3ème Chambre Commerciale
ARRÊT N°452
N° RG 19/08390 - N° Portalis DBVL-V-B7D-QLT2
SA CREDIT MUTUEL FACTORING
C/
Me [Y] [U]
GROUPE [R] EUROPE
M. [E] [R]
[R] COMMUNICATIONS & INDUSTRIES
S.C.P. BTSG
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me AMOYEL VICQUELIN
Me VERRANDO
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 20 SEPTEMBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,
Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,
Assesseur : Monsieur Dominique GARET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Julie ROUET, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 27 Juin 2022 devant Monsieur Alexis CONTAMINE, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 20 Septembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
SA CREDIT MUTUEL FACTORING, anciennement dénommée CM-CIC FACTOR, elle-même précédemment dénommée FACTOCIC, (département CREDIT MUTUEL FACTOR), prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 14]
[Adresse 14]
[Localité 11]
Représentée par Me Amélie AMOYEL-VICQUELIN de la SELARL AB LITIS / PÉLOIS & AMOYEL-VICQUELIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Olivier DROUOT de la SELARL ROULOT, DROUOT.ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS :
Maître [Y] [U] ès qualités de mandataire liquidateur de la SASU GROUPE [R] EUROPE et de la SAS [R] COMMUNICATIONS & INDUSTRIES
[Adresse 1]
[Adresse 12]
[Localité 7]
Représenté par Me Marie VERRANDO de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS,Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me Karen LECLERC de la SELARL KALLIOPE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
S.A. GROUPE [R] EUROPE, immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 480 773 233, représentée par la société B.T.S.G et Maître [Y] [U], agissant en qualité de liquidateurs judiciaires de ladite société,
[Adresse 5]
[Localité 10]
Représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Karen LECLERC de la SELARL KALLIOPE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
Monsieur [E] [R]
né le [Date naissance 2] 1947 à [Localité 13] CANADA
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 13]
QUEBEC (CANADA)
N'ayant pas constitué avocat bien que régulièrement assigné par acte en date du 17 juin 2020
S.A.S. [R] COMMUNICATIONS & INDUSTRIES, immatriculée au RCS de Quimper sous le numéro 480 982 354, représentée par la société B.T.S.G et Maître [Y] [U], agissant en qualité de liquidateurs judiciaires de ladite société
[Adresse 8]
[Localité 6]
Représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Karen LECLERC de la SELARL KALLIOPE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
S.C.P. BTSG, prise en la personne de Me [C],es qualité de liquidateur judiciaire de la SASU GROUPE [R] EUROPE et de la SAS [R] COMMUNICATIONS & INDUSTRIES
[Adresse 3]
[Localité 9]
Représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Karen LECLERC de la SELARL KALLIOPE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
FAITS ET PROCÉDURE :
Le 29 mars 2005, la société [R] Communications & Industries (la société LCI), dirigée par la société Groupe [R] Europe (la société GLE), a conclu un contrat d'affacturage n°019776 avec la société Crédit Mutuel Factoring (le Crédit Mutuel), anciennement dénommée la société CM-CIC Factor, elle-même anciennement dénommée la société FactoCIC - département Crédit Mutuel Factor.
Aux termes de ce contrat, la société LCI a transféré diverses créances résultant des ventes et prestations facturées à ses acheteurs de France métropolitaine au Crédit Mutuel, et notamment celles qu'elle détenait à l'encontre de son principal client, la société Cassidian (désormais la société Airbus DS).
Outre un compte courant, plusieurs comptes ont été ouverts pour l'exécution du contrat :
- Un compte d'affacturage 'Domestique',
- Un compte d'affacturage 'Export',
- Un compte 'Compensation / Ajustement',
- Un fonds de garantie,
- Trois comptes de valeurs à disponibilité différée (ou réserves) :
- Une réserve de financement,
- Une réserve bis,
- Une réserve U.
Le 1er décembre 2011, la société LCI a été placée en redressement judiciaire, M. [U] et la société BTSG étant désignés mandataires judiciaires et M. [M] administrateur judiciaire.
Le 16 décembre 2011, le Crédit Mutuel a déclaré sa créance, pour la somme de 12.321.947,28 euros.
Par ailleurs, le 20 décembre 2011, la société GLE a été placée en liquidation, M. [U] et la société BTSG étant désignées liquidateurs.
Le 24 août 2012, M. [M], ès qualités, a rappelé au Crédit Mutuel qu'il avait déclaré sa créance pour cette somme et, pour tenir compte des règlements obtenus depuis de la part des clients cédés, l'a invité à donner le détail actuel du compte de la société dans ses livres. M. [U], ès qualités, a relancé le Crédit Mutuel sur ce point par lettre du 27 novembre 2012.
Le 30 novembre 2012, le Crédit Mutuel a actualisé sa créance pour la somme de 10.951,373,04 euros.
Le 7 décembre 2012, la procédure de redressement judiciaire a été convertie en liquidation judiciaire, M. [U] et la société BTSG étant désignés liquidateurs judiciaires.
Le 28 décembre 2012, la société BTSG, ès qualités, a contesté la déclaration de créance.
Le 25 janvier 2013, le Crédit Mutuel a maintenu sa déclaration de créance, actualisant le montant de sa créance à la somme de 2.325.163,44 euros.
Par ordonnance du 17 décembre 2019, le juge commissaire du tribunal de commerce de Quimper faisant valoir que la détermination de la créance et de son solde actualisé nécessitaient un examen au fond des opérations passées et contrepassées sur le compte de la société LCI, a :
- Invité la partie la plus diligente à mieux se pourvoir et à saisir la juridiction compétente.
Le Crédit Mutuel a interjeté appel à deux reprises le 31 décembre 2019. Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du 9 septembre 2021 sous le numéro 19/08390.
Le Crédit Mutuel a par ailleurs assigné la société GLE et M. [U] et la société BTSG, en leurs qualités de liquidateurs de la société GLE, en déclaration de l'arrêt à intervenir commun à la société GLE en sa qualité de dirigeant de la société LCI et à M. [U] et la société BTSG, en leurs qualités de liquidateurs de la société GLE.
Les dernières conclusions au fond du Crédit Mutuel sont en date du 20 juillet 2020. Les dernières conclusions de la société LCI, de M. [U], ès qualités, et de la société BTSG, ès qualités, sont en date du 17 mai 2022. Les dernières conclusions de la société GLE, de M. [U], ès qualités, et de la société BTSG, ès qualités, sont en date du 15 juillet 2020.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 mai 2022.
Par conclusions de procédure du 7 juin 2022, le Crédit Mutuel a demandé, à titre principal, le rejet des dernières conclusions et pièces de la société LCI, de M. [U], ès qualités, et de la société BTSG, ès qualités, et, à titre subsidiaire, la révocation de l'ordonnance de clôture.
Les parties ont par la suite de nouveau conclu au fond.
Sur la recevabilité des conclusions et pièces du 17 mai 2022 :
Le principe de la contradiction doit être observé à tout stade de la procédure, tant par les parties que par le juge :
Article 15 du code de procédure civile :
Les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.
Article 16 du code de procédure civile :
Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.
Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.
Ainsi, après l'ordonnance de clôture, le parties ne sont plus recevables à déposer des conclusions ou produire des pièces :
Article 802 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicables en l'espèce :
Après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office.
Sont cependant recevables les demandes en intervention volontaire, les conclusions relatives aux loyers, arrérages, intérêts et autres accessoires échus et aux débours faits jusqu'à l'ouverture des débats, si leur décompte ne peut faire l'objet d'aucune contestation sérieuse, ainsi que les demandes de révocation de l'ordonnance de clôture.
Sont également recevables les conclusions qui tendent à la reprise de l'instance en l'état où celle-ci se trouvait au moment de son interruption.
Doivent également être déclarées irrecevables les conclusions et pièces tardives, c'est-à-dire celles produites très peu de temps avant la clôture de la mise en état dans des conditions ne permettant pas le respect du principe de la contradiction.
La société LCI, M.[U], ès qualités, et la société BTSG, ès qualités, ont conclu le 17 mai 2022.
Aux termes de ces conclusions litigieuses ils ont :
- émis un nouveau moyen relatif à l'irrecevabilité de l'appel du Crédit Mutuel,
- répondu à l'argumentation du Crédit Mutuel relative à l'existence et au montant de sa créance en amendant très largement son moyen relatif à l'insuffisance probatoire de la banque,
- produit 18 nouvelles pièces.
Ainsi, la société LCI, M. [U], ès qualités, et la société BTSG, ès qualités, en plus de développer un nouveau moyen et de répondre à l'argumentation de l'intimée, ont produit de nouvelles pièces susceptibles d'être déterminantes dans l'appréciation de l'existence et du montant de la créance litigieuse. De telles pièces devaient pouvoir être discutées par le Crédit Mutuel ce qui, au vu de la date de leur communication, n'était pas envisageable.
Il convient en outre d'observer que les parties connaissaient le jour du prononcé de l'ordonnance de clôture depuis le 17 février 2022, date de l'avis de fixation délivré aux parties par le conseiller de la mise en état. De surcroît, le Crédit Mutuel avait déposé ses dernières conclusions le 20 juillet 2020, laissant aux intimés quasiment deux ans pour répliquer.
Ces derniers ne pouvaient donc pas, sans méconnaître le principe de la contradiction énoncé supra, déposer des conclusions et produire des pièces à seulement deux jours de la clôture.
Il y a lieu de déclarer irrecevables les conclusions et pièces communiquées le 17 mai 2022 par la société LCI, M. [U], ès qualités, et la société BTSG, ès qualités.
Sur la révocation de l'ordonnance de clôture :
L'ordonnance de clôture ne peut être révoquée qu'au cas où une cause grave s'est révélée après qu'elle a été rendue :
Article 803 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable en l'espèce :
L'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue ; la constitution d'avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation.
Si une demande en intervention volontaire est formée après la clôture de l'instruction, l'ordonnance de clôture n'est révoquée que si le tribunal ne peut immédiatement statuer sur le tout.
L'ordonnance de clôture peut être révoquée, d'office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après l'ouverture des débats, par décision du tribunal.
En l'occurrence, le dépôt des conclusions et pièces litigieuses est intervenu le 17 mai 2022, soit deux jours avant que l'ordonnance de clôture soit rendue. Il n'est ainsi justifié d'aucune cause grave postérieure à l'ordonnance de clôture justifiant sa révocation. La demande de révocation formée par le Crédit Mutuel sera rejetée.
Les conclusions au fond postérieures à l'ordonnance de clôture ne seront pas prises en compte.
Les dernières conclusions du Crédit Mutuel à prendre en compte sont celles du 20 juillet 2020. Les dernières conclusions de la société LCI, M. [U], ès qualités, et la société BTSG, ès qualités, à prendre en compte sont celles du 26 juin 2020, et celles de la société GLE, M. [U], ès qualités, et la société BTSG, ès qualités, du 15 juillet 2020.
PRÉTENTIONS ET MOYENS :
Le Crédit Mutuel demande à la cour de :
- Ordonner la jonction des instances enrôlées sous les numéros de RG 19/08390 et 20/00001 avec l'assignation en déclaration d'arrêt commun délivrée à la société GLE, ès qualités de dirigeant de la société LCI, et de la société BTSG et M. [U], ès qualités,
- Déclarer l'arrêt à intervenir commun à la société GLE, ès qualités de dirigeant de la société LCI, et de la société BTSG et M. [U], ès qualités,
- Débouter la société LCI, la société BTSG et M. [U], ès qualités, de leur demande tendant à voir déclarer irrecevable l'appel interjeté par le Crédit Mutuel,
- Recevoir le Crédit Mutuel en son appel et l'y déclarer bien fondé,
Ce faisant :
- Infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance,
Statuant à nouveau :
- Débouter la société BTSG et M. [U], ès qualités, de toutes prétentions, fins et conclusions contraires aux demandes du Crédit Mutuel,
- Débouter la société LCI et toutes autres parties, de l'intégralité de ses prétentions et, en tout état de cause, de toutes prétentions, fins et conclusions contraires à celles du Crédit Mutuel,
- Admettre au passif de la liquidation judiciaire de la société LCI la créance déclarée par le Crédit Mutuel, à hauteur de la somme de 12.321.947,28 euros puis actualisée à la somme de 1.564.099,92 euros arrêtée au 27 mai 2019,
- Débouter la société GLE, la société LCI, et la société BTSG et M. [U], ès qualités, de leur demande formulée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner solidairement la société BTSG et M. [U], en leur qualité de liquidateur de la société LCI, à payer au Crédit Mutuel la somme de 5.000 euros, outre tous dépens, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La société LCI, M. [U], ès qualités, et la société BTSG, ès qualités, demandent à la cour de :
- Dire l'appel irrecevable à défaut d'avoir été introduit et soutenu dans les conditions des articles 84 et suivants du code de procédure civile,
En toute hypothèse :
- Dire l'appel non fondé et le rejeter,
- Confirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions,
- Rejeter l'ensemble des demandes du Crédit Mutuel,
- Condamner le Crédit Mutuel aux dépens et à la somme correspondant aux frais exposés dans le cadre de la présente affaire par la liquidation judiciaire de la société LCI et estimés à ce jour à 5.500 euros.
La société GLE, M. [U], ès qualités, et la société BTSG, ès qualités, demandent à la cour de :
- Constater l'absence d'élément caractérisant l'évolution du litige,
En conséquence :
- Déclarer irrecevable l'appel en intervention forcée de la société GLE, de M. [U], ès qualités, et de la société BTSG, ès qualités, faute d'évolution du litige impliquant cette mise en cause,
- Débouter le Crédit Mutuel de sa demande tendant à la jonction des instances et à déclarer commun l'arrêt à intervenir et en toute hypothèse la juger infondée,
- Rejeter l'ensemble des demandes du Crédit Mutuel et ordonner la mise hors de cause de la société GLE, de M. [U], ès qualités, et de la société BTSG, ès qualités,
- Condamner le Crédit Mutuel aux dépens dont distraction et à verser à la société GLE la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.
DISCUSSION :
Sur la recevabilité de l'appel :
Les ordonnances du juge commissaire sont susceptible de recours de la part du créancier, du débiteur ou du mandataire judiciaire :
Article L624-3 du code de commerce :
Le recours contre les décisions du juge commissaire prises en application de la présente section est ouvert au créancier, au débiteur ou au mandataire judiciaire.
Toutefois, le créancier dont la créance est discutée en tout ou en partie et qui n'a pas répondu au mandataire judiciaire dans le délai mentionné à l'article L. 622-27 ne peut pas exercer de recours contre la décision du juge-commissaire lorsque celle-ci confirme la proposition du mandataire judiciaire.
Les conditions et les formes du recours prévu au premier alinéa sont fixées par décret en Conseil d'Etat.
L'ordonnance par laquelle le juge commissaire qui se déclare incompétent ou constate l'existence d'une contestation sérieuse est susceptible d'appel :
Article R624-5 du code de commerce, dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er septembre 2017 et applicable en l'espèce :
Lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent ou constate l'existence d'une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré à cette fin, à peine de forclusion à moins d'appel dans les cas où cette voie de recours est ouverte.
Les tiers intéressés ne peuvent former tierce opposition contre la décision rendue par la juridiction compétente que dans le délai d'un mois à compter de sa transcription sur l'état des créances.
En l'espèce, le juge commissaire a retenu que la détermination de la créance et de son solde actualisé nécessitait un examen au fond des opérations passées et contrepassées sur le compte de la société LCI. Il a ainsi retenu que la contestation dépassait les pouvoirs qui sont les siens et a invité la partie la plus diligente à saisir le juge compétent, c'est à dire le juge du fond compétent pour connaître du fond du dossier.
Cette décision par laquelle le juge commissaire a retenu l'existence d'une contestation sérieuse n'est pas une décision d'incompétence matérielle au sens des articles 84 et suivants du code de procédure civile.
Il en résulte que l'appel contre cette décision ne relève pas de la procédure d'appel dérogatoire en matière de recours contre les jugements statuant exclusivement sur la compétence prévue aux articles 84 et suivants du code de procédure civile.
Il y a lieu de rejeter la demande d'irrecevabilité formée par les sociétés LCI et M. [U] et la société BTSG, ès qualités.
Sur la recevabilité de l'intervention forcée :
Un tiers peut être mis en cause afin que la décision à intervenir lui soit rendue commune :
Article 331 du code de procédure civile :
Un tiers peut être mis en cause aux fins de condamnation par toute partie qui est en droit d'agir contre lui à titre principal.
Il peut également être mis en cause par la partie qui y a intérêt afin de lui rendre commun le jugement.
Le tiers doit être appelé en temps utile pour faire valoir sa défense.
L'intervention forcée en appel aux fins de condamnation nécessite que l'évolution du litige la justifie :
Article 555 du code de procédure civile :
Ces mêmes personnes peuvent être appelées devant la cour, même aux fins de condamnation, quand l'évolution du litige implique leur mise en cause.
Cet article est applicable lorsqu'une partie ne demande pas la condamnation du tiers et se limite à l'assigner en déclaration d'arrêt commun.
En l'espèce, le Crédit Mutuel n'établit pas en quoi l'évolution du litige implique l'intervention forcée de la société GLE et de M. [U] et la société BTSG, ès qualités de liquidateurs judiciaires de la société GLE. Le Crédit Mutuel fait simplement valoir que la société GLE est la dirigeante de la société LCI mais n'indique pas en quoi le première pourrait être concernée par les dettes de la seconde.
Le circonstance, d'une part, que M. [U] et la société BTSG interviennent déjà à la procédure en qualité de liquidateurs judiciaires de la société LCI et, d'autre part, que la société GLE soit la dirigeante de la société LCI, est indifférente.
Le fait que, le 20 décembre 2011, la société GLE ait été placée en liquidation judiciaire ne caractérise pas l'évolution du litige requise par la loi. Cet élément est intervenu avant la première instance et ne modifie pas les données du litige.
La demande de déclaration d'arrêt commun formée par le Crédit Mutuel sera rejetée.
Il y a lieu d'ordonner la mise hors de cause de la société GLE et de M. [U] et la société BTSG, en leur qualité de liquidateurs judiciaires de la société GLE.
Sur la jonction :
Le juge peut joindre des litiges entre lesquels il existe un lien tel qu'il est de bonne justice de les juger ensemble :
Article 367 du code de procédure civile :
Le juge peut, à la demande des parties ou d'office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s'il existe entre les litiges un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble.
Il peut également ordonner la disjonction d'une instance en plusieurs.
Le Crédit Mutuel demande la jonction à la présente instance de l'assignation en déclaration d'arrêt commun délivré à la société GLE et ses liquidateurs.
Ces assignations n'ont pas fait l'objet de l'ouverture d'une procédure au rôle de la cour d'appel. La demande de déclaration d'arrêt commun a été examinée supra. Cette demande de jonction, sans objet, sera en tout état de cause rejetée.
Sur l'admission de la créance :
Le juge commissaire saisi d'une demande d'admission peut admettre la créance, la rejeter, constater qu'une instance est en cours ou qu'il est incompétent pour connaître de la contestation qui lui est soumise. En cas de contestation sérieuse, il doit inviter une des parties à saisir la juridiction compétente :
Article L624-2 du code de commerce, dans sa rédaction en vigueur du 1er juillet 2014 au 1er octobre 2021 et applicable en l'espèce :
Au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l'absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission.
Article R624-5 du code de commerce, dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er septembre 2017 et applicable en l'espèce :
Lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent ou constate l'existence d'une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré à cette fin, à peine de forclusion à moins d'appel dans les cas où cette voie de recours est ouverte.
Les tiers intéressés ne peuvent former tierce opposition contre la décision rendue par la juridiction compétente que dans le délai d'un mois à compter de sa transcription sur l'état des créances.
Le juge-commissaire doit admettre la créance pour le montant existant au jour du jugement d'ouverture, sans tenir compte des paiements ou des remises qui auraient eu lieu ultérieurement. Il ne lui appartient pas, dans le cadre de la vérification du passif, de procéder lui-même à la compensation pour ne fixer la créance déclarée qu'à la somme due une fois la compensation opérée. Une telle compensation entacherait l'ordonnance d'irrégularité.
En l'espèce, le 16 décembre 2011, le Crédit Mutuel a déclaré sa créance, d'une somme de 12.321.947,28 euros, décomposée comme suit :
- 12.312.143,71 euros au titre des encours du compte d'affacturage,
- 9.803,57 euros au titre du minimum de commission (article 21 de l'avenant n°4).
Il a en outre indiqué que les sommes suivantes, d'un montant global de 2.084.116,94 euros, pourraient éventuellement venir en compensation :
- 1.245.489,96 euros au titre du fonds de garantie,
- 838.626,98 euros au titre des comptes de valeurs à disponibilité différée.
Le 30 novembre 2012, le Crédit Mutuel a actualisé le montant sa créance, mais cette seconde déclaration n'a fait que répondre à une demande d'actualisation de sa créance pour tenir compte des éventuels paiements survenus après l'ouverture de la procédure. Cette déclaration de créance n'est pas pertinente quant à son montant pour apprécier le montant des créances dont se prévaut le Crédit Mutuel à la date d'ouverture de la procédure collective.
Si, aux termes de leur première lettre de contestation du 28 décembre 2012, la société LCI et ses liquidateurs judiciaires ont d'abord contesté la créance sur plusieurs aspects, de forme comme de fond, ils ont abandonné la majeure partie de leurs griefs devant le juge commissaire.
Il résulte des conclusions respectives des parties que la discussion porte en grande partie sur les sommes venues en compensation de la créance postérieurement au jugement d'ouverture.
En effet, tout au long de la procédure, les parties ont fait état de nombreux paiements et compensations intervenus postérieurement au 1er décembre 2011 afin de réduire le montant de la créance à admettre au passif de la société LCI. Une telle réduction ne relève pas de l'office du juge commissaire, tel qu'il a été rappelé supra.
C'est sur le montant de la créance telle qu'elle existait au jour du jugement d'ouverture que le juge commissaire devait se prononcer. Il ne lui appartenait pas d'apprécier l'existence ou le bien fondé des paiements ou de l'affectation de ces paiements réalisés postérieurement au jugement d'ouverture. Il ne pouvait donc pas fonder sa constatation d'une contestation sérieuse sur ces éléments.
L'ordonnance sera infirmée.
Il n'en demeure pas moins que c'est au Crédit Mutuel qu'il revient de justifier de sa créance à la date de l'ouverture de la procédure collective.
Le jugement d'ouverture de la procédure a été rendu le 1er décembre 2011. Il convient d'apprécier le montant de la créance à 0h00 de ce jour, soit le 30 novembre 2011 à 24h00.
À cette date, le solde du compte courant de la société LCI était nul.
Afin de justifier de sa créance, le Crédit Mutuel produit les relevés des comptes d'affacturage. Au 30 novembre 2011 à 24h00, ces comptes affichaient les soldes suivants :
- Un solde débiteur d'une somme de 12.207.571,67 euros s'agissant du compte d'affacturage 'Domestique',
- Un solde débiteur d'une somme de 196.346,12 euros s'agissant du compte d'affacturage 'Export',
- Un solde débiteur d'une somme de 19.073,14 euros s'agissant du compte 'Compensation / Ajustement'.
La société LCI ne conteste pas sérieusement ces montants, indiquant tout au plus qu'elle ne les comprend pas trés bien. Ses contestations portent presque exclusivement sur des évènements surevenus postérieurement à l'ouverture de la procédure collective.
Le Crédit Mutuel se prévaut en outre que la somme de 9.803,57 euros déclarée au titre de la commission minimale d'affacturage résulterait automatiquement de l'application de l'article 21 des conditions particulières du contrat tel qu'amendé par l'avenant n° 4 du 24 décembre 2009. La société LCI ne conteste pas sérieusement ce montant.
Le montant total de sa créance était donc de 12.432.794,50 euros.
En définitive, conformément à la demande du Crédit Mutuel, il y a lieu d'admettre sa créance à la somme qu'elle a déclaré, soit 12.321.947,28 euros.
Sur les frais et dépens :
Il y a lieu de rejeter les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de dire que les dépens d'appel seront pris en frais privilégiés de procédure.
PAR CES MOTIFS,
La cour :
- Déclare irrecevables les conclusions et pièces communiquées au fond le 17 mai 2022 par les sociétés [R] Communications & Industries et BTSG, en sa qualité de liquidateur de la société [R] Communications & Industries, et M. [U], en sa qualité de liquidateur de la société [R] Communications & Industries,
- Rejette la demande de révocation de l'ordonnance de clôture,
- Rejette les conclusions au fond déposées postérieurement à l'ordonnance de clôture,
- Rejette la demande d'irrecevabilité de l'appel formée par les sociétés [R] Communications & Industries, la société BTSG et M. [U] , en leur qualité de liquidateurs de la société [R] Communications & Industries,
- Met hors de cause la société Groupe [R] Europe et M. [U] et la société BTSG, mais seulement en leur qualité de liquidateurs de la société Groupe [R] Europe,
- Infirme l'ordonnance,
Statuant à nouveau :
- Admet la créance de la société Crédit Mutuel Factoring, anciennement dénommée la société CM-CIC Factor, elle-même anciennement dénommée la société FactoCIC, au passif de la liquidation judiciaire de la société [R] Communications & Industries à hauteur de la somme de 12.321.947,28 euros, à la date du 1er décembre 2011 à 0h00, à titre chirographaire,
- Rejette les autres demandes des parties,
- Dit que les dépens d'appel seront pris en frais privilégiés de la procédure collective.
LE GREFFIERLE PRESIDENT