4ème Chambre
ARRÊT N° 314
N° RG 14/08102
N° Portalis DBVL-V-B66-LNM4
BD/FB
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 22 SEPTEMBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Hélène RAULINE, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Françoise BERNARD, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 16 Juin 2022
ARRÊT :
Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 22 Septembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
SA CEETRUS anciennement dénommée SAS IMMOCHAN FRANCE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège
[Adresse 10]
[Localité 4]
Représentée par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Maxime SIMONNET de la SELEURL MAXIME SIMONNET AVOCAT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉES :
Mademoiselle [M] [B]
née le 17 Septembre 1976 à [Localité 8]
Le Téno
[Localité 3]
Intimée défaillante
SA AXA FRANCE IARD
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Florence NATIVELLE de la SELARL NATIVELLE AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de NANTES
Représentée par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES
SA MUTUELLES DU MANS ASSURANCES (MMA) IARD
SA inscrite au RCS de [Localité 5] sous le n°440 048 882, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Matthieu CAOUS-POCREAU de la SCP IPSO FACTO AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
SARL SPORT ET BIEN ETRE AU FEMININ (SBEF) exerçant sous l'enseigne CURVES
inscrite au RCS de [Localité 11] sous le n°491 505 798 agissant poursuites et diligences de son représentant légal pour ce domicilié de droit audit siège
[Adresse 13]
[Adresse 13]
[Localité 12]
Représentée par Me Peggy MORAN de la SELARL O2A & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE
Représentée par Me Dominique LE COULS-BOUVET de la SCP PHILIPPE COLLEU, DOMINIQUE LE COULS-BOUVET, Postulant, avocat au barreau de RENNES
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Exposé du litige :
Le 30 septembre 2006, la société Immochan a donné à bail commercial à Mme [M] [B], gérante de la société Sport et bien-être au féminin (SBEF) exerçant sous l'enseigne 'Curves', un local livré brut de maçonnerie situé dans la galerie marchande du centre commercial d'Auchan [Localité 11] aux fins d'exploitation d'un centre de remise en forme et de bien-être.
La société SBEF était assurée auprès de la société Axa par un contrat d'assurance Multirisques professionnels.
Elle a fait procéder à des travaux de climatisation de son local, sous le contrôle de la société Immochan en qualité de maître d''uvre. Les travaux de plomberie ont été réalisés par M. [O] assuré en responsabilité décennale auprès de la compagnie MMA.
Constatant un dysfonctionnement de la climatisation en 2007 et la survenance d'un dégât des eaux en février 2008, la société SBEF a obtenu du juge des référés la désignation d'un expert en la personne de M. [D], qui a déposé don rapport le 17 juin 2010.
Sur la base de ce rapport, par acte du 9 mars 2012, la société SBEF et Mme [B] ont fait assigner la société Axa France IARD, la société Immochan France et la société MMA devant le tribunal de commerce de Saint-Nazaire en indemnisation de leurs préjudices.
Par jugement contradictoire en date du 17 septembre 2014, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Saint-Nazaire a :
Sous réserve de la déduction de la somme de 129 295,63 euros versée à titre de provision par la société Axa France IARD,
- condamné la société MMA à verser à la société SBEF les sommes suivantes:
-103 846,61 euros TTC au titre des travaux de réparation du dégât des eaux ;
- 10 020,81 euros TTC au titre des travaux exécutés au cours des opérations d'expertise liés au dégât des eaux ;
- 123 016 euros au titre du préjudice d'exploitation ;
- condamné la société Immochan à payer à la société SBEF les sommes suivantes :
- 16 665 euros TTC au titre du coût des travaux de réparation du climatiseur ;
- 24 323,47 euros TTC au titre des travaux exécutés au cours des opérations d'expertise liés au dysfonctionnement du climatiseur ;
- 250 000 euros au titre du préjudice d'exploitation ;
- condamné la société Axa France IARD à payer à la société SBEF la somme de 126 984 euros au titre du préjudice d'exploitation ;
- débouté Mme [B] de sa demande de dommages-intérêts ;
- débouté les parties de leurs autres demandes ou prétentions ;
- condamné solidairement la société MMA, la société Axa France IARD, et la société Immochan à payer à la société SBEF la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné solidairement la société MMA, la société Axa France IARD, et la société Immochan aux entiers dépens lesquels comprendront les frais de référé et d'expertise judiciaire, et ce, avec distraction ;
- liquidé les frais de greffe à la somme de 139,93 euros.
Par déclaration du 14 octobre 2014, la société Immochan France a interjeté appel de ce jugement, en intimant la société Axa France IARD, la société MMA et la société SBEF.
Par déclaration du 10 décembre 2014, la société Axa France IARD a interjeté appel du jugement, en intimant la société SBEF, Mme [B], la société Immochan France et la société MMA.
Les procédures ont été jointes par ordonnance du 29 janvier 2015.
Par un arrêt en date du 18 janvier 2018, la cour d'appel de Rennes a :
- confirmé le jugement du tribunal de commerce de Saint-Nazaire en date du 17 septembre 2014 à l'exception des dispositions afférentes à la responsabilité de la société Axa France IARD et à l'évaluation du préjudice d'exploitation ;
- rappelé que le préjudice d'exploitation est imputable dans une proportion de 50 % à la panne du climatiseur et de 50 % au dégât des eaux ;
Statuant à nouveau,
- jugé que la société Axa France IARD n'a pas manqué à ses obligations contractuelles à l'égard de la société SBEF ;
- jugé qu'il y a lieu à application pure et simple du contrat d'assurance liant la société SBEF et la compagnie Axa, notamment du plafond d'indemnisation de 120 000 euros pour le préjudice d'exploitation et de la franchise contractuellement prévue, soit 3 147 euros ;
- sursis à statuer sur l'indemnisation du préjudice d'exploitation et ordonné avant dire droit une expertise ;
- désigné pour y procéder M. [S] [Y] avec mission d'évaluer la perte d'exploitation subie par la société SBEF à compter de 2007-2008 ; en déterminer la ou les causes en précisant notamment si une partie de la perte d'exploitation découle d'une baisse généralisée de ce type d'activité ; déterminer la part de cette perte incombant au dysfonctionnement du climatiseur et au dégât des eaux survenus respectivement courant 2007 et 2008 ; ventiler ce préjudice d'exploitation en distinguant les périodes d'arrêt total ou partiel d'activité (durant les opérations expertales, les travaux temporaires et les travaux de remise en état prévus par l'expert) et le préjudice subi durablement à la suite de la désaffection de la clientèle ;
Y additant,
- jugé qu'en vertu de la police d'assurances souscrite par M. [O] auprès de la société MMA, le préjudice d'exploitation est couvert à hauteur d'une somme maximum de 123 016 euros et qu'une franchise de 10 % est applicable, avec un minimum de 370 euros et un maximum de 1 229 euros;
- condamné la société MMA, assureur décennal de M. [O] responsable du dégât des eaux à garantir la compagnie Axa de toutes condamnations prononcées à son encontre dans le cadre du présent litige, en principal, frais et intérêts ;
- condamné la société Immochan, responsable des dommages découlant du dysfonctionnement de la climatisation à garantir la compagnie Axa des condamnations prononcées à son encontre dans le cadre du présent litige, au titre des dépens et des frais irrépétibles ;
- condamné la société Immochan à garantir la société MMA des condamnations prononcées à son encontre au titre des dépens et des frais irrépétibles, et ce, à hauteur de 50 % desdites condamnations ;
- sursis à statuer sur les dépens et frais irrépétibles.
L'expert a déposé son rapport le 15 novembre 2021.
L'instruction a été clôturée le 31 mai 2022.
Dans ses dernières conclusions en date du 31 mai 2022, la société Ceetrus, anciennement dénommée Immochan France au visa de l'article 1363 du code civil, demande à la cour de :
- constater la défaillance de SBEF à apporter les éléments nécessaires à la mission de l'expert, et de nature à démontrer tant le lien de causalité entre la faute reprochée et le préjudice subi, que la réalité de la perte d'exploitation alléguée ;
- juger que SBEF ne justifie pas du lien de causalité entre la faute alléguée et le préjudice qu'elle invoque ;
- constater le caractère infondé du chiffrage de la perte d'exploitation alléguée par SBEF ;
- constater le caractère fortement lacunaire et incomplet du chiffrage de la perte d'exploitation proposé par M. [Y], du fait des insuffisances de SBEF ;
A titre principal,
- infirmer le jugement en ce qu'il a fixé la perte d'exploitation subie par SBEF à la somme de 500 000 euros et l'a condamnée à payer à la société SBEF la somme de 250 000 euros au titre de son prétendu préjudice d'exploitation ;
- débouter la société SBEF de ses demandes de condamnation au titre d'une perte d'exploitation à l'encontre de la société Ceetrus ;
A titre subsidiaire,
- fixer la perte d'exploitation subie par SBEF à la somme de 179 000 euros;
- la condamner au titre de la perte d'exploitation de SBEF à une somme ne pouvant excéder 89 500 euros ;
- juger que la garantie de Ceetrus à garantir la société Axa ne pourra excéder le montant des condamnations prononcées à l'encontre de Ceetrus au titre du dysfonctionnement du climatiseur ;
En tout état de cause,
- condamner solidairement la société SBEF et son assureur Axa France IARD à payer à la société Ceetrus une somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions en date du 28 avril 2022, la société Axa France IARD, en qualité d'assureur de la société SBEF demande à la cour de :
A titre principal,
- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a évalué le préjudice d'exploitation de la société SBEF à la somme de 500 000 euros ;
- dire et juger que la société SBEF n'est pas fondée à solliciter la condamnation in solidum de la société Axa France IARD au paiement de la perte d'exploitation chiffrée par l'expert judiciaire ;
- dire et juger qu'aucune somme n'est due par la société Axa France IARD à la société SBEF au titre de sa garantie contractuelle ;
- débouter la société SBEF de l'intégralité de ses demandes à son encontre;
En outre,
- débouter la société Ceetrus et la société MMA Iard de leurs demandes à son encontre;
A titre subsidiaire:
- condamner la société MMA IARD à la relever indemne et la garantir de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre en principal, frais et intérêts ;
- condamner la société Ceetrus à la relever indemne et la garantir de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre au titre des frais irrépétibles et des dépens ;
En tout état de cause,
- condamner in solidum la société MMA IARD et la société Ceetrus à lui payer la somme de 20 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions en date du 28 février 2022, la société MMA IARD demande à la cour de :
- juger que la société SBEF est défaillante à apporter les éléments nécessaires à la mission de l'expert, et de nature à démontrer tant le lien de causalité entre la faute reprochée et le préjudice subi, que la réalité de la perte d'exploitation alléguée ;
- juger que SBEF ne justifie pas du lien de causalité entre la faute alléguée et les préjudices qu'elle invoque ;
- juger infondé le chiffrage de la perte d'exploitation alléguée par SBEF ;
- juger lacunaire et incomplet le chiffrage de la perte d'exploitation proposé
par M. [Y], du fait des insuffisances précitées de SBEF désormais Curves ;
- infirmer le jugement en ce qu'il a fixé la perte d'exploitation subie par SBEF à la somme de 500 000 euros ;
- débouter la société SBEF de ses demandes de condamnation au titre d'une perte d'exploitation
- débouter Mme [B] de sa demande de dommages-intérêts au titre de son préjudice moral
- dire et juger que la société Axa France IARD et la société Immochan seront tenues de garantir la société MMA IARD de toute condamnation qui serait prononcée contre elle, tant en principal, frais et intérêts qu'au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens ;
- en tout état de cause, dire et juger que la garantie de la société MMA IARD s'agissant du préjudice d'exploitation n'est mobilisable que pour un montant maximum de 123 016 euros et que cette garantie est assortie d'une franchise de 10 % avec un minimum de 370 euros et un maximum de 1 229 euros opposables au bénéficiaire de l'indemnité ;
- statuer ce que de droit sur les frais irrépétibles et les dépens et débouter toute partie de toute demande excessive ou injustifiée à ce titre.
Dans ses dernières conclusions en date du 18 mai 2022, la société SBEF demande à la cour de :
- infirmer le jugement dont appel ;
- fixer le préjudice d'exploitation subi par la société SBEF à la somme de 427 000 euros ;
- condamner in solidum les sociétés Ceetrus, MMA IARD, Axa France IARD à régler à la société SBEF la somme de 427 000 euros en réparation de son préjudice d'exploitation ;
A titre subsidiaire, en cas de rejet de la demande de condamnation solidum,
- condamner la société Ceetrus à lui régler la somme de 213 500 euros en réparation de son préjudice d'exploitation ;
- condamner la société MMA IARD à lui régler la somme de 123 016 euros au même titre ;
- condamner Axa France IARD à lui régler la somme de 90 484 euros à ce titre, sous déduction de la franchise applicable ;
En tout état de cause,
- condamner in solidum les sociétés Ceetrus, MMA IARD et Axa France IARD à lui payer la somme de 20 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont les frais d'expertise judiciaire ;
- débouter les sociétés Ceetrus, MMA IARD et Axa France IARD de toutes leurs demandes, fins et conclusions contraires.
Motifs :
Il convient de rappeler que la cour, dans son arrêt du 18 janvier 2018, a confirmé le jugement qui a reconnu l'existence d'un préjudice d'exploitation subi par la société SBEF du fait du dysfonctionnement de la climatisation imputé à la société Immochan devenue Ceetrus et du dégât des eaux imputé à M. [O] assuré auprès de la société MMA, sans prononcer de condamnation in solidum entre ces responsables.
Il s'en déduit que la réalité du préjudice comme son lien de causalité avec les désordres survenus dans le local loué n'ont pas à être réexaminés par la cour statuant suite au dépôt du rapport de l'expert comptable, ni la répartition par moitié de ce préjudice mise à la charge respectivement de chaque responsable.
L'arrêt a infirmé le jugement qui avait retenu la responsabilité contractuelle de la société AXA mise en cause dans la gestion du sinistre. Il a précisé que les plafonds d'indemnisation du préjudice d'exploitation et les franchises prévus au contrat de cet assureur et de la société MMA devaient s'appliquer et s'est prononcé sur les garanties accordées à la société AXA par la société Immochan devenue Ceetrus et la société MMA. Ces points n'ont pas à être de nouveau débattus.
-Sur l'évaluation du préjudice d'exploitation:
La société Ceetrus fait valoir que le préjudice d'exploitation allégué par la société SBEF sur la base du rapport de l'expert qui l'a fixé à 427000€ ne repose sur aucun élément probant en raison du caractère lacunaire des pièces qu'elle a produites malgré les demandes de M. [Y]. Elle relève plus particulièrement que la société exploitante, qui invoque une baisse de fréquentation du fait des désordres, n'a pas été en mesure de produire sur la période considérée les données relatives à ses adhésions (payées en une fois lors de l'inscription) et aux abonnements (payés mensuellement) dont les tarifs diffèrent et qui sont confondus dans les tableaux qu'elle a produits, ni celles relatives aux sorties et renouvellements d'abonnements, de sorte qu'il n'est pas possible d'établir de façon précise son activité et le chiffre d'affaires théorique.
Elle estime que la méthode de calcul retenue par l'expert avantage la société SBEF, que celui-ci a sous-évalué l'impact de la concurrence à compter de 2009 ainsi que l'érosion habituelle de clientèle constatée dans ce type d'activité de sorte qu'il ne pouvait retenir un chiffre d'affaires identique à celui de 2008 pour les exercices jusqu'en 2011 avec seulement une réduction de 10%. Elle estime que la prise en compte de ces facteurs conduit à un préjudice maximum de 179000€, soit 89500€ à sa charge.
La société MMA, assureur de M. [O], rejoint l'argumentation de l'appelante quant à l'absence de pièces justificatives du préjudice allégué et l'insuffisance de prise en compte par l'expert de l'impact de la concurrence au regard des critères de choix d'une salle de sport énoncés par les clients. Elle estime que les pièces produites permettent de constater dans les années postérieures une activité de la SBEF comparable à celle d'autres centres du même type situés dans la région.
Elle fait grief à l'expert d'admettre l'insuffisance des données fournies pour procéder à l'évaluation et de ne pas en avoir tenu compte dans sa proposition et de ne pas non plus avoir répondu complètement aux dires des parties.
Elle ajoute que certaines affirmations de sa part, telle l'importance de l'état sanitaire des locaux, sont de plus démenties par des études réalisées auprès de la clientèle de ce type d'établissements.
Elle fait remarquer que l'expert, pour déterminer le taux de marge, n'a pas pris en compte divers postes inclus dans les charges variables sans fournir d'explication, de sorte que ce taux doit être fixé à 92,5% et non de 94,62%.
Elle en déduit que le préjudice n'est pas démontré et qu'en tout état de cause, il s'analyse en une perte de chance.
La société AXA développe la même argumentation que l'appelante sur la détermination du préjudice par l'expert.
La société SBEF demande la fixation de son préjudice à 427000€ selon l'évaluation proposée par l'expert. Elle estime que les critiques qui lui sont faites de même que celles adressées à l'expert sont injustifiées et relève que la définition de la période sinistrée de 2008 à 2011 n'est pas véritablement critiquée, qu'elle ne pouvait justifier d'une situation de référence puisqu'elle avait démarré son activité en novembre 2006 soit peu de temps avant la survenance des désordres.
Elle relève que son exploitationn qui est une activité de nichn avait démarré très favorablement comme le montrent les chiffres d'affaires de 2007 et 2008 qui révèlent une progression de 57% entre les deux exercices et que le pourcentage d'annulation dans ces centres est seulement de 5% , le surplus étant dû en l'espèce aux désordres. Invoquant les statistiques de la franchise Curves, elle fait observer que les centres connaissent la même croissance pendant les trois premières années puis une phase de stagnation du nombre d'adhérents entre la 4 et la 10ème année, que la clientèle ne s'érode pas rapidement comme le prétend l'appelante.
Elle en déduit que la méthode appliquée par l'expert est cohérente, que si certaines pièces n'ont pu lui être communiquées, n'étant plus disponibles, il a bénéficié de l'ensemble des documents comptables de 2007 à 2015, des chiffres d'affaires et des récapitulatifs d'abonnements qu'il a pu comparer aux chiffres d'affaires d'autres établissements. Elle ajoute qu'il a également eu connaissance du rapport de M. [D] quant à l'état des locaux et aux investigations réalisées qui ont perturbé le fonctionnement du centre, impliquant sa fermeture à la clientèle. Elle ajoute que la pétition qui concerne 67 personnes sur 77 adhérents, ce qui est cohérent, comme les attestations relatives aux conditions sanitaires et à la chaleur dans les locaux témoignent de l'insatisfaction croissante des clientes qui les ont conduites à quitter le centre.
Ceci étant, l'expert a effectivement mentionné dans son rapport que des pièces demandées à la société SBEF relatives à son activité et, notamment, le tarif Curves et l'évolution du nombre d'abonnements sur les premières années, n'avaient pas été obtenues de l'exploitante sans qu'il soit établi que ce défaut de communication résulte toutefois de son opposition puisque le cabinet d'expertise comptable détenteur des pièces a été radié avant l'expertise.
Il a, cependant, reçu communication de l'ensemble des autres pièces sollicitées, à savoir tous les documents comptables, les chiffres d'affaires mensuels, le récapitulatif des abonnements de novembre 2006 à 2014 et les DADS. Les éléments fournis par la société SBEF lui ont permis de proposer une évaluation du préjudice sur la base d'un raisonnement que les parties sont en mesure de critiquer en se fondant sur les analyses des cabinets d'expertise comptable qu'elles lui ont communiquées.
Le préjudice est donc déterminable et le rejet de la demande de la société SBEF pour ce seul motif n'est pas justifié, ce d'autant que l'expert a relevé en page 9 de son rapport, au paragraphe 3.1.2., qu'il était acquis par toutes les parties que le dysfonctionnement du climatiseur, le dégât des eaux et les fermetures temporaires du club ponctuellement pendant l'expertise puis pendant les travaux avaient contribué à la baisse de fréquentation du centre et donc à un préjudice d'exploitation, rappel conforme aux termes de l'arrêt de la cour de janvier 2018.
Le centre de remise en forme, ouvert en novembre 2006, a connu, selon la chronologie rappelée par M. [D] qui a expertisé les désordres, à compter de février 2007, des dysfonctionnements du système de climatisation qui a été arrêté début mai 2008 du fait de son état et à compter de février 2008 un dégât des eaux dont l'origine n'a pu être identifiée qu'en novembre suivant dans le cadre de l'expertise. Le tableau des abonnements démontre que, dès novembre 2007, le nombre d'abonnements a baissé dans une proportion importante, chute qui s'est poursuivie ultérieurement. Cette situation est confirmée par les courriers de mécontentement et de résiliation d'abonnements versés aux débats par la société SBEF en 2008 et 2009, les clientes n'acceptant plus au bout de plusieurs mois la poursuite de leur activité dans des locaux inconfortables et insalubres.
La gérante de la société a précisé que les travaux de reprise ont été exécutés en août 2010. Le développement de ce type d'activité fonctionnant par le bouche à oreille, en l'absence de communication massive organisée par la société suite aux travaux, l'expert a estimé justement que le sinistre a cessé d'avoir des conséquences sur le fonctionnement du centre fin 2011. Le préjudice doit donc être évalué sur la période de 2008 à 2011.
Les chiffres d'affaires des exercices 2007 ( 210203€) et 2008 (331201€) mettent en évidence un démarrage très favorable du centre qui a été relevé dans le rapport d'octobre 2010 du cabinet Cunningham Lindsey consulté par la société AXA, comme par les responsables de la franchise Curves puisque le centre a été désigné franchisé européen de l'année 2008.
Toutefois, l'expert ne peut être suivi quand il a estimé que le chiffre d'affaires de 2008 devait être reconduit pour déterminer le chiffre d'affaire théorique des trois exercices suivants en limitant l'érosion de clientèle indépendante des désordres à 10%. Nonobstant la spécificité du concept développé par la franchise 'Curves', qui s'adresse à des femmes en leur proposant un circuit d'entraînement de 30 minutes sur divers appareils, l'appelante et les assureurs relèvent justement que le centre de remise en forme a bénéficié en 2007 et 2008 d'un effet 'ouverture' lié à sa nouveauté, d'autant plus important qu'à l'époque de son installation, il n'existait aucune concurrence dans cette zone de chalandise de [Localité 12]. Deux établissements s'y sont implantés en revanche en juin et juillet 2009. Si ces nouvelles salles de sport ne développent pas un concept strictement identique à celui de l'intimée puisqu'elles s'adressent à une clientèle mixte, il demeure que, disposant de surfaces plus grandes, elles offraient des activités plus variées, ce que ne permettaient pas les locaux loués par la société SBEF et des équipements complémentaires (piscine), moyennant un tarif du même ordre, élément de choix important d'une salle comme le montrent les études versées aux débats. Cette diversification a nécessairement eu des conséquences sur le niveau de fréquentation et de réabonnement du centre.
En outre, un autre centre Curves a également été développé par la gérante de la société SBEF sur la commune de [Localité 7] en 2008, à 22 kms, donnant un accès plus aisé aux prestations proposées à la clientèle de ce secteur. La société SBEF soutient qu'il n'existe pas d'interférence entre les clientèles des deux bassins d'activité (St Nazaire et [Localité 7]), sans toutefois en rapporter la preuve faute de production de documents sur le domicile ou le lieu de travail des clientes.
La vice présidente des opérations internationales de Curves, dans une attestation de 2010, témoigne qu'un centre, en règle générale, connaît la même croissance entre la première, la deuxième et la troisième année, puis une stagnation du nombre d'adhérents entre le 4ème et la 10ème année et que le pourcentage d'annulation en France en 2008 était de 5%.
Cependant, un extrait d'analyse de l'évolution de la franchise Curves par un site spécialisé produit aux débats par la société AXA signalait en 2011 que l'activité développée en Europe dès 2000 et en France à compter de 2004, notamment à [Localité 9], avait connu une extension importante à compter de 2005 mais avait été affectée par la crise en 2009 ; qu'une vingtaine de centres faisait l'objet d'une procédure collective et que peu atteignaient 200000€ de chiffre d'affaires, la progression du parc ayant ralenti en 2010. Si l'expert affirme en page 12 de son rapport que les centres de fitness ont affiché une bonne résilience face à la crise de 2008, il ne fournit pas ses sources sur ce point et se réfère aux performances des deux salles de sports concurrentes de la société SBEF.
Au regard de ces éléments, ces données doivent être prises en compte comme ayant participé à la baisse de fréquentation du centre, indépendamment des désordres survenus dans les locaux, à hauteur de 15% du chiffre d'affaires de 2008 au titre de l'exercice 2009 et 25% pour les deux années suivantes afin de déterminer le chiffre d'affaires théorique de la société SBEF des années 2008 à 2011, en l'absence de survenance des désordres.
Il s'en déduit que ce chiffre d'affaires représente une somme de 1142644€ ( 331201+ 281521+ (264961X2)). Ce montant est cohérent compte tenu du très bon démarrage d'activité en 2007 et 2008 et de la part qu'y représente le montant des adhésions lors des premières inscriptions.
Après déduction du chiffre d'affaires réel de 774000€ accompli pendant ces exercices, le chiffre d'affaires manqué s'élève à 368644€.
En ce qui concerne le taux de marge brute devant être appliqué sur cette perte de gain, l'expert l'a évalué en retenant, au titre des charges variables économisées mises en évidence dans les comptes, les dépenses d'électricité et les redevances Curves et Zumba pour parvenir à un taux de 94,62%.
La note établie par le cabinet LD expertise, communiquée à l'expert, mentionne d'autres charges variant en fonction de la fréquentation du centre (petit équipement, entretien et réparation, cadeaux clientèle, animation) apparaissant effectivement dans les comptes des exercices de 2011 à 2014 que l'expert n'a pas pris en compte sans s'expliquer sur ce point. Après déduction de ces charges du chiffre d'affaires réalisé sur cette période, le taux de marge brut sera fixé à 92,5%.
En conséquence, le préjudice d'exploitation de la société SBEF sera fixé à 340996€. Cette somme sera supportée à hauteur de 170498€ par la société Ceetrus au titre de la climatisation défectueuse et, compte tenu du plafond de garantie, à hauteur de 123016€ sous déduction de la franchise
contractuelle par la société MMA, assureur de M. [O] au titre du dégât des eaux.
Le jugement est réformé sur ces points.
-Sur le montant de la garantie de la société AXA:
Selon l'arrêt du 18 janvier 2018, le contrat conclu par la société SBEF avec la société AXA au titre du risque dégât des eaux doit être appliqué dans l'ensemble de ses dispositions notamment relatives au préjudice d'exploitation.
Outre le plafond de garantie de 120000€ et la franchise, la société AXA invoque l'article 2-1 des conditions particulières et générales du contrat qui fait état d'une période d'indemnisation de 12 mois, laquelle commence le jour de la survenance de l'événement concerné en l'espèce le 6 février 2008 et pendant laquelle les résultats de l'activité sont affectés. La société SBEF ne développe pas d'argumentation en réponse sur la durée d'indemnisation dans ses écritures, consacrant ses développements à la démonstration de la réalité d'un préjudice dès juillet 2008 suite au dégât des eaux en février précédent, ce que l'assureur conteste.
Les dispositions contractuelles invoquées par l'assureur ne souffrent d'aucune ambiguïté et l'indemnisation de la société SBEF doit être limitée au préjudice d'exploitation supporté sur une année à compter du sinistre jusqu'au 6 février 2009.
Contrairement à ce que soutient la société AXA et comme le rappelle la note de son expert, à la date du dégât des eaux, en février 2008, l'activité de la société était en forte croissance depuis l'ouverture fin novembre 2006. Le chiffre d'affaires mensuel s'est globalement maintenu jusqu'en juin 2008 malgré le sinistre et s'est dégradé sur la période postérieur jusqu'à février 2009. Le chiffre d'affaires de septembre 2008, période propice aux nouvelles adhésions, a été significativement réduit de plus de 18% par rapport à l'année précédente. Ainsi le chiffre d'affaires mensuel moyen sur les 5 premiers mois de la période s'élevait à 29126€ pour chuter à 24039€ jusqu'en février 2009, soit une perte de chiffre d'affaires sur la période de 35609€ et après application du taux de marge brute de 92,5%, un préjudice de 32928€. La société AXA sera condamnée à indemniser la société SBEF du préjudice d'exploitation dans cette limite sous déduction de la franchise, par voie d'infirmation concernant la part de 50% du préjudice imputée au dégât des eaux. Il doit être tenu compte des provisions versées par l'assureur, le cabinet Cunnignham Lindsey évoquant à ce titre un versement de 60000€ en page 8 de son rapport.
Conformément à l'arrêt du 18 janvier 2018, la société MMA sera tenue de garantir la compagnie AXA de cette condamnation.
Il y a pas lieu de condamner la société AXA, assureur de la société SBEF, à garantir la société MMA des condamnations mises à sa charge au titre du préjudice d'exploitation lié au dégât des eaux en l'absence de manquement imputable à AXA à la suite du sinistre.
-Sur les demandes annexes :
Devant la cour, Mme [B] ne présente aucune demande d'indemnisation, le rejet de ses prétentions prononcé par le tribunal est définitif.
Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens sont confirmées.
La société Ceetrus, la société MMA Iard et la société AXA Iard seront condamnées in solidum à verser à la société SBEF une indemnité de 6000€ au titre des frais irrépétibles d'appel.
Les demandes des autres parties à ce titre sont rejetées.
La société Ceetrus, la société MMA Iard et la société AXA Iard seront condamnées in solidum aux dépens d'appel qui comprendront le coût de l'expertise comptable et seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Les frais irrépétibles et les dépens seront supportés entre codébiteurs selon les modalités définies dans l'arrêt du 18 janvier 2018.
Par ces motifs :
La cour,
Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire après expertise,
Infirme le jugement sur l'indemnisation du préjudice d'exploitation de la société SBEF,
Statuant à nouveau,
Fixe le préjudice d'exploitation subi par la société SBEF pour la période de 2008 à 2011 à la somme de 340996€,
Condamne la société Ceetrus à verser à la société SBEF la somme de 170498€ en réparation de la part du préjudice d'exploitation due au dysfonctionnement de la climatisation,
Condamne la société MMA Iard, assureur de M. [O] à verser à la société SBEF la somme de 123016€ sous déduction de la franchise contractuelle en réparation de la part du préjudice dû au dégât des eaux,
Condamne la société AXA, assureur de la société SBEF au titre du risque dégât des eaux, à lui verser une somme de 32928€ sous déduction de la franchise contractuelle,
Déboute la société MMA de sa demande de garantie contre la société AXA;
Confirme pour le surplus,
Condamne les sociétés Ceetrus, MMA Iard et AXA Iard à verser à la société SBEF la somme de 6000€ au titre des frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'aux dépens d'appel comprenant les frais de l'expertise comptable et recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Rejette les autres demandes de frais irrépétibles,
Rappelle que l'ensemble des frais irrépétibles et des dépens seront supportés entre codébiteurs selon les modalités prévues par l'arrêt du 18 janvier 2018.
Le Greffier, Le Président,