5ème Chambre
ARRÊT N°-268
N° RG 19/02447 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PV53
M. [B] [N]
C/
Mutuelle SOCIÉTE MUTUELLE D'ASSURANCE BRETAGNE OCEAN (SAMBO)
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 28 SEPTEMBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Virginie PARENT, Présidente,
Assesseur : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 08 Juin 2022
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 28 Septembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [B] [N]
né le 10 Mai 1961 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Jean-Paul RENAUDIN de la SCP GUILLOU-RENAUDIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me Michel QUIMBERT, Plaidant, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉE :
Mutuelle SOCIÉTE MUTUELLE D'ASSURANCE BRETAGNE OCEAN (SAMBO)
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Alain VOISARD, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
M. [B] [N] a acquis le 12 février 2014 un navire de plaisance dénommé 'Bogart IV' moyennant le prix de 30 000 euros.
M. [B] [N] a souscrit un contrat d'assurance auprès de la Société d'Assurances Mutuelles Bretagne Océan ci après dénommée SAMBO le 10 février 2014 ayant pour objet l'assurance tous risques du navire à la valeur de 48 000 euros, somme à laquelle il a été estimé après expertise réalisée un an avant la vente.
Dans la nuit du 30 septembre au 1er octobre 2016, une panne GPS a fait dévier le navire de sa trajectoire et le passage sur un épi de pierre a causé une avarie sur une partie de la coque ainsi que sur l'appareil propulsif du bateau.
Une déclaration de sinistre a été effectuée auprès de la société Sambo le 2 octobre 2016.
Un devis de remise en état a été établi par les chantiers Port [6] le 24 octobre 2016 évaluant les reprises à la somme de 21 063,40 euros.
Par acte d'huissier du 11 mai 2017 M. [B] [N] a assigné devant le tribunal de grande instance de Nantes la société SAMBO aux fins de la voir condamner au paiement de la somme de 8 064,88 euros outre les intérêts à compter du 30 septembre 2016, au titre de l'indemnisation résultant du contrat d'assurance souscrit auprès d'elle.
Par jugement en date du 21 mars 2019, le tribunal a :
- débouté M. [B] [N] de l'ensemble de ses demandes,
- constaté que l'indemnisation à la charge de la société Sambo au titre du contrat d'assurance suite au sinistre d'avarie subi par M. [B] [N] est d'un montant de 11 193,56 euros selon le devis établi le 24 octobre 2016,
- constaté que la SAMBO a versé à M. [B] [N] la somme de 5 780,77 euros selon ordre de virement du 17 mai 2018 correspondant au montant des réparations effectuées sur la coque du bateau selon facture, sous déduction de la franchise,
- dit que le solde de la somme due au titre des réparations soit 5 412,79 sera
acquitté par la SAMBO à M. [B] [N] sur communication des factures de réparation du navire correspondant au devis de Port [6], selon les dispositions contractuelles,
- condamné M. [B] [N] à payer à la SAMBO la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles,
- condamné M. [B] [N] aux entiers dépens,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision.
Le 10 avril 2019, M. [B] [N] a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 12 mai 2022, il demande à la cour de :
- réformer le jugement du tribunal de grande instance de Nantes du 21 mars 2019,
- débouter la SAMBO de l'ensemble de ses demandes,
- condamner la SAMBO à indemniser M. [B] [N] pour la somme de :
* à titre principal, 21 063,40 euros déduction faite de la franchise des sommes déjà versées par la SAMBO,
* à titre subsidiaire, 18 064,88 euros déduction faite de la franchise et des sommes déjà versées par la SAMBO,
- condamner la SAMBO à payer les intérêts sur cette somme à compter du 30 septembre 2016,
- condamner la SAMBO à payer à M. [B] [N] la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamner la SAMBO à payer à M. [B] [N] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour l'indemnisation de son préjudice de jouissance,
- condamner la SAMBO à 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SAMBO aux dépens,
- dire que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de 1'assignation introductive d'instance,
- dire que ces intérêts seront capitalisés en application des dispositions de 1'article 1154 du Code civil.
Par dernières conclusions notifiées le 12 mai 2022, la SAMBO demande à la cour de :
- déclarer irrecevable la demande d'indemnisation de 5 000 euros présentée pour la première fois en cause d'appel par M. [B] [N], au titre de la privation de jouissance de son navire,
- confirmer en tout point la décision dont appel en ce qu'elle a :
* débouté M. [B] [N] de l'ensemble de ses demandes,
* exactement évalué le montant de son indemnisation,
- dire les conditions générales et particulières de la police opposables à M. [B] [N],
- en conséquence, dire la SAMBO tenue à hauteur de la somme de 11 193,56 euros, sous réserve que les factures acquittées de réparation du navire correspondant au devis de Port [6] soient versées aux débats,
- dire que la concluante ne saurait être tenue au-delà de 5 412,79 euros, sous réserve que soit versée la facture correspondant au solde du devis constitutif de la pièce 5 de M. [B] [N],
- dire la concluante non tenue et donc débouter M. [B] [N] de toute demande au titre des préjudices matériels subis par la coque de son navire,
- débouter M. [B] [N] de l'ensemble de ses autres demandes,
- condamner M. [B] [N] à payer à la SAMBO la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles,
- condamner M. [B] [N] aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 mai 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
- Sur la demande d'irrecevabilité de la demande présentée par M. [N] au titre du préjudice de jouissance
La SAMBO soulève l'irrecevabilité de la demande de dommages-intérêts formulée par M. [N] pour son préjudice de jouissance pour la première fois devant la cour en raison de son caractère nouveau aux termes des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile.
M. [N] rétorque qu'au visa des dispositions des articles 565 et 566 du code de procédure civile sa demande d'indemnisation de son préjudice de jouissance constitue une demande accessoire à sa demande initiale de dommages et intérêts présentée devant les premiers juges et qu'elle est parfaitement recevable en ce qu'elle tend uniquement à actualiser l'étendue et le quantum des préjudices subis.
L'article 564 du code de procédure civile dispose ' à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait'.
L'article 565 du code de procédure civile dispose ' les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent'.
L'article 566 du code de procédure civile dispose 'les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire'.
La demande nouvelle présentée au titre du préjudice de jouissance constitue une demande complémentaire au sens des dispositions de l'article 566 du code de procédure civile en ce qu'elle repose sur le même fondement que la demande initiale de dommages et intérêts formulée par M. [N] devant les premiers juges, poursuit la même fin d'indemnisation du préjudice invoqué et repose sur le même fait générateur à savoir l'avarie subie par le navire.
Cette demande est donc parfaitement recevable et la SAMBO sera déboutée de la fin de non recevoir soulevée au visa de l'article 564 du code de procédure civile.
- Sur la garantie du sinistre
M. [N] soutient qu'il n'a pas reçu, avant son engagement, communication des conditions générales fixant un abattement contractuel de 10% par an lié à la vétusté des pièces à partir de l'achat du navire par l'assuré et que la société Sambo ne prouve pas, au vu des pièces produites, qu'il a eu connaissance desdites conditions générales. Il en déduit qu'il a droit à l'indemnisation intégrale de son sinistre.
Au surplus, M. [N] indique que l'article 6-2-B des conditions générales mentionne un coefficient de vétusté de 10% par an lié à la vétusté des pièces. Il fait valoir que le sinistre est survenu deux ans après la conclusion du contrat d'assurance et en conclut que l'abattement ne peut être que de 20% dans la mesure où d'une part les conditions particulières ne précisent pas le point de départ du calcul de l'abattement et d'autre part les conditions générales visent l'achat des biens sans préciser s'il s'agit de l'achat des biens par l'assuré ou par le ou les propriétaires antérieurs du navire. Il considère, dès lors, qu'en l'absence d'opposabilité d'une limitation d'indemnisation, la société Sambo devra prendre en charge le montant du devis approuvé par son propre expert soit la somme de 21 063,40 euros TTC déduction faite de la franchise et des sommes déjà versées ou en cas d'indemnisation limitée en raison d'un abattement de 20% à la somme de 18 314,88 euros.
En réponse, la SAMBO rétorque que M. [N] avait parfaitement connaissance des conditions générales et qu'il fait preuve de mauvaise foi en soutenant le contraire. Elle indique que non seulement M. [N] a signé un document par lequel il reconnaît avoir reçu les conditions générales mais qu'en plus il a également paraphé les conditions générales dans lesquelles figure l'article 6-2-B qui définit, sans ambiguïté, la limitation d'indemnisation qui lui est opposée.
S'agissant de l'article 6-2-B, la SAMBO indique que cet article fixe les conditions de règlement du sinistre en distinguant la détermination du montant des dommages avec le cas des avaries particulières et le règlement de l'indemnité. Elle soutient que cet article fixe un abattement pour vétusté selon l'âge du matériel et non pas du bateau ou de l'achat du matériel par le souscripteur. Elle précise que pour le mât, les voiles ou l'appareil propulsif, seule la date d'achat desdits biens est prise en compte par la police d'assurance et non la date d'achat de la globalité du navire par le souscripteur.
La SAMBO rappelle qu'elle a réglé, sur facture, la somme de 5 780,77 euros pour les dommages subis par la coque déduction faite de la franchise de 250 euros. Elle demande de dire qu'elle est tenue à hauteur de la somme de 11 193,56 euros sous réserve que les factures acquittées correspondant au devis du chantier de Port [6] soient versées aux débats.
L'article 1134 du code civil dans sa version applicable au litige dispose 'les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à celles qui les ont faites.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi'.
Selon l'article L. 112-2, alinéa 2, du Code des assurances, dans sa rédaction applicable au litige, avant la conclusion du contrat, l'assureur remet à l'assuré un exemplaire du projet de contrat et de ses pièces annexes ou une notice d'information sur le contrat qui décrit précisément les garanties assorties des exclusions, ainsi que les obligations de l'assuré.
L'article R.112-3 du même code, dans sa version applicable au litige, énonce que la remise des documents visés au deuxième alinéa de l'article L.112-2 est constatée par une mention signée et datée par le souscripteur apposée au bas de la police, par laquelle celui ci reconnaît avoir reçu au préalable ces documents et précisant leur nature et la date de leur remise.
Ainsi, une clause d'un contrat d'assurance n'est opposable à l'assuré que si elle a été portée à sa connaissance au moment de l'adhésion à la police.
En l'espèce, la SAMBO produit en pièce n°4 l'exemplaire du contrat d'assurance du 15 février 2014 retourné signé par M. [N] et reçu par elle le 22 février 2014 qui mentionne en page 1 'le présent document tient lieu d'acceptation des conditions d'assurance par le sociétaire'. Cette même page est signée par M. [N]. De plus, les conditions particulières et les conditions générales jointes à ce contrat ont été paraphées par M. [N] à toutes les pages y compris la page 14 des conditions générales sur laquelle figure l'article 6-2 relatif au règlement du sinistre. Dès lors, il doit en être déduit que M. [N] a signé un document dans lequel il reconnaît avoir reçu les conditions générales dans lesquelles figure la limitation d'indemnisation qui lui est opposée et les a ainsi acceptées au moment de l'adhésion à la police. Les conditions générales et son article 6-2 lui sont donc parfaitement opposables.
L'article 6-2 des conditions générales, qui fixe les conditions de règlement du sinistre et la détermination du montant des dommages, stipule que l'indemnité à la charge de l'assureur est calculée en tenant compte des limites de garantie et de franchise si les conditions particulières en prévoient l'application. Il résulte du paragraphe B dudit article concernant les avaries particulières qu'il est 'fait application des coefficients de vétusté suivants: pour les pièces, les mâts, les voiles, les autres éléments du gréement, l'appareil propulsif du bateau assuré : vétusté forfaitaire de 10% par an depuis l'achat des biens avec un maximum de 70% par bien à partir de la 7ème année'.
Il résulte de cette disposition, particulièrement claire, que la vétusté s'apprécie suivant l'âge du matériel pour les pièces, les mâts, les voiles, les autres éléments du gréement et l'appareil propulsif du bateau assuré c'est à dire à la date d'achat de ces différents biens et non à la date d'achat du navire comme tente de le soutenir M. [N].
Il est constant et non contesté que la coque du navire date de 1993 et les moteurs de 2016 et que le devis établi par le chantier de Port [6] fait état de réparations à hauteur de 21 063,40 euros soit 6 030,77 euros pour la coque et 13 742,63 euros pour les réparations hors coque comprenant la reprise des emphases et des hélices du moteur et 1 290 euros de main d'oeuvre.
C'est à bon droit que le jugement entrepris a retenu la date de 2016 pour l'application du taux de vétusté pour la réparation de l'appareil propulsif représentant un taux de 70% (10% par an plafonné à 70% puisque le moteur est âgé de plus de 7 ans) et le calcul de l'indemnisation et a considéré que le montant de l'indemnisation à la charge de la SAMBO au titre du contrat d'assurance suite au sinistre d'avarie subi par M. [N] était de 11 193,56 euros.
Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a indiqué que le solde de la somme due au titre des réparations sur le bateau de M. [N] était de 5 412,79 euros (après déduction de la somme de 5 780,77 euros versée par la société Sambo au titre des réparations effectuées sur la coque après déduction de la franchise de 250 euros) et a prévu que ce solde sera acquitté sur communication des factures de réparation du navire selon les dispositions du contrat en son article 6.2 E. En effet, M. [N] a produit uniquement la facture du 31 août 2017 relative aux réparations sur la coque mais n'a produit aucune autre facture de réparation, les factures d'hivernage du navire qu'il a produites seront écartées comme n'étant pas des factures de réparation.
- Sur les demandes de dommages-intérêts
M. [N] étant débouté de sa demande principale, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts. Pour ce même motif, il sera également débouté de sa demande présentée au titre du préjudice de jouissance.
- Sur les frais irrépétibles et les dépens
Succombant en son appel, M. [N] sera condamné à verser la somme de 2 000 euros à la SAMBO au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens en cause d'appel, étant précisé que les dispositions du jugement entrepris relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,
Déboute la Société d'Assurances Mutuelles Bretagne Océan de la fin de non recevoir soulevée au visa de l'article 564 du code de procédure civile ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne M. [B] [N] à verser à la Société d'Assurances Mutuelles Bretagne Océan la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ;
Condamne M. [B] [N] aux entiers dépens en causse d'appel ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes, fins et conclusions.
Le greffier, La présidente,