4ème Chambre
ARRÊT N° 315
N° RG 20/02362
N° Portalis
DBVL-V-B7E-QTZB
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 22 SEPTEMBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Hélène RAULINE, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Françoise BERNARD, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 14 Juin 2022
devant Madame Hélène RAULINE, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 22 Septembre 2022 par mise à disposition au greffe, date indiquée à l'issue des débats : 15 septembre 2022 prorogée au 22 septembre 2022
****
APPELANTE :
S.A.R.L. RONAN POULIQUEN représentée par son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Eric CHEDOTAL de la SELARL EC JURIS, Plaidant, avocat au barreau de NANTES
Représentée par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉES :
Société FIDES représentée par Maître Bernard CORRE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
es-qualité de liquidateur judiciaire de la SASU LALOUER BOUCHER
[Adresse 2]
[Localité 4]
Assignée à personne habilitée
E.U.R.L. LES VOYAGEURS
inscrite au RCS de BREST sous le n°B412 570 566, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Mikaël BONTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Mélanie CAHOURS, Plaidant, avocat au barreau de BREST
****
FAITS ET PROCÉDURE
La société Les Voyageurs, qui exploite un fonds de commerce d'hôtel-restaurant à [Localité 6], a confié à la société Lalouer Boucher, entreprise générale, la rénovation du restaurant et des chambres sur la base de plusieurs devis, notamment un devis du 10 juillet 2012 relatif au réaménagement de la cuisine (45 401,99 euros TTC) et un autre du 24 septembre suivant relatif à la rénovation de l'hôtel (711 999,35 euros TTC).
La société Lalouer Boucher a été placée en redressement judiciaire le 10 juin 2014. Le 21 juillet suivant, la société Les Voyageurs a déclaré une créance de 500 000 euros sur la base d'un rapport d'expertise amiable daté du 7 juillet qui signalait des malfaçons, non conformités, désordres et non finitions.
Par une ordonnance en date du 8 octobre 2014, la société Les Voyageurs a obtenu du juge des référés du tribunal de commerce de Brest la désignation d'un expert. Les opérations d'expertise ont été étendues aux sous-traitants, dont la société Ronan Pouliquen qui avait été chargée des lots plomberie chauffage et électricité, puis à la société Fides après que la société Lalouer Boucher eût été placée en liquidation judiciaire.
Par acte d'huissier en date du 9 juillet 2015, la société Les Voyageurs a fait assigner la société Fides ès qualités devant le tribunal de commerce de Brest afin de voir fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire à 500 000 euros et ordonner la compensation avec les sommes lui restant dues.
M. [L] a déposé son rapport le 20 novembre 2017.
Par acte d'huissier en date du 27 juin 2018, la société Les Voyageurs a fait assigner en intervention forcée la société Ronan Pouliquen, sollicitant sa condamnation à lui payer la somme de 246 841,59 euros.
Par un jugement contradictoire en date du 24 janvier 2020, le tribunal de commerce a :
- rejeté le moyen tiré de la péremption d'instance ;
- condamné la société Ronan Pouliquen à payer à la société Les Voyageurs la somme de 46161,84 euros au titre des travaux de reprise, 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à la moitié des dépens qui comprennent ceux de l'instance au fond, des instances de référé et le coût de l'expertise judiciaire ;
- fixé la créance de la société Les Voyageurs au passif de la liquidation judiciaire de la société Lalouer Boucher aux mêmes sommes ;
- débouté la société Les Voyageurs du surplus de ses demandes indemnitaires ;
- ordonné l'exécution provisoire.
La société Ronan Pouliquen a interjeté appel de cette décision le 20 mai 2020.
Elle a fait signifier la déclaration d'appel et ses conclusions au mandataire liquidateur par acte du 18 août 2020, lequel n'a pas constitué avocat.
Par une ordonnance en date du 15 septembre 2020, le magistrat délégué par le premier président a ordonné l'arrêt de l'exécution provisoire en le subordonnant à la consignation de la somme de 56161,84 euros entre les mains du Bâtonnier de Brest.
La société Hôtel des Voyageurs a relevé appel incident.
Auparavant, le 20 février 2020, la société Ronan Pouliquen avait déposé une requête en omission de statuer sur ses demandes de voir reconnaître une part de responsabilité de 20% à la société Hôtel des Voyageurs et d'obtenir le paiement direct du solde de ses factures.
Le tribunal de commerce a débouté la société Ronan Pouliquen de sa requête par un jugement en date du 20 novembre 2020 dont elle a interjeté appel le 31 décembre 2020.
Elle a fait signifier la déclaration d'appel et ses conclusions au mandataire liquidateur par acte du 1er avril 2021. Il n'a pas constitué avocat.
Les deux affaires ont été jointes le 8 juillet 2021.
Par une note du 15 février 2022, la cour a appelé l'attention des parties sur l'erreur affectant le dispositif des conclusions de la société Ronan Pouliquen en ce qui concerne le second jugement.
Cette dernière a reconclu le même jour.
L'affaire, appelée à l'audience du 15 février 2022, a été renvoyée au 14 juin, l'ordonnance de clôture étant révoquée pour permettre à l'intimé de répondre aux dernières conclusions de l'appelante.
Les parties n'ont pas reconclu.
En cours de délibéré, la cour a sollicité les observations des parties sur le moyen soulevé d'office pris de l'absence de mise en demeure adressée avant l'ouverture de la procédure collective par la société Ronan Pouliquen à la société Lalouer Boucher avec copie à la société Les Voyageurs, l'appelante étant invitée en tant que de besoin à communiquer ces pièces.
Les parties ont répondu par notes des 13 et 15 septembre 2022.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions en date du 15 février 2022, au visa de l'article 1241 du code civil, la société Ronan Pouliquen demande à la cour de :
Sur l'appel du jugement du 24 janvier 2020
- à titre principal, confirmer partiellement le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la société Les Voyageurs de ses demandes indemnitaires ;
- le réformer, pour le reste, en toutes ses dispositions ;
- débouter la société Les Voyageurs de toutes ses demandes ;
- subsidiairement, juger que sa part de responsabilité dans la survenance des malfaçons ou non-façons ne saurait être supérieure à 50 % avec toutes conséquences de droit ; déclarer que la société Les Voyageurs a une part de responsabilité dans leur survenance à hauteur de 20 % ; consécutivement, la condamner à supporter le coût de la reprise des travaux ou de leur achèvement dans cette proportion ;
- en tout état de cause, débouter la société Les Voyageurs de son appel incident et ainsi, de toutes ses demandes, fins et prétentions formulées à ce titre ;
Sur l'appel du jugement du 20 novembre 2020,
- à titre principal, confirmer partiellement le jugement en ce qu'il a débouté la société Les Voyageurs de ses demandes indemnitaires ;
- le réformer, pour le reste, le jugement en toutes ses dispositions ;
- débouter la société Les Voyageurs de toutes ses demandes ;
- subsidiairement, juger que sa part de responsabilité dans la survenance des malfaçons et/ou non-façons ne saurait être supérieure à 50 % avec toutes conséquences de droit ; déclarer que la société Les Voyageurs a une part de responsabilité dans leur survenance à hauteur de 20 % ; consécutivement, la condamner à supporter le coût de la reprise des travaux ou de leur achèvement dans cette proportion ;
- condamner la société Les Voyageurs à lui payer la somme de 8 221,08 euros au titre du solde des factures ;
- le cas échéant, ordonner la compensation entre cette somme et celles qui seraient mises à sa charge au bénéfice de la société Les Voyageurs ;
- en tout état de cause, débouter la société Les Voyageurs de son appel incident et de toutes ses demandes, fins et prétentions formulées à ce titre ;
- condamner la société Les Voyageurs à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de la procédure d'appel et de première instance ainsi qu'aux dépens des instances de référés et encore des frais et honoraires de l'expert judiciaire.
Dans ses dernières conclusions en date du 31 janvier 2022, au visa des articles 1134, 1147 et 1382 du code civil, la société Les Voyageurs demande à la cour de :
- in limine litis, constater que la société Ronan Pouliquen ne maintient pas ses prétentions au titre de la péremption d'instance qu'elle avait soulevée en première instance et qu'elle précise d'ailleurs que cela ne fait pas l'objet de son appel ;
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Lalouer Boucher à la somme de 46 161, 84 euros en principal ;
- infirmer le jugement pour le surplus,
- dire et juger la société Ronan Pouliquen était en charge du lot plomberie-chauffage-électricité dans le cadre d'une rénovation globale ; que l'expert judiciaire indique (rapport page 31) 'nous sommes en présence de défauts d'exécution et de conformités généralisées de la part du titulaire du lot électricité, l'entreprise Pouliquen, d'une gravité telle que cela militera pour une réfection complète de l'installation' ainsi que 'Dans l'hypothèse où l'entreprise Pouliquen n'interviendrait pas, une tierce entreprise n'aurait pas d'autre alternative que de refaire la totalité de l'installation électrique, ce qui supposerait un appel d'offres. Pour rappel, le montant complet des travaux d'électricité de l'entreprise Pouliquen a été de 54 259, 10 euros HT, ceci permet de penser qu'une réfection à neuf de l'électricité ne serait pas d'un coût inférieur à 70 / 80 000 euros HT' ;
- dire et juger que la société Ronan Pouliquen a commis une faute délictuelle, que le préjudice subi, la faute et le lien de causalité sont ici rapportés ; dire et juger, concernant l'Apave, que la société Ronan Pouliquen n'a pas entendu faire intervenir cette société en garantie des sommes qui pourraient être prononcées à son encontre ;
- concernant la prétendue immixtion fautive du maître d'ouvrage et l'existence d'une facture qui viendrait en compensation, dire et juger les demandes de la société Ronan Pouliquen insuffisamment fondées ; en conséquence, la débouter de toutes ses demandes ;
- condamner la société Ronan Pouliquen à lui payer les sommes de :
- 80 000 euros HT en principal ;
- 50 000 euros HT au titre des tracas occasionnés au quotidien par les désordres constatés;
- 80 000 euros x 3 mois, soit 240 000 euros au titre de la fermeture pendant les travaux ;
- 20 000 euros d'article 700 du code de procédure civile qui comprendront le coût de l'expertise judiciaire et les entiers dépens.
MOTIFS
A titre liminaire, la société Les Voyageurs est fondée à soutenir que, du fait de l'effet dévolutif de l'appel, la société Ronan Pouliquen aurait dû se désister de sa requête en omission de statuer qui n'avait pas encore été tranchée lorsqu'elle a interjeté appel le 20 mai 2020 de sorte qu'il appartenait à la cour de la réparer, ou le tribunal se dessaisir en faveur de la cour d'appel.
Les dispositions relatives à l'absence de péremption, qui ne font pas l'objet de l'appel principal, et la fixation des créances de la société Les Voyageurs au passif de la société Lalouer Boucher, qui ne font pas l'objet d'un appel incident, sont définitives.
Le rapport d'expertise de M. [L] n'a pas été communiqué dans le cadre de la procédure d'appel. La cour l'a réclamé en cours de délibéré puisque cette pièce avait été produite en première instance et que les parties en citent des extraits dans leurs conclusions d'appel.
Sur les demandes de la société Les Voyageurs contre la société Ronan Pouliquen
L'appelante conteste avoir commis des fautes de nature à engager sa responsabilité délictuelle, subsidiairement, demande que la responsabilité partielle du maître de l'ouvrage soit retenue.
L'intimée demande que la somme allouée par le tribunal au titre des travaux de reprise à la charge de la société Ronan Pouliquen soit portée à 80 000 € HT et qu'elle soit condamnée à l'indemniser de ses autres préjudices.
Sur la responsabilité du sous-traitant
La société Les Voyageurs expose que la société appelante était en charge des travaux de plomberie, électricité et chauffage, que les défauts d'exécution relevés par l'expert judiciaire sont tellement nombreux que l'installation électrique devra être intégralement reprise, qu'elle doit en répondre, qu'elle s'était engagée à en réaliser certains pendant l'expertise mais n'est pas intervenue, démentant s'y être opposée. Elle fait valoir que la société Ronan Pouliquen n'a adressé aucun dire à l'expert et que M. [L] comme M. [Y] sont inscrits sur la liste de la cour d'appel, ce qui établit leur compétence et leur impartialité.
La société Ronan Pouliquen considère que la preuve de ses fautes n'est pas rapportée par l'intimée, ni le lien de causalité avec les préjudices allégués. Elle dénie toute valeur probante au rapport d'expertise judiciaire aux motifs que M. [L] procède par affirmations péremptoires sans jamais citer les DTU ou autres règles techniques qu'elle n'aurait pas respecté et qu'il n'a tenu aucun compte des certificats de conformité délivrés par l'APAVE en ce qui concerne les installations électrique et de gaz, le tribunal lui-même ayant relevé les insuffisances de son rapport. Elle critique également les références aux rapports de M. [Y], lequel aurait dû refuser d'intervenir car un contentieux important les avait opposés après la réalisation de travaux à son domicile que ce dernier avait refusé de payer, l'accusant de partialité.
Sur ce dernier point, les pièces 27 et 28 du dossier de l'appelante, à savoir un courrier de Me Le Gall, huissier de justice à Brest, au procureur général daté du 17 novembre 2008 et un rapport d'expertise amiable du 4 mai 2009, confirment l'existence d'un contentieux de l'appelante avec M. [Y] en lien avec des travaux exécutés au domicile de ce dernier. Même s'il remontait à plus de cinq ans et s'était soldé par un accord amiable, M. [Y] aurait dû refuser cette mission puisqu'il connaissait l'une des parties. Pour autant, le grief de partialité ne sera pas retenu car, d'une part, M. [Y] est intervenu en qualité d'expert amiable et non d'expert judiciaire, d'autre part, il résulte des conclusions de première instance que la société Ronan Pouliquen ne l'avait pas évoqué de sorte que, présenté pour la première fois devant la cour au bout de plusieurs années de procédure, il est manifestement formulé pour les besoins de la cause.
S'agissant du rapport de M. [L], la question des imputabilités et des manquements est abordée en pages 31 à 43. Il ne peut pas lui être reproché de ne pas avoir cité les DTU de référence si l'appelante ne le lui avait pas demandé dans son dire du 29 juin 2017. De même, il est indifférent qu'il n'ait pas proposé un pourcentage de responsabilité entre l'entrepreneur principal et le sous-traitant, le juge pouvant procéder à cette évaluation, le moyen étant devenu inopérant du fait de la liquidation judiciaire du premier.
Même si, contrairement à ce que soutient la société Hôtel Les Voyageurs, M. [L] n'a nullement entériné le rapport de M. [Y], il reste qu'il retient la responsabilité technique de la société Ronan Pouliquen pour de nombreux désordres, malfaçons et non conformités.
Cette dernière objecte qu'il ne lui avait pas été demandé de procéder à une réfection complète de l'installation électrique. Cependant, l'expert a exactement répondu sur ce point qu'elle avait accepté d'intervenir sur une installation électrique qui n'était pas aux normes ou qui était défectueuse et qu'elle devait dès lors répondre de ses défauts auxquels elle n'avait pas proposé de remédier, étant rappelé qu'elle était chargée de la mise aux normes des installations, comme le confirment plusieurs postes de ses devis.
Elle prétend que l'APAVE lui avait délivré des certificats de conformité pour ses installations. Or, sa pièce 18 est la déclaration de conformité qu'elle avait remplie le 15 octobre 2012 en sa qualité d'installateur. Les documents postérieurs émanant de l'APAVE, communiqués en pièces 17, 19 et 20, que ce soient les courriers des 27 février et 19 juillet 2013 ou du rapport du 26 juillet 2013, énumèrent de nombreuses conformités des installations électricité, gaz et SSI. Il en est de même des rapports des 24 juillet et 11 août 2015. L'appelante ne peut donc soutenir que ses certificats mettent à néant les conclusions expertales ou que l'intimée chercherait à créer la confusion en produisant des rapports de cet organisme pour la période 2009 à 2011.
Il y a lieu de reprendre chacun des désordres que l'appelante conteste en suivant l'ordre chronologique du rapport d'expertise, ses observations étant la reprise de celles contenues dans son dire de juin 2017 :
- désordres 2 et 3 : la société Ronan Pouliquen déclare être intervenue en attente de l'ouvrage du cuisiniste et sans plan du maître d'oeuvre, que les canalisations de gaz doivent être apparentes et qu'un certificat de garantie lui avait été délivré par l'APAVE.
Le désordre porte sur des canalisations de gaz trop hautes par rapport aux installations de la cuisine. La société Les Voyageurs réplique justement qu'en l'absence de maître d'oeuvre, il appartenait à la société Ronan Pouliquen de se rapprocher du cuisiniste pour déterminer leur implantation, un entrepreneur devant prendre toutes les mesures propres à réaliser des travaux efficaces.
- désordres 10 et 11 : elle soutient que l'APAVE avait préconisé de refaire l'armoire électrique de la cuisine mais que le maître d'oeuvre n'a pas donné suite de sorte qu'elle n'est pas responsable des non conformités.
La pièce 27 qu'elle cite n'a aucun lien avec les désordres ni avec l'APAVE. L'intimée objecte à juste titre que l'expert a répondu que l'organisme de contrôle n'avait nullement préconisé le changement de tableau électrique.
- désordres 12 et 14 : la société Ronan Pouliquen indique qu'il lui avait été demandé uniquement la dépose et la repose du tableau de commande de la hotte et que le remplacement du variateur n'avait pas été envisagé. La société Hôtel Les Voyageurs estime qu'elle aurait dû proposer le remplacement des matériels hors d'usage indispensables et indique que M. [Y] avait précisé que boitier de commande avait été cassé par l'entreprise.
L'expert a confirmé que ces travaux n'avaient pas été prévus. Il n'évoque pas la responsabilité de l'entreprise en ce qui concerne la dégradation du variateur, étant précisé que les rapports de l'expert amiable n'étant pas contradictoires, il n'avait pu que reprendre les déclarations du maître de l'ouvrage.
Dès lors que l'appelante n'est pas intervenue sur la hotte, ce que confirment ses devis et factures, et que le maître de l'ouvrage ne lui avait pas signalé que le variateur ne marchait plus, elle n'a commis aucune faute en ne procédant pas à une vérification qui ne lui avait pas été demandée.
Il n'est donc pas justifié de lui imputer le coût de son remplacement.
- désordre 16 : la société Ronan Pouliquen fait valoir que le boitier électrique était posé sur le sol dans l'attente des installations à réaliser par le cuisiniste, lequel l'avait laissé sur le sol sans lui demander d'intervenir. L'intimée argue de son manque de professionnalisme.
L'expert a écrit être d'accord avec ces observations sans toutefois modifier la partie de son rapport relative aux manquements et aux imputabilités.
Le maître de l'ouvrage ne peut pas reprocher au sous-traitant son absence d'intervention alors qu'il ne l'avait pas sollicité en ce sens ni le cuisiniste et qu'en outre, il lui avait interdit de revenir sur le chantier ainsi qu'il sera vu ci-après. L'appelante n'est pas responsable de ce défaut de coordination entre les entreprises qui incombait à l'entreprise générale.
Le grief ne sera pas retenu.
- désordre 25 : la société Ronan Pouliquen prétend ne pas être intervenue au niveau de l'accueil, le maître de l'ouvrage ayant arrêté le chantier juste avant.
L'expert a cependant relevé que l'appelante avait facturé les travaux du hall d'accueil. Le moyen n'est pas fondé.
- désordre 27 : la société Ronan Pouliquen indique ne pas avoir réalisé la porte d'entrée ni posé la gâche électrique. La société Les Voyageurs répond qu'elle était titulaire du lot électricité.
L'expert a confirmé que son lot n'était pas concerné, la cour faisant la même observation que pour le désordre 16.
Il résulte du rapport d'expertise qu'un autre électricien était intervenu sur le chantier et que toutes les autres non conformités à la réglementation PMR ont été imputées à l'entreprise principale.
Le désordre ne sera pas retenu.
- désordre 28 : l'expert judiciaire ne l'a pas retenu.
- désordre 30 : l'appelante indique que les travaux litigieux ont été réalisés par une entreprise tierce.
Cependant, l'expert écrit en page 17 qu'elle lui avait déclaré avoir réalisé les travaux du hall, sauf trois luminaires installés par une autre entreprise. Elle ne peut donc soutenir que c'est cette dernière qui a réalisé l'ensemble des travaux d'électricité du hall.
- désordre 48: l'appelante déclare avoir été chargée du remplacement des spots et non de la réfection de toute l'installation électrique.
Le désordre porte sur l'alimentation électrique anarchique et non conforme dans les combles au-dessus des spots. L'expert indique pour le désordre 49 que l'électricien avait été amené à intervenir dans tous les plenums pour l'exécution de ses travaux et qu'il lui incombait de signaler toutes les non conformités qu'il rencontrait à cette occasion en préconisant leur mise aux normes.
Il ne sera pas fait droit à l'argumentation de l'appelante pour ce motif.
- désordre 49 : l'appelante indique ne pas être intervenue dans cette partie de l'immeuble.
L'expert le réfute ainsi qu'il vient d'être vu.
Le moyen n'est pas fondé.
- désordre 59 : l'appelante prétend ne pas être intervenue dans la chaufferie.
Cette affirmation est contredite par son devis de novembre 2012 qui comprend plusieurs postes la concernant, dont la remise aux normes, laquelle aurait dû comprendre le calorifugeage des canalisations de chauffage.
- désordres 69 et 71 : l'expert judiciaire n'a pas retenu la responsabilité technique de la société Ronan Pouliquen.
- désordre 75 (chambre 14) : la société Ronan Pouliquen indique qu'une porte avait été prévue entre les sanitaires et les deux chambres qui n'a finalement pas été posée, ce qui n'est pas de son fait.
L'expert estime que cette décision engageait le maître d'oeuvre avec la même observation que pour les désordres 16 et 27.
La responsabilité de l'appelante ne peut être retenue dès lors que le désordre est la conséquence d'un défaut de coordination du chantier.
- désordre 83 : l'appelante précise ne pas être intervenue sur la climatisation.
L'expert commente son dire sur ce point avec la mention 'exact'. Il y a lieu de faire la même observation que pour les désordres 16, 27 et 75.
La responsabilité de l'appelante ne sera pas retenue.
- désordre 85 : la société Ronan Pouliquen se prévaut de ce que l'APAVE avait donné son accord à la disposition critiquée par l'expert amiable.
L'expert le confirme. Il y a lieu de faire la même observation que pour les désordres 16, 27, 75 et 83.
Aucun désordre ne peut donc être retenu.
- désordre 89 : l'expert judiciaire n'a pas retenu la responsabilité de l'appelante.
- désordres 103 et 105 : pour ces deux désordres, l'appelante invoque le caractère limité de sa prestation, la dépose et repose des bacs à douches dans le premier cas, l'absence de modification des alimentations en eau froide/eau chaude dans le second.
Il convient de rappeler qu'un entrepreneur est tenu de réaliser des travaux efficaces. C'est ce qu'a retenu à juste titre l'expert judiciaire, étant observé que les désordres (bacs à douches inachevés et alimentations non dissimulées dans des fourreaux) sont d'autant moins acceptables qu'il s'agit d'un hôtel.
- désordre 107 : la société Ronan Pouliquen fait plaider qu'en cours de travaux, le maître de l'ouvrage lui avait demandé de reposer les anciens WC au lieu d'installer des WC suspendus pour faire des économies.
Le manquement consiste dans un non respect des stipulations contractuelles dans une chambre. Les factures détaillées de l'appelante montrent qu'elle a facturé la pose de WC suspendus mais également la dépose et la repose des anciens WC, ce qui corrobore ses allégations. Il n'est pas fait mention de la chambre 23 dans ses factures.
La prétention de l'intimée à ce titre est rejetée.
Il résulte de ce qui précède que la responsabilité de la société Ronan Pouliquent n'est pas engagée en ce qui concerne les désordres 12 et 14,16, 27, 75, 83, 85 et 107.
Seront dès lors retenus les désordres suivants, qui résultent de manquements de la société Ronan Pouliquen :
- le défaut d'exécution des canalisations gaz (désordres 3 - canalisations trop hautes dans la cuisine, 58 -absence de peinture jaune sur la colonne de gaz, 59 -absence de calorifugeage et repérage incomplet dans la chaufferie),
- les défauts d'exécution de l'installation électrique : désordres 6 - alimentations visibles sous les prises, 10 -repérage incomplet des disjoncteurs sur le tableau électrique, 11 -alimentation électrique non protégée à droite du fourreau, 13 -absence de pose des néons au-dessus du piano de la cuisine, 25 -alimentation électrique à nu sur le mur face à la porte d'entrée, 30 -mise en oeuvre anarchique des câbles d'alimentation électrique dans le plénum du hall d'accueil, 45 -l'emplacement d'un ancien boitier au plafond n'a pas été rebouché, 46 -plusieurs non conformités affectent le local compteurs, 47 -câbles électriques non gainés derrière la goulotte, 48-alimentation électrique anarchique dans les combles au-dessus des toilettes, 49 -dominos apparents dans le plenum au-dessus du couloir, 62 et 63 - nombreuses non conformités concernant le placard technique sur le palier du 1er étage, chemin de câble descendant inesthétique, 65- passage d'alimentation en cueillie de plafond inesthétique, 98 - alimentation électrique à refixer au-dessus du lave-mains, 100 -globe autour des spots tombés, chambre 27 - absence de protection du transformateur directement sous la laine de verre,
- absence de dépose des alimentations des anciens radiateurs (désordre 86),
- absence de joint au niveau des habillages en entourage des bacs à douches, absence de coffre pour cacher l'alimentation eau froide/eau chaude dans les WC (désordres 103, 105, 109).
Le tribunal sera donc approuvé pour avoir retenu que l'appelante avait engagé sa responsabilité délictuelle à l'égard de l'intimée.
Sur la faute du maître de l'ouvrage
L'appelante adresse trois reproches à l'intimée :
- elle n'a pas fait appel à un maître d'oeuvre alors que, dans un premier temps, elle avait mandaté un architecte, ce qui signifie qu'elle avait pleinement conscience de la complexité des travaux; en outre, elle n'a jamais cessé l'exploitation de son établissement ; ces décisions prises pour des raisons d'économie sont fautives ;
- elle s'est immiscée dans la coordination et le suivi des travaux, elle lui donnait des instructions en lieu et place de l'entrepreneur principal ;
- elle a refusé de prononcer la réception avec des réserves qui auraient été levées dans l'année; elle a refusé à ses salariés d'achever les quelques reprises qu'il y avait à effectuer.
L'intimée les conteste.
Il appartenait à la société Ronan Pouliquen de s'enquérir des modalités de son intervention et de la refuser si elle estimait indispensable la présence d'un architecte et la rédaction de CCTP ou l'arrêt de l'exploitation de l'hôtel-restaurant.
Elle ne produit aucune pièce démontrant que la société Les Voyageurs s'était comportée en maître d'oeuvre d'exécution.
S'agissant du refus de prononcer la réception de l'ouvrage en décembre 2013, l'expertise a démontré que les désordres étaient nombreux. En tout état de cause, cette opération est sans conséquence dans les relations entre le maître de l'ouvrage et le sous-traitant.
La société Ronan Pouliquen justifie de ce que ses salariés se sont présentés à l'hôtel le 9 septembre 2015 et que la gérante a refusé leur intervention. L'intimée le conteste mais les deux salariés ont rédigé des attestations qui respectent les prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile. L'existence d'un lien de subordination ne fait pas en soi obstacle à l'établissement d'un témoignage, étant observé que, dans le cas d'espèce, les salariés étaient les seuls à pouvoir attester des faits qu'ils avaient personnellement constatés. Toutefois, le refus du maître de l'ouvrage n'est pas constitutif d'une faute. En outre, selon l'appelante, il s'agissait de réaliser des travaux de finition, non les travaux de reprise des désordres.
Aucune faute du maître de l'ouvrage ne sera donc retenue. Le second jugement est confirmé.
Sur l'indemnisation de la société Les Voyageurs
Sur les travaux de reprise
M. [L] a validé le devis de M. [D] qui a chiffré les travaux de reprise de l'ensemble des désordres à 81 404,06 € HT plus des frais de maîtrise d'oeuvre à hauteur de 6 162,99 € HT. Il a ajouté que si la société Ronan Pouliquen n'intervenait pas en reprise de ses désordres, une autre entreprise n'aurait d'autre alternative que de refaire la totalité de l'installation électrique pour un coût qu'il évaluait entre 70 000 à 80 000 € HT.
La société Les Voyageurs réclame cette dernière somme à titre incident.
L'observation de l'expert est, cependant, démentie par le chiffrage réalisé par M. [D] qui prévoit la reprise des malfaçons et non conformités électriques, chiffrage qui contredit également la phrase en page 31 tenant à des défauts d'exécution généralisés qui justifieront une réfection complète de l'installation électrique. L'appel incident est rejeté.
La société Ronan Pouliquen reproche aux premiers juges, qui l'ont condamnée à payer 50 % des travaux de reprise, de ne pas avoir motivé leur décision sur l'existence du préjudice et du lien de causalité mais cette critique n'est pas fondée :
- les désordres qui affectent l'installation de gaz sont inadaptés à l'agencement de la cuisine ou posent des problèmes de sécurité ou d'isolation ;
- les désordres électriques constituent des non finitions (13) ou un désordre esthétique (6, 45, 63, 65) ou posent des problèmes de sécurité (tous les autres) ;
- les désordres 86, 103, 105 et 109 sont de nature esthétique.
L'appelante ne discute pas le chiffrage mentionné plus haut ni la somme de 46161,84 € HT retenue par le tribunal.
Il convient, cependant, d'en déduire les postes correspondant aux désordres 12 et 14, 16, 27, 75, 83, 85 et 107, soit, d'après le devis [D], la somme de 396 € HT ainsi que le montant du devis Techni Ouest, qui ne porte pas sur le désordre 6 comme indiqué, mais sur la hotte sur laquelle l'appelante n'était pas intervenue (13 252,14 € HT).
Le montant des travaux de reprise à la charge de l'appelante s'élève donc à 32 513,70 € HT, somme à laquelle il convient d'ajouter 2 465,19 € de frais de maîtrise d'oeuvre (40 % de 6162,99 € HT).
Le jugement sera dès lors infirmé sur le montant de la condamnation qui sera ramené à 34 978,89 € HT.
Sur les autres chefs de préjudice
L'intimée expose qu'elle doit faire face depuis de nombreuses années à de nombreux désordres qui la gênent dans son exploitation quotidienne et qu'elle devra fermer pendant les travaux de reprise pendant trois mois. Elle réclame les sommes de, respectivement, 50 000 € et 240 000 €.
Indépendamment du fait qu'elle ne produit aucune pièce comptable et financière justifiant de cette dernière somme, l'expert judiciaire ne dit pas que la fermeture de l'hôtel-restaurant sera nécessaire, étant rappelé que les travaux avaient eu lieu en site occupé. La gêne n'est pas davantage démontrée en ce qui concerne les désordres dont la société Ronan Pouliquen est reconnue responsable. En revanche, la gêne pendant les travaux sera indéniable. Il convient d'évaluer ce préjudice à la somme de 3 000 €. Il est fait droit à l'appel incident dans cette mesure.
Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté la société Les Voyageurs de sa prétention au titre de la perte d'exploitation et infirmé pour le surplus.
Sur les demandes de la société Ronan Pouliquen contre la société Les Voyageurs
L'appelante a émis cinq factures d'un montant total de 34 527,86 € TTC entre décembre 2012 et mars 2014. Elle produit une attestation de son expert-comptable du 18 décembre 2015 aux termes de laquelle la société Lalouer-Boucher restait redevable à cette date de la somme de 8 221,68 €, soulignant qu'elle en avait fait état auprès de l'expert judiciaire qui l'a consigné en page 48 de son rapport et que la société Les Voyageurs n'a jamais émis de contestation sur le fond.
L'intimée lui oppose le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même ainsi que l'absence de déclaration de créance.
L'entrepreneur qui exécuté des travaux émet des factures à l'attention du maître de l'ouvrage ou de l'entrepreneur principal selon le cadre de son intervention et c'est à ce dernier d'établir que les travaux n'ont pas été réalisés. En l'espèce, il apparaît que les travaux ont été réalisés mais qu'ils sont affectés de malfaçons, ce qui donne lieu à l'indemnisation du maître de l'ouvrage. Le premier moyen n'est donc pas fondé.
L'article 12 de la loi du 31 décembre 1971 précise que l'action directe subsiste si l'entrepreneur principal fait l'objet d'une procédure collective. En vertu de ce même texte et d'une jurisprudence constante, le sous-traitant n'a d'action directe contre le maître de l'ouvrage que si l'entrepreneur principal ne paie pas un mois après avoir été mis en demeure, une copie devant être envoyée au maître de l'ouvrage. En cas de procédure collective, la déclaration de créance n'est pas exigée s'il y a eu mise en demeure avant son ouverture. Dans la négative, la déclaration de créance vaut mise en demeure.
En cours de délibéré, l'appelante a indiqué qu'elle n'avait pas adressé de mise en demeure à la société Lalouer Boucher, n'en ayant pas eu le temps compte tenu de son placement en redressement judiciaire en juin 2014.
Le redressement judiciaire ne faisait pas obstacle à la mise en demeure puisque l'entreprise poursuivait son activité. La sous-traitante n'y a pas suppléé par la déclaration de sa créance.
N'ayant accompli aucune de ces formalités, la société Ronan Pouliquen ne peut prétendre au paiement du solde de ses travaux auprès du maître de l'ouvrage dans le cadre de l'action directe.
Le jugement est confirmé par substitution de motifs en ce qu'il a rejeté cette prétention.
La demande de compensation devient sans objet.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Les dispositions de ces chefs du premier jugement sont confirmées ainsi que celles du second jugement.
L'appelante qui succombe en l'essentiel de ses prétentions est condamnée aux dépens d'appel et à payer la somme de 3 000 € à l'intimée au titre de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire :
CONFIRME le jugement du 20 novembre 2020,
INFIRME partiellement le jugement du 24 janvier 2020,
Statuant à nouveau,
CONDAMNE la société Ronan Pouliquen à payer à la société Les Voyageurs :
- la somme de 34 978,89 € HT au titre des travaux de reprise,
- la somme de 3 000 € au titre du préjudice de jouissance,
DEBOUTE la société Les Voyageurs du surplus de ses demandes,
CONFIRME les autres dispositions du jugement,
CONDAMNE la société Ronan Pouliquen à payer à la société Les Voyageurs la somme de 3000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
CONDAMNE la société Ronan Pouliquen aux dépens d'appel.
Le Greffier, Le Président,