3ème Chambre Commerciale
ARRÊT N°453
N° RG 21/01279 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RMNK
M. [C] [B]
C/
CREDIT AGRICOLE DU MORBIHAN
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me BONTE
Me LE QUINQUIS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 20 SEPTEMBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,
Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,
Assesseur : Monsieur Dominique GARET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Julie ROUET, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 27 Juin 2022 devant Monsieur Alexis CONTAMINE, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 20 Septembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [C] [B]
né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 7]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représenté par Me Mikaël BONTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me Jean-Charles SCALE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
CREDIT AGRICOLE DU MORBIHAN immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de VANNES sous le numéro 777 903 816, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège,
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Virginie LE QUINQUIS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de LORIENT
FAITS ET PROCÉDURE :
Le 30 juin 2010, la société Gaerauto a souscrit un contrat de prêt n°00037562980 auprès de la société Caisse Régionale de Crédit Agricole mutuel du Morbihan (le Crédit Agricole) d'un montant de 150.000 euros, remboursable en 60 mensualités au taux d'intérêt nominal annuel de 3,80%.
Le même jour, M. [B], gérant de la société Gaerauto, s'est porté caution solidaire au titre de ce prêt dans la limite de la somme de 195.000 euros, couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour une durée de 120 mois.
Le 11 juillet 2012, la société Gaerauto a souscrit un contrat de prêt n°00045755621 auprès du Crédit Agricole d'un montant de 19.000 euros, remboursable en 60 mensualités au taux d'intérêt nominal annuel de 3,40%.
Le même jour, M. [B] s'est porté caution solidaire au titre de ce prêt dans la limite de la somme de 24.700 euros, couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour une durée de 120 mois.
Le 18 avril 2014, la société Gaerauto a souscrit un contrat de ligne de cautionnement bancaire n°10000044351 auprès du Crédit Agricole d'un montant de 50.000 euros pour une durée de 240 mois.
Le même jour, M. [B] s'est porté caution solidaire au titre de ce prêt dans la limite de la somme de 65.000 euros, couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour une durée de 264 mois.
Le 19 mai 2014, la société Gaerauto a souscrit un contrat de prêt n°10000045887 auprès du Crédit Agricole d'un montant de 150.000 euros, remboursable en 60 mensualités au taux d'intérêt nominal annuel de 3,15%.
Le même jour, M. [B] s'est porté caution solidaire au titre de ce prêt dans la limite de la somme de 97.500 euros, couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour une durée de 84 mois.
Le 12 décembre 2014, la société Gaerauto a été placée en liquidation judiciaire.
Le 2 février 2015, le Crédit Agricole a déclaré ses créances contre la société Gaerauto entre les mains du mandataire judiciaire.
A la même date, le Crédit Agricole a prononcé la déchéance du terme et mis en demeure M. [B] d'honorer ses engagements de caution.
Le 21 mars 2019, le Crédit Agricole a assigné M. [B] en paiement.
Par jugement du 23 novembre 2020, le tribunal de commerce de Lorient a :
- Dit que l'acte de cautionnement de M. [B] souscrit le 30 juin 2010 auprès du Crédit Agricole n'est pas manifestement disproportionné à ses biens et revenus,
- Dit que l'acte de cautionnement de M. [B] souscrit le 11 juillet 2012 auprès du Crédit Agricole n'est pas manifestement disproportionné à ses biens et revenus,
- Dit que l'acte de cautionnement de M. [B] souscrit le 18 avril 2014 auprès du Crédit Agricole n'est pas manifestement disproportionné à ses biens et revenus,
- Dit que l'acte de cautionnement de M. [B] souscrit le 19 mai 2014 auprès du Crédit Agricole n'est pas manifestement disproportionné à ses biens et revenus,
- Débouté M. [B] de ses contestations relatives au quantum de la créance du Crédit Agricole,
- Débouté M. [B] de sa demande de réduction des intérêts de retard,
- Débouté M. [B] de sa demande de déchéance du droit aux intérêts,
- Condamné M. [B], ès qualités de caution de la société Gaerauto, à payer au Crédit Agricole :
- La somme de 19.817,94 euros, outre les intérêts au taux de 8,80% continuant à courir jusqu'à parfait paiement au titre du prêt n°00037562980,
- La somme de 11.451,51 euros, outre les intérêts de retard au taux de 6,40% continuant à courir jusqu'à parfait paiement au titre du prêt n°00045755621,
- La somme de 97.500 euros, outre les intérêts de retard au taux de 8,15% continuant à courir jusqu'à parfait paiement au titre du prêt n°10000045887,
- La somme de 12.138 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 4 février 2015 continuant à courir jusqu'à parfait paiement au titre du prêt n°10000044351,
- Dit que l'action en responsabilité contractuelle à l'égard du Crédit Agricole pour manquement à son devoir de mise en garde au titre des prêts n°00037562980, n°00045755621 et n°10000045887 conclus entre 2010 et 2014 est prescrite,
- Dit que M. [B] avait la qualité de caution avertie lors de la souscription du contrat de cautionnement n°10000044351 et qu'en conséquence le Crédit Agricole n'était pas tenu à un devoir de mise en garde au titre de ce contrat,
- Débouté en conséquence M. [B] de sa demande de dommages et intérêts au titre de manquement du Crédit Agricole à son devoir de mise en garde pour le contrat de cautionnement n°10000044351 du 18 avril 2014,
- Réduit le montant de l'indemnité de recouvrement de 7%, qualifiée de clause pénale, à 1 euros symbolique,
- Débouté M. [B] de sa demande de délai de paiement,
- Condamné M. [B] à payer au Crédit Agricole la somme de 2.000 euros en application 700 du code de procédure civile,
- Condamné M. [B] aux entiers dépens de l'instance, dont frais de greffe liquidés,
- Dit toutes autres demandes, fins et conclusions des parties injustifiées et en tout cas mal fondées, les en déboute.
M. [B] a interjeté appel le 24 février 2021.
M. [B] a déposé ses dernières conclusions le 24 mai 2021. Le Crédit Agricole a déposé ses dernières conclusions le 20 août 2021.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 juin 2022.
PRÉTENTIONS ET MOYENS :
M. [B] demande à la cour de :
- Infirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a :
- Retenu le caractère disproportionné des cautionnements lors de leur souscription,
- Retenu le caractère de clause pénale à l'indemnité de recouvrement de 7% pour la réduire à un euro symbolique,
A titre principal :
- Dire et juger que les cautionnements de M. [B] en garantie des prêts n°000375562980, n°00045755621, n°10000045887 et n° 10000044351 souscrits par la société Gaerauto ont un caractère disproportionné,
- Dire et juger que le Crédit Agricole est déchu de son droit à se prévaloir des cautionnements souscrits par M. [B] en garantie des dits prêts,
- Débouter le Crédit Agricole de l'ensemble de ses demandes,
- Dire et juger que le Crédit Agricole ne justifie pas avoir rempli ses obligations d'information, de conseil, de vigilance et de mise en garde à l'égard de la caution,
- Condamner le Crédit Agricole à payer à M. [B], à titre de dommages et intérêts, une indemnité qui aura pour exacte mesure 99,99 % des sommes réclamées par la banque,
- Ordonner la compensation entre les créances respectives des parties,
A titre subsidiaire :
- Dire et juger que les intérêts de retard seront réduits à l'euro symbolique.
- Dire et juger que l'indemnité conventionnelle de 7% sera réduite à l'euro symbolique,
A titre infiniment subsidiaire :
- Dire et juger que M. [B] bénéficiera d'un délai de paiement de deux ans à compter de la décision à intervenir,
En tout état de cause:
- Condamner le Crédit Agricole à payer à M. [B] la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner le Crédit Agricole en tous les dépens de première instance et d'appel.
Le Crédit Agricole demande à la cour de :
- Confirmer les dispositions du jugement, exception faite de la réduction à 1 euro des indemnités de recouvrement,
En conséquence :
- Déclarer M. [B] prescrit quant à sa demande de défaut de mise en garde,
- Condamner M. [B], ès-qualités de caution de la société Gaerauto à payer au Crédit Agricole la somme totale de 144.907,45 euros en principal, intérêts et accessoires, arrêtée au 1er février 2019, outre les intérêts de retard continuant à courir jusqu'à parfait paiement soit :
- La somme de 21.817,94 euros, outre les intérêts au taux de 8.80 % continuant à courir jusqu'à parfait paiement au titre du prêt n°00037562980,
- La somme de 13.451,51 euros, outre les intérêts de retard au taux de 6.40 % continuant à courir jusqu'à parfait paiement au titre du prêt n°00045755621,
- La somme de 97.500 euros, outre les intérêts de retard au taux de 8.15 % continuant à courir jusqu'à parfait paiement au titre du prêt n°10000045887,
- La somme de 12.138 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 4 février 2015 continuant à courir jusqu'à parfait paiement au titre du prêt n°10000044351,
- Débouter M. [B] de toutes ses autres demandes fins et conclusions,
- Condamner M. [B] à payer au Crédit Agricole la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner M. [B] aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.
DISCUSSION :
Sur la disproportion manifeste :
L'article L 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction en vigueur du 5 août 2003 au 1er juillet 2016 et applicable en l'espèce, prévoit que le créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un cautionnement manifestement disproportionné :
Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses bien et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
C'est sur la caution que pèse la charge d'établir cette éventuelle disproportion manifeste. Ce n'est que lorsque le cautionnement est considéré comme manifestement disproportionné au moment de sa conclusion qu'il revient au créancier professionnel d'établir qu'au moment où il appelle la caution, le patrimoine de celle-ci lui permet à nouveau de faire face à son obligation.
Cet article n'impose pas au créancier professionnel de s'enquérir de la situation financière de la caution préalablement à la souscription de son engagement. La fiche de renseignements que les banques ont l'usage de transmettre aux futures cautions n'est, en droit, ni obligatoire ni indispensable. En revanche, en l'absence de fiche de renseignements, les éléments de preuve produits par la caution doivent être pris en compte.
La disproportion manifeste de l'engagement de la caution commune en biens s'apprécie par rapport aux biens et revenus de celle-ci, sans distinction et sans qu'il y ait lieu de tenir compte du consentement exprès du conjoint donné conformément à l'article 1415 du code civil, qui détermine seulement le gage du créancier, de sorte que doivent être pris en considération tant les biens propres et les revenus de la caution que les biens communs, incluant les revenus de son conjoint.
Au surplus, il sera observé que le taux d'endettement recommandé de 33% que M. [B] invoque n'est qu'un taux indicatif utilisé en pratique par les établissements bancaires, non un plafond d'endettement imposé par le droit positif.
En l'espèce, M. [B] invoque la disproportion de ses engagements de caution aussi bien à la date de leur conclusion qu'à la date à laquelle il a été appelé en paiement.
Le Crédit Agricole ne conteste pas la disproportion manifeste à la date de chacun des engagements litigieux mais fait valoir qu'à la date à laquelle M. [B] a été assigné son patrimoine lui permettait de faire face aux sommes demandées.
La situation de M. [B] à la date de son assignation sera donc examinée. Il y a lieu de préciser que seul son patrimoine à cette date doit être pris en compte, ses revenus ne faisant pas partie de son patrimoine.
Lorsque le cautionnement est considéré comme manifestement disproportionné au moment de sa conclusion, il revient au créancier professionnel d'établir qu'au moment où il appelle la caution, le patrimoine de celle-ci lui permet à nouveau de faire face à son obligation.
Le Crédit Agricole fait valoir que le patrimoine de M. [B] lui permettrait de faire face aux engagements souscrits puisqu'il détenait des parts dans la société SCI Juline dont l'immeuble a été vendu au prix de 648.000 euros et d'un immeuble personnel sis à [Adresse 5] vendu au prix de 435.000 euros dont l'encours du prêt à hauteur de 127.747 euros a été réglé par la vente. Le Crédit Agricole estime qu'au jour où il est appelé, M. [B] disposait d'un patrimoine de 726.053 euros dont la somme de 85.000 euros ayant fait l'objet d'une saisie conservatoire dans le cadre de la présente procédure.
M. [B] oppose que la société SCI Juline a fait l'objet d'une liquidation judiciaire en 2016 et que son actif a été entièrement distribué par le mandataire liquidateur avec règlement des créances au seul bénéfice du Crédit Agricole de sorte que les parts dans cette société n'ont plus aucune valeur. Il ne conteste pas le montant de la vente de l'immeuble sis à [Adresse 5] mais précise qu'une fois diminué de la taxe foncière (3.985,12 euros) et de l'impôt sur les plus-values (21.210 euros), le produit de la vente a permis de désintéresser le Crédit Agricole à hauteur :
- De 127.746 euros soldant ainsi le prêt immobilier pour l'achat de l'immeuble,
- De 126.689,60 euros soldant ainsi les deux prêts immobiliers souscrits par la société SCI Juline.
M. [B] estime ainsi que son actif patrimonial est limité à la seule somme séquestrée par le Crédit Agricole soit 83.450,58 euros.
Au vu de ces éléments, la société SCI Juline ayant fait l'objet d'une liquidation judiciaire, il ne peut être retenu aucune valeur pour les parts sociales de cette société.
Il apparaît ensuite que le solde de la vente, intervenue le 1er février 2019, du bien immobilier sis à [Adresse 5] au bénéfice de M. [B] est de 155.369,28 euros, une fois soustrait au prix de la vente, la taxe foncière, l'impôt sur les plus-values et les sommes permettant de solder les différents prêts immobiliers (435.000 - 127.746 - 126.689,60 - 3.985,12 - 21.210 = 155.369,28 euros). Le patrimoine de M. [B] à la date de l'assignation, soit le 21 mars 2019, était donc de 155.369,28 euros. Le fait que le Crédit Agricole n'en ait saisi, le 15 mars 2019, que 83.450,58 euros ne permet pas de limiter le patrimoine de M. [B] à cette seule somme alors qu'il bénéficiait le 1er février 2019 d'une somme de 155.369,28 euros et qu'il ne justifie pas du devenir ce celle-ci dans un délai aussi court.
Le 21 mars 2019, le Crédit Agricole a assigné M. [B] en paiement des sommes dues au titre de ses engagements de caution soit :
- La somme de 21.817,94 euros au titre de l'engagement attaché au prêt n°00037562980,
- La somme de 13.451,51 euros au titre de l'engagement attaché au prêt n° 00045755621,
- La somme de 97.500 euros au titre de l'engagement attaché au prêt n° 10000045887,
- La somme de 12.138 euros au titre de l'engagement attaché au prêt n° 10000044351, soit un total de 144.907,45 euros.
Son patrimoine lui permettait de faire face à ce paiement.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu le caractère non manifestement disproportionné des engagements de caution litigieux.
Sur le devoir de mise en garde :
Si dans le dispositif de ses conclusions M. [B] fait mention d'un manquement aux obligations d'information, de conseil, de vigilance et de mise en garde, ses motifs ne portent que sur un manquement au devoir de mise en garde.
Concernant les prêts n°00037562980 consenti en 2010, n°00045755621 consenti en 2012, ainsi que le prêt n°10000045887 consenti en 2014, le Crédit Agricole fait valoir que l'action en responsabilité pour manquement au devoir de mise en garde formée par M. [B] serait irrecevable car prescrite. Seule l'action quant au prêt n°10000044351 ne serait pas prescrite.
Si la caution est profane, l'établissement bancaire doit la mettre en garde lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n'est pas adapté à ses capacités financières ou qu'il existe un risque d'endettement né de l'octroi du prêt garanti, lequel résulte de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur. La caution avertie n'est pas créancière de ce devoir de mise en garde, sauf si elle démontre que la banque disposait d'informations qu'elle-même ignorait, notamment sur la situation financière et les capacités de remboursement du débiteur principal.
Le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité pour manquement à l'obligation de mise en garde exercée contre la banque par la caution est fixé au jour où cette dernière a su, par la mise en demeure qui lui était adressée, que les obligations résultant de son engagement allaient être mises à exécution du fait de la défaillance du débiteur principal.
Article 2224 du code civil :
Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
En l'espèce, M. [B] a été mis en demeure le 2 février 2015 d'honorer son engagement de caution. Le point de départ du délai de prescription est donc le 2 février 2015 pour l'ensemble des quatre engagements de caution.
Le moyen de M. [B] sur le non-respect de l'obligation de mise en garde par le Crédit Agricole a été soulevé par conclusions du 2 juillet 2019. Sa demande de paiement de dommages-intérêts à ce titre n'est donc pas prescrite et le jugement sera infirmé sur ce point.
C'est sur le créancier professionnel que pèse la charge d'établir que la caution est avertie. En revanche, c'est à la caution qu'il revient de rapporter la preuve du manquement de l'établissement bancaire à son obligation de mise en garde.
Pour apprécier la qualité de la caution, il y a lieu de tenir compte de la formation, des compétences et des expériences concrètes de celle-ci ainsi que de son implication dans le projet de financement.
Il doit être démontré qu'elle avait une connaissance étendue du domaine de la finance et de la direction d'entreprise. Le fait que la caution ait été, lors de la conclusion du cautionnement, dirigeant de la société cautionnée ne représente qu'un seul des indices permettant d'apprécier sa qualité de caution profane ou avertie.
M. [B] dirigeait la société Gaerauto qu'il avait créé en 2006 soit quatre ans avant son premier engagement de caution. M [B] indique que sa société avait racheté un fonds de commerce sis à [Localité 6] spécialisé dans le secteur d'activité du commerce de voiture. Le Crédit Agricole fait valoir que M. [B] avait souscrit deux contrats de prêt à titre personnel en 2008.
Il ressort de ces éléments qu'en dépit d'une formation professionnelle limitée, à la date des engagements de caution litigieux, M. [B] avait acquis une grande expérience de la gestion de la société financée mais également du marché concerné puisque M. [B] indique lui-même avoir été réparateur mécanicien puis vendeur de véhicule pendant une vingtaine d'années avant de créer la société Gaerauto. Il était donc à même de comprendre le sens et la portée de ses engagements de caution et doit être considéré comme étant une caution avertie.
Il n'est pas démontré que le Crédit Agricole ait eu des informations que M. [B] ignorait notamment sur la situation financière et les capacités de remboursement de la société Gaerauto d'autant que M. [B] en était le gérant.
Le Crédit Agricole n'a donc pas manqué à son devoir de mise en garde.
Le jugement sera confirmé.
Sur le montant de la créance :
M. [B] fait valoir que la majoration des intérêts de retard ainsi que l'indemnité de recouvrement de 7% constituent des clauses pénales et qu'elles sont manifestement excessives et doivent être réduites chacune à un euro symbolique.
Il résulte des attestations d'admission des créances du Crédit Agricole qu'elles ont été admises le 29 juin 2016 pour :
- 19.035,46 euros, outre intérêts au taux de 3,8%, au titre du prêt n°00037562980,
- 150.223,13 euros, outre intérêts au taux de 3,15%, au titre du prêt n°10000045887,
- 12.138 euros, au titre de la caution bancaire n°10000044351,
- 151.703,24 euros au titre du prêt n°10000062865.
Les mentions des admissions de créances mentionnant 'outre accessoires' ou 'outre intérêts et accessoires', ne valent pas admission de créance pour ces accessoires non autrement désignés.
L'état des créances a été publié au BODAC et il n'est pas justifié que l'une ou l'autre des parties ait formé un recours dans les délais impartis contre ces admissions de créances.
M. [B] est irrecevable en sa contestation de ces fixations et le Crédit Agricole en ses demandes d'indemnités ou intérêts de retard non prévus dans ces fixations.
M. [B] sera ainsi condamné à payer la somme de 19.035,46 euros, outre intérêts au taux de 3,8%, au titre de son engagement de caution du 30 juin 2010 attaché au prêt n°00037562980, outre intérêts au taux de 3,8% à compter du 29 juin 2016.
Il sera également condamné à payer la somme de 12.138 euros, au titre de son engagement de caution du 18 avril 2014 attaché à la caution bancaire n°10000044351, outre intérêts au taux légal à compter du 29 juin 2016.
Le cautionnement attaché au prêt n°10000045887 est limité à la somme de 97.500 euros et M. [B] sera condamné à payer cette somme outre intérêts au taux légal à compter de sa mise en demeure du 2 février 2015.
Il n'est pas justifié d'une admission de la créance afférente au prêt n°00045755621. Cette créance a fait l'objet d'une déclaration au passif pour la somme de 10.867,10 euros en capital, outre 17,45 euros au titre des intérêts contractuels outre intérêts de retard au taux de 6,40%. Les demandes présentées outre cette déclaration de créance sont irrecevables.
Ces intérêts de retard ne tendent pas à l'exécution du contrat et ne constituent donc pas une clause pénale.
Il y aura lieu de condamner M. [B] à payer la somme de 10.884,55 euros au titre de son engagement de caution du 11 juillet 2012 attachée au prêt n°n°00045755621, outre intérêts au taux de 6,40% à compter du 2 février 2015.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur les délais de paiement :
M. [B] a déjà, de fait, bénéficié d'importants délais de paiement. Il n'y a pas lieu de lui en accorder de nouveaux. Le jugement sera confirmé.
Sur les frais et dépens :
Il y a lieu de condamner M. [B] aux dépens d'appel et de rejeter les demandes formées en appel au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La cour :
- Infirme le jugement en ce qu'il a :
- Débouté M. [B] de sa demande de réduction des intérêts de retard,
- Fixé les condamnations de M. [B], ès qualités de caution de la société Gaerauto, à payer au Crédit Agricole :
- La somme de 19.817,94 euros, outre les intérêts au taux de 8,80% continuant à courir jusqu'à parfait paiement au titre du prêt n°00037562980,
- La somme de 11.451,51 euros, outre les intérêts de retard au taux de 6,40% continuant à courir jusqu'à parfait paiement au titre du prêt n°00045755621,
- La somme de 97.500 euros, outre les intérêts de retard au taux de 8,15% continuant à courir jusqu'à parfait paiement au titre du prêt n°10000045887,
- La somme de 12.138 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 4 février 2015 continuant à courir jusqu'à parfait paiement au titre du prêt n°10000044351,
- Réduit le montant de l'indemnité de recouvrement de 7%, qualifiée de clause pénale, à 1 euros symbolique,
- Confirme le jugement pour le surplus.
Statuant à nouveau et y ajoutant :
- Déclare irrecevables les demandes tendant à remettre en discussion les admissions de créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Gaerauto Prim Auto ainsi que celles tendant à obtenir des condamnations de montants supérieurs à ceux déclarés par le créancier,
- Condamne M. [B] à payer au Crédit Agricole :
- La somme de 19.035,46 euros au titre de son engagement de caution du 30 juin 2010 attaché au prêt n°00037562980, outre intérêts au taux de 3,80% à compter du 29 juin 2016,
- La somme de 10.884,55 euros au titre de l'engagement de caution du 11 juillet 2012 attaché au prêt n°00045755621 outre intérêts au taux de 6,40% à compter du 2 février 2015, à concurrence d'une somme totale de 24.700 euros et au taux légal au delà,
- La somme de 97.500 euros au titre de l'engagement de caution du 19 mai 2014 attaché au prêt n°10000045887, outre intérêts au taux légal à compter du 2 février 2015,
- La somme de 12.138 euros au titre du prêt n°10000044351, outre les intérêts au taux légal à compter du 2 février 2015,
- Rejette les autres demandes des parties,
- Condamne M. [B] aux dépens d'appel.
Le greffier Le président