1ère Chambre
ARRÊT N°301/2022
N° RG 20/01043 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QPI4
Mme [ZT] [CL] épouse [E]
C/
Mme [Y] [W] [CL] épouse [D]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 20 SEPTEMBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Juliette VANHERSEL, lors des débats et Madame Marie-Claude COURQUIN lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 21 Mars 2022 devant Madame Véronique VEILLARD, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 20 Septembre 2022 par mise à disposition au greffe, après prorogation du délibéré annoncé au 24 mai 2022 à l'issue des débats.
****
APPELANTE :
Madame [ZT] [CL] épouse [E]
née le 04 Novembre 1971 à [Localité 7] (35)
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Arnaud COUSIN, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
Madame [Y] [W] [CL] épouse [D]
née le 13 Mars 1963 à SAINT SERVAN SUR MER (35)
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représentée par Me Pierre-Guillaume KERJEAN de la SELARL KERJEAN-LE GOFF-NADREAU, avocat au barreau de SAINT MALO-DINAN
FAITS ET PROCÉDURE
De l'union de M. [L] [CL] et Mme [O] [K] sont nées deux filles :
- [Y], épouse [D],
- [ZT], épouse [E].
Mme [K] est décédée le 17 novembre 1989.
Par acte authentique du 27 avril 1990, reçu par maître [J], notaire à [Localité 7], M. [CL] optait pour l'usufruit de la totalité des biens dépendant de la succession.
Par acte authentique du 29 août 1996, reçu en la même étude, Mme [D] renonçait de façon expresse et irrévocable à toute action actuelle ou future en paiement d'un salaire différé tel que défini par le code rural et M. [CL] renonçait pareillement de manière expresse et irrévocable à réclamer quelque loyer ou indemnité pour les 10 années d'occupation par Mme [D] et son conjoint de la maison sise à [Adresse 3]. Il donnait à titre d'avancement d'hoirie à Mme [D] la somme de 150.000 francs, l'acte précisant que cette somme devait se trouver compensée avec le prix de vente à Mme [D] de ladite maison.
En effet, par acte authentique du même jour, M. [CL] vendait à M. et Mme [D] la maison d'habitation sise à [Adresse 3], au lieudit la Perrine, au prix de 700.000 francs et les acquéreurs versaient la somme de 550.000 francs en paiement.
Par testament authentique du 8 octobre 1996, M. [CL] instituait Mme [E] légataire de la quotité disponible de sa succession.
Par acte authentique du 28 mars 2003, M. [CL] résiliait amiablement la donation consentie à Mme [D] le 29 août 1996, précision étant expressément mentionnée que les autres dispositions contenues dans l'acte du 29 août 1996 demeuraient inchangées, notamment celles concernant la compensation du salaire différé et l'occupation de la maison située à [Localité 7].
L'acte authentique prévoyait encore le remboursement sous huitaine par Mme [D] du solde du prix de la vente de la maison du 29 août 1996, lequel paiement était effectué par chèque le 7 avril 2003 dans la comptabilité du notaire.
M. [CL] est décédé le 26 août 2016.
Sur assignation du 1er décembre 2017 de Mme [D] en partage judiciaire et paiement d'un salaire différé, le tribunal de grande instance de Saint-Malo a, par jugement du 13 janvier 2020 :
-ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de M. [CL] et de celle de Mme [K],
-désigné le président de la chambre départementale des notaires d'Ille-et-Vilaine, ou à défaut, tout représentant de son choix, pour procéder aux opérations de partage et la présidente du tribunal judiciaire en qualité de juge commis pour surveiller lesdites opérations,
-fixé à 133.083 € le montant de la créance de salaire différé de Mme [D] inscrite au passif de la succession de M. [CL],
-débouté Mme [E] de sa demande de rapport à succession de la créance d'indemnité d'occupation de la maison, sise [Adresse 3] entre 1986 et 1996 par M. et Mme [D],
-débouté Mme [E] de ses demandes :
- de rapport de la donation de la somme de 150.000 francs,
- d'expertise,
- de reconnaissance du recel successoral,
-débouté les parties de toutes autres demandes,
-dit n'y avoir lieu à indemnité au titre des frais irrépétibles,
-condamné Mme [E] au paiement des dépens employés en frais privilégiés de partage.
Mme [E] a interjeté appel partiel le 12 février 2020 contre les chefs de jugement portant sur :
- la créance de salaire différé,
- le rapport à succession de l'indemnité d'occupation de la maison,
- le rapport à succession de la somme de 150.000 francs,
- la demande d'expertise,
- le recel successoral,
- le débouté des autres demandes,
- les dépens et les frais irrépétibles.
PRÉTENTIONS ET MOYENS
Mme [E] expose ses demandes et moyens dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées le 23 février 2022 auxquelles il est renvoyé.
Elle demande à la cour de :
-ordonner en application de l'article 462 du code de procédure civile la rectification de l'erreur matérielle contenue dans le dispositif du jugement concernant le nom de la défunte dénommée [K] au lieu de [K],
-dire que la mention de la rectification de l'erreur matérielle sera portée sur la minute du jugement déférée,
-pour le surplus, infirmer partiellement le jugement déféré,
-statuant à nouveau, débouter Mme [D] de sa demande de créance de salaire différé,
-ordonner le rapport à la succession de la donation du 29 août 1996, des avantages indirects procurés par les remises de dette de 150.000 francs sur le prix de la vente intervenue le même jour, de l'indemnité d'occupation de la maison entre 1986 et 1996,
- dire que l'évaluation du rapport se fera conformément à l'article 860 du code civil, l'avantage tiré de la clause dérogatoire de rapport s'analysant en une libéralité hors part successorale,
-ordonner une expertise et désigner un expert aux fins d'évaluer :
- l'avantage rapportable procuré par l'occupation de la maison de 1986 à 1996,
- la maison pour sa valeur au décès et au partage, dans son état à la date de la donation,
- la parcelle [Cadastre 5] et la véranda pour leur valeur au décès et au partage, sauf pour la parcelle susvisée à justifier de son aliénation, auquel cas dire qu'il sera retenu la valeur d'aliénation pour les opérations de réunion fictive et les opérations d'imputation des libéralités,
-condamner Mme [D] à verser la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et la même somme en appel,
-la condamner aux dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile,
-rejeter toutes autres demandes, fins et conclusions.
Mme [D] expose ses demandes et moyens dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées le 25 février 2022 auxquelles il est renvoyé.
Elle demande à la cour de :
-confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré, sauf à rectifier l'erreur matérielle tenant au patronyme de la défunte,
-condamner Mme [E] à lui payer la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
MOTIFS DE L'ARRÊT
1. Sur la rectification de l'erreur matérielle
Il convient de faire droit à la demande de rectification matérielle en ce qu'il faut lire "[K]" en lieu et place de "[K]" dans le jugement déféré.
2. Sur la créance de salaire différé
2.1. Sur la demande de salaire différé
Mme [E] conteste la revendication de Mme [D] à un salaire différé dès lors qu'elle a, selon elle, reconnu par devant notaire ne pas en remplir les conditions pour y prétendre, qu'elle n'a donc pas renoncé à un droit auquel elle ne pouvait de son propre aveu pas prétendre, que cet aveu extrajudiciaire fait foi jusqu'à preuve du contraire et qu'il n'est pas démontré qu'il est mensonger.
Mme [D] soutient avoir travaillé sur l'exploitation agricole de ses parents de 1981 à 1989 puis, sa mère étant décédée en 1989, sur celle de son père jusqu'en 1995, soit pendant près de 14 années. Elle revendique une créance de salaire différé sur la succession de son père M. [CL] pour une période de 10 ans, soit de 1981 à 1991, représentant la somme de 133.083 €.
Elle rappelle le caractère d'ordre public du mécanisme du salaire différé, auquel il ne peut être renoncé, les actes notariés de 1996 et 2003 démontrant la reconnaissance par l'exploitant lui-même de ce qu'elle avait effectivement travaillé à la ferme dans les conditions du salaire différé.
En droit, il résulte de l'art. L. 321-17 al. 1er du code rural, ensemble l'article 6 du code civil, que le bénéficiaire d'un contrat de salaire différé ne peut renoncer, du vivant de l'exploitant, aux droits qu'il tient de la loi et qu'il ne pourra exercer qu'après le décès de celui-ci au cours du règlement de la succession.
Ainsi, d'ordre public, la créance de salaire différé constitue un bien propre, sans possibilité de renonciation du vivant de l'exploitant. La renonciation est possible après le décès pour tout ou partie du montant de la créance.
En l'espèce, par acte de donation reçu le 29 août 1996 par maître [J], notaire à [Localité 7], M. [CL] a donné à titre d'avancement d'hoirie à Mme [D] qui a accepté une somme d'argent de 150.000 francs, dont il est précisé qu'elle se compensait avec le prix de vente de la maison vendue par acte authentique du même jour par M. [CL] à M. et Mme [D] au prix de 70.000 francs.
Cet acte de donation contient des mentions préliminaires en ses paragraphes I et II qu'il convient de rappeler dans leur intégralité :
"Préalablement à la donation objet des présente les parties ont exposé ce qui suit :
I ' Madame [Y] [D] ayant fait allusion à une demande éventuelle de salaire différé, déclare ici reconnaître qu'elle a habité chez ses parents jusqu'à l'âge de 23 ans et qu'elle a participé, de façon normale, aux travaux ménagers.
Elle reconnaît que cette entraide de type familial ne saurait donner lieu au paiement d'un salaire différé tel qu'il est défini par le Droit Rural.
En conséquence elle renonce de façon expresse et irrévocable à toute action actuelles ou future à ce sujet.
II ' De son côté Monsieur [L] [CL] renonce expressément et irrévocablement à réclamer quelque loyer ou indemnité que ce soit pour les dix années d'occupation de Monsieur et Madame [D], de la maison sise à [Localité 7], [Adresse 3], qui sera l'objet de la vente dont il est question ci-après".
Il résulte de ces mentions que la question d'une créance de salaire différé au profit de Mme [D] a été explicitement abordée au paragraphe I par les parties et par le notaire, qui a retranscrit une renonciation par Mme [D] à la qualification de son activité auprès de ses père et mère en une participation à l'exploitation familiale agricole susceptible de donner lieu à un salaire différé au profit d'une qualification en "travaux ménagers".
Bien que n'ouvrant légalement droit à aucune indemnisation, le notaire a cru néanmoins devoir retranscrire une seconde renonciation expresse de la part de Mme [D] portant sur tout "paiement d'un salaire différé" pour cette "entraide de type familial".
Cette double renonciation est immédiatement suivie au paragraphe II par celle formulée par M. [CL] qui "de son côté" a renoncé de manière expresse et irrévocable "à réclamer" à M. et Mme [D] "quelque loyer ou indemnité que ce soit pour les dix années d'occupation ['] de la maison ['] [Adresse 3]".
L'emploi de la locution prépositive "de son côté" signe un équilibre des renonciations par les parties liées entre elles par une interdépendance des intentions : l'un renonce sous la condition que l'autre renonce "de son côté", étant ajouté que les durées des droits respectifs sont également de 10 ans.
Cette communauté d'intention dans les renonciations sera explicitement inscrite dans l'acte de résiliation de la donation intervenu par acte reçu le 28 mars 2003 par maître [J], notaire à [Localité 7], aux termes duquel :
"Par les présentes, Monsieur [L] [CL] résilie la donation qu'il a consentie le 29 août 1996 à Madame [D], née [CL], sa fille, ce que celle-ci accepte.
Les autres dispositions contenues dans l'acte du 29 août 1996 restent inchangées, notamment ce qui est stipulé concernant la compensation du salaire différé et l'occupation de la maison située à [Adresse 3]".
Il s'évince clairement de cet acte authentique que la question du salaire différé est toujours présente en 2003, puisque le terme même de "salaire différé" est encore employé dans ce document, tandis que la question d'une "compensation" est également encore à l'ordre du jour puisqu'il s'agit de la maintenir entre le salaire différé et l'occupation de la maison de [Adresse 3].
Enfin, dans sa correspondance du 20 novembre 2017 adressée à Mme [D], maître [X], notaire associé à [Localité 7], saisi des intérêts de Mme [E], écrit encore que "votre s'ur n'entend pas revenir sur la question du salaire différé, réglée du vivant de votre père".
Il se déduit de ces éléments que l'aide apportée à ses parents par Mme [D], dont le principe n'est en lui-même pas contesté, a été qualifiée à tort dans l'acte du 29 août 1996 de "travaux ménagers", sauf à satisfaire les accords du moment entre le père et sa fille et acter de la part de Mme [D] une renonciation qui n'était pas légalement recevable en présence d'une qualification de participation à l'exploitation agricole.
Cette entraide était en effet susceptible d'être qualifiée de participation à l'exploitation agricole ouvrant droit à un salaire différé auquel Mme [D] ne pouvait renoncer du vivant de son père.
Sous le bénéfice de ces observations, qui retiennent le caractère irrégulier de la renonciation par Mme [D] à la qualification et à la rétribution de sa participation à l'exploitation agricole, Mme [D] est bien-fondée à ce que sa demande de salaire différé soit examinée.
Le premier jugement sera confirmé sur ce point.
2.2. Sur la participation à l'exploitation agricole
Mme [E] soutient que Mme [D] n'a pas participé à l'exploitation agricole des parents sauf quelques travaux saisonniers ainsi qu'en attestent les témoins sollicités par ses soins, tandis que les attestations recueillies par l'intimée pour les besoins de son dossier de retraite à la MSA sont imprécises, voire concertées et partiales ou encore usurpées et qu'à la même époque, Mme [D] avait à charge trois enfants en bas âge, situation incompatible avec une présence régulière sur l'exploitation agricole.
Mme [D] soutient qu'elle justifie de sa participation directe et effective à l'exploitation agricole puisque tous les témoins l'ont vue aux champs occupée à une activité décrite de façon circonstanciée n'ayant rien à voir avec une simple entraide familiale occasionnelle au point qu'elle en a conçu une fausse-couche en 1991.
En droit, selon l'article L. 321-13, alinéa 1er du code rural et de la pêche maritime, "Les descendants d'un exploitant agricole qui, âgés de plus de 18 ans, participent directement et effectivement à l'exploitation, sans être associés aux bénéfices ni aux pertes et qui ne reçoivent pas de salaire en argent en contrepartie de leur collaboration, sont réputés légalement bénéficiaires d'un contrat de travail à salaire différé, sans que la prise en compte de ce salaire pour la détermination des parts successorales puisse donner lieu au paiement d'une soulte à la charge des cohéritiers.
Le taux annuel du salaire sera égal pour chacune des années de participation, à la valeur des deux tiers de la somme correspondant à 2080 fois le taux du salaire minimum interprofessionnel de croissance en vigueur, soit au jour du partage consécutif au décès de l'exploitant, soit au plus tard à la date du règlement de la créance, si ce règlement intervient du vivant de l'exploitant".
Il appartient à celui qui se prétend bénéficiaire d'une créance au titre d'un contrat de salaire différé d'apporter la preuve de ce que les conditions légales sont réunies. Le demandeur doit donc conformément aux article 1315 du code civil et 9 du code de procédure civile rapporter la preuve :
-de sa majorité à l'époque de sa participation à l'exploitation,
-de sa qualité de descendant d'un exploitant agricole,
-de sa participation personnelle, directe et effective à l'exploitation, ce qui suppose une collaboration autre qu'occasionnelle à la mise en valeur du fonds. Cette participation peut ne pas être exclusive, tant qu'elle se rapporte à une activité agricole, ce qui exclut toute aide de nature ménagère,
-de l'absence de contrepartie financière à cette participation.
La preuve de la participation à l'exploitation agricole de même que celle de l'absence de rémunération peuvent être rapportées par tous moyens, le juge disposant d'un pouvoir souverain d'appréciation en la matière.
De même, les dispositions précitées exigent une participation effective et directe, sans pour, autant imposer un caractère de régularité à cette participation pourvu qu'elle ne soit pas occasionnelle.
Aux termes de l'article L321-17 alinéa 1 du Code rural et de la pêche maritime, "Le bénéficiaire de salaire différé exerce son droit de créance après le décès de l'exploitant et au cours du règlement de la succession".
Enfin, le montant du salaire différé ne peut pas être supérieur à l'actif de la succession et la période maximale qui peut être payée est de 10 ans.
En l'espèce, la qualité d'exploitant agricole de M. [CL], au passif duquel Mme [D] entend voir inscrire sa créance de salaire différé, n'est pas contestée, ni non plus celle de descendant d'exploitant agricole de Mme [D], née le 13 mars 1963.
Il n'est pas contesté que Mme [D] n'a pas été déclarée à la MSA.
Mme [D] verse aux débats de très nombreuses attestations de proches, de voisins et d'amis dont il ressort pour la grande majorité d'entre elles qu'elle a "bien travaillé sur l'exploitation agricole de ses parents de 1981 à 1995".
Ces attestations standardisées ont été recueillies en 2017 pour les besoins du dossier MSA de Mme [D], ce qu'elle ne conteste pas. Il n'y a pour autant pas lieu à les écarter ainsi que le demande Mme [E] dans la mesure où elles confirment toutes que Mme [D] a 'uvré sur l'exploitation agricole de ses parents pendant la période considérée.
Il ressort en réalité d'autres attestations, recueillies cette fois en 2018 pour les besoins de la présente affaire et pour certaines de la part des mêmes témoins, une description plus précise de la nature des travaux accomplis par Mme [D], ainsi que de leur périodicité, dans les termes suivants :
- "était constamment dans les champs avec son père, été comme hiver, à couper les choux et sur la machine à arracher les pommes de terre" (attestation d'[N] [M] du 13 mai 2018),
- "j'étais jeune, mais je me souviens quand j'allais à la pêche, sur le plan d'eau des [Localité 8], je voyais Mme [D] [Y] arracher le plant de choux et planter les pommes de terre et autres travaux agricole" (attestation de [I] [B] du 16 mai 2018),
- "Lorsque je livrai des pommes de terre et choux fleurs sur [Adresse 3], je voyais Madame [D] dans les champs couper et emballer les légumes et arracher les pommes de terre" (attestation de [V] [T] du 11 mai 2018),
- "Habitant à côté de la parcelle de la Piedvacherie je voyais [Y] avec ses parents et l'ouvrier à travailler dans les champs et autres pièces de terre selon la saison (couper et amballer les choux fleur et les pommes de terre)" (attestation de [PU] [U] du 9 mai 2018),
- "Je soussigné [G] [R] confirme que Mme [D] travaillais continuellement sur l'exploitation de ses Parents (couper les choux et planter et arracher les pommes de terre) Etant natif de [Adresse 3] et venant tous les jours rendre visite à ma mère et régulièrement chez M. [C] voisin de Mme [CL]" (attestation de [G] [R] du 15 mai 2018),
- "Dans ces années-là, j'étais chauffeur de taxi et je rentrais plusieurs fois par jour à [Adresse 3]. Je voyais tout au long de l'année Mme [D] travaillée avec son père coupé les choux les mettre en cagettes et les chargés dans sa remorque" (attestation de [PU] [B] du 15 mai 2018),
- "J'ai vu Mme [D] travailler dans les champs sur la machine à arracher les pommes de terre et conduire le tracteur" (attestation de [Z] [M] du 14 mai 2018),
- "J'ai vu Mme [D] travailler dans les champs en alant livrer mes marchandises chez les expéditeurs (choux et pomme de terre)" (attestation de [P] [M] du 24 mai 2018),
Les attestations produites par Mme [E], dont la majorité sont établies par des membres en lien de parenté (tante, cousin, cousine), font quant à elle état d'une participation "occasionnelle" et non régulière de Mme [D] dans le cadre de travaux saisonniers comme font "tous les enfants d'agriculteurs", sans toutefois détailler la nature et la périodicité précise des activités visées et alors que les activités agricoles, spécialement maraîchères, sont par nature saisonnières.
Il s'évince de ces éléments que la preuve d'une participation de Mme [D] à l'exploitation agricole de ses père et mère à titre personnel, direct et habituel est rapportée, sans que cette participation ait besoin d'être régulière pour être acquise et alors qu'il ne s'agissait nullement, contrairement aux mentions de l'acte notarié du 29 août 1996, de simples "travaux ménagers".
Le jugement de première instance sera confirmé sur ce point.
2.3. Sur l'absence de contrepartie financière
Ainsi que rappelé ci-dessus, l'acte notarié du 29 août 1996 comportait une renonciation ' certes irrégulière ' à une créance de salaire différé, compensée par une remise des indemnités d'occupation de la maison de [Adresse 3] entre 1986, année du mariage de Mme [D] avec M. [S] [D], et 1996, année de la vente par M. [CL] à M. et Mme [D] de ladite maison.
La compensation entre la créance de salaire différé et la créance d'indemnité d'occupation de la maison a encore été rappelée dans l'acte notarié du 28 mars 2003 qui maintenait les dispositions de 1996 "concernant la compensation du salaire différé et l'occupation de la maison située à [Localité 7]".
Le premier juge a estimé que les actes sus-énoncés incorporaient la reconnaissance par l'exploitant lui-même de ce que sa fille avait effectivement travaillé à la ferme dans des conditions propres à lui permettre de prétendre à une créance de salaire différé.
Le fait que la compensation allait se trouver inopérante faute pour les créances d'être déterminées et liquidées est sans incidence sur l'intention des parties qui était clairement exprimée de vouloir rétribuer Mme [D] pour son aide à l'exploitation pendant 10 ans au travers de la gratuité de l'occupation de la maison appartenant à M. [CL] pendant une période équivalente de 10 ans.
Cette "remise" des indemnités d'occupation démontre sans ambiguïté l'absence d'autre rémunération versée à Mme [D] au titre de sa participation aux travaux de l'exploitation agricole, que Mme [E] n'évoque du reste pas. Mais faute pour les créances d'être liquidées, cette compensation ne saurait in fine tenir lieu de paiement.
Sous le bénéfice de ces observations, la condition de l'absence de contrepartie financière à cette participation à l'exploitation agricole est remplie.
Le premier jugement sera confirmé sur ce point.
2.4. Le montant de la créance de salaire différé
Mme [E] soutient que si la participation directe et effective à l'activité n'a pas à être à temps complet et exclusive, elle doit néanmoins être impérativement régulière et de surcroît ne pas être ponctuelle, occasionnelle ou saisonnière, que dès lors, une activité partielle ne peut ouvrir droit à une créance de salaire différé, sauf une créance de salaire différé partielle.
Mme [D] soutient que sa participation a été directe et effective à l'exploitation, que tous les témoins l'ont vue aux champs et qu'elle avait dû suspendre son travail pendant deux mois : en septembre 1981 d'abord, où elle a travaillé un mois chez les Petites S'urs des Pauvres et en août 1982 où elle a travaillé pour la SA Les Craquelins. C'est seulement lors de ces deux mois qu'elle n'a pas travaillé à la ferme
En droit, la participation à l'exploitation peut ne pas être exclusive, tant qu'elle se rapporte à une activité agricole, ce qui exclut toute aide de nature ménagère.
Il est admis par la jurisprudence que le titulaire de la créance puisse n'avoir travaillé sur l'exploitation qu'à temps partiel dès lors que sa participation a été habituelle et pas simplement occasionnelle (Cass. 1ère civ., 2 mars 1970, Cass. 1ère civ.,17 mars 1987) et que, dans ce cas, cette créance ne peut être elle-même que partielle (Cass. 1ère civ., 8 juillet 2009), calculée de manière proportionnelle au temps consacré à l'exploitation (Cass. 1ère civ. 24 septembre 2014, 13-11.082 et 13-16.777).
En l'espèce, Mme [D] n'affirme pas et, a fortiori ne démontre pas, qu'elle participait à l'exploitation agricole à temps plein. Elle ne conteste pas non plus qu'elle était en charge de trois enfants en bas âge à la même époque que celle de la participation à l'exploitation ' de 1981 à 1995 ', ceux-ci étant nés en 1988, 1993 et 1996.
Des attestations produites par les parties, il résulte que Mme [D] a participé notamment à la plantation et à la récolte des légumes (notamment choux et pommes de terre), à leur conditionnement en cagette, outre qu'elle a livré la production aux expéditeurs, qu'elle a conduit le tracteur.
Le type d'exploitation agricole, le nombre d'hectares exploités, le type de cultures pratiquées, le nombre de têtes dans un éventuel cheptel ou encore le type de matériels agricoles ne sont pas précisés, qui auraient pu éclairer la cour sur l'importance de l'exploitation en cause et le contexte de la participation de Mme [D] aux travaux agricoles.
De même, l'emploi des adverbes "constamment" et "continuellement" dans deux attestations produites par elle ne saurait à lui seul qualifier raisonnablement un temps plein, qui apparaît parfaitement incompatible avec la charge d'éducation de trois jeunes enfants pour laquelle Mme [D] ne soutient pas avoir recouru à un quelconque mode de garde.
Sous le bénéfice de ces observations, la cour estime devoir fixer à 30 % le temps de travail effectif de Mme [D] à l'exploitation agricole de ses père et mère sur la période considérée, impliquant une créance de salaire différé calculée de manière plafonnée sur 118 mois, excluant les mois de septembre 1981 et août 1982 pour lesquels Mme [D] admet avoir travaillé pour le compte d'employeurs extérieurs.
Par application de la loi du 4 juillet 1980, codifiée à l'article L. 321-13 al 2 du code rural et de la pêche maritime en prenant pour base, sur dix années, les deux tiers de la somme correspondant à 2080 fois le SMIC horaire au 1er janvier 2017, le montant de sa créance de salaire différé s'élève à la somme suivante :
(9,76 x 2080 x 2/3) x 118 mois = 133.084 € x 30 % = 39.925,20 €
Le premier jugement sera infirmé sur ce point, la créance de salaire différé de Mme [D] étant ramenée à ladite somme de 39.925,20 €.
3. Sur les rapports à succession
L'article 919 du code civil énonce que la quotité disponible pourra être donnée en tout ou en partie soit par acte entre vifs, soit par testament, aux enfants ou autres successibles du donateur, sans être sujette au rapport par le donataire ou le légataire venant à la succession, pourvu qu'en ce qui touche les dons, la disposition ait été faite expressément et hors part successorale.
La déclaration d'une donation hors part successorale peut être faite, soit par l'acte qui contient la disposition, soit postérieurement, dans la forme des dispositions entre vifs ou testamentaires.
Le juge dispose d'un pouvoir souverain d'appréciation du caractère rapportable d'une donation.
3.1.) De l'indemnité d'occupation de la maison à [Adresse 3]
Mme [E] soutient que la cause onéreuse de la jouissance gratuite de cette maison par M. et Mme [D] n'est pas établie, de sorte qu'il s'agit d'une libéralité tandis que la réalité des travaux d'amélioration de la maison invoqués par Mme [D] n'est pas non plus établie et que leur paiement est contestable.
Mme [D] estime que la stipulation de compensation entre la créance de salaire différé et l'occupation de la maison exclut toute intention libérale, donc toute donation rapportable, quand bien même cette compensation est dépourvue de portée légale, et qu'elle a en tout état de cause payé son occupation en réalisant à ses frais des travaux d'isolation complète des combles ainsi qu'une extension du bien immobilier.
En droit, l'article 864 du code civil dispose que "Lorsque la masse partageable comprend une créance à l'encontre de l'un des copartageants, exigible ou non, ce dernier en est alloti dans le partage à concurrence de ses droits dans la masse.
A due concurrence, la dette s'éteint par confusion. Si son montant excède les droits du débiteur dans cette masse, il doit le paiement du solde sous les conditions et délais qui affectaient l'obligation."
En l'espèce, la renonciation par M. [CL] à percevoir l'indemnité d'occupation de la maison située à La Perrine trouvait sa cause dans la renonciation par Mme [D] à sa créance de salaire différé, lesquelles étaient payées, dans l'esprit des parties, par compensation.
Ces renonciations étaient mentionnées en paragraphe préalable à celui afférent à la donation proprement, au moyen de la mention expresse suivante : "Préalablement à la donation objet des présentes, les parties ont exposé ce qui suit'".
Ainsi, bien que figurant dans un acte notarié intitulé "Donation", ces renonciations réciproques n'étaient pas intégrées à la donation proprement dite et n'en faisaient pas partie.
Il n'y a donc pas d'intention libérale ni, par voie de conséquence, d'obligation de rapport.
Il est en revanche constant que Mme [D] et son conjoint ont occupé cette
maison de 1986 à 1996 sans verser aucun loyer au propriétaire.
Par ailleurs, l'acte notarié du 29 août 1996 et celui du 28 mars 2003 ne font ni l'un ni l'autre référence à de quelconques travaux de gros 'uvre et d'aménagement intérieur et d'entretien de la maison d'habitation qui auraient été financés par M. et Mme [D] pour justifier cette renonciation.
Au contraire, ainsi qu'il en est justifié par Mme [E], la rénovation lourde de ladite maison avait déjà eu lieu 8 ans auparavant puisque M. [CL] l'avait intégralement remise à l'état neuf en 1977 ' 1978 ainsi qu'en atteste le dossier de permis de construire produit, puis l'avait louée au docteur [A] [F], médecin, qui a attesté le 10 mars 2021 de son état rénové.
Aussi, la créance de salaire différé ayant été ci-dessus rétablie dans la succession de M. [CL] au profit de Mme [D], il convient en contrepartie que la créance d'indemnité d'occupation de la maison, du jardin et de la parcelle adjacente soit pareillement rétablie au profit de la succession de M. [CL] au titre du rapport de dette.
Il convient qu'un expert soit désigné pour évaluer cette indemnité en considération de l'état du bien immobilier à sa prise des lieux par M. et Mme [D] en 1986 et sans considération d'éventuels travaux financés par eux qui sont contestés par Mme [E].
Le jugement de première instance sera infirmé sur ces deux points.
Il n'y a pas non plus lieu à appliquer une quelconque prescription à cette indemnité telle qu'elle est évoquée par Mme [D] dans les motifs de ses conclusions dès lors que cette fin de non-recevoir n'est pas reprise au dispositif desdites conclusions et qu'il ne peut en conséquence y être donné aucune suite.
Enfin, ce bien immobilier avec ses terrains autour a été vendu le 29 août 2016 à M. et Mme [D] de sorte qu'il n'y a pas lieu à les expertiser dans le cadre de la succession de M. [CL] en présence d'un décès survenu postérieurement le 26 août 2016.
Le jugement de première instance sera confirmé sur ce point.
3.2. De la somme de 150.000 francs donnée le 29 août 1996
Mme [E] soutient que le principe de l'irrévocabilité spéciale des donations interdit au donateur de revenir sur la donation même avec l'accord du donataire, qu'il y a lieu d'ordonner le rapport à la succession de la donation du 29 août 1996 de la somme de 150.000 francs avec application de la clause de rapport dérogatoire, l'avantage procuré par celle-ci constituant une libéralité préciputaire.
Mme [D] soutient que cette donation a été résiliée le 28 mars 2003, qu'elle a remboursé et que M. [CL] a accepté ce remboursement.
En droit, si la donation définie par l'article 894 du code civil est irrévocable, les parties peuvent néanmoins consentir une seconde donation afin d'en annuler les effets.
En l'espèce, M. [CL] a résilié sa donation par acte notarié du 28 mars 2003 et Mme [D] lui a transmis le 7 avril 2003, par l'intermédiaire de l'étude notariale, un chèque d'un montant de 22.867,35 € en remboursement de la somme précédemment donnée.
Ce remboursement a été accepté par M. [CL] de sorte que le rapport est équivalent à zéro.
Le premier jugement sera confirmé sur ce point.
4. Sur le recel successoral
En droit, l'article 778 du code civil dispose que "Sans préjudice de dommages et intérêts, l'héritier qui a recelé des biens ou des droits d'une succession ou dissimulé l'existence d'un cohéritier est réputée accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l'actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Les droits revenant à l'héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l'auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier.
Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l'héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part.
L'héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l'ouverture de la succession."
Le recel vise toutes les fraudes au moyen desquelles un héritier cherche, au détriment de ses cohéritiers, à rompre l'égalité du partage, soit qu'il divertisse des effets de la succession en se les appropriant indûment soit qu'il les recèle en dissimulant sa possession dans des circonstances où il serait tenu de les déclarer.
Il appartient à celui qui allègue l'existence d'un recel successoral de prouver cet élément intentionnel puisque le recel ne peut être qualifié que si l'héritier a agi dans un dessein frauduleux et de mauvaise foi.
En l'espèce, ainsi que justement retenu par le premier juge, Mme [E] ne rapporte en rien la preuve d'actes positifs de recel imputables à Mme [D]. Elle ne conclut du reste pas sur ce point dans ses dernières écritures notifiées en cause d'appel le 23 février 2022.
Le premier jugement, qui a exclu le recel faute du moindre élément de preuve rapporté par Mme [E] à l'encontre de Mme [D], sera confirmé sur ce point.
5. Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de partage. Il en ira de même pour les dépens de première instance, le jugement étant infirmé sur ce point.
Enfin, eu égard aux circonstances de l'affaire, il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés par elles en appel et qui ne sont pas compris dans les dépens. Le premier jugement s'agissant des frais irrépétibles de première instance sera confirmé sur ce point.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Ordonne la rectification de l'erreur matérielle contenue dans le jugement du tribunal judiciaire de Saint-Malo du 13 janvier 2020 en ce qu'il faut y lire "[K]" en lieu et place de "[K]",
Ordonne la mention de la rectification de l'erreur matérielle sur la minute du jugement déféré,
Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Saint-Malo du 13 janvier 2020 en ce qu'il a :
-débouté Mme [E] de ses demandes au titre du rapport à succession de la donation de la somme de 150.000 francs par acte du 29 août 1996 et au titre du recel successoral,
-débouté Mme [E] de sa demande d'expertise de la maison d'habitation, de la parcelle [Cadastre 5] et de la véranda,
-dit n'y avoir lieu à frais irrépétibles,
Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Saint-Malo du 13 janvier 2020 en ce qu'il a :
-fixé la créance de salaire différé de Mme [D] à la somme de 133.083 €,
-débouté Mme [E] de sa demande de rapport à succession de l'indemnité d'occupation de la maison d'habitation située au [Adresse 3] entre 1986 et 1996,
-débouté Mme [E] de sa demande d'expertise concernant les indemnités d'occupation de la maison,
-et l'a condamné aux dépens,
Statuant à nouveau,
Fixe à la somme de 39.925,20 € la créance de salaire différé de Mme [D] au passif de la succession de M. [CL],
Ordonne le rapport à la succession de M. [CL] de l'indemnité due par M. et Mme [D] pour l'occupation de la maison située au [Adresse 3] pour la période d'octobre 1986 à août 1996 inclus,
Ordonne une expertise judiciaire pour la chiffrer et désigne pour y procéder :
M. [AH] [H], expert judiciaire
Société LEXIM BP 40643
[Localité 7]
Port. : [XXXXXXXX01]
Mèl : [Courriel 6]
Avec pour mission de :
- Se rendre sur les lieux [Adresse 3],
- Se faire remettre tout document utile à l'accomplissement de sa mission,
- Visiter le bien immobilier en toutes ses composantes, le décrire,
- Indiquer sa composition et son état au moment de l'entrée dans les lieux en octobre 1986 de M. et Mme [D],
- Donner son avis en présence des parties ou celle-ci dûment convoquées à l'évaluation de l'indemnité mensuelle d'occupation pour la période d'octobre 1986 à août 2016 inclus en considération de l'état du bien immobilier à sa prise des lieux sur la base des loyers habituellement pratiqués en leur temps pour des biens de nature similaire situés dans une zone comparable et sans considération d'éventuels travaux réalisés par M. et Mme [D],
- Calculer la somme des indemnités dues,
- Recueillir tous les éléments utiles au chiffrage de cette indemnité,
- Répondre aux dires des parties,
Dit que l'expert établira un pré-rapport de ses opérations et laissera aux parties un délai de 30 jours pour faire valoir leurs observations et y répondre,
Dit que Mme [E], demanderesse à l'expertise, devra consigner au greffe du tribunal judiciaire de Saint-Malo dans un délai de deux mois à compter de la présente décision la somme de 2.500 € destinée à garantir le paiement des frais et honoraires de l'expert,
Dit qu'à défaut de consignation dans le délai et selon les modalités impartis, la désignation de l'expert sera caduque à moins que le magistrat chargé du suivi de l'expertise, à la demande d'une partie se prévalant d'un motif légitime, ne décide une prorogation ou un relevé de caducité,
Dit que l'expert devra déposer son rapport au greffe du tribunal juidiciaire de Saint-Malo en double exemplaire dans le délai de 6 mois à compter de la notification qui lui sera faite par les soins du greffier de la consignation, à moins qu'il ne refuse la mission et dit qu'il devra solliciter du magistrat chargé du contrôle de l'expertise une prorogation de délai, si celui-ci se révèle insuffisant,
Dit que s'il estime insuffisante la provision initiale ainsi fixée, l'expert judiciaire devra lors de la première ou au plus tard de la deuxième réunion des parties, dresser un programme de ses investigations et évaluer d'une manière aussi précise que possible le montant prévisible de ses honoraires et de ses débours,
Dit qu'à l'issue de cette réunion, l'expert fera connaître la somme globale qui lui parait nécessaire pour garantir en totalité le recouvrement de ses honoraires et de ses débours et sollicitera, le cas échéant, le versement d'une consignation complémentaire,
Rappelle que l'expert devra accomplir personnellement sa mission en présence des parties où elles dûment convoquées, les entendre en leurs explications et répondre à leurs dires,
Dit que l'expert devra communiquer aux parties un pré-rapport en leur impartissant un délai raisonnable pour la production de leurs dires auxquels il devra répondre dans son rapport définitif,
Dit que conformément à l'article 173 du code de procédure civile, l'expert devra remettre copie de son rapport à chacune des parties (ou des représentants de celles-ci) en mentionnant cette remise sur l'original,
Renvoie les parties devant le président de la chambre départementale des notaires d'Ille-et-Vilaine ou son délégué pour la poursuite des opérations de partage, et désigne le(la) président(e) du tribunal judiciaire de Saint-Malo en qualité de juge commis pour surveiller lesdites opérations,
Dit que les dépens de première instance et d'appel seront employés en frais privilégiés de partage,
Rejette les demandes au titre des frais irrépétibles d'appel,
Rejette toutes autres demandes.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE