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22/09/2022 | FRANCE | N°19/02450

France | France, Cour d'appel de Rennes, 7ème ch prud'homale, 22 septembre 2022, 19/02450


7ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°401/2022



N° RG 19/02450 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PV6I













SARL INTERACTION



C/



M. [P] [R]























Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 22 SEPTEMBRE 2022





COMPOSITION DE LA COUR LOR

S DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère faisant fonction de Présidente,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Hervé KORSEC, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,



GREFFIER :



Madame Hélène RAPITEAU, lors des dé...

7ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°401/2022

N° RG 19/02450 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PV6I

SARL INTERACTION

C/

M. [P] [R]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 22 SEPTEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère faisant fonction de Présidente,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Hervé KORSEC, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,

GREFFIER :

Madame Hélène RAPITEAU, lors des débats, et Madame Françoise DELAUNAY, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 20 Juin 2022, devant Madame Liliane LE MERLUS et Madame Isabelle CHARPENTIER, magistrats rapporteurs, tenant seuls l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui ont rendu compte au délibéré collégial

En présence de Madame RICHEFOU, médiatrice

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 22 Septembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

SARL INTERACTION

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Nicolas CARABIN de la SELARL CARABIN-STIERLEN AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉ :

Monsieur [P] [R]

né le 01 Octobre 1970 à [Localité 2]

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représenté par Me Christine ANDREANI de la SELARL JURIS VIEUX PORT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de MARSEILLE

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [P] [R] a été embauché par la SARL INTERACTION selon un contrat à durée indéterminée en date du 02 septembre 2013, en qualité de négociateur grands comptes national, statut cadre.

Les relations entre les parties étaient régies par la convention collective nationale des entreprises de travail temporaire.

Le 13 mai 2015, le salarié a présenté sa démission et obtenu une dispense de l'exécution d'une partie de son préavis expirant au 13 août 2015, de sorte que le 03 juillet 2015, le contrat de travail de M. [R] a pris définitivement fin tandis que la SARL INTERACTION maintenait la clause de non concurrence de 2 ans concernant plusieurs départements, prévue au contrat de travail.

Le 15 juillet 2015, M. [R] a été engagé par une entreprise concurrente, la SAS Proman 126.

En septembre 2016, la société INTERACTION a cessé de verser la contrepartie financière de la clause de non concurrence, considérant qu'il y avait violation de celle-ci.

'***

La SARL INTERACTION a saisi le conseil de prud'hommes de Rennes le 06 avril 2017 et a formé à l'audience les demandes suivantes :

- Dire et juger que Monsieur [P] [R] a violé son engagement contractuel de non-concurrence ;

- Condamner Monsieur [P] [R] à verser à la Société INTERACTION la somme de 9.497,08 € à titre de remboursement de la contrepartie pécuniaire à l'obligation de non- concurrence ;

- Condamner Monsieur [P] [R] au paiement de l'indemnité forfaitaire prévue au contrat de travail en raison de la violation de l'obligation contractuelle de non-concurrence, soit la somme de 122.400,00 € ;

- Condamner Monsieur [P] [R] à verser à la Société INTERACTION une somme de 3.000€uros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- Prononcer l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

M. [R] a demandé au conseil de prud'hommes de :

- Condamner la société au paiement des sommes suivantes :

- 6 120 euros bruts au titre de la contrepartie financière non payée

- 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 11 mars 2019, le conseil de prud'hommes de Rennes a :

- Dit et jugé que la clause de non concurrence du contrat de travail de M. [R] est nulle, pour non respect des délais de paiement de 1'indemnité,

- Débouté la SARL INTERACTION de l'ensemble de ses demandes,

- Débouté M. [R] de sa demande de contrepartie financière non payée,

- Condamné la SARL INTERACTION à payer à M. [R] la somme de

1 500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Mis les dépens à la charge de la SARL INTERACTION.

***

La SARL INTERACTION a régulièrement interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 10 avril 2019.

En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 10 juillet 2019,

la SARL INTERACTION demande à la cour de :

- Réformer partiellement le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de RENNES le 11 mars 2019.

- Dire et juger que Monsieur [P] [R] a violé l'engagement contractuel de non- concurrence qui le liait à la SARL INTERACTION ;

- Condamner Monsieur [P] [R] à verser à la SARL INTERACTION la somme de 9.497,08€ à titre de remboursement de la contrepartie pécuniaire à l'obligation de non- concurrence;

- Condamner Monsieur [P] [R] au paiement de l'indemnité forfaitaire prévue au contrat de travail en raison de la violation de l'obligation contractuelle de non-concurrence, soit la somme de 122.400,00 € ;

- Condamner Monsieur [P] [R] à verser à la SARL INTERACTION une indemnité de 3.000 €uros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 04 octobre 2019, M. [R] demande à la cour de :

A titre principal,

- Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté la société INTERACTION de ses demandes,

- Dire et juger que la clause de non concurrence insérée dans le contrat de travail de M. [P] [R] est nulle,

- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté M. [R] du paiement solde de la contrepartie financière à la clause de non concurrence.

- Statant à nouveau, condamner la société INTERACTION à verser à M. [R] qui a respecté la clause de non concurrence, la somme de 6 120 euros bruts correspondant à l'équivalent de la contrepartie financière non payée,

A titre subsidiaire,

- Dire et juger que l'inexécution de la société INTERACTION du fait du non-paiement de la contrepartie financière a eu pour effet de libérer M. [R] de ses obligations contractuelles,

Par conséquent :

- Débouter la société INTERACTION de l'ensemble de ses demandes,

- Dire et juger que la contrepartie financière versée reste acquise à M. [R], et condamner la société INTERACTION à verser à M. [R] qui a respecté la clause de non concurrence, à la somme de 6 120 euros bruts correspondant à l'équivalent de la contrepartie financière non payée,

A titre infiniment subsidiaire,

- Dire et juger que la violation de la clause de non concurrence n'est pas établie par la société INTERACTION,

Par conséquent :

- Débouter la société INTERACTION de l'ensemble de ses demandes,

En tout état de cause,

- Condamner la société INTERACTION à régler à M. [R] une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre la somme de 1 500 euros déjà allouée par les premiers juges.

- La condamner aux entiers dépens.

***

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état le 14 décembre 2021.

Les parties ayant accepté la proposition de médiation faite à l'audience, la cour a, par arrêt du17 février 2022, désigné un médiateur et ordonné le renvoi de l'affaire à l'audience du 20 juin 2022.

M. [R] ayant rétracté son acceptation, la mesure n'a pas été mise en 'uvre.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions susvisées qu'elles ont déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La société appelante critique le jugement en ce qu'il a retenu que la clause de non concurrence était nulle en raison du non- respect des délais de paiement de la contrepartie pécuniaire. Elle soutient qu'un éventuel versement tardif ne peut avoir de conséquences sur la validité de la clause elle-même, et que le salarié, qui a violé son obligation de non concurrence bien antérieurement, ne pouvait se prévaloir d'un versement tardif pour se considérer délié de son obligation de la respecter. Elle fait valoir que, contrairement à ce que soutient M. [R], la clause est parfaitement valable et sa violation établie'; que, ayant violé son obligation, il a perdu le droit à l'indemnité compensatrice de son engagement qui lui a été versée et doit rembourser la somme qu'il a perçue, outre le paiement de la clause pénale contractuelle qu'il a librement acceptée.

M. [R] réplique que la clause insérée à son contrat de travail est affectée de différentes causes de nullité, qu'en effet': -l'activité de la société qui l'a embauchée, s'agissant d'une holding, est celle du siège social, qui ne peut justifier d'un intérêt légitime à imposer cette clause, ni restreindre les droits de ses salariés dans le seul but de protéger ses filiales, -le périmètre d'interdiction n'est pas délimité géographiquement puisque susceptible d'évolution permanente à la seule liberté de l'employeur, -la clause viole le principe de libre exercice d'une activité professionnelle, ne prévoit qu'une contrepartie dérisoire, prévoit une absence de versement de celle-ci en cas de défaut de production de justificatifs du respect de l'obligation de non concurrence, ce qui est illicite.

Il soutient que l'employeur n'est donc pas fondé à obtenir restitution des sommes versées au titre d'une clause nulle.

Il fait valoir également': que le retard d'un trimestre pour le paiement de la contrepartie a nécessairement eu pour effet de le libérer de son obligation de non concurrence qu'il a néanmoins respectée, que la société sur qui repose la charge de la preuve de la violation de son obligation de non concurrence ne la rapporte pas et qu'il est en conséquence bien fondé à demander le règlement du solde de la contrepartie qui ne lui a pas été payée'; enfin, que la société doit être déboutée de sa demande au titre de la clause pénale, faute de démontrer l'existence et l'étendue d'un préjudice.

***

La validité d'une clause de non concurrence est conditionnée au respect de 3 critères cumulatifs': être justifiée par les intérêts légitimes de l'entreprise, être limitée dans le temps et l'espace, comporter une contrepartie pécuniaire, le tout s'appréciant en tenant compte des spécificités de l'emploi du salarié.

La protection de ces intérêts s'apprécie non au regard de l'objet social, mais de l'activité réelle de l'entreprise. Les intérêts protégés sont ceux de l'entreprise employeur et, quand celle-ci appartient à un groupe, la clause protège les sociétés du groupe ayant la même activité qu'elle.

En l'espèce, le contrat de travail de M. [R] produit aux débats confirme que la SARL Interaction est la société mère d'un groupe d'entreprises chargée de l'animation de ses filiales, puisqu'en effet il établit que l'employeur est bien la société Interaction qui se prévaut de la clause, qu'elle a embauché le salarié pour s'occuper de la gestion commerciale grands comptes sur l'ensemble du groupe Interaction, et que la relation contractuelle était régie par la convention collective nationale des entreprises de travail temporaire. Les intérêts à protéger sont donc légitimement ceux de la société employeur et de ses filiales du groupe dont le domaine d'activité est le travail temporaire, et c'est bien ce domaine d'activité qui est visé par la clause de non concurrence contestée.

Les fonctions de responsable développement grands comptes de M. [R], qui l'amenaient à avoir des contacts permanents avec la clientèle et à négocier les contrats en fonction d'éléments internes appartenant à l'employeur (fichiers clients, marges, tarifs pratiqués, notamment), justifient que l'employeur se prémunisse de l'utilisation potentielle de telles informations, et de la relation déjà établie avec les clients, aux fins de capter cette clientèle au profit d'une entreprise concurrente.

Le périmètre d'intervention de M. [R] s'étendant à la signature des accords commerciaux grands comptes nationaux, et, en ce qui concerne la gestion commerciale des grands comptes, sur l'ensemble du groupe Interaction, la clause a été valablement circonscrite géographiquement aux départements où le groupe est présent et exerce une activité de travail temporaire. Si le périmètre visé est relativement étendu, la clause n'empêche pas pour autant le salarié d'exercer une activité professionnelle correspondant à ses compétences, les fonctions de négociateur grands comptes, accessibles avec une formation commerciale générale et une expérience de la négociation, pouvant être exercées dans d'autres domaines d'activité que le travail temporaire, voire dans le même domaine d'activité. En effet, M. [R] était tenu, lorsqu'il est entré au service de la société Interaction, d'une clause de non concurrence l'empêchant, pour une durée limitée, d'intervenir sur le périmètre géographique d'activité de son ancien employeur, qui s'étendait à 11 départements du grand ouest, en concurrence avec son nouvel employeur, qui n'a pas empêché son embauche, de sorte que la clause qu'il conteste n'était pas incompatible avec le respect des mêmes conditions, le groupe Interaction étant implanté essentiellement dans le grand ouest, chez son nouvel employeur, le groupe Proman.

La clause est à la fois limitée dans le temps, la période de 2 ans étant usuelle dans la profession au vu des documents contractuels versés aux débats, et également clairement limitée dans l'espace, contrairement à ce que soutient M. [R], puisqu'il résulte de la rédaction de la clause que le périmètre de celle-ci épouse le périmètre d'activité du salarié, lequel n'est pas soumis à une clause potestative de l'employeur.

La clause de non concurrence prévoit une contrepartie pécuniaire dont rien ne permet de caractériser qu'elle présenterait un caractère dérisoire, puisqu'elle correspond à une fixation au moins égale à celle prévue par la convention collective applicable, soit 20% de la moyenne mensuelle de rémunération du salarié au cours de ses 3 derniers mois de présence dans l'entreprise pour la première année, et 10% pour la seconde année, et elle ne présente pas de caractère dérisoire au regard des restrictions à l'emploi qu'elle impose, le salarié ayant repris, quelques jours après sa démission, un travail dans le même domaine d'activité, de sorte qu'elle respecte le principe de proportionnalité.

Enfin, comme le soutient à bon droit l'appelante, l'illicéité de la stipulation contractuelle subordonnant le versement de la contrepartie financière au salarié à la production de justificatifs n'a pas pour conséquence la nullité de la clause de non concurrence, mais simplement le fait que cette stipulation d'avoir à produire des justificatifs est réputée non écrite et ne peut donc être imposée.

En conséquence, contrairement à ce qu'a retenu le conseil, la clause de non concurrence insérée au contrat de travail de M. [R] avec la société Interaction n'est pas nulle.

***

Le contrat de travail à durée indéterminée en date du 15 juillet 2015, prenant effet à la même date, de M. [R] avec le groupe Proman, lequel exerce son activité, comme le groupe auquel appartient la société Interaction, dans le domaine du travail temporaire (les deux employeurs appartiennent au même réseau Domitis et appliquent la même convention collective, comme l'établit la société Interaction au vu des productions aux débats) prévoit une activité du salarié étendue sur l'ensemble du territoire national, sans mentionner aucune restriction ni temporaire ni géographique, violant ainsi les termes de l'obligation de non concurrence à laquelle il était soumis et qu'il ne pouvait ignorer, qui s'appliquait à son périmètre d'activité chez son employeur précédent, cette violation intervenant avant même le terme d'échéance trimestriel de la contrepartie qu'il devait percevoir, a effectivement perçue, et a conservé.

Cette absence de restriction s'est confirmée, dans les faits, par le déploiement, pendant le délai de 2 ans prévu par la clause, d'une activité prohibée sur son ancien secteur d'activité.

En effet, il ne critique pas utilement la pièce'adverse 9, qui établit qu'il avait un rendez-vous la semaine du 12 au 16 octobre 2015 chez la société Silverwood, implantée à St Malo, et qu'il a répondu à, ou suivait, au même moment, un appel d'offre de la société Cardinal dont il n'est pas contesté que le siège social est à [Localité 8]. L'attestation de M. [C] (pièce 13 de la société) établit également clairement qu'il a négocié le 15 mars 2017 les conditions grands comptes concernant la société Monbana, sise à [Localité 5] (Mayenne), la pièce 10 de la société établit qu'il était en voie d'avoir des contacts en mai 2016 avec la société Heppner après une remontée d'information qu'il avait eue sur des besoins en intérimaires de cette société pour un site basé à [Localité 4]'; la pièce 14 que, s'interrogeant sur les remises commerciales accordées à la société INEO en fin d'année, il était en relation commerciale avec cette société, ayant rendez-vous le 4 avril 2017 avec le nouvel interlocuteur de celle-ci pour la RFA centralisée, société dont il n'est pas contesté qu'elle a son siège social à [Localité 6].

Les explications qu'il donne pour se justifier de ses contacts sur son ancien secteur, selon lesquelles il était normal qu'il ait des contacts avec des clients partagés avec la société Interaction travaillant déjà chez Proman, ne convainquent pas, dès lors qu'il avait pour mission, en tant que responsable grands comptes, au vu de son contrat de travail chez Proman, la stratégie de développement de son périmètre. Les échanges susvisés relatifs au prospect Heppner, dont le siège social est à [Localité 9] mais approché par le biais de son site situé à [Localité 4], établissent, contrairement à ce que soutient M. [R], que c'est lui qui suivait, ou pilotait, l'affaire, sa position d'attendre les informations du service des en-cours «'avant d'y aller'», peu important qu'il s'agisse d'un déplacement géographique ou de la poursuite du projet envisagé, étant conforme à sa mission de contrôle de la sélection des clients et de surveillance des en-cours figurant à son contrat de travail, accompagnant ses missions commerciales. Tous les contrats clients ne sont pas des accords cadre ou nationaux conclus au nom de l'ensemble du réseau Domitis, comme le contrat avec le groupe Mercurial qu'il produit, contrats cadres qui n'encadrent d'ailleurs que partiellement la relation contractuelle, laquelle est régie par un contrat client/entreprise de travail temporaire, et l'appartenance au même réseau n'exclut pas le fait que le groupe Proman et le groupe Interaction sont des entités indépendantes et concurrentes, développant chacune leur activité dans leur intérêt propre, au-delà de cette appartenance, ce que confirme d'ailleurs la pièce 8 de l'appelante constitué d'un courrier de réponse de Proman à la demande d'explications d'Interaction sur la situation de M. [R], de laquelle ressort la confirmation que l'hypothèse d'une sollicitation par ce dernier de clients d'Interaction sur le secteur de celle-ci poserait problème, et que des instructions étaient transmises au salarié pour éviter tout quiproquo.

La société Interaction rapporte donc sans conteste la preuve de la violation par M. [R] de sa clause de non concurrence.

***

M. [R] ne peut se prévaloir contre la société Interaction de versements effectués jusqu'en septembre 2016 en connaissance de cause, dès lors que, si cette société disposait de quelques éléments laissant craindre un non-respect de la clause par le salarié, sur lesquels elle avait interpellé tant M. [R] que son employeur en décembre 2015, lesquels l'avaient assuré du contraire, elle ne pouvait cesser les versements sans risquer de se mettre en tort, l'ex employeur ne pouvant cesser de payer la contrepartie si le salarié respecte la clause, comme le relève d'ailleurs l'intimé lui-même. A l'inverse, il est fondé à cesser de payer l'indemnité dès lors que le salarié ne respecte pas son interdiction.

Il ne peut davantage se prévaloir d'une exception d'inexécution tirée du paiement tardif de la première échéance de la contrepartie financière par la société Interaction, et de la cessation par celle-ci des paiements après septembre 2016, et se considérer délié de ce fait de son obligation de non concurrence, dans la mesure où il est établi qu'il avait cessé antérieurement de respecter sa propre obligation, et même qu'il ne l'a en réalité jamais respectée du tout.

***

La clause de non concurrence étant valide et M. [R] ne l'ayant jamais respectée, il a perdu définitivement son droit à percevoir la contrepartie de la clause de non concurrence et doit rembourser la somme qu'il a perçue indûment à ce titre. En conséquence, il y a lieu, en infirmation du jugement, de condamner M. [R] à rembourser à la SARL Interaction la somme de 9497,08 €, et de débouter M. [R] de sa demande de paiement de la somme de 6120 € bruts, le jugement, qui n'a pas examiné cette demande, aucune motivation n'y figurant sur ce chef, sera complété en ce sens.

Le contrat de travail de M. [R] prévoit une clause pénale assurant à l'employeur une réparation forfaitaire de 122'400 € en cas de violation de l'obligation de non concurrence par le salarié.

En application de l'article 1231-5 du code civil, lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ou moins forte, néanmoins le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

En l'espèce, si la clause pénale est justifiée, en ce que le non-respect de l'obligation de non concurrence cause un avantage au salarié, en facilitant chez son nouvel employeur le développement de son périmètre commercial, et un préjudice de ce fait à l'ex employeur, la pénalité convenue apparaît excessive en son montant, et sera en conséquence, au regard des éléments produits aux débats, réduite à la somme de 6120 €, que M. [R] sera condamné à payer à la société appelante. Le jugement sera infirmé sur ce chef.

L'application de l'article 700 du code de procédure civile n'est pas justifiée au regard de la situation respective des parties. M. [R], qui succombe, doit être condamné aux dépens de première instance et d'appel. Le jugement sera en conséquence infirmé en ses dispositions relatives à ces chefs.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [P] [R] de sa demande de paiement de solde de la contrepartie financière,

L'INFIRME en ses autres dispositions,

STATUANT à nouveau sur les chefs infirmés, et y ajoutant,

REJETTE la demande de voir juger nulle la clause de non concurrence de M. [P] [R],

DIT que M. [P] [R] a violé la clause de non concurrence l'engageant envers la SARL Interaction,

CONDAMNE M. [P] [R] à payer à la SARL Interaction les sommes de':

-9497,08 € à titre de remboursement de la contrepartie à la clause de non concurrence perçue,

-6120 € au titre de l'indemnité forfaitaire prévue au contrat de travail en raison de la violation de la clause de non concurrence,

DEBOUTE les parties de leurs demandes respectives au titre des frais irrépétibles,

CONDAMNE M. [P] [R] aux dépens de première instance et d'appel.

'

Le Greffier Le Conseiller faisant

Fonction de Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 7ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 19/02450
Date de la décision : 22/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-22;19.02450 ?
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