savoir : le quart de la pleine propriété de l'actif net de la succession de M. [J] et les trois quarts en usufruit. Elle estime donc que les legs consentis en pleine propriété doivent s'imputer sur la quotité disponible spéciale entre époux et non sur la quotité ordinaire. Elle soutient que si M. [J] avait voulu limiter la part successorale de son épouse à la seule quotité disponible ordinaire, il aurait établi un autre testament et qu'au contraire, le mariage devait permettre de laisser à cette dernière davantage de droits que ceux prévus au testament.
Aux termes de ses conclusions transmises au greffe le 9 octobre 2019, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens et prétentions, Mme [X] [J] épouse [Y] demande à la cour de :
-Dire et juger l'appel de Mme [A] et Mme [K] [J] recevable mais mal fondé,
-En conséquence, les en débouter ainsi que de toutes leurs demandes, fins et conclusions contraires,
- Dire et juger recevable et bien fondé l'appel incident de Mme [X] [J],
-En conséquence, infirmer le jugement querellé sauf en ce qu'il a ouvert les opérations de liquidation partage de la succession de M. [E] [J] et commis Me [C], notaire à [Localité 14], pour y procéder,
Statuant à nouveau,
-Dire et juger que la libéralité testamentaire faite au profit de Mme [X] [J] est une libéralité faite hors part successorale,
-Dire et juger que les droits des parties dans la succession de M. [J] sont de :
* pour Mme [A], de 42 696.20 €
* pour Mme [X] [J], de 124 658.64 €
* pour Mme [K] [J], de 83.677,42 €
-A titre subsidiaire, confirmer la décision entreprise,
-Condamner Mme [A] à payer à Mme [X] [J] une somme de 3.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
-La condamner en outre aux entiers frais et dépens de la présente procédure qui seront employés en frais privilégiés de partage.
Mme [X] [J] estime au contraire qu'aux termes de la libéralité faite à sa conjointe, M. [J] n'exprime qu'un legs en pleine propriété, ce qui exclut nécessairement l'option de l'article 1094-1 du code civil en faveur du quart en pleine propriété et des trois quarts en usufruit dès lors qu'un legs en pleine propriété ne peut excéder la quotité disponible ordinaire. Elle précise que lorsque M. [J] évoque dans son testament la quotité disponible, il ne peut faire référence qu'à la quotité disponible ordinaire dans la mesure où le couple n'étant pas marié, il ne pouvait léguer à Mme [A] davantage que la quotité disponible ordinaire.
Par ailleurs, invoquant les dispositions de l'article 843 alinéa 2 du code civil, Mme [X] [J] fait grief au jugement d'avoir considéré que son legs devait s'imputer sur sa part de réserve alors que le testateur ne s'est pas clairement exprimé en ce sens. Elle considère donc que son legs doit être considéré fait hors part successorale et qu'il doit s'imputer sur la quotité disponible.
Elle ajoute que rien n'interdit au testateur de disposer au delà de la quotité disponible, la difficulté étant, dans cette hypothèse, réglée par les dispositions des articles 927 et 928 du code civil (action en réduction).
MOTIVATION DE LA COUR
A titre liminaire, Mmes [A] et [J] ont relevé appel du jugement en ce qu'il a ordonné l'ouverture des opérations de compte liquidation partage. Aux termes de leurs conclusions, les parties demandent la confirmation du jugement de ce chef. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a ordonné l'ouverture des opérations de compte liquidation partage.
1°/ Sur l'imputation des legs et les droits des parties dans la succession
a. Sur le legs de Mme [A]
Aux termes de l'article 757 du Code civil, si l'époux pré-décédé laisse des enfants ou descendants, le conjoint survivant recueille, à son choix, l'usufruit de la totalité des biens existants ou la propriété du quart des biens lorsque tous les enfants sont issus des deux époux et la propriété du quart en présence d'un ou plusieurs enfants qui ne sont pas issus des deux époux.
Aux termes de l'article 1094-1 du Code civil, pour le cas où l'époux laisserait des enfants ou descendants issus ou non du mariage, il pourra disposer en faveur de l'autre époux, soit de la propriété de ce dont il pourrait disposer en faveur d'un étranger, soit d'un quart de ses biens en propriété et des trois autres quarts en usufruit, soit encore de la totalité de ses biens en usufruit seulement.
Aux termes de l'article 758-6 de ce même code, les libéralités reçues du défunt par le conjoint survivant s'imputent sur les droits de celui-ci dans la succession. Lorsque les libéralités ainsi reçues sont inférieures aux droits définis aux articles 757 et 757-1, le conjoint survivant peut en réclamer le complément, sans jamais recevoir une portion des biens supérieure à la quotité définie à l'article 1094-1.
Il résulte de ces textes qu'en présence d'enfants ou de descendants, les libéralités reçues du défunt par le conjoint survivant s'imputent sur les droits de celui-ci dans la succession, de sorte qu'il ne peut recevoir une portion de biens supérieure, soit la quotité disponible en faveur d'un étranger, soit un quart en pleine propriété et les trois quarts en usufruit, soit encore la totalité des biens en usufruit seulement.
En l'espèce, le tribunal a fixé à tort les droits de Mme [N] [A] veuve [J] dans la succession de [E] [J] à hauteur d'un quart en pleine propriété, ce qui revenait à limiter les droits de cette dernière à ses droits légaux par application de l'article 757 du code civil (soit un quart des biens de la succession en pleine propriété compte tenu de la présence d'un enfant non issu du couple) sans tenir compte de la libéralité dont elle avait été gratifiée, alors que Mme Mme [N] [A] veuve [J] devait pouvoir bénéficier de sa vocation légale augmentée de la portion de libéralité excédant cette vocation dans la limite de la quotité disponible.
En revanche, les parties s'opposent sur la quotité disponible applicable en l'espèce, compte tenu des termes de la libéralité.
Aux termes de son testament, M. [J] a entendu léguer à Mme [N] [A] :
-la pleine propriété de ses droits dans la maison indivise sise à [Adresse 10] avec toutes ses dépendances,
-l'ensemble des meubles meublants qui garniront ladite maison »,
-le compte joint ouvert aux deux noms des conjoints, ainsi que tout véhicule automobile qui serait au nom de l'époux,
-Et dans le cas où ce legs n'excèderait pas la quotité disponible des biens composant la succession, Mme [A] pouvait le compléter jusqu'à ladite quotité au moyen de tout ou partie des avoirs financiers du défunt.
Il ressort ainsi des termes clairs et précis du testament que M. [J] a entendu léguer la totalité de la quotité disponible à Mme [A] qui n'était alors pas encore devenue son épouse.
Le couple s'est marié le 29 aout 2013, peu de temps avant le décès de M. [J] qui était très malade. Après la célébration du mariage, ces dispositions testamentaires s'analysent en une donation entre époux.
Il est admis que les règles relatives aux libéralités entre époux édictées par l'article 1094-1 du code civil, ont vocation à s'appliquer au legs consenti au profit d'une personne ultérieurement épousée par le testateur, dès lors que le bénéfice d'une telle libéralité ne peut lui être dévolu avant le décès de ce dernier ( Civ 1 26 octobre 2011 n°10.20.217).
Aux termes du testament, qui n'a pas été révoqué après le mariage, la volonté du défunt de permettre à sa compagne (devenue son épouse), d'appréhender le maximum de ses biens sans porter atteinte à la réserve héréditaire, est manifeste.
Il est certain qu'à l'époque du testament, [E] [J] ne pouvait léguer à Mme [A] davantage que la quotité disponible ordinaire, telle que définie à l'article 913 du code civil, soit en l'occurrence 1/3 de ses biens en présence de deux enfants.
Cependant, le fait d'épouser Mme [A] peu avant son décès traduit la volonté du défunt de protéger davantage son épouse en préservant la réserve, en lui permettant de bénéficier de l'option la plus favorable offerte par l'article 1094-1 du code civil au conjoint survivant, à savoir ¿ en pleine propriété et ¿ en usufruit.
Au surplus, il ressort du testament que le legs fait à Mme [A] ne se limite pas aux droits en pleine propriété détenus par le défunt dans la maison indivise, mais vise également des meubles meublants et des avoir financiers.
Par ailleurs, d'après la déclaration de succession qui n'est pas contestée sur ce point, le legs en pleine propriété correspondant aux droits du défunt dans la maison indivise de [Adresse 10] a été évalué à la somme de 50.000 euros alors que l'actif net de la succession a été établi à hauteur de 251 032,26 euros.
Ainsi, contrairement à ce que soutient Mme [X] [J], les termes de la libéralité consentie par le défunt à Mme [A] ne limitent en rien l'option que tient cette dernière de l'article 1094-1 du code civil en qualité de conjoint survivant, le legs pouvant en l'espèce parfaitement s'exécuter à hauteur du quart en pleine propriété et des trois quart en usufruit.
Dès lors, il y a lieu de juger que Mme [A] doit pouvoir bénéficier de sa vocation légale augmentée de la portion de libéralité excédant cette vocation dans la limite de la quotité disponible spéciale entre époux. Elle peut donc prétendre à l'option la plus favorable offerte au conjoint survivant, soit un quart en pleine propriété et les trois quart en usufruit.
b. Sur le legs consenti à Mme [X] [J]
Il résulte de l'article 843 aliéna 2 que « les legs faits à un héritier sont réputés faits hors part successorale à moins que le testateur n'ait exprimé une volonté contraire, auquel cas, le légataire ne peut réclamer son legs qu'en moins prenant ».
Mme [X] [J] estime qu'à défaut d'indication contraire son legs doit être réputé fait hors part successorale, c'est à dire s'imputer sur la quotité disponible et venir s'ajouter à sa part réservataire.
Il ressort cependant clairement du testament de [E] [J] que celui-ci a entendu léguer la totalité de la quotité disponible à Mme [N] [A], de sorte que le legs des droits dont il disposait dans l'immeuble situé [Adresse 3], au profit de Mme [X] [J] ne peut avoir été consenti hors part successorale puisque dans cette hypothèse, il viendrait s'imputer en concurrence avec Mme [A] sur la quotité disponible.
Le tribunal a donc considéré à juste titre que pour tenir compte de la volonté du défunt, ce legs devait nécessairement s'imputer sur la part réservataire de Mme [X] [J] dans la succession.
Au surplus, juger le contraire reviendrait à nettement favoriser Mme [X] [J], au détriment de Mme [A] et d'[K] [J] ce qui ne correspond pas à la volonté exprimée par [E] [J] dans son testament dans la mesure où celui-ci a souhaité que la quotité disponible revienne intégralement à son épouse et en cas de pré-décès de cette dernière, à sa fille [K], tandis que Mme [X] [J] devait être prioritairement remplie de ses droits successoraux avec le legs portant sur l'immeuble de [Localité 15].
c. Sur les droits des parties
Au vu des développements qui précédent et après infirmation du jugement, les droits des héritiers sont fixés de la manière suivante :
Mme [N] [A] : ¿ en pleine propriété et ¿ en usufruit,
Mme [X] [J] : 3/8 en pleine propriété,
Mme [K] [J] : 3/8 en pleine propriété.
Dans la mesure où il a été fait droit à la demande principale de Mme [A] et de sa fille, il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes présentées à titre subsidiaire.
2°/ Sur la désignation du notaire en charge de la succession
Les appelantes sollicitent la désignation de Me [D] pour procéder aux opérations de compte liquidation partage de la succession de M. [J] tandis que Mme [X] [J] épouse [Y] sollicite la confirmation du jugement ayant désigné Me [W] [C], notaire à [Localité 14] pour poursuivre le règlement de la succession.
Les positions divergentes et les échanges intervenus en amont de l'assignation entre les notaires témoignent d'une perte de neutralité de ces derniers dans le dossier. Il convient de désigner un notaire tiers aux parties.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a désigné Me [W] [C], notaire à [Localité 14] pour procéder aux opérations de liquidation partage.
4°/ Sur les demandes accessoires
Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.
Les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de partage et chacune des parties sera déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement rendu le 10 octobre 2018 par le tribunal de grande instance de Brest en ce qu'il a :
-ordonné les opérations de compte liquidation et partage de la succession de [E] [J] ;
-commis Me [W] [C], notaire à [Localité 14] pour procéder aux opérations de liquidation partage ;
-débouté Mme [N] [A] et Mme [K] [J] de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
-débouté Mme [X] [J] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
-dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage.
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a déterminé les droits dans la succession de [E] [J] à hauteur de :
* ¿ en pleine propriété pour Mme [N] [A] veuve [J]
* 3/8 en pleine propriété pour Mme [K] [J]
*3/8 en pleine propriété pour Mme [X] [J]
Statuant à nouveau des chefs du jugement infirmé :
Fixe les droits de Mme [N] [A] veuve [J] dans la succession de [E] [J] à hauteur de ¿ en pleine propriété et ¿ en usufruit ;
Fixe les droits de Mme [K] [J] dans la succession de [E] [J] à hauteur de 3/8 en nue- propriété ;
Fixe les droits de Mme [X] [J] dans la succession de [E] [J] à hauteur de 3/8 en nue- propriété ;
Y ajoutant :
Déboute Mme [N] [A] et Mme [K] [J] de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute Mme [X] [J] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de partage.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE